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un peuple j que ce peuple, pouf devenir nombreux
, fe f ît agricole 5 que dès-lors- il reçût des
loix pofitives > des chefs,, un ordre focial & un
ordre fifcal, ceft-à-dire , formant le revenu public.
Toute, la trerr.e avoi't 5 en fait de culte, abandonné
fefprit pour la lettre -, lia divinité pour lJëffi-
gie. Les fuperltitieûfes ceremonies avoient défiguré
le culte devenu contagieux par tout ce que la joie
bruyante des fêtes -donnoit d’ attrait aux-vices- &
aux faux plaifirs. Il fallut,, pour eonfèrver l’idée
& le culte du vrai D ie u , élever un mur de réparation
entre le peuple dépofitaire: de ce culte &
tous les. peuples voifins. Il fallut,. pour rendre ce
mur folide & durable,, l’étayer des forces de l’a-
nathême 5. & pour .que cet anathêmé , contraire
aux fentimens naturels de fôciabilité, fût ref-
peèté » il fut nêceffaire de le prononcer au nom
de Dieu même, dont le temple & fes facrifices
devinrent le point de ralliement de la nation.
C e c u l te to u t temporel encore, devoit en im-
pofer par la fplendèur des cérémonies, la pompe
du faeerdoce, la multitude des prêtres , &c.
Le lêgiflateur qui vouloir une nation nombreufe,
mais fur - tout ferme par fon inftitution , unie a
obéiflante > crut que le facerdocre fuffiroit à la re-
préfentation de la puifiance tutélaire & au maintien
de. l’ordre public. Ainfi, fans fonger à établir
■ autrement la fouveraineté qu’il prétendoit ne devoir
appartenir qu’à Dieu même, comme étant toute
céleftè , il borna toute contribution à la dixme dés
fruits deftinés à la fubfiftanee de la tribu facerdotaîe,
ïnd pendamment des offrandes des particuliers
pour les divers facrifices. •
Cette dixme des fruits étoit -déjà; un tribut trop
fo r t , ainfi- que nous le verrons tout - à - l’heure j
mais il étoit offert fur ies lieux par le zèle & en
nature;
Tan t qu’on défricha , qu’on s’établit, on con-
ferva la fimplicilé de la piété primitive. Des juges
fuffifoient pour régler les différends du peuple,
& pour le tenir en paix >. mais bientôt nombreux,
inquiet ou molefté par fes voifins , il voulut des
rois î & dès-lors , inftallés par les prêtres ,, ces
monarques ne purent vivre en paix avec les pontifes.
Le premier fouverain fut bientôt .réprouvé j
le fécond fut guerrier, prophète, roi , reftaurateur
de l’arche, refiaurateur des apprêts du temple.
Son fueceffeur le furpaffa en quelque forte-dans
•ces trois dernières qualités; Cependant, pour acher
ver les grandes choies qui rendirent fon nom à
jamais mémorable , il eut befôin de chercher au-
dehors des fubfides-éphémères & de fonder fà
puiffance fiir le commerce: extérieur-.
De fragiles matériaux ne font que des édifices
peu durables. Sous le fils de celui-ci, le peuple
ne voulut plus porter le joug. Dix portions- fe réparèrent
du corps de l’état & de la communion
du temple 5 & les deux tribus qui demeurèrent fi-
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dèles, noffrent plus que des rois foibles, ombrages
par le faeerdoce, ou des princes réfra&aires -àTa
loi divine & à tous les devoirs de l’humanité.
S’il eft permis, a’après les erremens de la politique
, de prononcer fur la caufe des révolutions
plus particuliérement marquées dans les décrets de
la- providence', nous croyons pouvoir dire que
Linllabilité de l’état de ces fauverains venoit de
ce que les loix coriftirutives n’ayant point pourvu
au maintien de la fouverainete, laiffoient fes droits
& fes revenus dans une incertitude, qui necefn-
toit la foibleffe du prince ou l’oppreffion du
peuple..
En effet, un peuple qui donne la dixme de fon
produit total,. c’ eft-à-dire de ce qui lui revient en
unefaifon pour fe nourrir toute l’année , fans
même prélever ce qu’ il faut rendre en femence 8c
en engrais , & qui paye auffi le foin qu’on prend
; de-le maintenir en' paix .,, de protéger fes travaux ,
: paye afîurément le premier & le plus nêceffaire
des fervices , qui preferve & affure l’ effet de tous
les autres 5 mais il ne faiirok fournir une contribution
plus forte des produits du fo l, fans mettre
■ en péril fa propre fubfiftance, & fans prendre fui:
la portion, due à la "terre pour obtenir la Continua'»
tion des récoltes/
D ’ailleurs rien n’eft plus inégal 8c plus difpro-
s portionné que cette forme de levée. /Telle terre
rapporte dix fois la fémence à travail égal,- telle
vingt-cinq, tandis, qu’une autre à côté n’.en donnera
que trois ou quatre.
On n’auroit donc dû prendre la dixme que fur
\] le revenu, 8c l’on fait que lë revenu né paroît
qu’après que les avances de tout. genre ont été
reftitiiées 8c reprifes félon l’ordre'. Pour co.nnoître
les revenus ,..il faut des baux à ferme. La grande
••culture, qui feule peut donner des revenus fixes
8c: àffurés,- comme offrir des baux folides , demande
le remplafcement de quatre dixièmes pour
le remplacement complet des avances annuelles,
deux dixièmes pour l’intérêt des- avances-primitives
deftinées à leur entretien annuel 8c à leur
etabliffement.- ( J^oye^ au mot A v a n c e s . ) Les
avances foncières 8c les dêpenfes d’ entretien ,
:d’adminiftration des fonds „ d e leur rétabliffement
' 8c; d’amélioration • dans les cas fortuits,; deipro-
tedrion des colons,. 8ce. exigent à - peu r près le
tiers dés quatre- dixièmes qui relient. Que refi
toit - il donc aux propriétaires 8c au fouverain ,
f.en donnant au faeerdoce un dixième fi onéreux
par lui-même 8c par Ion inégalité ?
L'ë chriilianifme, là plénitude de la loi 8c l’àc-
. compliffement. des efpérances-données dès l’ aurore
des âges, étant venu détruire Jes facrifices
fangîans, abolit auffi les obfervances légales relatives
aux temps d’ attente 8c de fépararion/ -La
connoiffance du vrai Dieu , le culte de l’efprit 8c
la loi de charité' univerfelle furent prêchés fur la
j terre, 8c les rites du judàïfme détruits, Avec eux
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•difparut la üxme facerdotaîe ( i ) , & la charité de I
précepte s’ étendit fur tous les actes 8c fur toutes
les perfonnes.
Le chriitianifme, vainqueur de l’idolâtrie &. de
l’irréligion, réformateur des moeurs effeminees 8c
corrompues, vint encore a hout d adoucir la férocité
des peuples barbares. Mais leurs frequens
retours vers les moeurs, féroces , caufes par ceux
de l’ignorance, portant ces hommes cruels a fe
■ livrer à leur caractère, dans 1 efpoir de ^trouver
dans la religion des moyens d’expier leurs forfaits ,
& les prêtres , médiateurs entre le ciel & les pécheurs
, leur promettant le pardon de leurs crimes.
:s’ ils vouloient les racheter par des donations a e-
glife,il arriva que les églifes à la longue empieterent
fur les-proprietés publiques 8c privées, & acquirent
tant de biens, que la fouveraineté, méconnue &
dépouillée quand elle n’avoit pas les armes a la
main , fe vit obligée d’autorifer les ufurpations
militaires,
Charles Martel, oppofant une utile barrière aux
conquêtes des fartafins , diftribua de grands do- j
niâmes facerdotâux à fes capitaines ; & quand fon ;
petit-fils, le fage 8c puiffant Charlemagne , voulut
rétablir la' paix entre ceux qui jouiffoient de
cés biens ufurpés & les prêtres qui crioient anathème
, (l'autorité de ce grand homme engagea j
les uns à fe contenter de; la iüxme de ces biens, & 1
les autres à s’y. foumettre pour s’y conferver. C ’eft
à ces circohftances qu’on doit rapporter l’établif-1
femenf 'dé la dixme parmi nous, & le règne de j
Charlemagne en eft l’époque.
De cette rénovation de la .dixme facerdotaîe ,
fuivit l ’attention continuelle des prêtres à l’étendre
& à la foutenir.
. En S i3 , lès conciles de Mayence, .d’Arles &
de Rheims preferivirent de payer la dixme de
toutes les productions. Celui de.Chalpns, de la
même année , plus rigoureux , ordonne que ceux
qui refuferont de payer la dixme , après avoir été .
avertis & follicités par le . prêtre ( décimateur )' ;
fcient excommuniés : Qui pojl crebras aimonitio-
nes & precationes facerdàti dure neglexerïnt , exco- ;
■ municentur.
Enfin au concile de-Latran, tenu (bus Alexandre
III en 1 179 > ' es dixmes devinrent de précepte
,. 8c furent déclarées préférables aux impôts
dus par le peuple.
. C e même concile confirme les laïques dans, la
poffeffion des dixmes qui leur avoient été. inféodées
précédemment. t ^
D ’après toutes ;ces ordonnances émanées du trône
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& de l ’autel , l’habitude de payer la dixme s’ér
tendit d’autant p lu s , qu’elle fut enfuite appuyee
de la fanétiôn des arrêts, félon les temps, les cas
8c les contrées. Cependant la diverfité qu'on trouve
par-rout dans la perception des dixmes , décèle
manifeftement le défaut de leur origine , 8c
prouve que cen'eft qu’un ufage devenu loi . dans
une matière qui touche d’aùffi près aux elemens
d elà vie 8c de la durée de la fociéte.
« 11 paroît donc que les dixmes ecclcfiaffiques ,
” quoique réputées ' fpuïtuelles 8c con'facr'ées à
d Dieu pour la fubfiitance de fes miniftres, ne
» font point dé précepte divin , mais feulement
,, de' droit pofitif == ; ( voycj à ce fujet. le'rBiétiom-
naire de Jurifprudence au mot Dixme.) ; 1 que lé
confentement unanime des fidèles en rendit en
France l’ufage général, 8c que toute propriété
foncière y fut alfujettie par la force de la lois
Quelques gens ont écrit 8c enfeigné que la dixme
étoit de droit divin ; mais fi cette aflertion fe trou-
voit fondée, la dixme ne feroit-elle pas auffi ancienne
que le çhriftianifme', auffi étendue que la
chrétienté ; la forme de fa perception ne feroitx
elle pas uniforme dans tous les lieux, ,8c il eft m-
contellable qu’elle lie date"que du neuvième, fià-
cle ; que les prêtres de l’églife grecque ne l’ont
jamais perçue, 8c, que, dans' les lieux où elle eft
établie, il y à diverfité dans fa perception , puif-
que , en certains endroits, elle eft du qnrièiTie l
en d’afmjes, du douzième, du vingtième.,: du trentième
des fruits ; qu’ enfin on payé ici la dixme .de;
certains fruits qui né la doivent pas ailleurs, 8cc-
Quoi qu’il en fo it, l’ufagé de la dixme ne peut
être qu’onéreux à la propriété, 8c fa forme eft:
fouvent prejudiciable à la réproduétiom
A l’égard du fonds, il eft de principe'que route-
levée fur le produit total eft fpoliative par ftoiï
inégalité, 8c fatale par fa facilité même.
11 eft auffi de principe, que l’inftruâion tant
divine qu’humaine, l’ inftruàion qui feule rend
l’homme raifonnable , flexible , capable du plus
jufte discernement du bien 8c du mal, eft un bien’
que chacun a droit de prétendre fur le public ,.
8c un devoir du public envers tous les citoyens,;;
( en difant du public , nous entendons, du fouverain
) qu’ elle doit être payée aux dépens du pur
blic 8c fur le revenu public ; 8c comme le droit'
du fouverain., qui le foumet aux devoirs de fai
charge , eft un revenu confiant fur le produit des
fonds du territoire, les avarices de toute efpèce
prélevées, les fonds deftinés à l’ inftruétion, foie
facrée ou profane, ainfi que tous ceux deftinés aux-
autres charges de l’état,.ne doivent pas s ’ écarter dp
(il II lie paroît pas que , durant les huit premiers fiêcles de l’églife , où la piété des fidèles croit dans
la plus srande ferveur , les prêtres & les miniftres des autels aient jamais prétendu les i,xmes ils', ne vi-
■ voient q8ue des offrandes qui fe faifoient volontairement fur les autels : aufir S.-Hilaire , qui- etent eveqne de
Poitiers en 369 , dit-il que le joug ..des dixmes avoir ete ôte par J. U