
qu’elle eût acquis de la force , 8c qu*oti en- I
voyât en d’autres parties du monde, des navires
qui rapporteroient un égal nombre de blancs. Mal-
heureufement M. Jefferfon s'eft trouvé à Paris ,
& M. Whythe , en fa qualité de juge , n’a pu
affifter à l ’affemblée générale , lorfque le bill a
paffé ; la nouvelle loi de Virginie déclare feulement
3 qu’ il n’y aura plus d’efclaves dans cette
république, que ceux qui s’y font trouvés le premier
jour de la fèfllon de 1785 , 86 } 8c les
defcendans des femmes efclaves. On a très-bien
fait de défendre l’importation des efclaves ; mais
la nouvelle loi ne ftatue rien fur l’affranchiffe-
ment général : & fans en importer de nouveaux
le nombre de ceux qui s’y trouvent augmentera
tous les jours par leur réproduétion feule.
Si la population des blancs double tous le,%yingt
ans.3 celle des noirs augmente dans un^jpro-
portion plus grande encore.
Il ne faut pas croire que l’abfence de M.
Jefferfon & de M. Whythe, ait feule empéché
qu’on ne propofat l’émancipation. 11 fe trouvoit
à l’affemblée généralé des hommes allez çoura-
geux & affez honnêtes pourla demander, &affez
éclairés pour appuyer la proposition de toute
l’éloquence dont elle eft fufceptible, ( nous en
citerons un feu l, M. Maddilfon qui-à jo an$
étonne les nouvelles républiques par fon éloquence
, fa fagelfe 8c fon génie ) j mais ils ont
vu que la pluralité des membres du corps législatif
, n’étoit pas encore difpofée à une fi
belle révolution. Ils ont craint qu’ un effort inutile
ne refferrât les chaînes, de l’efciavage, & ne
reculât l’époque où on affranchiroit les nègres.
L ’homme eft un être bien étonnant. & bien in-
compréhenfible ! pour défendre fa liberté, il
foutre la fatigue, la faim, les coups de fou e t,
la prifon & la mort, & le moment d’après les
nobles fentimens qui l’ ont foutenu dans de cruelles
épreuves , ne font plus d’impreflion fur lui, 8c il impofe à d’autres’ hommes une fervitude
qui , dans la durée d’une heure , produit plus de
peines & de douleur, que l’affujettiffement contre
lequel il a pris les armes, n’en eût produit
dans des fiècles. Il faut donc attendre que le
progrès des. lumières 8c des fentimens de la juf-
tice naturelle, amène la réforme : & lorfqu’on
examine la force de raifon & l’humanité des
hommes d’éta t, qui, parleur influence perfon-
nelle & par leurs écrits, dirigent les confeils
des nouvelles républiques , on ne doute point,
que leur ame généreufe ne triomphe.de la cupidité
de leurs concitoyens. On regrette feulement,
que l’émancipation des efclaves n’ ait pas lieu
dans la ferveur de leur nouvel état : on eut
tranché d’ une manière plus nette les difficultés
du détail que préferiteraInexécution: .4ela réforme.
8.° Le comité demande qu’on aboliffe le
privilège du clergé ou le pardon , mais que fï
la fentence eft prononcée contre le défendeur ,
la cour puiffe en faveur des eccléfiaftiques accorder
une nouvelle inftrudfion.
Tous les hommes , & même les femmes,
jouiffent aujourd’hui de ce privilège réfervé aux
eccléfiaftiques. Dans la plupart desjcas, il exempte
de la peine capitale pour le premier délit ; 8c
c’ eft alors un pardon qu’accorde la loi. Dans les
autres cas , c’eft la puilfance exécutrice qui pardonne.
Mais lorfque les loix ont toute la douceur
qu’elles peuvent avoir» ces deux pardons
font abfurdes. Le principe de M. de Beccaria :
Les légiflateurs doivent éprouver le fentiment de la
pitié, mais il faut que les exécuteurs de la loi
foient inexorables , eft très fain. Quoique les an-
glois aient modifié le benefit o f clergy ; quoique
ce pardon de la loi arrête la trop grande févérité
du légiflateur, on eft étonné de retrouver une
pareille inftitution dans le code d’une nation
très-éclairée ; il eft néceffaire de réformer la ju-
rifprudence criminelle de la Grande-Bretagne fur
ce point. Blackftone a fait un chapitre fur le
benefit o f clergy ; il ne confeille pas de l’abolir,
mais le morceau eft d’ailleurs intéreffant & curieux.
9. ° Que les efclaves convaincus d’un délit
qui feroit condamner des hommes libres à une
maifon de force, foient tranfportés en Afrique,
ou ailleurs , où ils continueront à vivre dans-
l ’efclavage.,
10. ® Les commiffaires fe font occupés d’un-
autre objet bien important, celui de répandre les
lumières plus généralement parmi le peuple. L ’un
de leurs bills propofe de divifer chaque comté
en diftriéls de cinq ou fîx milles quarrés, 8c
d’ établir dans chacun une école de le&ure,
d'écriture & d’arithmétique. Le maître feroit
entretenu par le diftriâ:, & il inftruiroit trois
ans gratis les enfans de chacun des habitans. L’inf-
pe&eur de ces différentes écoles choifiroit annuellement
le fujèt qui annonce le plus de <dif-
pofitions parmi les pauvres, & il l’enverroit à
un des vingt collèges, qu’on projette d’établk» 8c où on enfèigneroit le grec, le latin , la géographie
8c les parties les plus compliquées de la
fcience du calcul. Toutes les années, ou tous
les deux ans, on examineroit les fujets ainfi entretenus
par leurs paroiffes dans les ^collèges. Le
plus habile pourroit y relier fix années de plus,
& on renverroit les autres- On tireroit ainfi chaque
année de là foule vingt des jeunes gens les
plus diftingués , & on perfeélionneroit leur éducation
aux dépens du public. Au bout de leurs
fix années on reqverroit la moitié de ces bour-
fiers, qui fourniroient vraifemblablement des maîtres
aux écoles 7 & l’autre moitié, c’eft-à-dire
ceux qui feraient les plus, habiles , feroient placés
dans le collège de Guillaume & Marie3 ou ils
s’ocGuperoient, pendant trois ans, de l’étude des
fciences qui feroîent le plus de leur goût. L e
comité renvoie aux infpeéteurs des écoles, les déj
çails.relatifs aux étud es,& à la.manière de formel»
refprît & le cara&ère qu’exige le gouvernement
de là Virginie. C e plan a beaucoup d’avantages,.
& comme il a pour but de rendre le peuple gardien
de la liberté, 8c de 1 inftruire de tout ce
qui peut lui infpirer de l’amour & du refpeét
pour la conftitution, il mérite les plus grands
éloges. S’il peut s’exécuter, il faudra corrompre
tout le peuple pour attenter à la conftitution,
& cette abominable entreprife ne fera pas aifee.
Tous les autres points de la jurifprudence
civile & criminelle , font traités avec la meme
fageffe. Infpirés par le noble fentiment de la
liberté & par la commifération, cette belle
vertu qui devroit fe trouver dans le coeur de tous
les légiflateurs, on lit leur ouvrage avec atten-
driffement. Ils connoiffent fi parfaitement les
droits de l’homme & l’organifation des focietes ;
leur efprit fupérîeur a fi bien faifi les moyens
de rendre les hommes juftes & bons, que ce
premier effai fervira de modèle à tous les peuples
qui, voudront réformer leur légiflation. Il
en eft peu qui foient dans le cas dé 1 adopter
complettement, mais il n’en eft aucun qui ne doive
en adopter l’efprit. La plupart des loix propo-
fées par M . Jefferfon & M. W h y t h e c o n viennent
à toutes les républiques de 1 union
américaine, & sûrement elles en profiteront.
Mais quelques-unes de ces loix paroinent fufcep-
tibles encore d’un plus grand degré de perfection
; & les affemblées légiflatives de chaque
province s’occupant fans ceffe de leur legifia-
tio n , rien n’eft fi facile que d’ajouter ou de
changer des articles à celles qui' fe trouveront
imparfaites. Nous oferons propofer ici diverfes
réflexions, qui peut-être ne feront pas inutiles.
Pour former de fages loi** civiles î pour les
approprier heureufement à la pofition 8c aux
circonftances où fe "trouve une peuplade, il
Faut un travail & des combinaifons fi multipliées,
une connoiffance fi exaête 8e fi parfaite
de là nation à laquelle on les deftine » qu’ un
étranger doit prefque toujours fe défier de fes
vues. Mais il y a des principes généraux qûi
font indépendans des moeurs & des climats, 8c
dont tout le monde peut fentir l’exa&itude.
Il eft néceffaire , par exemple, de proportionner
fa vénération & fon refpeét à la valeur des
chofes , & il eft fâcheux de voir les Etats-
Unis fi refpeétueux pour le code des loix civiles
de la Grande-Bretagne. Un écrivain célèbre
parle ainfi de ce code.
« Comme le gouvernement anglois n’ eft qu’une
« réforme de ce gouvernement féodal qui ayoit
« opprimé toute l’Europe ^ il çn a conférvé béau-
» coup d’ufages, qui n’ étant dans l’origine que
» des abus de l’efclavage , font plus fenfibles
»» encore par leur contrafte avec la liberté , que
y le peuple a recouvrée. On a donc été forcé
: » de joindre les loix qui laiffoient beaucoup de
» droits à Ta nobleffe, avec les loix qui modi-
» fient, diminuent , abrogent, ou mitigent ces
« droits féodaux. De-là tant de loix .d’excep-
» tion pour une loi de principe ; tant de loix
« interprétatives pour une loi fondamentale j
« tant de loix nouvelles qui font contraires aux
« loix anciennes. Audi convient-on qu’il n’y a
« peut-être pas dans le monde entier, un code
» aufli diffus, aufli embrouillé , que celui des
» loix civiles de la Grande-B-retagne. Les hom-
« mes les plus fages de cette nation éclairée ,
» ont fpuVent élevé la voix contre ce défordre.
« Ou leurs cris n’ont pas été écoutés, ou les
» changemens qui font nés de cette réclama-
« tion , n’ont fait qu’augmenter la confufion.
Ces obfervations font très-fortes, mais il én
eft d’autres plus frappantes encore, & il feroit
malheureux que les Etats-Unis n’en profitaffent
point. Pourquoi donc tant de réferve fur les loix
civiles, après avoir montré une hardieffe fi efti-
mable dans leurs c'onftitutions ? Penferoient - ils
que les conftitütions fuffifent à leur bonheur?
Ils fe tromperoicnt. Les loix civiles forment le
caractère 8c la moralité d’ un peuple plus que
la conftitution. Et il n’eft pas aifé de concevoir
le danger qu’a vu l’affemblée générale de Virginie
, dans la rédaction d’un code tout - à - fait
nouveau. Sans doute , il faut profiter des bonnes
loix de l’Angleterre, comme il faut adopter
les règl'emens utiles qu’on trouve dans quelque
pays du monde que ce fo i t , ou dans les écrits
de l ’homme le plus obfcur ; 8c fi c’eft la longueur
ou la difficulté du travail qui arrêtent les
américains, le tems eft à leur difpofition. Le
projet-qui adopte pour bafe du cod e , la révifion
de celuidela Grande-Bretagne, n’offre-t-il pas des
inconvéniens de toute efpèce ? D ’après cette
première réfolution ne fera-t-on pas moins fcru-
puleux fur les abus de telle loi ? Enfuite les
loix ne pouvant prévoir tous les ca s , les tribunaux
& les affemblées légiflatives des Etats- Unis ,
auront foüvent à terminer des affaires civiles ,
fur lefquelles la légiflation n’aura rien prononcé $
& puisqu’on veut réduire les loix 4à un petit
volume, ils auront plus de ces fortes d’affaires
à terminer que dans les autres pays. Que fera-
t-on alors? On confulterale code de la Grande-
Bretagne, & les jürifconfuites qui, même dans les
pays libres , aiment plus la chicane que la
liberté , exciteront chaque jour les juges , à tirer
leurs décifiôns d’un recueil flétri par la baffe
foumiffion de plufîeurs parlemens auffi vils que
le fénat de Rome fous les empereurs 5 où l’on
trouve les loix extravagantes 8c cruelles publiées
fous le règne de Henri y III î où l’on
voit entaffés pêle-mêle ces beaux règlemens publiés
en faveur de la liberté depuis Charles I ec,
& ces déteftables ordonnances que la* tyrannie
imagina au milieu d’un fiècle barbare ; car,
à la honte de l’Angleterre, aucune de ces loix
n’eft abolie*, elles déshonorent fon code ; & li