
nombre. On en peut juger par le S. Auguftin de
l’ cglife de Beauvais, où la date eft ainfi exprimée:
Explicitum opus favente Dno apud CcenubiuLuJfoviu
un no duodecimo regis Chlotkacarii indiftione tercia
décima 3 an xlfimo pis ni f e l païio. On rencontre
de pareilles abréviations prefqu’ à chaque ligne
dans la plus ancienne écriture du manufcrit du
roi , coté 2.294. A. Leur nombre augmente confi-
dérablement au huitième lîècle , comme Ton voit
dans le manufcrit de Wirtsbourg , dont l’abbé de
God'vic a donné un modèle, & dans le calendrier
de Corbie, dont nous avons deux lignes dans la
diplomatique de dom Mabillon. Elles fe multiplièrent
encore bien davantage au neuvième lîècle ;
nous en avons la preuve dans le Code Théodofien
de la bibliothèque du roi* écrit par Ragenard, la
dix-neuvième année de l’empire de Louis-le-De-
bonnaire 3 & dans un fragment du dix-huitième
livre de S. Jérôme fur Ifaïe, qu’on trouve dans le
manufcrit du ro i, n°. 152. Outre les anciennes
abréviations , il y en a de nouvelles , comme qmo3
dixer 3 pour quomodo dixerunt. Dans- 1 écriture
capitale des Heures de Charles-le-Chauve, une
petite" s fert de ligne d’abréviation 3, & dans 1 on^-
ciale, le 9. ell mis pour us. Dans quelques manuscrits
faxons, à-peu-près du même tems , on écrit
fecun Math 3 pour fecundîim Matheüm. Le. dixiéme
fiécle enchérit fur les précédens pour les abréviations
3 à en juger parle S. Hilaire des-PP. capucins
de Tours 3 & plulîeurs autres manufcrits du
même lîècle. Au fuivant, il n’y a point de ligne
dans les manufcrits & les Chartres, où il n’y en
ait plulîeurs. C’eft ce que nous avons.-obfcrvé
dans deux lettres d’Abbon , tranferites dans le
manufcrit du roi 4568. On y voit fouvent deux
points à côté des mots abrégés, & toujours lorf-
qu’ils ne font que d’une lettre. Les noms propres
n’y font écrits que par leur initiale. Nous avons
compté lîx & dix abréviations par ligne, dans
un manufcrit de S. Martin de Pontoife 3 écrit au
douzième lîècle. Les a&es originaux du concile
de Latran, tenu fous Alexandre I I I , l’ an 1179 3
ctoient farcis'd’un lï grand nombre & abréviations
infolites , que celui qui les a tranferits, déclare
qu’il étoit plus facile d’en deviner la lignification
que de les lire. Nous avons vu des manufcrits
à-peu-près du même tems, où les mots coupés
à la fin des lignes font abrégés par un trait oblique.
Au treizième lîècle, & dans les deux fuivans,
l’écriture eft pleine d’abrégés ; Vn veut dire enim 3
n. lignifie non ; rei ; eft l’abrégé de rerum , celui
de fancîs eft file. On écrit frm3 ordis 3 hem , poris
pour fratrum 3 ordinis , heremitarum , prioris ,*
Ludovic9 pour Ludovic us, mia pour mifericordia 3
glof& pour gloriofa, oim pour omnium 3 hois pour
hominis. Pendant ces trois lîècles, les abréviations
furent employées, même dans les écrits enjangue
vulgaire. On écrivoit en françois nate d‘ome pour
nature d'homme, e fpance de bns t 1. pôUf efpéranee
de biens temporels 3 le ymcemt de bn-fe* pour le
commencement de bien faire 3 li pftre pour le preftre ,
y’ tus pour vertus, la teptaeïo pour la tentation. »
33 Toutes ces abréviations des treize, quatorze
& quinzième lîècles, & une multitude d’autres
introduites pendant là barbarie de ces tems fcho-
laftiques, rendent la le&ure des manufcrits très-
difficile. Elles fe trouvent dans les ouvrages que
produilît l’imprimerie encore dans fon enfance,
la difficulté de les déchiffrer a fait périr un grand
nombre d’anciennes éditions : mais il y en a encore
alfez dans les bibliothèques, pour ceux qui voudront
apprendre comment on abrégeoit les mots
dans les bas fiécles. » Il me fouvient particulié-
rement, dit Chevillier, de la Logique d’Okam ,
33 imprimée à Paris en 1448, in-fol. au clos bru-
33 neau, d’une belle lettre , où il n’y a prefque
33 point de mot qui n’ ait c\\xt\c\\x abréviation. V o ic i,
»3 par curiofité, deux lignes au fol. verfo, chiff. 121 :
» Sic hic e fal. fin qd fimplr : a e pducibile a Deo:
» g a e. Et filr hic : an e: g an e pducibile a Do. ,
33 qui lignifient : Sicut hic efi fallacia fecundum
33 quid fimpliciter : A efi producibile a Deo. Ergo
33 A eft. Et fimiliterhic : A non efi : ergo A don eft
33 producibile a Deo. 33 On peut le fervir de fem-
blables imprimés, pleins de rêveries fcholaftiques,
pour faire des fufees, fans que la république des
lettres en fouffre aucun dommage. L’hiftorien de
l’imprimerie ajoute : « On mit tant de ces abré-
33 viations dans les volumes de droit, dans les
33 manufcrits & dans les imprimes , _qu on^ fut
>3 obligé de faire un livre pour enfeigner à les
33 lire , livre intitulé : Modus legéndi abreviaturas
33 in utroque jure, qui eft dans la bibliothèque de
33 Sorbonne, imprimé (i/z-8°.) à Paris-, paj Jean J Petit, l’année 1498. « Sans la connoilfaMce de
ces abréviations, il eft impoffible de déchiffrer
certains manufcrits importais qui en font remplis,
& qui font fans points ni virgules. Tel eft celui de
Cologne, dont M. Vondert-Hardt s’eft fervi pour
corriger I’hiftoire du concile de Confiance, que
Théodoric- Uric, de l’ordre de S, Auguftin, acheva
en 1425. Il réfulte de toutes ces recherches, que
les manufcrits & les Chartres de plus de lîx cens
cinquante ans, ont beaucoup moins $ abréviations:
que les manufcrits & les aétes poftérieurs. »»
33 Si dans les manufcrits, les plus anciennes
abréviations font marquées par une digne hori-
fontale fur le mot abrégé, celles des diplômes font
indiquées par d’autres figures. Sous la première
race de nos. rois , elles avoient communément
la forme d’un accent circonflexe ou d un c^de ces
tems-là5 c’eft-à-dire, de deux c 1 un fur 1 autre,
femblables à certains T de l’écriture courante :
mais ces figures étoient tantôt placées obliquement
, tantôt perpendiculairement & tantôt hon-
fontalement 5 ce qui les fait paroître plus differentes
entr’eîles qu’ elles ne le font en effet. 33
» Sous la fécondé race, ces figures ne furent
A B R
pas totalement abolies, mais § £
mèrent en d’autres approchant de nos 8c, ae noi
T de no“ 8 & de nos ƒ deeriture courante , ma s
oui oaroiflent quelquefois fort differentes d elles-
roênfes, par lesdiverfes fituations qu on leur donne.
Il y a bon nombre de femblables abréviations dans le
diplôme de Charles-le-Simple, donne en 908, en
faveur de l'abbaye de la Graffe, &- gard
bibliothèque du roi. Nous en avons remaKj“ é
neuf ou dix par ligne dans une chartre oug j « fr
accordée l’an 988 à l’abbaye de Samte-Colombe
de Sens, par Hugues-Capet. Ces abréviations^ f?
foutinrent en Allemagne à-peu-pres fu t'le mtrne
pied jufqu'au treizième fiecle ; mais en France,
5ès la moitié du onzième, elles commencèrent
à être fi chargées de traits, qu on a quelquefois de.
la peine à les reconnoître. Les plus Amples prireM
la forme d’un 3 ou d’un s grec affez mal tait «
diverfement placé. Cependant quelques-unes des
anciennes fe maintenoient encore. Au treizième
lîècle, en Allemagne, on leur fit prendre la figure
du 2 arabe. Elle ne prévalut pourtant pas lut les
ancien es abréviations, qui fe Sentirent fort e a
décade ice de l’écriture. En France, on revint a
l’accent circonflexe, ou à un trait approchant du7.
C’étoit d'ailleurs une note de Tiron, qui s eft
prefque confervée en tout lieu & en tout tems
dans les diplômes, pour fignifier a. »
K Les abréviations dont dous avons parlé juf-
qu’ic i, répondent à la ligne horifontale placée fur
les mots, pdur annoncer qu’il manque quelque
chofe'au milieu ou même à la fin. On fe fervoit
encore d'un 9 en chiffre ou d'une petite s , pour
marquer les abrégés des noms en us , & de differentes
barres qui coupoient les lettres, & lur-tout
pour fignifier per, pro , prt. Leur lignification
confondue, a introduit bien des erreurs dans les
livres & dans les copies des Chartres. P e r e toit
marqué par une petite ligne ou toute autre figure
d’abréviation co upant la queue du p, : pro par un ■
de la tête duquel on faifoit partir un/rait pretque
en forme de c ou d’a , porté en devant ou de droite
à gauche : quelquefois ce trait étoit porté-au-
deffous de la tête du p & varioit beaucoup dans fa
figure ; en forte qu’ il reffembloit beaucoup a un
8c, ou à un 8 couché de travers. La meme choie
arrivoit auffi, quoique ce trait fortit de la tete
du p. Ce trait d’abréviation faifoit auffi quelquefois
une fuite avec la queue du p. Quant à p n , 1 abréviation
fous différentes formes, etoit toujours
placée au-deffus du p. »
„ Dès les premiers tems, l’ écriture abrégée
eut cours principalement au barreau. Les ^aétes
publics de Ravenne, des cinq & fixième fiècles,
en font foi. On y lit : Speclr. val. vï_cond(L
vvTc D n v inl. Mag. dd vpxj ttfq in hd. jrdtjz Vv
Diac. fchol, & col rev- Eccl. pnti. qd pc. ff. pp.
qq JJ] C’eft-à-dire : Specialiter valere, viri inclyti,
sondulteres , vïrï clarijjimi, Dominas vir inlujèer,
A B R t?
Magiftratus dixerunt, vir p c r ff ifm u s Dccempriu
mus, ufquc in hanc diem, prsdiRa, ver
diaconus, [cholaris & colleclarius révérends Ecclcju,
prafenti, quondam , poft confulatum fupra fcnpmm ,
Pp $ n tib u s quibus fupra, &c. On trouve une mu -
titude d’autres abréviauons dans k .K cu ed .
a êtes, en papier d’Egypte, publie P » k
Maffei. Elles font beaucoup, moins nombreules
dans les diplômes de nos rois Mérovingiens 8c
Carlovingiens ; mais elles fe multipherent dans les
Chartres de la troifieme race : tantôt on y fait
les abréviations desjioms propres par les lettres
initiales, comme Tho & T h i, pour
Thibauld, 8cc. Les difterens noms étant fouvmt
abrégés de la même maniéré, caufent de 1 embarras
; mais pour lever 1 équivoque, on ateepurs
à l’hiftoire, a la chronologie 8c aux ancien i mo-
numens. Tantôt pour abréger ,enjoint les lettres
finales aux initiales, comme Johs epus pour Joannes
epifeopus , abbem pour abbatem ,_clicum pour c e-
ricum, chmi pour charif.mi, mocho pour monaeho.
f i s The pour frottis Tkoms , f c i Bndtt pour/anSt
BencdUti, Sec. On fit un affez grand ufage des
abréviations dans les mfcnptions des bulles de
plomb 8c des fceaux de divers pays. Hemeccius en
a ramaffé un nombre d’exemples, auxquels on
pourrait en ajouter beaucoup d’autres. »
„ pendant le treiziéme fiécle, le nombre des
abréviations étoit devenu fi exceflif, qu'au commencement
du quatorzième , on en apperçut les
inconvéniens. L’ abus qu’on en pouvoit faire dans
les aétes publics, détermina le roi Phihppe-le
Bel à les bannir des minutes des notaires, fur-tout
celles qui expofoient les aétes a être falfifies on
mal entendus. C'eft ce qu’il exécuta dans 1 article 3
de fon ordonnance de l’an 1304, touchant les
tabellions 8c les notaires. Il veut ( Ordonn. des
rois de la troifeme race , top. I , W M ) >-s
■ écrivent nettement les minutes fans abréviations ,
8c qu'ils n’y mettent point de claufes obfcures 8c
• inintelligibles, principalement fi elles font écrites
en abrégé ; parce qu’alors on eft expofe au danger
de fe tromper : Maxime ubi effet propter abrevia-
tiones de facili periculum. Dans cette ordonnance,
les minutes des tabellions » font nommées
» notes, parce quelles contenoient comme en
„ abrégé la fubftance des contrats; en forte que
„ ce qui n’étoit que de ftyle, 8c qui etoit omis,
» étoit marqué par des & caetera. « Les notaires
des bas-fiécles mettoient dans les grofies ce qu ils
avoient fous-entendu par ce figne d’omiffion. Au
lieu que, félon le droit é c r it, pour éviter tout
foupcon de faux, on ne devoir rien mettre de
plus dans la grofle que dans la minute. Ces & coetera.
des notaires ont été regardés comme forts dangereux
, fur-tout en Italie, ou ils ont pâlie ea
| proverbe. »
„ Au feizième fiècle , on étoit fur fes gardes
1 contre l’»bus des & c cetera. Charles V , en 1366,
C ij