
Cette même nuance du ciel répétée par les
eaux tranquilles de la mer , lui firent donner l’épithète
coeruleum. Cicéron ( apud Non. i l . 717.) :
Quid mare3 nonne coeruleum? De-là vint que l’on
enveloppa quelquefois l’Iliade dansune peau teinte
en rouge, à caufe du fang répandu dans lès combats
dont le récit fait la matière de ce poëme j &
1 Odyffee dans une peau bleue , qui défignoit les
voyages d’Ulyffe fur les mers. Les dieux marinsfont
appelés coerùlei par Ovide {Vont. i r . 16. 22’) :
Carmina coeruleos compofuijfe deos.
Le bleu des dieux marins fe confond facilement
avec le vert-de-mer ou le céladon , éfpêc'e de
vert-pale. C etoit la couleur des draperies dont
on habilloit les Néréides} c’étoit la couleur des
bandelettes {Val. F lac. Arg. 1. 189.) que por-
toient les vi&imes offertes aux dieux marins}
c ’étoit auflî dans les peintures antiques celle des
habillemens des Nymphes , parce que leur nom
vient de Veau. Junon, déefte de l’air , peut être
vêtue de bleu-célefie.
A Rome j le général de la cavalerie prenoit un
étendart bleu, pour annoncer ia dignité} parce
que Neptune avoit produit le cheval. Ceux qui
»voient fait quelque belle aétion fur mer , étoient
récompenfés par le don d’une enfeigne bleue.
Dans les jeux du cirque , une partie des combat-
tans, c’eft-à-dire, une des quatre factions, étoit
habillée de bleu 3 pour défigner la mer ou la
faifon des pluies, ainfî que les autres défîgnoient
leprintems, l’été & l’automne.
BLOND. Voye£ Rou x.
BLUTEAU. V. Pain des anciens.
BOAPMIA. Les Béotiens donnoient ce nom à
Pallas, parce qu’ils croyoient qu elle avoit attelé
la première des boeufs à la charrue.
BO CA L , baucalium , fiut/KuXioy3 yafe de verre
a col long & étroit. V. Can ope.
BOC CA della vERiTA. On appelle de ce
nom à Rome une tête antique qui a la bouche
ouverte : elle eft auprès de fainte Marie en Cof-
médine. Le peuple raconte à fon fujet une fable
très-extraordinaire. Les femmes des Romains 1
foupçonnées d’infidélité, mettoient la main dans :
cette bouche béante pour détromper leurs maris} ■
& la bouche fe fermoit, quand leur innocence |
»’étoit pas avérée.
B O E A , en Laconie, b o ia to n .
On a des médailles impériales grecques de
cette ville, frappées en l’honneur de Julia Domna,
de Caracalla, de Géta.
BOËDROMIES, fetes qui le célébroient à
Athènes dans le mois Boèdromion. Harpocration
dit qu’on les avoit inftituées en mémoire du
fecours que donna fous le règne d’Ere&ée un
Jupiter, fils de Xuthus, aux Athéniens, contre
Eumolpe. Il ajoute que leur nom vint de fia*-
, courir en criant, fynonyme de RoyS-ui , &
formé de , cri, & de Jpopta , je cours ,• parce
qu on alloit à la charge en courant & en jetant
des cris. Plutarque donne une autre origine aux
Boëdromies 3 dans la vie de Théfée : c’étoit la
.vnftoire de Théfée furies Amazones, remportée
dans le mois Boëdromion.
BOÈDROMION, mois des Athéniens, qui
etoit plein ou de trente jours, & le troifième de
1 année, pendant lequel on célébroit les grands
myftères & les Boëdromies.
BO E T ICU S coîor. Voyez Rou x.
BOE U F ou T aureau. Les Egyptiens rendirent
les premiers aux boeufs & aux vaches un
culte religieux, dont on retrouve des traces dans
la Mythologie grecque, & dont l’Inde nous offre
un exemple encore fubfiftant. L ’origine de ce
culte - ne doit pas être cherchée dans les fecours
que tirèrent des boeufs les agriculteurs, puilque
| Egypte adora aufli un grand nombre d’animaux
inutiles & même nuifibles. 11 faut reconnoître
ici Je génie des Egyptiens, qui leur faifoit adorer
dans chaque animal une divinité dont il offroit
quelque léger attribut à leur efprit fuperftitieux.
On en verra les preuves détaillées aux articles
Apis / Mnévis & Onuphis.
Les Grecs reçurent des Egyptiens ce refpeét
religieux pour les boeufs J mais ils en méconnurent
ou en déguifèrent l’origine. Ils y en fubftituèrent
une fondée fur les fervices que le boeuf rend au
laboureur. De-là vint que dans les premiers te ms
de la Grèce, on n’immoloit aux dieux que de
jeunes taureaux dont le col n’avoit pas encore
fléchi fous le joug. Nous l’apprenons du fcho-
liafte d’Aratus (in Pkoenom. p. 19. edit. Oxon.) ,
qui cite, à l’appui de fon opinion, ce vers d’Homère
(Iliad. k . 295.) :
AofiiiTtj» sjv %7ra V710 Çvyov îi'yuytv ecytjp,
« Genifle indomptée, que l’homme n*a point encore
liée au joug
Ce même feholiafte dit que les Athéniens furent
les premiers à faire fer.vir à leurs repas les boeufs
qui avoient traîné la charrue, tov Sa» «poV>>v. Cependant
Elien affine que ce même peuple avoit fait
une loi qui défeftdoit de tuer le boeuf-laboureur.
On peut fauver la contradiction, en rapportant la
loi aux habitans de l’Attique , & aux Athéniens la
pratique fanguinaire de fe nourrir de la chair des
boeufs, ou plutôt des taureaux indomptés.
Au refte, on trouve chez les Romains la même
marche. Dans le premier âge de Rome, ils s’abf-
tinrent de faire mourir le boeuf-laboureur. Varron
l’appelle le compagnon de l’agriculteur, & le
miniftre de Cérès (de KeRuftic. i l . y.) : Hzc focius
kominum in ruftico opéré, 6* Cereris minifter. Pline
(vm . 4y.) raconte que le peuple romain condamna
à l’exil un laboureur pour avoir tué «a
hceaf, comme s’ il eût ôté la vie à fon garçon de
charrue , tanquàm colono fuo intcrempto.
La tradition mythologique ' portoit que les
hommes n’avoient commencé à fe nourrir de la
chair de boeufs-laboureurs, que dans le fiècle de
fer. Aratus le dit expreflément ( Phoenom. n. 133.) :
.. . . n paroi Je Rom ivuravr âporupm.
Ce vers a été rendu ainfî par Cicéron :
Et guftare manu vilium, domitumque juvencurn.
Et mieux par Germanicus :
Polluit & taurus menfas ajfuetus aratro.
De-là vint que l’on n’immola prefque jamais de
boeuf z Cérès. Ovide {Faft. iv. 413.).:
A bove fuccinlti cultros removete, miniftril
Bos aret : ignavam facriftcate fuem.
’Apta jugo cervixnon eft ferienda fecuri :
Vivat j & in dura fxpë laboret humo.
Les Lacédémoniens immoloient un boeuf à
Mars, lo'rfqu’ils avoient vaincu leur ennemi par
la rufe, & un coq-, lorfque c’étoit à force ouverte.
On doroit fouvent les cornes des boeufs qui
dévoient fervir de viéHmes, fur-tout pour les
autels de Jupiter. Tertullien (de Coron, mit. c. 12.) :
Ecce annua votorum nuncupatio quid videtur?
Âccipe poft loca & verba: hune tibi, Jupiter, bovem
eornibus auro decoratis vovemus ejfe futurum. Le
nombre de ces viétiraes étoit quelquefois de cent,
& ce facrifice s’appeloit un hécatombe. On voit
cependant que dans certaines occafions, ces boeufs
offerts aux dieux n’étoient que des figures de
pâte. Ce fubterfuge devint néceffaire pour con-
ferver la race d’animaux fi utiles, que la fuperf-
tition détruifoit journellement. Tel fut fans doute
le principe qui fit défendre par Domitien de facri-
fier dés boeufs. Suétone (c. 9. n. 1).
Les généraux romains qui triomphoient, immoloient
plufieurs boeufs à Jupiter-Capitolin. Ils
dévoient être blancs & nés dans l’Ombrie , fur
les bords fertiles du Clitumne. Virgile en fait
mention (Georg. i l . 146.) : •
Hinc albi 3 Clitumne , greges , o* maxima taurus
Viltima , ftpe tuo perfufi flumine facro ,
Romanos ad templa deûm duxere triurtipkos.
Claudien a chanté suffi les taureaux blancs du
Clitumne ( n . Conful. îlonor. n. 506.) :
Quin & Clitumni facras viftoribus undas ,
Candida qua Latiis prAbent armenta iriumphis,
Vifere cura fuit.
ies anciens atteloient les boeufs à la charrue &
aux chars qui portoient les divinités dans les
pompes facrées. Mais attachoient-ils le joug à
leurs cornes ou fur leur col ? Si l’on confulte
les marbres, les bronzes & les médailles, cette
queftion fera bientôt réfolue. Quelques recherches
que nous ayons pu faire fur cet objet > nous
n’avons vû aucun monument où les boeufs fuffent
attelés autrement que par les épaules & par le
col. Cicéron {lib. il. de Natur. Deor.) dit que la
force & la largeur des épaules du taureau, an-
' noncent qu’elles font deftinées à traîner la charrue
5 fon co l, ajoute-t-il, montre qu’ il eft né
pour le joug, & fes reins concaves difent affez
qu’il ne doit pas porter des fardeaux : Boum ipfa
terga déclarant, non ejfe fe ad onus accipiendum
figurata. Cervices autem natA ad iugum : tiim vires
kumerorum & latitudines ad aratra extrahenda.
C’eft d’après les caufes finales que raifonne ici
le célèbre orateur romain : mais un agriculteur
éclairé ne devoit pas fe contenter de ces vaines
analogies qui induifent fouvent en erreur. L ’expérience
feule peut lui fervir de flambeau : auflî
a-t-elle didté à Coîumelle le paflage fuivant, qui
décide parfaitement la queftion dont nous fommes
occupés dans cet inftant. «La pratique d’atteler
» les boeufs par le col & les épaules, a été re-
» connue la meilleure. Car la plupart de ceux
=» qui ont écrit fur l ’agriculture ont rejeté, avec
r a i fo n la pratique établie dans quelques pro-
33 vinces, de lier le^ joug aux cornes des boeufs.
33 Ces, animaux peuvent produire de plus grands
33 effets avec le col & le poitrail, qu’avec les
» cornes. Par le premier moyen , ils font effort
33 avec tout le poids & toute la largeur de leurs
33 corps} mais par le fécond, ils font tourmentés
33 fans ceffe en portant leurs têtes courbées &
» leurs cols repliés} de manière qu’à peine ils
33 écorchent la terre avec la pointe du plus léger
33 foc. De-là vient qu’on ne peut les atteler par
33 les cornes qu’à de petites charrues , incapables
33 d’ouvrir profondément les terres repofées 33.
(lib. 1 . c. 2 ) . . . . Hoc enim genus juncturA maxime
probatum eft* Nam illu d 3 quod in quibufdam pro-
vinciis ufurpatur 3 u t , eornibus illigetur jugum ,
ferë repudiatum eft ab omnibus qui pracepta rufticis
confcripferunt j neque immerito. P lu s enim queunt
pecudes collo & pedt'ore conari 3 quam eornibus.
Atque- koc modo totâ m ole corporis , totoque pondéré
nituntur : at illo , retraitis & refupinis ca-
pitibus excruciantur, Agrèque terrA fummam partem
levi admoditm vomere fauciant. E t ideb minoribus
aratris moliuntur, qui non valent altë perfojfant
novalium terram refeindere.
Nous voyons dans les recueils de îoix des empereurs
romains, que l’on faifoit tirer les chariots
appelés angaria 3 par deux boeufs y & que
c’étoit une des charges publiques, de fournir les
animaux pour voiturer les officiers du prince , fes
provifions, celles des années, & c . Mais i! étoit
févèrement défendu d’employer à cet ufige les