
enspgemens étoient connus , fa réputation & Ton
crédit feroient perdus fans reffource. C e n'eft que
lorfque le fuccès le plus éclatant a couronné fa
témérité, qu'il ofe avouer les rifques qu'il a
courus.
Lorfque le gouvernement fera forcé de renoncer
à ce qu'il perçoit encore de droits fur les métaux,
il lui reftera de grandes reffources pour fes dé-
penfes de foüveraineté. La principale auroit dû
être la dixme que Ferdinand s'étoit fait céder par
la cour de Rome. Mais Charles-Quint, par dès
motifs qu'il n'eft pas aifé de deviner, la céda aux
évêques, aux chapitres, aux,curés, aux hôpitaux,
aux églifes, à des hommes & à des établiffemens,
déjà trop riches, ou qui ne tardèrent pas à le devenir.
A peine ce prince en tranfmit-il la neuvième
partie à fes fuccefleurs. Il fallut qu'un tribut, arraché
aux indiens, remplît le vuide du tréfor public.
Les clalTes fupérieures de la fociété ne furent
pas plus ménagées. Tout le nouveau-Monde fut
affujetti à l'alcavala.
C'eft un droit levé feulement fur tout ce qui
fe vend en gros, 8c qui ne s'étend pas aux con-
fommations journalières. Il vient originairement
des maures. Les efpagnols l'adoptèrent en 13 4 1 ,
& l'établirent à raifon de cinq pour cent. 11 fut
porté dans la fuite à d ix , 8c pouffé même à quatorze
: mais en 1750, on fit des arrangemens qui
le ramenèrent à ce qu'il avoit été dans les premiers
temps. Philippe II , après le défaftre de cette
flotte, fi connue fous le titre faftueux d'invincible'
3 fut déterminé , en 1 ^91 , par fes befoins, à
exiger ce fecours de toutes fes polTeflions d'Amérique.
Il ne fut d'abord que de deux pour cent.
En 16 27, il monta à quatrei
Le papier timbré fut introduit en 1641 dans
toutes les provinces efpagnoles du nouveau-Monde.
Le monopole du tabac commença à affliger le
Pérou en 17 ƒ 2 , le Mexique en 17^4, 8c dans l'intervalle
de ces deux époques , toutes les parties
de l'autre hémifphère, dépendantes de la Caftille.
Dans des temps divers , la couronne s’appropria,
dans le nouveau-Monde, comme dans l’ancien
, le monopole de la poudre, du plomb 8c
des cartes.
Cependant, le plus fingulier des impôts eft la
croifadë. Il prit naiffance dans les fiècles de fana-
tifiné , où des millions d’européens alloient fe
faire égorger dans l’Orient pour le recouvrement
de la Paleftine. La cour de Rome le reffufeita
en faveur de Ferdinand qui , eu 1509, vouloit
faire la guerre aux maures d’Afrique. Il exifte
encore en Efpagne , où il n'eft jamais au-deffous
de 12 fols 6 deniers , ni au-deffus de 4 livres.
On le paie plus chèrement dans le nouveau-
Monde , où il n'eft perçu que tous les deux ans,
& où il s'élève depuis 3 y fols, jufqu’ à 13 liv .,
félon lç rang & la fortune des citoyens. Avec cet
argent, les peuples obtiennent la liberté de fe faire
abfoudre par leurs confeffeurs des crimes refera s
au pape & aux évêques ; le droit d'ufer, les jours
d’abftinence, de quelques nourritures prohibées 5
une foule d'indulgences pour des péchés déjà com-
f mis , ou pour ceux qu’on pourroit commettre. Le
gouvernement n’oblige pas ftriétement fes fujets
à prendre cette bulle.
Les finances du continent efpagnol de l’autre
hemifphere furent long-temps & très-long-temps
une enigme pour le miniftère même. C e cahos fut
un peu débrouillé par M. de la Enîenada. Chacune
des douze années de fon heureufe àdminif-
tration, la couronne retira de ces régions, ou des
droits qu’ elle percevoit au départ & au retour des
flottes, 17,719,448 livres 12 fols. Depuis, cette
reffource du gouvernement s’ eft beaucoup accrue,
& çar l’importance des nouvelles taxes, 8c par
la févérité qui a été employée dans la perception
des anciennes. En 1780, le revenu public du Mexique
s'élèvoit à 54,000,000 liv., celui du Pérou,
à 17,000,000 liv. Celui du Guatimala, du nouveau
royaume du Chili 8c du Paraguay, à 9,100,000 liv.
C ’eif en tout 90,100,000 liv. Les dépenfés locales
abforboient 56,700,000 1. i il reftoit donc pour le
fife 34,500,000 livres. Ajoutez à cette fomme
ïo , 384,450 liv. qu’il percevoit en Europe même fur
tous les objets envoyés aux colonies, ou qui en
arrivoient; 8c vous trouverez qiiela cour de Madrid
tiroit par an 35,084,450 livres de fes provinces
du nouveau-Monde. Les revenus du Mexique 8!
du Pérou paroiffent avoir augmenté depuis cette
époque ; car le revenu total de la monarchie, qu’on
évaluoit en 1780 à 170 millions , efl évalué aujourd’
hui ( en 1786 ) par quelques perfonnes à
j 200 millions, comme nous le dirons tout-à-l’heure,
8c les provinces de l’Amérique ont contribué pour
quelque chofe à cet acçroiffement. Au réfie , toutes
ces richeffes n’entrent pas. danslaçaiffe royale de
la métropole. Une partie eft employée dans les ifles
efpagnoles de l’Amérique, pour des dépenfes de
foüveraineté, 8c pour la conftruâion des vaiffeaux
: ou pour l’achat du tabac.
Dès que YEfpagne eut découvert cet autre hémifphère
, elle imagina un fyftême inconnu aux
peuples de l’antiquité, 8c que les nations modernes
ont depuis adopté, celui de s’ affurer de toutes
les productions de fes colonies 8c de leur appro-
vifionnement entier, Dans cette vue , on ne fe
contenta pas d’interdire aux nouveaux établiffe-
mens , fous des peines capitales , toute liaifon
étrangère ; le gouvernement pouffa la rigueur juf-
qu’â rendre toute communication entr’eux impraticable
, jufqu’ à leur défendre d’envoyer aucun de
leurs navires dans le lieu de leur origine. C ét efprit
de jaloufie fe manifefta dans la métropole même.
Il y fut d’abord permis, à la vérité, de partir de
différons ports : mais les retours dévoient tous fe
faire à Séville. Les richeffes que cette préférence
accumula dans le fein de cette ville , la mirent
bientôt
bientôt en état d'obtenir que les bâtïmens feroient
expédiés de fa rade, comme ils dévoient y revenir.
La rivière qui baigne fes murs ne fe trouvant pas
fuffifante dans la fuite pour recevoir des vaiffeaux
q u i, peu à peu, avoient acquis de la grandeur ,
ce fut la prefqu'ifle de Cadix qui devint 1 entrepôt
général.
Il fut défendu à tous les négocians étrangers ,
fixés dans ce p o r t, devenu célèbre , de prendre
part direéleihent à un commerce fi lucratif. En
vain ils repréfentèrent- que , confommant les denrées
du royaume , payant les impofitions, encourageant
l’agriculture , l’induftrie , la navigation,
ils dévoient être regardés comme citoyens. Ces
raifons ne furent jamais écoutées. Il fallut que ces
hommes riches , aétifs, éclairés , qui foutinrent
feuls pendant long - temps les liaifons de l’ ancien
& du nouveau-Monde , couvriffént, avec plus de
dégoûts 8c d'embarras qu’on ne le croiroit, leürs
moindres opérations d’un nom efpagnol.
La liberté de faire des expéditions pour les
grands établiffemens qui fe formoient de toutes
parts dans cet autre hémifphère, fut très-limitée :
pour les naturels du pays eux-mêmes. Le gouvernement
prit le parti de régler tous les ans le nom- ,
t>re des bâtimens qu'il convenoît d’envoyer , 8c
le temps de leur départ.-Il entra dans fa politique
de rendre ces voyages rares, & la permiflion d'équiper
un navire devint une faveur très - figna-
léé.
Sous prétexte de prévenir les. fraudes, d'établir
un ordre invariable, de procurer une fûreté entière
à des vaiffeaux richement chargés , on multiplia
tellement les lenteurs, les vifites, les impofitions
, les équipages, les formalités de tous les
genres , en Europe & en Amérique, que les faux-
frais doublèrent la valeur de quelques marchan-
difes , 8c augmentèrent beaucoup la valeur de
toutes.
Les douanes augmentèrent le mal. Les objets
exportés pour l'autre hémifphère furent affujettis
à des droits , tels qu'il n'en avoit jamais exifté
dans aucun fiècle, ni dans aucune partie du globe.
Le prix même qu'on en avoit retiré fut impofé.
L'or en retour devoit quatre pour cen t, 8c l'argent
en devoit neuf.
Cependant, le mal ne fe fit pas fentir dans les
premiers temps , quoique des écrivains célèbres
l'aient avancé avec confiance. Dans leur opinion,
YEfpagne fe voyant la maitreffe de l ’A mérique
, renonça d'elle - même aux manufactures
, à l'agriculture. Cette idée n'entra jamais
dans le fyftême d'aucun peuple. A l'époque où
l’autre hémifphère fut découvert, Séville étoit
célèbre par fes fabriques de foie j les draps de
Segovie paffoient pour les plus beaux de l’Europe,
& les étoffes dé Catalogne trouvoient un débit
avantageux da»s l'Italie 8c dans le Levant. De
(Econ. polit, & diplomatique,. Tome II.
nouveaux débouchés donnèrent une a&ivité nouvelle
à cette induftrie & à l'exploitation des terres
qui en eft inféparable. S'il en eût été autrement,
comment cette monarchie auroit-elle pu envahir
tant de provinces 5 foutenir tant dç-guerres^ longues
8c fanglantes j foudoyer tant d'armées étrangères
8c nationales ; équiper des flottes fi nom-
breufes 8c fi redoutables > entretenir la divifion
dans les états voifins , bouleverfer les nations
par fes intrigues > donner le branle à tous les
événemens politiques ? Comment auroit - elle pu
être la première 8c prefque la feule puiffance de
l'univers ?
Mais tous ces efforts occafionnèrent une con-
fommation immenfe d’hommes : mais il en paffa
beaucoup dans le nouveau-Monde : mais cet autre
hémifphère plus riche 8c plus peuplé demanda
plus de marchandifes : mais les bras manquèrent
pour tous les travaux. Alors ce furent les nations
étrangères, où le numéraire étoit encore rare, 8c
par conféquent la main-d’oeuvre à un prix modique,
qui fournirent des fubfiftances à YEfpagne ,
qui fournirent-le vêtement à fes colonies. En vain
des réglemens févères les excluoient de ce trafic.
Amies ou ennemies, elles le firent fans interruption
8c avec fuccès, fous le nom des efpagnols
eux-mêmes, dont la bonne - foi mérita toujours
les plus grands éloges. Le gouvernement crut remédier
à ce qu'il crôyoit un défordre , 8c qui
n'étoit qu'une fuite naturelle de l'état des chofes,
en renouvellant l’ancienne défenfe de toute exportation
d'or , de toute exportation d’argent. A Séville
8c enfuite à C ad ix , des braves , appellés
métédoresy portoient aux remparts des lingots qu'ils
jettoient à d'autres métédores, chargés de les délivrer
à des chaloupes qui s’étoient approchées
pour les recevoir. Jamais ce verfement clandeftin
ne fut troublé par des commis, ou par des gardes
qui étoient tous payés pour ne rien voir. Plus de
févérité n'auroit fait que hauffer le prix des marchandifes
, par une plus grande difficulté d'en retirer
la valeur. S i, conformément à la rigueur des
ordonnances, on eût faifi, jugé 8c condamné à
mort quelque contrevenant, 8c qu'on eût confif-
I qué fes biens , cette févérité^, loin d'empêcher la
fortie des métaux, I'auroit augmentée , parce
que ceux qui s’étoient contentés jufqu’alors d'une
gratification médiocre, exigeant un falaire proportionné
au danger qu'ils dévoient courir, euf-
fent multiplié leurs profits par leurs rifques , 8c
fait fortir beaucoup d'argent, pour en avoir eux-
mêmes davantage. Au refte , les mines du nouveau
Monde ont été très-funeftés à YEfpagne, comme
nous l'expliquerons dans la feétion fuivante.
Tandis que la métropole dépériffoit, il n'étoit
pas poffible que les colonies profpéraffent. Si les
efpagnols euffent connu leurs vrais intérêts, peut-
être à la découverte de l'Amérique fe fuffent-ils
contentés de former avec les indiens des noeuds
honnêtes, qui auroient établi entre les deux na