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de l1 étain avec ce métal, pour lui donner plus
de fluidité.Quand l’étain n’eft pas âflez abondant,
le bronze manque alors de la fluidité requife
pour couler dans toutes les parties j 8c c’eft ce
que les Italiens nomment incantare. Benevenuto
Cellini, fameux ârtifte , raconte qu’ayant préparé
la fonte d’une ftatue , 8c ordonné de déboucher
le trou du fourneau pour faire couler le, métal
dans le moule, il s’étoit mis à table dans l’intention
de diner pendant ce tems-là 3 mais que les
ouvriers étant venus lui dire enfuite que la fonte
étoit arrêtée, il avoit faifî fur le champ les plats
& les afliettes d’étain, & les avoit jetés dans le
bronze ardent 5 ce qui avoit fendu aufli-tôt la
niaiTe a liez fluide pour faire réuffir toute l’opération.
Par cette raifon 8c pour affurer le fuccès
de la fonte, on étoit quelquefois dans l’ufage de
fondre des ftatues en cuivre pur. Les quatre chevaux
de Venife font de cuivre. Il paroît auffi que
les anciens le choififloient de préférence pour
l’exécution des ftatues deftinées à être dorées 5
parce que ç’auroit été une prodigalité hors de
faifon, que de revêtir d’or un beau bronze. On
fait de plus que le cuivre eft plus facile à dorer
que le bronze, »
« L âHiage de T étain fait que le bronze , après
avoir éprouvé l’aélion du feu , eft percé de quanr
tiré de, petits trous ronds. L’étain , matière plus
fluide , ayant été dévoré par l’ardeur du feu,
vend le bronze plus caftant & prefqu'aufti poreux
qu’une pierre-ponce 5 de-là vient que cette forte
de bronze eft plus légère de poids qü’à l’ordinaire.
Cette diminution de poids eft palpable dans les
Hionnpies que les antiquaires appellent médaillons,
& qui ont éprouvé l’a&ion du feu : l’expérience
nous apprend à les connoître en les pefant avec
d’autres, ou en les examinant au toucher. Ces
médaillons dépouillés de l’alliage de l’étain , ,fe
trouvent, pour ainfî-dire, privés des parties onc-
-tueufes qui leur donnent du corps. Quand on les
tire des excavations & qu’on les expofe ouelque
teins à l’air- ou à l’humidité, il s’y forme une
crafie verdâtre , qui ronge 8c qui confume le
bronze antique. »
« Secondement, je remarquerai que les moules
préparés par les anciens artiftes. pour jeter leurs
figures en fonte , parodient différer de ceux des
nôtres. Sans entrer dans un détail étranger à ce
fujet , je remarquerai l’obfervation qu’on a faite
fur les quatre chevaux antiques du portail de
Saint-Marc, à Venife 5 favoir, que ces figures
ont été fondues chacune dans deux moules qui
s’adaptoient dans toute la longueur de ces chevaux
5 de forte qu’on n’avoitpas befoin-de brifer
les creux après l’opération, comme on eft obligé
de le faire dans les nouveaux procédés de la
fonte. »
•* Troifièmement, j’obferverai que pour ce
qui eft de l’art de fondre 8c de raccorder la
fonte 3 il femble aue les anciens fui voient une
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route différente de celle des modernes , 8c qu’ils
n’étoient pas dans l’ ufage de jeter en fonce des
machines confidérables. Au refte, cette obferva-
tion nous ramène aux premiers eflais 8c aux te ms
les plus reculés , dans lefquels , au rapport de
Paufanias, les figures de bronze étoient de plu-
jieurs pièces & jointes par des-clous. Tel étoit ua
Jupiter de Sparte , fait par Cléarque de Rhegium
de l’école de Dipoene & de Scyîlis ( Pau-
fan. 3. ) Tel étoit fans doute le colofle de Rhodes.
Cette manière de fondre les ftatues fut
encore fuivie dans les tems poftérieurs , comme
il paroît par les fix figures de femme trouvées à
Herculanum, trois grandes comme nature , 8c
les autres au-deflus de cette grandeur : les têrcs,
les bras 8c les jambes font fondus féparément,
8c le tronc même n’eft pas d’un feul jet. Les
pièces dans leur liaifon font jointes par -des attaches
que les Italiens nomment code di rondine ,
queues d’hirondelle , à caufe de leur forme. Le
manteau court de ces figures, compofé pareillement
de deux pièces, de celle de devant & de
celle de derrière, eft joint fur les épaules où il
eft reptéfenté boutonné. *>
«e En fuivant cette route, les anciens artiftes
fe mettoient à l’abri des fontes manquées , difficiles
à éviter, lorfqu’on fond des ftatues entières
8c des machines confidérables. Malgré, cela on
remarque encore des rempliffages qu’on a eu foin
d’ indiquer dans la gravure des chevaux de Venife,
où l’on voit que les pièces ajoutées ont
été'Jointes par des doux dès le tems de leur
fabrique. Je pofsède une fonte manquée. Ce morceau
joint avec la tête de grandeur naturelle,
eft tout ce qui s’eft confervé de la figure d’un
jeune homme. La tête de cette figure étoit autrefois
dans le cabinet des Chartreux à Rome
( Monum. a B07fi.no collefta , p. 14. ), 8c fe
trouve maintenant à la villa Albani. Le morceau
que je pofsède offre le fexe qui étoit adapté féparément
à la figure 3 & ce qu’il y a de remarquable
, e’eft que du côté intérieur , à- Foppofîte
de l’endroit du poil, qui annonce la puberté,
on voit trois lettres grecques, r n x . de la longueur
d’un pouce, qui ne pouvoierrt pas être
vifibles lorfque la figure étoit entière. Montfàucon
a été mal informé lorfqu'il avance fur la foi des
autres, que la ftatue équeftre de Marc-Aurèle
n’avoit point été fondue ,„ mais qu’elle étoit faite
de pièces de platinerie. ( Diar. Italie, p. 169)
« Quatrièmementje ferai mention en peu de
mots, de la foudure dans les figures des anciens.
On la voit aux cheveux & aux boucles dé-
tachées-qu’on avoit coutume d’adapter aux figures
ar ce moyen, 8c dans le tems le plus reculé de
art , de même qu’à l’époque de fon plus beau
luftre. L ’ouvrage le plus ancien de ce genre , 8c
en général un des monumens de la plus haute
antiquité , eft un bufte de femme, du cabinet
d’Herculanum, dont la tête eft coèffée fur 1«
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front & jufqu aux oreilles, de cinquante boucles
travaillées comme dui fil d’archal, dont l’é-
paiffeur égaleroit prefque celle d’une plume à
écrire.-. Ces boucles font foudées fur le côté 8c
rangées les unes au-deflus les autres , & ont chacune
quatre ou cinq anneaux. Les cheveux de
derrière, formés en treffes, circulent autour de
la tête. Le même cabinet renferme un autre morceau
auffi curieux avec des cheveux foudés: c’eft
une tête de jeuneffe 8c de portrait, qui a foi-
xante-huit boucles foudées, de façon que celles
de la nuque du cou , qui ne font pas détachées,
ont été jetées en fonte avec la tête. Ces boucles
reffemblent affez à une bande étroite de papier,
coulée & tirée enfuite en reffort fpiral :
celles qui defeenderit fur le front, ont cinq tours
& davantage 3 celles de la nuque <sn ont iuf-
qu’à douze, 8c toutes font marquées de deux
traits en creux. Rien ne prouve mieux que cet
ufage étoit introduit dans la plus^belle. époque
de l’art, qu’une tête idéale du même cabinet,
connue affez généralement fous le nom de Platon
, 8c eftimt'e un des plus beaux monumens
en bronze : cette tête a pareillement des boucles
foudées aux tempes. *?■■; 1 , ' '
« Cinquièmement, je dirai quelque chofe des
ouvrages en bronze incruftés. 11 s’eft confervé
quelques morceaux de bronze garnis en argent,
(Buonar. pref. aile. ojf. Sop. aie. Med. p. 19.) ,
comme le diadème d’Apollbn Sauroétonos de
la villa Albani, 8c les bafes de différentes figures
du cabinet d’Herculanum. On faifoit auffi quelquefois
en argent les ongles des mains ,8c des
pieds ; ce que l’on voit à deux petites figures
trouvées à Herculanum. Paufanias fait mention
d’une ftatue avec des ongles d’argent ( Paufan.
I. il p. 57. /. 3. ). Je citerai.encore ici les quatre
chevaux dorés que le fameux Hérode Atticus
fit placer à Corinthe, 8c dont les cornes des
pieds étoient d’ivoire. ( Idill. lib. 1. pag. 113.
1MB . ...
« Sixièmement,enfin je parlerai delà couleur que
la main du tems donne au bronze, 8c qui relève
la beauté des ftatues de ce métal. Cette couleur
appelée patine, eft une teinte verdâtre , répandue
fur le bronze 5 teinte dont la beauté elt en
raifon de la finefle du métal. Elle ^ s'appelait
erugo chez les Romains , 8c Horace dît : Nobilis
erugo. Le métal de Corinthe prenoit une teinte
de verd clair ( Pauf. I. 37. p. 35, ) , qui paroît
fur les médailles 8c fur quelques petites figures.
Les ftatues 8c les bufte$ du cabinet d’Herculanum
, ont un enduit de verd foncé , mais il eft
faéfice : car tous ces morceaux ayant été trouvés
endommagés 8c fracafles , 8c ayant paffé par
le feu pour être reffoudés 8c réparés , ils ont
perdu leur ancien enduit, 8c ils ont été recouverts
pair un nouveau'vernis. On convient au
furplus que plus un bronze eft antique , plus fa
■ teinte verte eft belle 3 maxime fuiyie par les an-
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ciens , qui d’après cela préferoiént les ftatucs
antiques aux modernes. »
ce Plufieurs ftatues de bronze furent dorées ,
ainfi que nous le voyons encore par l’or qui s’eft
confervé fur la ftatue équeftre de Marc-Aurèle i
fur les -débris des quatre chevaux 8c du char
placés au fronton du théâtre d’Herculanum , 8c
en particulier fur l’Hercule du Capitole, 8c fur
les quatre chevaux de Venife. La confervation
de la dorure des ftatues, qui ont été enfeveües
fous terre pendant tant de fiècles, ne peut être
attribuée qu’à l’épaifleur des feuilles d’ôr : il s’en
falloit de beaucoup que les anciens euffent I’in-
duftrie de réduire l’or en feuilles auffi minces
que le font les modernes 5 8c* Buonarotti fait
voir la différence de la proportion. ( Maffei,
fiat. n. 20. ).
Après, avoir décrit les opérations de la fonte 8c
de la réparation des bronzes , nous allons faire
connoître les principaux bronzes de chaque nation
dont,les écrivains ont parlé, 8c ceux qui font
encore aujourd’hui l’ornement des rauféum. Les
morceaux de ce genre les plus volumineux qui
nous atteftent la perfeétion de cet art chez les
Egyptiens, font la T a b l e I s ia q u e du cabinet
de Turin (yoye^ ce mot), un vafe avec une anfe,
employé dans les facrifices en Egypte, 8c appelé
fitula par les écrivains latins (voyeç ce. mot) , 8c
une petite bafe de forme carrée-alongée, avec
des figures 8c des emblèmes incruftés. Cette bafe,
que l’on voit au cabinet d’Herculanum, a environ
un pied de longueur 5 8c fa forme nous offre un
modèle de cette diminution (impie qui caraétérife
lès"bafes 8c les édifices des Egyptiens. Sur la face
principale de la bafe du cabinet d'Herculanum ,
on voit un bateau long de jonc d'Egypte entrelacé,
au milieu duquel eft un grand oifeau. Une
figure eft aflife à plat au-devant de ce bateau,
qui eft conduit par un Anubis à tête de chien.
Sur les deux côtés de la bafe font affifes deux
femmes qui ont des ailes étendues, attachées fur
les Tranches 8c rabattues jufqu’aux pieds ; comme
en offrent les médailles de Malte 8c la table [flaque.
Pour ce qui eft de petites ftatues égyptiennes de
bronze , on en a trouvé une grande quantité dans,
le temple d’Ifîs découvert à Pompeïa. Le comte
Hamilton en avoit une dont le creux étoit rempli
de plomb , dans le deffein de la faire tenir debout.
La plus grande des ftatues égyptiennes de bronze ,
eft une Ifls tenant Horus fur fes genoux, qui
appartenoit au comte de Caylus 3 on en voit une
à-peu-près femblable au cabinet de Sainte-Géneviève
, avec un prêtre de bronze d’un grand volume.
Un petit Ofiris du même comte nous a fait
voir que les Egyptiens doroient'quelquefois un
enduit de plâtre dont ils recouvroient leurs
bronzes.
Paufanias dit que l’ Italie eut des ftatues de
bronze long-tems avant la Grèce ; d’ailleurs les
Etvufques eurent des rapports d’ ufages très-intimes