
nels en public. Leur defcendance de la fille de •
Mahomet eft une chofe fi incertaine, que la plupart
des turcs même ne font pas fort crédules fur
cet article : ils battent fouvent les réfpe&ables
enfans du prophète ; mais ils ont foin toutefois de
leur oter le turban vert , & de le pofer à terre
avant de les frapper : un chrétien qui les maltraiterait,
feroit brûlé vif.
Emir eft auffi un titre qui , joint à quelqu'au-
tre mot, défigne fouvent une charge ou un emp
lo i, comme émir al ornera, le commandant .des
commandans. C'étoit du temps des califes le chef
de leurs confeils & de leurs armées.
Les turcs donnent encore ce nom à tous les vifirs
ou bachas des provinces , Y émir akkors appellé
vulgairement im rahor , eft grand écuyer du grand •
feigneur.
- L émir alem , qu'on nomme communément mi~
ralem , ou le porte-enfeigne de l'Empire,. eft directeur
de tous les intendans, & fait porter devant
lui une cornette, mi-partie de blanc & de
vert.
L émir ba^ar eft le prévôt qui a l'intendance des
, marches, & qui règle le prix des denrées.
L émir hadge , prince ou conducteur des pèlerins
de la Mecque, eft ordinairement bacha de
Jérufalem.
Les aimorajvides & les almohades, qui ont régne
en Afrique & en Efpagne, ont pris le titre
d émir al moslemin ou émir al moumenin 3 c'eft-à-
dire > commandant des fideles ou des croyans.
EMPEREUR R OM A IN . Les romains donnoient
le nom dYimperator , d'où eft venu celuir
d empereur , au général qui 3 après avoir remporté
quelque victoire fignalée, étoit falué de ce nom
par les acclamations des foldats, & enfuite honoré
de ce titre par un décret dufénat. Il falloir,
pour le mériter, avoir gagné une bataille , dans
laquelle dix mille des ennemis étoient reftés fur la place
, ou avoir conquis quelque ville importante. Sous
Céfar ce terme changea de valeur ; au lieu de dé-
figner un général qui avoit eu de grands fuccès à
la guerre , il lignifia la fouvëraine puiffance du citoyen
qui fubjuguoit la république, & dès-lors le
nom & empereur devint un titre d’autorité.
Augufte fe garda bien de fe faire adjuger la
dictature , qui avoit rendu Céfar viCtime des con-
jurés. Il fe contenta de la puilfance militaire ,
c'eft-à-dire, du commandement des armées. Il la
prit pour défendre , difoit - il , la république qui
avoit befoin de cette magiftrature extraordinaire,
eu égard à fa vafte étendue & à cette multitude
d'affaires, qui éxcédoit fouvent les bornes des
pouvoirs ordinaires. Auffi Cujas rend-il le mot
extraordinaire, par ces mots autorité du prince.
Au temps ou la république étoit floriffante, le
cenfeur donnoit le nom de prince à celui des fé-
nateurs qui furpalfoit les autres en mérite. C e fut
conformement à cet ulàge que Y empereur is'appella
prifice 3 comme fi on eût dit le premier de Rome.
Dion rapporte que Tibère avoit coutume de dire s
" je fuis le maître des efclaves que je polfède,
” empereur des troupes, prince des autres, c'eft-
» a-dire, chef».
Lors donc que . le titre.dY empereur étoit employé
pour défigner le pouvoir, il ne fignifioit pas le
pouvoir royal, mais feulement le pouvoir militaire.
Celui qui en étoit revêtu arrivoit cependant,
par des voies lourdes eu violentes, au but qu'at-
^ Iffl |f|||j ** découvert & fans détour.
Dion d it, a la vérité , que Y empereur avoit le
droit de faire, des levées d’hommes & d’argent ,
celui de difpoler de la paix & de la guerre, & de
prononcer un arrêt de mort contre un citoyen.
Mais, loin de rapporter ces droits à l'autorite da
prince, il les rapporte à celle que donnoiént les
charges de la republique. Le prince s'adjugeoit les
principales, telles que leconfulat, l'empire pro-
eonfulaire, la^ puilfance tribunitienne. Par • là il
s inveftilfoit j d un pouvoir fuprême , même pour
les affaires civiles.
L empereur étoit le chef fuprême &: perpétuel
des armees» Augufte cependant n'accepta jamais
pour toute fa vie j il avoit peur qu'on ne
crût qu'il vouloir arriver fecrètement à la di&ature.
Mais il le prit quelquefois pour cinq ans, plus
fouvent pour dix , & il ne le quitta qu'à fa mort.
Lorfqu il etoit qûeftion de le proroger en fa per-
fonne, il donnoit pour prétexte la révolte des
provinces qu'on pouvoit toujours, difoit-il, ap-
paifer dans dix ans. Il feignit en même-temps de
ne l’accepter que comme par force. Delà l'origine
des décennales, ou ce prince célébroit avec le
peuple la joie du renouvellement de l'Empire dans
fa perfonne , par des fêtes & des jeux folem-
nels, qui continuèrent d'avoir lieu fous les fuc-
ceffeurs. /
A u r e f te , dans'le partage qu'il fit des provinces
, entre le fénât & lu i, il fe chargea du gouvernement
de celles qui n'étoient pas tout-à-fait
domptées , & qui avoient par conféquent befoin de
troupes pour être maintenues. Il fe réferva ainlt
celles qui fembloient expofer à plus de danger;
mais c etoit, au fond, afin d'avoir ces provinces
en fon pouvoir, & de tenir les romains fous le
joug. Pour que le fenat n eût pas’des forces dangereuses
a fa difpofition , il lui lailfa les provinces
tout-a-fait domptées; L'Italie fut de ce nombre.
Les triumvirs eux-mêmes ne l'avoient jamais com-
prife dans le partage de l'Empire. Ils avoient l'air
de combattre pour elle par généralité.
Les empereurs fentirent qu'ils conferveroient avec
peine la puilfance civile, dont ils s'étoient empares
, s'ils ne sAàrrogeoient pas la dignité de grand
pontife, Augufte donna l'exemple. Non content
de la charge d'augure & de celle de quindécemvi'r
des facnfices, qui étoient de grands facerdoces,
il prit celle de grand-pontife. C e fut afin de fe
rendre arbitre de tout. Il acquéroit en effet parla
le droit de commander aux autres pontifes &: à
tous. lès prêtres, celui de porter des loix fur les
facnfices , les rits, les cérémonies, en un mot,
fur tout ce qui avoit rapport au culte des dieux,
celui de punir, quand il le jugeoit à propos, les
violateurs des chofes facrées j de juger les affaires
de religion , &rd’expliquer ce qu’il y avoit d’obf-
cur dans le droit facré.
Tant que l’ancienne fuperftition fubfifta parmi
les peuples , les empereurs, jaloux du pouvoir que
leur donnoit le grand pontificat, s’en revêtirent
jufqu’à Gratien. L'établiffement de la religion chrétienne
ne changea rien à cette difpofition. Ils pre-
noient le nom de grand-pontife , peut-être meme
l’habillement j mais ils abhorraient les cérémonies
qui y étoient attachées.
Lors que les empereurs eurent appellé à leur
fecours l'autorité divine, ils munirent leur perfonne
de celle dujpeuple, en prenant la puilfance tri-
bunitienne. Elle donnoit toutes les forces du peuple
& de fi grands droits, qu'on pouvoit tuer impunément
, comme un facrilège & comme une
viélime dévouée aux dieux, quiconque violoit la
perfonne d'un tribun. En conféquence, la puiffance
tribunitienne étoit appellée facrée. \Jempereur
fe l'arrogeoit, fans fe déclarer tribun , parce que
le tribun devoit être tiré du peuple, & qucY empereur
étoit ccnYé patricien. Ulaiffoit la charge , &
acquérait l'autorité. Celle-ci confiftoit dans le privilège
de mettre oppofition aux fenatus-confultes,
dans celui de propofer des loix aux peuples, &
de défendre les citoyens : mais elle confiftoit fur-
tout à mettre en fûreté la vie & la réputation du
prince. Les empereurs tenoient cette fûreté toute
entière de la puiffance du tribunat, fur laquelle
étoient fondées les loix de majefté. Ceux qui
les violoient, étoient dévoués à la mort, parce
qu'ils étoient cenfés avoir violé le peuple dans le
tribun, ^ & le tribun dans le prince.
L arrêt de mort que prononcèrent les empereurs
contre plufîeurs perfonnes qui leur étoient odieu-
fes ou fufpeétes , n'émanoit point de l'autorité
royale, qu'on n'avoit jamais voulu recevoir dans
Rome depuis Tarquin ; mais de la puiffance tribunitienne
, en vertu de laquelle le prince avoit
abforbé tous les droits du peuple. Selon Suétone,
Tibere ufa du droit qu'elle lui donnoit, pour fe
venger d un propos infultant qu'on lui avoit tenu
lorfqu'il étoit à Rhodes au milieu des fophiftes
grecs. Il cita le coupable à fon tribunal, & il le
fit mettre en prifon. .
Les empereurs voulurent affervir à leur pouvoir ,
l'état & la réputation des citoyens > ils voulurent
févir eux-mêmes contre la conduite de chaque
particulier, afin de chaffer à leur gré un fénateur
de fon ordre, & défaire, paffer un chevalier, du
fien, à celui du peuple. Us voulurent auffi efti-
mer, comme il leur plairait, les biens des citoyens
en faifantle dénombrement. Pour cet effet,
ils géraient la cenfure , foit en fe contentant de
Iexercice feul de cette magiftrature, dont ils ne
(Eicon, polit, & diplomatique. Tome 11,
s'arrogeoisnt ni le nom, ni les honneurs, foit en
acceptant fun & l’autre, foit en prenant cette dignité
fous le nom de préfecture des moeurs , ou fous
celui de gouvernement des moeurs f> des loix : ces
fubterfuges avoient pour but de tempérer la haine
8c l'envie qui y étoient attachées.
_ Après Augulte , Jes empereurs joignirent aux ma-
gillratures de la ville le gouvernement fouverain
des provinces. Le fénat le leur conféroit 3 au moment
oujls arrivoient au trône.
La loi Curiata avoit rendu les proconfuls, dans
jeurs provinces^ maîtres abfolus des affaires civiles
& militaires. Le proçonfulat donnoit au prince
un empire libre & illimité fur toutes ; tel que la
loi Gabinia 1 avoit accordé à Pompée durant la
guerre contre les pirates. Vempereur le déployoit
fur la portion du globe foumife aux romains 3 dès
qu'il etoit forti de la ville. Augufte avoit confervé
la puiffance proconfulaire dans Rome même 3 à la
faveur d un fenatus-confulte. Nous venons de dire
en quoi confiftoit cet empire militaire 3 qui fut
comme le nerf de la dignité impériale j qui 3 lorf-
que la république étoit florifTante , ne s'accordoit
qu a un petit nombre de perfonnes 3 fort rarement
& pour un temps , & que les empereurs recevoient
à vie. Il abforba toute la puiffance des proconfuls.
L'empire proconfulaire devint le pouvoir ordinaire
des empereurs. Le fenat ne manquoit jamais
de le leur accorder, dès qu'une fois 3 falués par
es troupes , ils avoient pris fous leur conduira
les armees du peuple romain. C e titre les. fuivoic
jufqu'a la mort , comme une prérogative qui leur
appartenoit de droit 3 comme une autorité militaire
donnée par le fénat, qui avoit ratifié le jugement"
& le thoix des foldats. Il paroît que la
qualification à‘empereur, fans l'autorité proconfu
laire 3 eut été peu de chofe : mais, pour que l'autorité
des empereurs fût fans bornes, ils avoient
befoin de la puiffance tribunitienne, qui fe trouve
toujours inférée dans leurs titres. On y omettoit
fouvent l'empire proconfulaire, parce q u e , félon
1 opinion univerfelle, il étoit lié au droit de 1W
pereur.
Outre la pleine puiffance des magiftratures dont
je viens de parler, le fénat donnoit aux empereurs
certaines^ fonctions confulaires, qui même lorf"
qu’ ils n'étoient pas confuls , leur étoient commu"
nés,avec ceux qui rempliffoient cetre dignité •
mais qui ne leur furent accordées que comme Dri’
vilege. Elles confiftoient à affembler le fénat^ à
faire les fenatus - eonfultes , &• à rapporter une
deux , trois, quatre, cinq affaires. Ceci s'apnel*-
loit droit de premier, Ce fécond, de troifi>me Vd,
quatrième, de cinquième rapport. Ainfi la dicniré
d empereur fembloit inférieure à cette puiffance ro
yale qui, depuis l'exil des Tarquins, était con
ferée tous les ans aux confuls par les comices du
peuple : mais ces inutiles formes n'affoibliffoient
I point le defpotffme des empereurs, & les premiers