
Les Grecs 8c les Romains confervoient le bled
dans des greniers} mais les Africains l ’enfouif-
ioient dans la terre, ainfi qu’ils le pratiquent encore.
Ils appellent matamors les trous dans lefquels
ils le renferment.
Quant aux proportions de la femence que les
anciens employoient pour les differens bleds , &
aux produits des différentes contrées, voyez Fertilité
& Semailles. '
La coutume de diftribuer du bled à bas prix
Peuple romain, étoit auffi ancienne que fa
republitjue. Pline en rapporte le commencement
a l edileplébéien ManiusMarcius(18. 3 . ) :Manius
Marcius, &dilis pleins, primum frumentum populo
zn modios ajftbus donavit. Minutius l’imita & diftri-
bua ce meme .au peuple le bled qu’avoit amafifé
opunus Moelius, pour capter la bienveillance
des Romains qu’il vouloir afîervir. Les empereurs
renouvelèrent fouvent ces distributions de
o/frf quils donnoient a bas prix, & même quelquefois
fans rien exiger de ceux qui le recevoient.
On en voit des témoignages fréquens fur les médailles
qui en ont pris les noms de L ibéralités
ou de Congiaires.
On ne trouve rien de précis avant les empereurs
fur le nombre de ceux qui avoient part à ces diftri
butions, & que 1 on appeloit Frumentantes. Suétone
dit que Céfar le réduifit à iy o ,o o o , de
3 2 0 ,0 0 0 qu’il étoit auparavant. Augufte ( Dio.
5 5 -) le port* à 2 0 0 ,0 0 0 , & Tibère (Tacit. Annal.
»• 13.) l'augmenta encore.
Quels etoient ceux qui avoient part aux diftributions
de bled ? C'étoient les citoyens pauvres
(Sencc. de Ben. 4 . 27.) : Frumentum publicum tam
fut y quam perjurus , & adulter accipiunt : & fine
aeleciu môri&n, quifquis civls efi. Les affranchis
étoient compris dans cette diftsibution; le fcho-
liafte de Perfe expliquant le 73e vers de la fatyre
5 3 le dit exprefiement : Roms, erat confuetudo,
ut qui ex manumïfftone cives ejficiebantur , in numéro
civium romanorum frumentum publicum acci-
perent. On y comprenoit auffi les enfans, comme
»1 paroit par ces paroles de Pline (Paneg. c. 16 .) :
Tu ne rogari quidem fuftinuifti , & quanquam Utif-
Jimum oculis tuis effet confpecîu romans fobolis
bmpleri , ornnes tamen an te quam te vidèrent, adi-
trentve , recipi, incidî jujffti : ut jam inde ab in-
fantia parentem publicum munere éducation!s expe-
rirentur.
Il parort qu’avant le règne d’Augufte , les
laboureurs & les marchands etoient exclus des
diftributions de bled ; car Suétone raconte (Aug.
c. 42.) qu’il les y comprit : Atque îta pofi hanc
jem , ( frumentationem ) ita temperavit, ut non
minorem aratorum , ac negotiantium, quam populi
rationcm deducerct. Les nobles, ceux qui avoient
tccnpé les grandes dignités, & les fënateurs,
avoient part de droit aux diftributions de bled.
Cic'ron ( Tufc. quafîion. a l . 20.) raconte que
Gracchus voyant Pifon F rugi, ancien magiftrat,
approcher pour participer à la diftiibution de
bled, lui demanda devant tout le peuple, comment
il pouvoit prendre part à une chofe, après
s’être oppofé à la loi (Frumentaria) qui l’ordon-
noit. Hadrien (Spartian. c. 7.) aflura des diftributions
de bled aux fénateurs dont le patrimoine
étoit diflipé, afin que leurs enfans puffent jouir
un jour du revenu nécefiaire pour entrer dans la
claffe des fénateurs.
Les foldats recevoient tous les mois la portion
de bled qui devoit les nourrir. Cela n’empêchoit
pas que dans des circonftances particulières, on
ne leur en fît des largeffes. On leur donnait leur
nourriture en £/e<Lplutôt qu’en pain, parce qu’ il
étoit plus léger d’un tiers : Lex certa naturs e jl,
,dit Pline ( x v i l l . 7 .), ut in quocumque genere pani
militari tertia portio àd grani pondus açcedat ; &
parce qu’en outre ils le mangeoient fouvent en
bouillie (puis) , que les Romains aimoient beaucoup
, ou en pâtes cuites légèrement fous la
cendre.
Les édiles furent d’abord chargés de ces diftributions
; mais elles furent attribuées enfuite au
préfet de l’annone, prsfeBo dnnons, qui comman-.
doit aux frumentarii, officiers prépofés au recouvrement
des bleds que dévoient à Rome les provinces
frumentaires , 8c aux gardes- magafins ,
menfores. Les édiles, le préfet de l’annone, les
empereurs, les généraux, tous ceux enfin qui fai-
foient les diftributions de bled, donnoient à chacun
de ceux qui fe préfèntoient un billet ou teftere,
fur lequel étoit marquée la quantité de bled qui
formoit la libéralité pu le congiaire. On porroit
enfuite cette teftere aux gardes-magafins, qui
étoient chargés des greniers publics, & l’on recevoir
la quantité de bled marquée fur la teftere.
P. Viétor porte à trente-neuf le nombre des
greniers publics que renfermoit Rome dans fon
enceinte. Quelquefois on diftribuoit du pain au-
lieu de bled. Ces diftributions fe faifoient depuis
Gracchus dans les premiers jours de chaque mois;,
ce qu’Appien appelle (Bell. Civil. 1. p. 362.)
triTtjpscrtov e/sc/uwov. Suidas nous apprend qye c’étoit
au jour desNones àc ùvu raç tlvets chci'op.lyctç. Augufte
voulut réduire à trois jours de l’année ces diftributions,
afin de détourner moins fouvent le peuple
de fes occupations ; mais h s follicitations de ce
même peuple l’en détournèrent. Suét. (c. 40. n. 3):
Ne plebs frumentationum caufâ frequentiics a négatifs
avocaretur, ter in annum quaternûm menfium
tejferas dure deftinavit : fed àefiderantï confuetudi-
nem veterem conce fit t rursits , ut fui cujufque menfis
acciperet.
Polybe ( v j . 37.) nous apprend que l’on don-
noit par mois à chaque fantàffin deux tiers de mé-
dimne attique de froment, & par an vingt-un
boifteaux de Paris (ce qui ne paroît pas fuffifant)
& aux cavaliers fept médimnes d’orge, vingt-
quatre boifteaux de Paris par mois, & deux médimnes
de bled par mois, ce qui feroiç (chofe
incroyable) quatre-vingt-quatre boifteaux par an,
Les Romains donnoient cette quantité dé bled
appelée menftruum , gratis aux alliés} mais- aux
foldats romains, en déduction de leur folde accoutumée
(Polybius 3 ibidem). Les tribuns veilioient
à ces diftributions,-examinoient l’état des greniers,
la qualité du bled, & l’emploi qu’en faifoient
les foldats; Car il étoit défendu à ceux-ci de le
vendre. Nous voyons dans Sallufte (Bell. Jug.)
qu’une des marques de la corruption d’une armée,
étoit d’y vendre publiquement le bled des rations
: Frumeretum publicé datum vendere, panem
in dits mercari. Galba (.Suet. c. 7. n. 4. ) ayant
appris qu’un foldat avoit économifé une mefure
de bled ( modium ) fur fa ration , & qu’il l’avoit
vendue cent deniers, défendit à tout le monde de
lui donner de la nourriture ; de forte qu’il mourut
de faim.. . . : Militi qui per expeditionem annonâ
artlijjimâ refiduum cibariorum tritici modium centum
denariis vendidijfe arguebatur , vetuit, fimul atque
indigere cibo coepijfet, a quoquam opem ferri, atque
is famé extabuit. Cependant on donnoit pour ré-
cornpenfe à des vétérans ou à des foldats qui
s’étoient dilringués dans quelques occafions, une
double ration de bled ; d’où leur vint le nom
duplicariij mais ils ne pouvoient le vendre; ils
donnoient leur fuperflu à leurs camarades.
Lés empereurs ne dédaignoient pas de veiller
eux-mêmes aux diftributions de bleds, & d’en
examiner les qualités. Tel fut Hadrien ; laborabat,
dit Spartien (c. 2.) prstereâ, ut condita militaria
diligenter agnofceret, reditus quoque provinciales
folerter explorans , ut f i alicubi quicquam deejfet,
expleret. Tel fut aufli Alexandre-Sévère : annonam
militum , die Lampride (c. 15.) diligenter infpexit.
De-lâ vint l’ufage de préfenter aux empereurs ou
aux généraux un efîai du bled que renfermoient
les greniers militaires, appelé proba. Ammien-
Marcellin (2 1 . 16 ) . . . . : rekiculis infidenti , ut
principibus fo le t, annons militaris offerebant indi-
'<z y ut ipfi nommant, proba,
Frumentum sftimatum étoit la quantité de bled
que recevoient les magiftrats romains dans les
provinces, pour l’entretien de leur maifon (in
cellam'),* & qu’ils prenoient quelquefois en argent.
Ces magiftrats fixoient eux-mêmes la quantité
du frumentum in cellam , 8c cette ordonnance
s’appeloit sftimatio. Cicéron (Verr. n i . 81) : Ciim
ex felo & ex legibus frumentum ei in cellam fumere
liceret : idque frumentum ita fenatus sflimajfet,
quaternis H-S. tritici modium, binis hordei : ifte 3
numéro ad fummam tritici adjeclo, tritici modios
fingulos cum aratoribus ternis ' sftimavit.
Frumentum decumanum étoit la dixme des bleds
récoltés que chaque laboureur, dans certaines
provinces, devoit fournir pour l’approvifionne-
ment de Rome : Afconiüs in Cicer. : Sicilià dabat
decumanum frumentum, quod ab aratoribus exige-
batur fine pretio. '
; Frumentum emptum étoit de deux efpèces : celui
des dixnjes que l’on payoit quelquefois, & u; e
fécondé dixme que le peuple romain exigeoic,
en payant, dans un tems de difette. Les préteurs
étoient autorifés par des fenatus-confultes à lever
ces dixmes, & ils étoient chargés de les payer.
L ’infame Verrès avoit retenu le prix des bleds
fournis par,la Sicile, & Cicéron lui a reproché
vivement cette concuflion (Div. c. 10.) ; Emptum
efi ex fcio frumentum ab Siculis , prstore Verre,
pro quo frumento pecunia omnis foluta non efi.
Grave efi hoc crimen in Vcrrem. ...
Frumentum honorarium étoit une quantité de
bled que les provinces fourniftoient de plein gré
aux magiftrats romains , . au-delà du frumentum
sftimatum. Cicéron (in Pifon. c. : Qui modut
tibi fuit frumenti sftimandi , qui honorarii ? Si quidem
pote f i vi & metil ex tortum honorarium nominari•
Bled fur les médailles. On en voit trois grains
fur celles d’Himère. Tous les épis ou les grains
de bled qui font fur les médailles, appartiennent
ail bled-barbu.
B L É M Y E S ou B l e m m y e s , peuples de
l’Ethiopie aux confins de l’Egypte, qui furent?
domptes par Florus, lieutenant de Marcien, l’an
de J. C. 4jo. Ils facrifioient des hommes au foleii.
Il en eft parlé dans Théocrite , dans N on nus,
dans Paufanias 8c dans Denys Périégète. On difoic
que les Blémyes n’avoient point de tête, & que
leurs yeux 8c leur bouche étoient placés fur la
poitrine. Quelques auteurs croient que cette fable
a pour origine l’ufage où étoient les Blémyes,
d’enfoncer leur tête dans les épaules, qu’ils éle—
voient beaucoup , 5c qu’ombrageoit leur vafte
chevelure. Cette explication paroit très-vraifem-
blable, fur-tout lorfqu’on jette un coup-d’oeil fur
les Bacchus égyptiens ou barbus, dont la tête eft
enfoncée dans la poitrine.
BLESSURES. L’ art de guérir les blejfures ,
celui auquel toutes les autres parties de la Chirurgie
doivent céder, n’a fait prefqu’aucun progrès
depuis tes anciens. De plus, ceux des mo--
dernes qui ont écrit le plus judicieufemcnt fur
lès blejfures à la tête, ont cru ne pouvoir rendre
un pins grand fervice à leur fiècle 8c à la pofté-
rité, que de commenter le livre admirable qu’Hip-
pocrate a compofé fur ce fujet,
B LEU , cyancus 8c la^urios colçr des Grecs,
coeruleus 8c venetus des Latins. Les Egyptiens fe
fervoient dans les premiers tems du lapis lasydl
pour Taire du bleu, jufqü’à cç qu’ un de leurs rois
fit connoître une chaux de cobalt (voye^Az u r ) ,
qu’ils appelèrent cyaneus lapis ou pulvis.
La nuance du bleu des anciens, color coeruleus,
étoit celle d’un beau ciel fans nuages, appelé par
Ennius,
Coeli .caerulea, templa,
Ovide l’a décrite (Art. n i . 12. 12.):
Aëris ecce color tum cum fine nubibus aër,
Ncç tepidus pluvias çonzitat aufier aquas.
N n ! |