
le portoient au doigt du milieu, comme Pline
le rapporte à l'endroit que j'ai cité.
D abord on ne porta qu'un féul anneau, enfuite
on en porta à tous les doigts. Mart. liv- v.Epig.63.
Tertut. de Cuitu fan. liv. I. & plufieurs même à
chaque doigt. Mart. Iiv. x i. Ep. 60. Enfin, on
en porta un & même piufîeurs à chaque jointure
de doigt j Ariftoph. in nuhib. Martial, liv. vi.
Ep. rr. Senec. na:. qusfi. liv. v u . c. 31. Quintil.
vifliu Liv. xi. Clement. Alex. Pardag. liv. m .
Fiiae dit que les anneaux devinrent fi communs
a Rome, auon en donnait à toutes les divinités,
même à celles des peuples qui n’en avoient jamais
porté eux-mêmes. Ce paflage nous indique
l'otage auquel pouvoit être deftiné cet anneau de
fer j de quatre lignes de diamètre intérieur, publié
(Rec. u , pl. 88.) par le comte de Caylus, & qui
paroît tidicule par fa petiteffe. Il eft travaille avec
foin, & l’on a ferti une petite émeraude dans le
chaton , réfetvé dans la plus grande épaiffeur. 11
ne peut avoir fervi à aucun enfant ., & fans doute
il ornoit les doigts de quelque divinité domeftique
ou dieu lare. Les anneaux de fer ont été en grande
confidération à Rome pendant long-tems * à caufe
apparemment de la rareté de ce métal , & même
quand tous les métaux furent devenus plus communs
, dans le tems où le luxe étoit pouffé au
plus grand excès.
Quoi qu’ il en fo it, on ne peut douter que les
Romains n’ en ayent orné leurs ftatues. Pline dit
encore que ces anneaux étoient mobiles , c eft-a-dire ,
qu'on pouvoit les ôter & les remettre félon les
fêtes & les circonftances.
Ils en donnèrent auffi aux repréfentations des
héros. Les plus grandes llatues en bronze de
Portici, repréfentent des empereurs & des impératrices,
& il n’en eft aucune qui ne foit au-deffus
de la grandeur naturelle > mais elles fon t, dit
Winkelinann, d’ un travail médiocre. Elles ne
préfentent de remarquable que Xanneau placé
au doigt annulaire de la main droite de quel-
quetuns des empereurs, & fur lequel eft grave
un bâton auaurai ( lituus ) , pour defigner qu ils
étoient fouverains poutifes.
La délicateffe & le luxe allèrent fi loin en ce
genre, qu’on eut des anneaux qui fervoient par fe-
meftre, pour me fervir du terme de Juvenal, Sat.
VII. v. 89. Aurum femeftre , femcflres annuli , les
uns pour l’é té , les autres pour l’hiver. Ventilât
êjlivum digilis fudantibus aurum.
Cette mode nous apprend l’ufage des anneaux
épais & foîides de fardoine, de cornaline, & c . de
verre même, que nous trouvons dans les colle&ions
d’antiques- Le jonc & le chaton font d’ une feule
pièce. Le comte de Caylus en a publié, entre
autres, un de ces derniers {Rec. n 9 pl. 88). Cet
en-eau eft plus mince d’un côté que de l’autre,.
à deffein de le rendre plus facile à porter, foit
aii petit doigt, foit à l’index, en tournant le petit
côte en dedans la main. Sa gpofieur eft une prfeuve
de la mode bizarre qui a régné pendant quelque
tems à Rome. Juvénal, dans le vers cité plus haut,
a exprimé deux ridicules à la fois $ celui des bagues
épailfes , & celui de ces hommes efféminés, qui
ne vouloient pas les porter dans les grandes chaleurs,
de peur de s’échauffer j & pour nous convaincre
que la groffeur énorme des anneaux étoit
effectivement paffée en ufage, il ajoute dans un
autre endroit ( Sut. v u , v. 139.), en fé moquant
des avocats de fon tems : .
..................... Ciceroni nemo ducentos
Nunc dederit nummos, nijifuljtrit annulas ingens.
Il paroît, par les derniers mots du premier livre
de Tertulien, de Mornement des femmes, qu’on
faifoit des dépenfes exceffives en ce genre ; mais
fi l’on en croit Lampridius, ch. ÿ 1. perfonne ne
pouffa les chofes à un fi grand exces qu’Elagabaîe ,
qui ne porta jamais deux fois, ni le même anneau,
ni la meme chauflure. Aujourd’hui on n’en porte
qu’au quatrième & au cinquième doigt, mais plus
ordinairement au quatrième , qui fe nomme le
doigt porte-anneau, & en latin , annularis. Quelques
tableaux de 100 & de 200 ans en offrent à
Y index , C* eft-à-dire , au fécond doigt.
On a auffi porté des anneaux aux narines , de la
même manière que des boucles aux oreilles. S. Au-
güftin l’ affiire des Maures, & Bartolin a fait un
livre de Annulis nanum, des anneaux des narines.
Pietro de Valle & Licet en parlent auffi 3 & le premier
affure que les orientaux ont cette mode.
Enfin , il n’y a guère de parties du corps humain
où la galanterie n’en ait tait mettre , à l’envi des
doigts de l'une ou de f autre main. Les Relations
de l’Inde Orientale affiirent que les habitans les
portoient ordinairement au n ez , aux lèvres,.aux
joues, au menton. André Corfal, en dit autant des
Femmes Arabes du port de Calaygtes. Nous lifons
à peu - près la meme chofe dans Ramufio , des
femmes de Narfïngue dans le Levant 3 & Diodorc
témoigne au , troifième livre de fa Bibliothèque ,
que celles d’Éthiopie avoient coutume de fe percer
les lèvres avec un anneau d’airain. Pour les
oreilles', par tout le monde on s’eft plû , hommes
& femmes, à y fufpendre des bagues de prix.
Les Indiens & les Indiennes, & entr autres le«
Guzzerates, ont porté des panneaux aux doigts
des pieds Quand Pierre Alvarès reçut fa^ première
audience du roi de Calicut, il le vit' tout
couvert de pierreries enchâflees dans des pen-
dans d'oreilles, des înaffelets & des anneaux,
tant aux doigts des mains que des pieds , fàifant
voir fur l’un de fes orteils, un rubis & un efear-
houcle d’un très-grand prix. Louis Bartome repréfente
un Roi de Pégu qui étoit encore plus ex-
ceflif en cela, n’.ayant aucun doigt de fes pieds
qui ne fût chargé d'anneaux garnis de pierreries.
idem.
, Par rapport à l’ufage , il y avoit trois fortes
différentes d’caneaux chez les Anciens. Il y avoit
..................‘ ‘ des
des anneaux qui fervoient à diftinguer^ les conditions.
Fline affure à l’endroit que j’ai déjà cité fou-
vent, que dans les commencemens les Sénateurs
même n'avoient pas permiflion de porter & anneaux
d’o r , à moins qu’ils n’euffent été Ambafladeurs
chez quelques peuples étrangers , encore ne leur
étoit-il permis alors de porter Vanneau d’or qu’on
leur donnoit , que dans les aérions publiques :
dans leur particulier ils en portoient un de fer. Ceux
qui avoient mérité le triomphe _ obfervoient la
même chofe. Il fut enfuite permis aux Sénateurs
& aux Chevaliers de porter Vanneau d’or 3 mais ,
fi l’on en croit Acron fur Horace , /. n . Sat. vi i .
y. <$3 ils ne le pouvoient faire que le Préteur ne
le leur eût donne. Après cela ce fut la diftinétion
des Chevaliers Romains. Pline 30.8. Diodorë, /. 48.
Le peuple portoit Vanneau d’ argent ou de bronze 3
les efclaves le portoient de fer.
On accordoit cependant Vanneau d’or à des gens
du peuple. Voyez Cicéron, dans fon troifième dif-
cours fur Verres, & 1. x. ép. 31. Macrobe , Saturn.
liv. u . ch. i o , ôc l’infeription fuivante :
d. m. s.
C. A N TO N IO . C. F. FLA
VINO. VI. VIRO. JUN.
HAST. LEG. II. AUG. TORQ.
A-UR. ET. AN.. DUPL. OB. VIRT.
DONATO. JUN. VERECUN
DA. FLAM. PERP. MUN. EBOR.
MATER. P. C.
Sylla accorda le même honneur au Comédien
Rofcius 3 Céfar à Laberius , & Balbus à Heren-
tiius Gallus. Sévère le permit même à tous les fim-
ples foldats. Avant Augufte on ne l’accorda jamais
qu’à des gens libres. Ce Prince fut le premier qui
donna l’^z/z/zetzw d’pr aux affranchis'. Dion, l. 48 & 5.3..
Cet abus alla fi loin, que Tibère fut obligé, au
rapport de Pline, /. 33. c. 2. de le corriger par une
loi qu’il fit l’ an de Rome 76 5 , la neuvième année
de fon gouvernement.
On paffa bientôt après par-deflus ce réglement,
& le Sénat accorda l’ufage de Vanneau d'or à des
affranchis de Claude , de Galba, de Vitellius, de
Domitien, & même de particuliers 5 Pline, l. vm .
Èp. 6 . Tacite, hifi. I. 1. c 13. Suét. dans Galba,
c. 14. Enfin la Novelle 68. de Juftinien, le permet
à tous les affranchis.
Vers l’an 1763, des payfans trouvèrent, en
fouillant un tombeau dans le territoire de Cor-
tone, un anneau d’or , fans pierre, & du poids
de plus d'une demi-once romaine. Ils en trouvèrent
peii d’années après un tout pareil 3 & enfin
un troifième , travaillé au burin , fans aucun
alliage. Il repréfente y en bas-relief, Léda avec
le cigne, qui pofe fes pieds fur fa cuifie, & approche
fon bec de la bouche de Léda. Elle étend
le bras droit pour carefler le col du cigne. Cet
ouvrage étrufque n eft pas bien fini, mais il eft
Antiquités 9 Tome I.
très-expreflif. On en a trouvé enfin un quatrième»
beaucoup plus épais que les trois premiers.
On quittoit Vanneau d’or dans le deuil & 1 af-
fliélion. Les patriciens de Rome le quittèrent a
la nouvelle de la capitulation de Caudium. Apres
la mort d’Augufte & pendant le tems de fon deuil,
les fénateurs mirent des anneaux de fer à la place
de leurs anneaux d’or. Les accufés & les fupplians
dépofoient auffi cette parure.
Une autre forme èlanneaux font ’es anneaux
des époufailles , annuli fponfalidi, ou les anneaux^
des noces, des mariages, annuli génialesannuli
pronubi, annuli nuptiales. L ’époux, chez les Romains
, en donnoit un à fa fiancée. Juvénal,
(Sat. vi. 2y.):
Conventumtamen , &paStum, & fponfalia , noflra
Tempeftate paras, jamque a tonfore magifiro
Peâteris, & digito pignus fortajfe dedifti.
Pline (33. 1 , ) affure qu’ il étoit toujours de fer
& fans pierre. Mais Tertullien, écrivain très-
inftruit des antiquités romaines, difoit cent ans
environ après Pline, que Vanneau de mariage étoit
dor. Ifîdore ( 19. 32.) écrit que les femmes ne
portoient d’autre anneau que celui du mariage,.-
qui étoit d’o r , & qu’elles n’en portoient jamais
plus de deux. On peut juger par ces deux paflages
que la matière des anneaux de mariage avoit changé
dans l’efpace d’un fiècle , & étoit reftée depuis
invariablement la même jufqu’ à Ifidore. Hotoman
a penfé que Vanneau envoyé en cérémonie par le
mari étoit de fe r , & qu’on le portoit chez foij
mais qu’il en donnoit un fécond d’o r , deftiné à
parer la mariée dans les cérémonies publiques.
Au refte, les amans donnoient de femblables
anneaux à leurs maïtreffes, qui fervoient fouvent
chez les comiques grecs & latins à opérer des
reconnoiflances.
La: troifième forte d'anneaux, font ceux qui
fervoient à cacheter, annuli ftgnàtorii, annuli
fgnaricii , cirographi , ou cerographi y car c’eft ainfi '
qu’il faut lire dans Catulle, épigr. z y , & non
pas chirographofque thynos : c’eft à Saumaife qu’on
doit cette correction. Catulle donne à ces anneaux
l’épithète thyni; & des vers rapportés par Ifidore,
difent que la lune thynienne les poliflbit, parce
que c’êtoit en Bythinie qu’on les faifoit, ou
qu’on les travailloit le mieux. On prétend que ces
anneaux & l’ ufage de cacheter, font une invention
des Lacédémoniens, qui, non contens de fermer
leurs armoires & leurs coffres avec des clefs, y
ajoutèrent encore un cachet 3 à cet effet, ils fe
fervirent d’abord de bois rongé par les vers, dont
ils imprimoient les marques fur la cire ou la terre
molle5 après cela, ils trouvèrent l’art de graver
fur les anneaux, des figures qui s’imprimoient de
même.
Dans la fuite, Vanneau fervit à cacheter ou à
fceUer tous les aCtes, les contrats, les diplômes 3
A a