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màlheuFeufe foliation, la première viiîtime de
leurs fureurs.
Il paroit que, vers Tan 54y, Gênes étoit fou-
mife a des ducs ou comtes particuliers : on ignore
s'ils étoient indépendans ou vaffaux , ou Amplement
lieutenans des empereurs de Conftantino-
ple. On eft tenté de croire qu'ils étoient lieutenans
des empereurs 5 car les gouverneurs, que
ces empereurs mettoient dans la plupart des villes
d'Italie, comme Turin, Naples, &c. por-
toient alors le nom de ducs. Pépin lui donna des
gouverneurs fous le nom de comtes , qui y commandèrent
l'èfpace d'environ un fiècle : ces comtes
étoient héréditaires, & il y a apparence que
Pépin leur avoit donné Gênes en fief, & qu'il
ne fe réferva que la fuzeraineté.
Gênes profita de la foibleffe des fucceffeurs de
Charlemagne en Italie : elle fe rendit indépendante
vers le commencement du dixième fiècle,
& elle créa des confüls', dont le nombre ,
d'abord illimité , varia toujours félon les cïrcçnf-
tances. C'eft à cette époque que Gênes devint
une république. A peine avoit^elle recouvré fa
liberté , qu'elle fut f^ccagée & prefque ruinée de
fond en comble par les farràfins, qui voulurent
fe venger de ce qu'elle leur avoit enlevé la Corfe.
Ce défaftre, qui étoit le troilïème ouïe quatrième
delà même efpèce, arriva vers l'an 936.
Elle fe rétablit en peu de temps, & elle obtint
en pfS de Berenger II & d'Adalbert fon fils ,
alors roi d'Italie , un a été d'indépendance, daté
de Pavie , qui la confirmoît dans fes poffefllons
& privilèges, & fur-tout dans le droit de fe gouverner
elle-même. En i o i f , fes citoyens firent
un traité d'alliance avec les pifans, & les aidèrent
dans plufieurs expéditions contre les farra-
fins établis en Sardaigne. Ils les châtièrent de
cette ifle, & y formèrent divers établiffemens.
Ce fut l'origine des longues querelles de Gênes
avec Pife 5 querelles qui ne fe terminèrent, après
une longue fuite d'inimitiés, de guerres, de combats
, & de fuccès alternatifs entre les deux républiques
, que par la ruiné de Pife, .qui fut
prefqu’entiérement détruite par les génois en 1284.
Les deux peuples fe battirent fur terre & fur
mer, en Italie & dans le levant, avec tout l’acharnement
que la haine & la jaloufie peuvent
inlpirer à des rivaux.
Les croifades mirent une efpèce de trêve aux
fureurs de ces deux peuples. Les génois fe couvrirent
de gloire dans l’orient en 1097, 1098, 1.099.,
ïioo, &c. Ils contribuèrent à la prife de Jérufalem,
de Céfarée & d'autres villes , & ils rendirent
les plus grands fervices à G.odefroi de Bouillon ,
premier roi de Jérufalem, à Baudouin I fort frère
&: à leurs fucceffeurs, & ils obtinrent des privilèges
& des établiffemens avantageux, Telle fut
l’origine des poffeffions que Gênes acquit dans
\t levant., & du commerce immenfe qu'ils” y firent
par la fuite. Ces expéditions furent, par
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leur fage conduite, la fource de leur opulence.'
& de leur bonheur, tandis qu’elles furent fi rui-
neufes pour la plupart des autres nations.
Après les croifades, Gênes & Pife recommencèrent
la guerre avec une .nouvelle ardeur j les
pifans prétendoient avoir autant de droits que les
génois fur la C o r fe , 8c ils firent plufieurs tentatives
fur cette ifle. Plufieurs papes avoient en
vain effayé d’appaifer leurs différends. Enfin Innocent
II > plus heureux, parvint, en 1133a pacifier
les deux peuples.
Les génois ne négligeoient aucune occafion de
s'agrandir ; ils étendirent fucceffivement leur domination
fur le marquifat de-Final, le comté de
N i c e , une partie du Piémont, Monaco, & c ;
& de l'autre côté de leur rivière, fur Lerice ±
Sarzane, Livourne, 8c une partie de la Luné-
giane. Ils conquirent plufieurs ifles & villes du
levant & de la Cherfonnefe-Taurique ou de la
Crimée. Les turcs leur enlevèrent ces établiffemens
dans le cours du quinzième fiècle ; leurs pof-
feflions en Syrie leur avoient été enlevées par les
farrafins , lors des défaftres des chrétiens dans
cette contrée, & les ducs de Savoie, les florentins
8c autres états voifïns ne tardèrent pas à
les dépouiller en Europe. En 114 6 , ils firent di~
verfes expéditions, toutes fort heureufes, contre
les maures d’Efpagne 8c d'Afrique j ils en rapportèrent
un butin immenfe. Les familles, con-
fidérables par leurs richeffes, leur puiffance 8c
leurs poffeffions , ou illuftrées par leurs exploits
en orient, par les grands emplois, 8c les premières
magiftratures qu'elles rempliffoient dans
leur patrie , s'arrogèrent Ja nobleffe pour fe distinguer
du commun des citoyens.
Cette république vit commencer, au douzième
fiècle , ces troubles domeftiques, plus funèf-
tes cent fois pour elle que toutes fes querelles
avec les pifans 8c fes autres ennemis du-dehors»
Us eurent pour caufe .l'ambition * la jaloufie de
fes citoyens, l'envie qu'ils avoient de s'emparer
exclufîvement de l'adminiftration 8c des principales
places de l'état. Les premières diffentions s'élevèrent
entre les nobles, ou du moins entre les
familles qui étoient dépofitaires de l’autorité, ou
qui exerçoient les premiers emplois. Leurs longues
querelles firent place à celles des guelfes 8c
des gibelins, puis à celles des nobles 8c des populaires
, 8c enfin à celles des chefs des populaires
entr’eu x , qui fubfiftèrënt plus de quatre cens
ans. Un. des plus funeftes effets de ces troubles
civils, fut d'obliger les génois à changer fans
celle de forme de gouvernement, 8c fur - tout
de fe foumettre fouvent à des dominations étrangères.
La première révolution , opérée-par les diffen-
tions domeftiques de Gênqs, fut celle de 1190',
où l’on fubftitua un podeftàt étranger annuel aux
confuls : ces magiftrafcs furent cdnfervés; maison
les fubordonna au premier, & on borna lemss
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fondions au jugement des affaires civiles, 8c au ;
maintien de la police,intérieure; Les confuls re;
vinrent fur lafcène; ils en difparurent pour toujours
en 1 19 4 , 8c les podeftats^étrangers furent
irrévocablement mis en poflcflion de l’autorité
fuprême j mais avec un confeil compofe des principaux
citoyens de la ville. Ces podeftats, ou
prêteurs étrangers annuels fubfiftèrënt près de
foixante 8c dix ans En 1216 les génois-, las dp
tous ces changemens infructueux pour leur repos
, nommèrent cinq juges étrangers, qui, ayant
chacun un quartier de la ville dans leur département
, y exercèrent l’autorité fupr-eme, fans
dépendre l’un de l’autre. C e gouvernement fin-
gnlier dura p eu, 8c l’on rétablit les podeftats.
En 1228 , la guerre s’étoit élevée dans le lev
ant, entre les génois & les vénitiens i au fujet
de quelque» intérêts de commercé j mais le pape
Grégoire IX , qui avoit befo-in du fecotirs des
derniers , appaifa ces différends en 1238. Le ref-
fentîment de Frédéric donna bien plus d-’ allarmes
aux génois. Ses flottes s'emparèrent de-la mer de
Ligurie', troublèrent leur navigation 8c ■ léur
Commerce- les tinrent plufieurs1'fois bloques dans
leur capitale, 8c les réduifirent aux plus grandes
extrémités. j' . ■ r / 1
' Il y eut en 1257 une'nouvelle révolution. Le
peuple, las d’être opprimé par les nobles qui
s’étoient emparés exclüfivement de toutes les
charges, fe foulëva , prit les armes, chaffa le
podèftat, 8c fe créa un nouveau chef tire de fori
corps , fous le nom de capitaine du peuple| -Les
'nobles s’emparèrent bientôt dé cette nouvelle dignité
3 qui Lut prefque toujours au pouvoir des
Spinola 8c dès Doria, chefs des gibelins , dont
la faérion devint fucceffivement plus puiffante que
celle des guelfes.
L'année d’après , la guerre reaomménça entre
Gênes 8c Venilë dans le levant, à la fuite d’une
légère querelle de leurs marchands. Les géno?s
reçurent à Acre plufieurs échecs. Le pape (Alexandre
IV , qui méditoit line nouvelle croifade , où
il vouloir faire entrer les deux républiques', s‘em-
préffa de les réconcilier. Mais cette paix ne fut
pas de longue durée , 8c la guerre fe ralluma en-
tr’ elles en 12 6 1 , . avec plus de fureur qu’ aupara-
vant. Défaits dans le levant ert 126^, les génois
remportèrent à leur tour, l’année d’ après j tirië
victoire fignaléë fur les vénitiens. Les deux républiques
firent la paix fen 116y.
' Cette paix ramena lés troubles domeftiques
dans Gênes. Quatre puiffantes familles nobles, le s .
Spinola 8c tes Doria , chefs des gibelins j les Fiëf-
ques 8c les Grimaldi, chefs de la faélion oppo-
f*e , fe battirent pendant plus de douze années.
Us fe çhaffêrent 8c s’emparèrent alternativement
de Gênes y du gouvernement , ainfi que de la
placé de capitaine' du peuple. En 1273, ^es
fe s , vaincus 8c bannis , firent de vains efforts
pour foumettre la ville aux loix de Charles I
G Ê N yaj
diAnfoilïj roi de Nap les , qui, après beaucoup
de tentatives inutiles, renonça à ce vain projet,
& rePpefta la liberté de Cites. Ses difienuons
domeitiques n’étoient pas encore appaifces, quelle
fe vit forcée de reprendre^ les. armes contre les
pifans, qui .avoient fouleyé la Corfe en 1102. s
mais la défaite mémorable de leur flotte, le 6
août 1284, affura pour jamais la fupériorité des
génois, & porta un fl funette coup a la fupetbe
rivale1 de Gênes, qu'elle ne put s'en relever. La
ruine du port de P ife , en 1290 ,, acheva de met,
tre le comble aux malheurs de cette république,
& dé hâter fa décadence.
Gênes , viétorieufe & comblée .de gloire, n en
étoit guère plus heureufe. Les querelles des guel»
fes & des gibelins, que cette guerre avoit af-
foupies, fe réveillèrent en 1289. J.es chefs des
derniers avoient prefque toujours.été triomphons
jufqu'âlors ; ils avoient forcé leurs ennemis de
fortir de la v ille , & ils étoient feuls en poflef-
: flou de toute l’autorité. Pour tromper le peuple,
& lui lai (Ter, en l'opprimant, une ombre de liberté,
ils avoient créé en 127,0 un nouveau mar
giftvat populaire:, fous le nora âtreSeur ou i ’M i
du peuple s qui n’étoit qu'une idole fans pouvoir j
& fous le nom duquel ils gouvernoient prefque
arbitrairement. Les guelfes trouvèrent le moyen
de rentrer dans Gênes, & de relever leur parti
-en .mettant la divifion parmi les chefs des gibelins
, 8c armant les Doria contre les Spinola.
Ceux ci furent vaincus 8c chaffés de Gènes à leur
tour. L'empereur-Henri V I I , qui paffa a Gênes
en 1311 , accommoda les deux partis. Charmes
de Tés vertus, 8c épris de la nouveauté toujours
chère aux inconftans citoyens de Gênes , ils fé
foümireht à lui pour vingt ans. Sa mort précipitée
, qui arriva l'année d'après, les replongea
bientôt dans l'abîme de maux dont ils éjpient à
peine fortis. Les Spinola , qui étoient feutrés
dans la ville à la fuite deTemçerenr , comme pre-
tefteurs de la Taftioii gibeline fe virent forcés
d'en fortir en 11514,'■ & de céder la place à leurs
ennemis, qui s'emparèrent du gouvernement &
de toutes les charges.
Le peuplé fe fouleva contre les nobles en
1339. 11 changea la forme du gouvernement ,
8t fe donna un' doge’, à l'exemple: de celui de
Venife , qn'il tira de Ton corps. Simon Bocca-
négra', de la même famille : que le premier capitaine
du peuple j homme rufe 8c artificieux, fe
fit élire par fes intrigues. Les complots des nobles
le forcèrent d'abdiquer en 1344. Il trouva
le moyen de reprendre cette dignité en 1356 ,
8c dé faire foulever fes concitoyens contre les
Vifconti ,• feigneurs de Milan, auxquels ils s'é-
toierit'fournis en 1353. Les nobles empoifonnè-
rent Simon -Boccanegra en 13^2 i mais ils. ne
.gagnèrent rien à fa mort : il eut des fucceffeurs
qui adoptèrent fon plan , 8c s occupèrent eonf-
tamment du- foin d'abailTer la noblelie- La fac