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Bc le véritable clypeus dont il eft iî fouvent
parlé dans les poètes latins. Nous avons vu plus
haut Virgile comparer l’oei.1 -du géant Polyphénie
au bouclier rond des Argiens > nous- allons
voir le chantre des métamorphofes ( xm. 851. )
rappeler clypeus ,* de-là on peut coaclure que le
bouclier rond étoit ceiui que défignoit le mot
clypeus.
Unum ejl in media lumen mihi freinte >fed inftar
Ingentis clypei.
D ailleurs le poète Attitis ( in Agamemnone J
îe comparoit au ciel, pour exprimer fa rotondité
: ln altijfimo cceli clypeo temo fuperat fielLas.
Virgile dit aufli (Æneid. il. 227. ).
Clypei que fub orbe teguntura
Quant à la grandeur du ctypeus , on fait qu’il
couvroit prefque tout le corps,, c’eft-àr dire , les
épaules, le tronc * les cujlfes- & les jambes*
comme les. couvrit depuis le bouclier quarré-
long j Scutum. V'oye^ct mot. Toute la différence
qu’il y eut depuis entre le clypeus & le
bouclier rond de la .cavalerie romaine, appelé
P'arma * ( Voye^ ce mot ) confifta dans la grandeur
du premier , 8c dans la petitelfe jointe à
la- légèreté du fecpnd.
R:*umJus,. ayant réuni à fon peuple les Sa-
bins, adopta, comme nous l’apprend Plutarque,
( Rpmu.L ) leurs boucliers quarrés - longs, feuta
fubina j, & ils devinrent Parme de l’infanterie-
Tantôt le feutum étok plat, 8c il repréfentoit
alors leyé^» des Grecs} tantôt il étoitcourbé en
forme de tuile au de canal, & c*étoit alors
celui que les Grecs appeloïent tvpùs
Voici la defeription que Polybe nous donne
des boucliers romains, tant pour la cavalerie, que
pour 1 infanterie. ( lib. 6. c. a . trad. de T hui lLard, y
« Les h affaires plus, avancés en âge , ont ordre 33 de porter l’armure eompiette, c’eft-à-dire , un
39 bouclier convexe, large de deux pieds & demi,
99 (romains) & long de quatre pieds. Le plus
** long feutum n’a environ que quatre pieds 8c une
» palme s il eft fait de deux planches collées en-
” femble, 8c il eff. couvert par dehors} première-
» ment d’un linge, 8c par-deflus d’un cuir de
s» veau. Les bords en haut & en bas font garnis
» de fer pour, teçevoir les coups de taille, &
*> pour empêcher qu’ils ne fe pourraient contre
» terre. Le convexe eff encore couvert d’une
plaque de fer, laquelle pare.les grands coups,
-» comme de pierres, de farifles & de tout autre;
» trait violent. »>
« Les boucliers de la cavalerie (\parma ) étoient
» fait dê -cuir de boeuf, 8c àflez femblablês à
30 ees gâteaux dont on fe fert; dans les facrifices..
30 CetVr 4 e bouclier n’étoit d’aucune défènfe } 1
* & s’il n’étoit amais aflez ferme pour-réfifter * |
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* 4 beaucoup moins lorfque les pluies
” ravoient amolli 8c gâté. »
Ce paflage indique la raifon poyr laquelle, on
ne trouve point de boucliers , dâ ns les menu-
mens ni dans les ruines} quand même ils auroient
été abfolument formés de cuivre, ainfi qu’on l’a
pratiqué pendant quelque temps 8c chez quelques
nations. Ces boucliers, toujours matelafîes
dans l’intérieur, n’ont jamais eu a (fez d epaiffeur
ni affez de confiftance pour fe conferver jufqu’à
noVs: Çeux qu! ont été fabriqués avec plus de
folidité, ont fervi de modèle aux boucliers votifs,
que la fuperftition 8c la vanité des hommes
ont fouvent répétés. Leur matière a réfifté aux
outrages du temps ,. parce que ne devant point
etre employés à la guerre, on n’en a ménagé ni
le poids , ni 1 epaifleur.
A l’égard du fer dont parle Polybe, je ne doute
pas que les boucliers de fon temps ne fufîerit
garnis de ce métal, ni que leurs formes 8c leurs
proportions ne fufïent conformes à celles qu’il
décrit. Mais comme il eft conftant que fur ces
points même, il y a eu de très-grandes variétés,,
on doit croire que l’on a fait aufli ufage du
cuivre^ dans les pays où il étoit plus commun.
Ce métal avoit la'même utilité que l’auteur donne
au fer, 8c les lames en étoient plus légères.
Si les cercles de métal dont nous avons parlé
plus haut, ont fètvi chez les romains à décorer
les boucliers ou à leur donner plus de défenfe
il n’a pas été poflîble de les employer autrement
que pour marquer le milieu de la partie convexe ,
fur-tout dans les pays où les arts moins connus
ne donnoient pas la facilité de charger les b ou-
cliers de peintures ou d’autres ornemens plus fa—
vans. Il eft au moins conftant qu’on les embel-
lifloit d’un cuivre très-mince 8c très-léger, comme
plufîeûrs boucliers repré fentes dans des bas-reliefs,
8c fur-tout fur le pié-d’eftal de la colonne
trajanne femblent l’indiquer. ( Caylus 2. pl. yz.
n ° - 3-)
J1 ne paroît. pas que les Romains ayent adopté
la Pelte des Grecs, ( Voye£ ce mot ) ce bouclier
courbé en forme de croinant ou de faulx, qui
eft un des attributs paincipaux des Amazones,
s Les troupes auxiliaires tirées de la Grèce s de; 1 Efpagne & de l’Afrique, confervèrent feules
dans les camps romains l’afage de cette arme
particulière. Qnant au bouclier couvert de peaux
garnies de poils , appelé Xaurhiov par Homère
( Iliad. E. 4j2. ) , if n’en eft fait aucune mention
dans les-auteurs latins. C’ étoit fans doute un
refte des armes groffières qu’employoîent encore
les Grecs au flècîe de la guerre de Troye.
Les Romains reçurent des Grecs fufage de
charger lès boucliers de fÿmboles & d’ornemens.
Comme eux, ils y. gravèrent les hauts faits de-
leurs ancêtres. Virgile-s’eft conformé à cette pratique
dans la defeription d’un bouclier (Æneià».
7 . 6 $ .) ; .
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C ly p e o q u e in fg n e p a te rn um 3
Centura gts gués, c in ltam q u e g e r i t f e r p e n t ib u s hydram.
Souvent on voyoit briller fur leurs boucliers
lès images de leurs ancêtres. Siiius le dit du bouclier
de Scipion l’Africain (-17. 401. ) :
Terribilem ofientans clypeum , quo patris & una
C durât patrui fpirantes prdia dira
Effigies,
]}s y faifoient graver aulfi leurs propres exploits.
Hirtiiis (Bell. Hifpan. c. 25.) : Ckm ad dimicandum
in planitiem fe coniulijfent , feutorumque laudis
infignibus prsfulgens opus edatum. Ils y attachoient
les chaînes d’or & les autres dons militaires qu’ils
avoient reçus de leurs chefs.
Chaque légion portoit des boucliers peints,
d’une couleur particulière, & chargés de fÿmboles
qui fervoient a faire diftinguer fes légionnaires de
ceux des autres légions, tels que le foudre, une
ancre , un ferpent, &c. On ajoutoit à ces fym-
boles les lignes diftindifs de chaque cohorte , les
noms du général, du centurion & du foldat auquel
appartenoit le bouclier, • ( V.égèce, il. 17 )•
Ces marques étoient néceflaires pour que chaque
foldat pût reconnoître fon bouclier au premier
lignai} car on les dépofoit dans une tente, ou
dans un magafin particulier, d’où il étoit défendu
d'en fortir aucun fans l’ordre exprès des chefs.
De-là vient que.lès écrivains latins ayant à peindre
un camp 8c une troupe furpris, dlfent toujours
que les foldats étoient fans - boucliers 8c fans
épée.
Lorfque les anciens étoient attaqués dans un
moment où ils n’avoient point de boucliers , ils
rouloient autour, de leur bras-gauche , les foldars
leur habit des camps , fagum , lès citoyens leur
toge; 8e ils l’oppofoient comme un bouclier aux
coups des ennemis. Tacite (Hift.: v. 3.2. y.)..Tite-
Live (xxv. 16). Céfar (de Bell. Civil. 1. 75.) raconte
aufli que fes foldats ayant été fans arme
dans le camp d’Afranius pour une conférence,
fe virent attaquer en trahifon par la cavalerie
d’ Afranius, 8e qu’alors ils ôtèrent leur fagum pour
s’en former autour du bras une efpèce de bortj.
clier : Dextras in repentino periculo fugis invol-
vijfe,. arque iea gladiis dijlriftis fe a cetratis ^ &
equitibus Afranii defendiffe. C’eft ce que "Nonius
(iL I45.) appeloit clupeare brachium chlamyde.
Les peintures, 8e les autres ornemens des boucliers
exigeoient un foin particulier pour leur
confervation. C’eft pourquoi lorfque les foldats
étoient dans le camp-, ils les couvroient ^vec
des étuis- de cuir, qui les mettoient à l’abii des
thocs 8e des- frottemens.
Ces foins pour la confervation du bouclier naif-
foient encore d’un autre principe plus relevé.
C’éxoit l’ooinioa coramu;iè-' es Gre*;s..8e. des Ro-
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mains, qu’un foldat étoit déshonoré, lorfqu’il Ce
lailfoit enlever ou lorfqu’il abandonnoit fon bouclier
fur le champ-de-bataille. Ifocrate nous l’at-
tefte dans fa harangue fur la paix. Cette faute
militaire étoit punie de mort chez certains peuples
de la Grèce.; 8e les Lacédémoniens chaflèrent
de leur ville le poète Archiloque, parce qu’il
avoit die dans fes vers qu’il valoir mieux perdre
fes armes que la vie. Horace avoue (Od. il. 7. 9.)
qu’il avoit honteufement abandonné fon bouclier
pour fuir à la bataille de Philippes avec Pompeius
Varus :
Tecum Philippos & celer cm fugam
Senji relicïâ non bene parmulâ :
Ckm fralla virtus , & minaces
Turpe folum tetigere mento.
Les Laçédémoniennes faifant leurs derniers
adieux à leurs fils près de combattre les ennemis,
les armoiént, tk en leur donnant le bouclier,
elles leur difoient, *1 r«», « «ri tS?: rapporte
cette arme , ou fois rapporté fur elle. Apophtegme
'\qu’Aufonne a délayé dans ce diftique.
(Epigr. 24. 1.) K
Mater Lac&na cllypeo obarmans filium ,
Cum hoc ,- inquit, aut in hoc redi.
Pour entendre cette exhortation laconique , il
faut connoître 8c le préjugé fur l’abandon du
bouclier que nous venons d’expofer, 8c l’ufage où
étoient les anciens d’emporter du champ-de-bataille
les morts-fur leurs boucliers.
C’eft, ainfi que le corps de Laufus eft rapporté
dans l’Eneide (x. 841.) : ,
At Laufum focii exanimem fuper arma ferebant.-
Ainfi eft rapporté Atys mourant, dans la-Thé-
baïde ( vm. 637. ) :
T alla jaciabant sfubito cum pigra tumultu-
Expavit domus, & multo fudore recep tus ,•
Fertur Atys , fervans animam'jam fanguine nullo y
Cui manus in plagà, dependet Languida cervix
Exterior clypeo.
Boucliers votifs avec ou fans portrait. L’hoir
neur que les anciens attachoient à conferver
leur bouclier, les a d’abord- engagés à préfenter
cette armure défenfive à la divinité après en-
avoir dépouillé l ’ennemi. Cette arme étoit d’ail-*
leurs la plus apparente, quand elle étoit appen--
due dans les temples ou dans les lieux publics*
Il n’eft donc pas étonnant que cet ufage ait été-
fi. long-temps pratiqué, 8c que les Romains- 1 Payent emprunté des Grecs.
La vanité 8cTa fuperftition s’emparèrent en--
I fuite- de- cette oratiaue* la fournirent à leurs*