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eu Nil. Des-lers une prévoyance politique fit
refipetter les ei'pèccs d'animaux que l’on appela
depuis les purificateurs de l'Égypte ; & pour les
rendre plus précieux au public ignorant 3 on
plaça leurs images dans les temples. Celui-ci
pafi i bientôt du refped au culte , parce qu’il eft
toujours extrême & outré.
Au relie, ce refpeét pour les animaux utiles
s'eft reproduit chez. les Yhraces 8c chez les
premiers Grecs Les uns 8c les autrs:s décernèrent
des peines contre cc:ux qui tuerok:r.t des boeufs
ou cles cicognes. Le s Indiens ont eircore le même
refp<eél pour les bceu fs ; 8c l’on fait qu’en Flandre
& à Londres, les cicognes ir ont rien à redouter
de lai part des chaffecirs, qui regard:ent comme un
f o u Verain bonheur* »d’en avoir des nids fur leurs
chcnaînées ou dans les toits de leair maifon.
A:K IM AUX chez 1 j __L ' • :__ les Grecs. Ce peuple ayant
reçu des phéniciens l'écriture , 8c fans doute la
mythologie , adopta les opinions religieufes des
Egyptiens , dont les Phéniciens étoient une
colonie. Les Grecs rendirent donc une efpcce de
ciflte à plufieurs animaux 3 8c ils en accélèrent
up grand nombre à des divinités particulières.
Ainfi, le lion étoit confacré à Vulcain j le loup
&. l’épervier à Apollon, parce qu’ils ont la vue
fice & perçante ; le corbeau, la corneille & le
agne au même dieu 3 parce qu’ils ont , dit-on ,
un inftinél naturel pour prédire l’avenir ; le,
coq au même dieu , parce qu’il annonce par fon
chant le lever du foleil ; & à Mercure* comme
le fymboîe de la vigilance que requéroit la
multitude de Tes emplois; le chien aux dieux
Lares 5 le taureau à Neptune * a caufe du mu-
giffement des flots ; le dragon à Bacchus & à
Minerve s les griffons à Apollon ; les fërpens à
Efculape; le cerf à Hercule; l’agneau à Junon;
le cheval à Mars ; la géniffe à Ifis; l’aigle à
Jupiter; le paon à Junon; la chouette à Minerve;
le vautour à Mars; la colombe & le moineau à
Vénus ; les alcioner à Thétis; le phénix au Soleil;
le bouc à Bacchus * 8cc.
Lorfque les Grecs facrifièrent des animaux à
leurs divinités * ou qu’ils les leur confacrèrcnt *
divers motifs dictèrent ce choix. Tantôt il dépendit
de la profeffion de ceux* qui les oflFroient; les
bergers offroient des brebis* les bouviers des
taureaux, les chevriers des boucs, & les pêcheurs i
un thon. La diftinftion des dieux fupérieurs & des
infernaux , obligeoit à varier les offrandes. Les
derniers n’aimoient que des brebis noires &
ftériles; les premiers * au contraire* fe plaifoient à voir fur leurs autels des vi&imes blanches 8c
fécondes. On avoit encore égard au fexe des
divinités, pour leur offrir des animaux rpâles ou
femelles. Le caractère des dieux que l’on invoquoit,
dérerminoit le choix des animaux *• on immoloit
au belliqueux Mars les taureaux indomptés; à
Pacchus le bouc, qui ronge fa vigne chérie ; à
Céics le cochon , ennemi des moilTons.
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Ce n'étoit pas affez d’avoir choilï des animaux
d'une efpèce agréable aux divinités que l'on
invoquoit ; il falloir encore que les géniffes iuffcr.t
de l'année , que les anguilles offertes par les
Béotiens euflènt été pêchées danslelacCopaïs. S;c
Mais dans tous les cas , le boeuf qui avoit été
lié à la-charrue , ne pouvoit être immolé. le s
Romains confervèrent religieufement ce dogme
dans les premiers tems de la république ; 8e Pline
raconte qu’un Romain fut exilé pour avoir tué
un boeuf.
Le refpeét que les Grecs confervèrent pour les
animaux, paroilïoit dans la multitude de leurs
repréfentations qui ornoient les temples, les places
8c les édifices publics.
La collection feule du baron de Stofch offre
deux cens fïx pierres gravées, repréfentant des
animaux.
Paufanias cite plus de quarante animaux de
bronze d’une grandeur confidérable, & de toutes
les efpèces : tigres , lions, chevaux, boeufs, chèvres,
&c. parmi lefquels il eft fait mention d’un
paon d’o r , enrichi de pierres précieufes, & donné
par l’empereur Hadrien. Il eft aifé de reconnoître
dans le détail de cette dernière figure, un goût
étranger à la Grèce. Cette nation favante préféra
toujours les beautés réelles de l’art, c’ eft-a-dire,
le deffin précis & l’exécution large-, à la richeffe
de la matière 8e des ornemens. Le luxe dans les
arts, prefque toujours ennemi du goût, éblouit,
dit le comte de Caylus, les âmes vulgaires; il ne
fait qu’une médiocre impreffion fur les véritables
connoiffeurs, à qui toutes les matières font indifférentes
, 8c qui ne recherchent dans un ouvrage
que l’ouvrage même. ■
A n imau x chez les Romains. L,es vainqueurs
de l’univers embraflèrent la religion des Péfefges,
que ceux-ci, venant fonder des colonies en Italie,
avoient apportée aux Etrufques. De forte qu’on
peut leur appliquer tout ce que nous avons dit des
Grecs, relativement aux animaux confacrés aux
dieux ou défîmes aux facrîftces.
Ils leur offrirent même les animaux extraordinaires
,- & nés dans les pays “éloignés. Ainfi ,
Hadrien ayant bâti à Athènes un fuperbe temple
à Jupiter - Olympien , y fit placer un prétendu
dragon qui avoit été apporté des Indes. Lorfqu’ils
laiffoi ent vivre ces animaux confacrés, tels que
les biches abandonnées dans les bois, on leiy
attachoit des boucles aux oreilles ou des colliers,
afin d’empêcher qu’une main innocemment
facrilège, ne répandît le fan g d’un animal
facré.
le s Romains n’eurent de goût particulier ou de
coutume propre à leur nation, que d’aimer à repaître
leurs veux du fan g des animaux combàttans
dans les amphithéâtres. Pour complaire à ce peuple
fanguinaire, les édiles & les empereurs faifoient
venir des contrées les plus éloignées, les animaux
féroces & carnaciers. La Calédonie 8c la Pannonie
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fournifToient des ours; les lions & les tigres ve-
noient des déferts de l'Afrique y les rhinocéros &
les hyènes étoient amenés de l’Inde, & les crocodiles
de l’Afrique. Les empereurs avoient feuls
le droit de faire venir dans la capitale les bêtes
féroces ; mais ils les donnoient quelquefois en
préfent à leurs favoris, ce qui étoit une marque
de la plus grande confidération.
On renfermoit ces animaux dans des caves placées
au-deffous 8c autour de l’arène. Lorfque le
moment de les faire combattre étoit arrivé, les
portes de ces caves s’ouvroient, & ils s’élançoient
avec fureur dans l’arène, où les gladiateurs 8c les
criminels condamnés aux bêtes, les attendoient
pour les combattre. D’autres fois , on les renfer-
moît dans des vaiffëaux ou d’autres machinés,
qui, s’ouvrant dans lé milieu de l’ârène, les laif-
foient échapper de leur fein. Les Romains eurent
une paffion fi forte pour les combats d‘animaux,
que Philippe voulant regagner la faveur du peuple
irrité par la mort de Gordien, n’employa d’autre
moyen que de multiplier le nombre des animaux
expofés dans les jeux féculaires. Jamais atiffi l’on
n’en vit de tant de fortes : un rhinocéros, trente-
deux éléphans, dix tigres, dix alces, foixante
lions apprivoifés, trente léopards, vingt hyènes ,
un hippopotame, quarante chevaux fauvages,
vingt archoléons 8c dix camélopardes.
Cette-cruauté ne s’étendoit pas cependant juf-
qu’aux animaux domeftiques. Les anciens fem-
bloient avoir réfervé pour eux feuls toute la
fenfibilité dont ils ne faifoient point ufage d.ms
les temples à la vue des milliers de viélimes que
l’on y égorgfeoit. Lorfque des animaux leur avoient
rendu de longs fervices pu des fervices fignalés,
ils leur donn-oient la liberté, ou ils laiffoient par
leur teftament des fommes pour les nourrir. On
entrenoit des oies dans le capitole, en mémoire
du bruit quelles avoient fait à la venue des Gaulois.
Lorfque Céfar traverfa le Rubicon pour fe
rendre maître de Rome , il abandonna dans les
forêts les chevaux qui lui avoient fervi à conquérir
les Gaules. Staçe n’a pas oublié de fuivre
ces exemples dans fa Thébaïde- On y voit Bacchus
revenu des Indes, donner dans la campagne
de Thèbes la liberté aux deux tigres apprivoifés
qui avoient traîné fon char pendant fa glorieufe
expédition.
A n im a u x . Art. Une opinion erronée s’efl
établie parmi les artiftes à la renaiffance des lettres
8c des arts, relativement aux animaux fabriqués
par les anciens. Ils affuroient que l'exécution en
étoit médiocre, §c bien inférieure à celle des
modernes. Un fculpteur eftimible (M. Falconnet)
a réveillé ce préjugé, Sc l'a appuyé fur les défauts
du cheval de Marc-Aurèle. 11 l’a trouvé trop mal
fait ; ainfi que les amateurs de l’antiquité ont pour
lui peut-être trop d’admiration. On verra à l’article
Cheval, ce qu’il faut penfer de ce monument.
A N I t79
La queftion q*e nous traitons ici eft plus generale
; elle regarde tous les animaux qui font forti*
des atteliers grecs 8e romains ; & c’eft d’après lé
faVant Winkelmann que nous allons la réfoudre
en faveur des artilles anciens. Nous favons d’abord
que plufieurs ftatuaires acquirent une grande réputation,
par la manière fupérieure avec laquelle
ils rendoient les animaux. Calamis fculpta avec
la plus grande vérité les chevaux, 8c Nicias les
chiens. La vache de Myron a été chantée par les
plus célèbres poètes, dont les vers nous (aient
parvenus. On vantoit encore un chien de cet
artifte, 8c un veau de Ménechmus. Pline nous
affure que les anciens artiftes faifoient les bêtes
féroces d’après le naturel, & que Praxitèle avoit
devant lui un lion vivant, lorsqu'il fculpta le roi
des animaux.
On n’a confervé des lions & des chevaux antiques
d’une grande beauté, tant.de ronde-bofle
& de demi-bolfe, que fur les médailles 8c les
pierres gravées. Les articles Lion 8c Cheval apprendront
combien étoit admirable le cife.au qui les
a produits. Rome feule poffède encore plufieurs
animaux de fabrique grecque, exécutés en pierres
dures & en marbre. La Villa-Negroni renferme
un très-beau tigre de bafalte, monté par un bel
enfant de marbre. Le bouc du palais Giuftiniani
eft d’un rare travail ; mais il faut obferver que la
tête n’eft pas antique.
Au relie, il feroit étonnant que les anciens
n’euffent pas réufli à repréfenter des animaux,
puifque l’on attachoit un grand prix à ces repré-
fentatioris, qui étoient ordinairement les fymboles
ou les monumens de quelqu’événement mémorable*
Telle étoit ,1a louve, du ftyle ctrufque ,
allaitant Rémus 8c Romulus, confervce encore
aujourd’hui au capitole ; tel étoit le grouppe de
bronze, qui repréfentoit Alexandre combattant
un lion, que Craterus confacra à Delphes; tel
le boeuf doré que le peuple romain fit élever par
reconnoiffance à L. Minucius ; tel le chien de
marbre du tombeau de Diogène; telle la fyrène
gravée fur le fépulcre de l’orateur Ilocrate ; tels
enfin ces lions que les Egyptiens fabriquèrent fi
fouvent comme us des emblèmes des dèbordc-
mens du N il, 8c que les Grecs 8c les Romains
employèrent par imitation , fans doute, à verfer
l’eau des fontaines 8c des aqueducs.
Avec quelle profufion ils fculptèrer.t des animaux
fhr les vafes ! Sans parler du fond qui en
étoit ordinairement couvert, toutes les parties
faillantes, les pieds, les anfes, les manches des
inftrumens, étoient formées par des enlacemens
ou des .grouppes d’animaux. Combien de fois le
comte de Caylus s’eft-il récrié fur la variété, la
richeffe 8c le bon goût de ces ornemens ! Que l’on
jette un coup-d’oeil, même rapide, fur fes deflins,
fur ceux d’Herculanum, ou des v.ifés etrufques,
fur les médailles grecques , 8c fur les pierres
gravées en particulier; c’eft alors qu’on fera en