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la jeuneflfe. On y connoiffoit aufli Y Anatomie
humaine proprement dite , ou les diflç&ions, dont
on peut hardiment fixer l'époque à l’année 31:0e
avant 1ère vulgaire, année qui tombe précifé-
ment vers le milieu du long règne de Ptolémée.
Ce grand prince permit le premier, malgré la
fupcrftition de fon tems, qu'on ouvrît publiquement
les cadavres humains. Perfonne n'avoit encore
oie le faire avant Hérophile, médecin célèbre
qui vivoit à Alexandrie , honoré de la protection,
de l'eltime & des récompenfes de l’immortel fondateur
de la monarchie égyptienne. Erafiitrate
partagea avec le carthaginois Hérophile la faveur
de Polémée Soter, & les travaux anatomiques.
Si Hérophile fit les premières découvertes dans
la fcience des nerfs, Erafiitrate reconnut qu’ils
partent tous du cerveau , & découvrit les vaif-
feaux lactés. L’un & l’autre rendirent immortelle
l’école d’Alexandrie.
La Grèce reçut tous les arts de l’Egypte. V A n a tomie
n’y étoit cependant pas abfolument étrangère
plufieurs fiècles avant Hippocrate. L’infpec-
tion des entrailles des victimes, les traitemens des
plaies & les boucheries memes, aidèrent à.con-
noïtre la fabrique du corps animal. Nous avons
rendu jultice plus haut aux connoilfançes de Y Anatomie
qui font éparfesdans l’Iliade & dans .l’Qdylfée.
On trouve dans Paufanias la première difleCtion
légale. Ariltodème voulut immoler fa fille.pour
farisfaire à un oracle ; mais fon amant, défefpéré,
chercha à la fauverj il publia que cette viétime
ne pouvoir être agréable aux dieux, puifqu’elle
étoit enceinte. Le père, animé par un patriotifme
farouche, ouvrit les flancs de fa fille., S i démontra
fon innocence par l’infoeétion de fes vifcères.
Parthénius rapporte un fait à-peu-près femblable
dans fes Erotiques.
Les defcendans d’Efculape, médecins S i prêtres
de ce dieu, exerçoient chez eux Y Anatomie.
Elle s’y confervoit aufli par tradition, félon le
témoignage de Galien. Dans les ouvrages d’Hippocrate
les plus authentiques, on voit que cette
fcience étoit très - familière aux Afclépiades, &
qu’ils poffédoient dans leur famille l’Oftéologie
& la M y ologie dans un degré très-élevé. On trouve,
en effet , dans Hippocrate, une expérience chi-
curgique fur le deltoïde d’un homme. Or, une
expérience anatomique fuppofe des'vues, des recherches
& des connoiilances ; on ne parvient
guères à connoître une vérité détaillée , fans con-
nojtre en même-tems les vérités du même rang
gui l’avoifinent, & qui font un tout avec elle.
Hippocrate lui - même , que nous venons de
tiommer, cet homme divin, connoiffoit parfaitement
l’Oftéologie j & Paufanias dit qu’il fit fondre
un fquélette de bronze, qu’il confacra à Apollon
dans fon temple de Delphes. Diogène d’Apol-
lonie S i Syennefis de Chypre ont donné la plus
ancienne angiologie que nous ayons.
Pythagore fkifoicconnoiue àlaanêine époque,
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| dans la grande Grèce , Y Anatomie , qu’il avoir
étudiée en Egypte avec les autres fciences re!ç-
j vées. L’école de ce célèbre philofophe découvrit
1 Je tympan & même le limaçon de l’oreille in-
terne.
Ariftote perfectionna dans la Macédoine les découvertes
d’Hippocrate, & il en fit beaucoup lui.
même 5 mais nous en parlerons plus au long dans
l’article de I’Anatomie comparée.
Dioclès de Carifte, qui vécut peu après lu i,
fous le règne d’Antigone, paffe pour avoir écrit
le premier de l’art de difféquer : c’eft une erreur.
On avoir long-tems auparavant des planches ou
repréferications anatomiques. Ariftote renvoie à
ces planches ou repréfentations, dans toutes les
occafions où il devroit expliquer les defcriptions
anatomiques.
Les largeffes & la prote&ion de Ptolémée Soter,
élevèrent l’école d^Alexandrie aurdeffus de toutes
celles de l’une Si de l’antre Grèce ; & l’Egypte
dût aux découvertes d’Hérophile Si d’Erafiftrâte,
une fupériorité que les armes des Romains ne lui
ravirent que plufieurs fiècles après Ta réduction
en province romaine.
. - Après ces deux’ fondateurs de l’art Anatomique ,
parurent Ly cus, QuintusMarirms, dont il ne
nous eft parvenu que la- réputation d’habiles
anatomiftes dont ils ont joui. On voit à plufieurs
traits épars dans les écrits de Celfe, qu’il s’étoit
occupé de Y Anatomie , & l’on peut en dire" autant
de Pline le naturalise, ainfi que de fon neveu.
Arétée fit trop de cas de cet art pour l’avoir
ignoré. Rufus l’éphéfien x qui vécut fous les
empereurs Nerva Si Trajan, eft le premier anatô-
mifte célèbre qui fe préfente après Arétée : on
infère de quelques endroits de fes ouvragés , qu’il
avoit apperçu dans la matrice des vaiffeaux,
dont fes prédéceffeurs n’avoient pas fait mention.
Galien fuccéda à Rufus. On ne voit pas que
Y Anatomie ait fait de grands,progrès depuis Hippocrate
jufqu’à Hérophile Si Érafiftrate, ni depuis
ces deux derniers jufqu’à Galien. Dans tous les
tems qui précédèrent ces deux anatomiftes depuis
Hippocrate, & dans ceux qui les fuivirent jufqu’à
Galien, au défaut de cadavres qu’on pût difféquer ;,
pour augmenter le fonds des connoiffances anatomiques,
on s’occupa à combiner ces connoiiTànees,
& à former des conjectures phyfiologiques. Plus
on fuit attentivement l’hiftoire des fciences Si des
arts, plus on eft difpofé à croire que les hommes
font très-rarement des expériences & des fyltêmes
en même-tems. Lorfque les éfprits font tournés
vers les expériences, on celfe de raifofiner3 Si
alternativement, quand oncommëhce àraifonner,
les expériences reftent fufpendues.
Mais on apperçoit ici évidemment l’obftaüle qui
arrêta les à\{YedL\or\st anatomiques. Dans les 'téfnS
qui fuivirent ceux d’Erophile Si d’Efa'fiftr'ate , on
brûloit plus attentivement que jamais les cadavres
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chez les Romains. La religion Si les loix civiles
faifoient refpeCter les corps morts fous les peines
les plus féveres ; de forte qué les anatomiftes
furent réduits, pour pouvoir s’ inftruire, à des
ha lards inefpérés : il leur fallut trouver, ou des
tombeaux ouverts, ou des malfaiteurs expofésj
& les enfans abandonnés en" naiffant furent leur
plus grande relfource.
Ce fut aufli- dans. les ouvragés des anciens
anatomiftes 3 fur les grands chemins , fur les
enfans expofés, fur les animaux, & principalement
fur les linges, que Gàlie.n~s’inftruifit en Anatomie.
Il nous.a lailfé deux ouvrages fur cette fcience qui
l’ont immortalifé, quoiqu’il ait noyé fes découvertes
dans la diftiifi-on du ftyle Afiatique. -
L’un. .de.. ce.s écrits célèbres de Galien, eft:
Intitulé, Àdminïft rations Anatomiques , Si l’autre,
de VXJfage.des. parties du corps humain.- Il-dit
qu’en lés écrivant il compofe un hymne à l’honneur
de l’Etre qui nous a créés‘5 Si je crois,
ajoute-t il- que la folide piété ne confîfté pas tant ;
à lui facnfier une hécatombe , qu’ à annoncer aüx
hommes fa fageffe.& fa pûilfànce. On v o it , efi !
lifant ces ouvrages, que Galien connoiffoit par- 1
faitement toutes les decouvertes anatomiques dés
fiècles qui l’avoient précédé > & que s’il n’y en
ajouta pas un grand nombre id’âutres fur Y Anatomie
dû corps humain, ce fut manque d’occafions
& non. d’aélivité. Trompé par, la relfemblance
extérieure de l’homme avec le linge, il a fouvent
attribué à l’ un ce qui convenoit feulement à l’autre.
C’eft, au refte, le feul reproche qu’on lui faffe.
Soranus, contemporain de Galien, anatomifa
la matrice. Théophile protofpathaire, écrivit fous
l’empereur Héracîius, fur la ftruéture du corps
humain, & fit une analyfe des traités anatomiques
de Galien, dans laquelle il fait voir qu’il avoit
ajouté aux découvertes de ce favant homme.
Oribafe, finge de Galien, ne nous a rien lailfé
qu’on ne trouve dans les ouvrages de fon modèle,
fi l’on en excepte ja defcription des glandes
faliy.aires- ; ■
Némefius, évêque d’Émilfa en Phénicie , fut le
dernier qui s’occupa de l’Anatomie j Si il a écrit
fur l’ufage de la bile, des vérités que Sylvius de le
Boë fe vanta long-tems après d’avoir découvertes.
Vinrent après lui les tems d’ignorance & de
barbaye^, pendant lefquéls Y Anatomie éprouva le
fort funefte des autres fciences & des autres arts.
( Cet article eft extrait des Articles ANATOMIE de
i Encyclopédie ancienne, & de fon fupplémcnt.)
Anatomie COMPARÉE. U Anatomie comparée,
eft cette partie de l’Anatomie, qui s’occupe
de la recherche Si de Texamen des différentes
parties des animaux, confidérées relativement à
leur ftruéture particulière., & à la forme qui
convient le mieux avec leur manière de vivre
°n de farisfaire à leurs befoins. Par exemple ,
dansYAnatomie comparéedeseftoraachs, on obferve
W les animaux qui ont de fréquentes occafions I
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de fe nourrir, ont l’eftomach très-petit en compa-
raifon de ceux qui , étant évités par les autres
animaux dont ils font leur nourriture, fe trouvent
fouvent dans la nécelfité de jeûner : il femble
que la nature ait donné par cette raifon à ceux-ci
un eftomach capable de contenir de la nourriture
pour long-tems.
Dans Y Anatomie comparée, on examine &r Jesf
brutes Si même les végétaux , afin d'acqué rir,
.. par la comparaifon de ce qui s’y palfe avec ce qui
s’opère en n o u s , une connoilfance plus parfaite
du corps humain.
Le premier des anciens qui fe préfente dans
cette carrière, qu’il ont ouverte Si exploitée avec
fuccès , eft le philofophe Démocrite. Lorfque
Hippocrate fut appelé par les Abdéritains, pour
le guérir de fà folie prétendue, il le trouva occupé
dans fes jardins à diflféquer des animaux. O ri
dit aufli qu’il avoit dilféqué foigneufement le
caméléon 5 mais nous n’avons aucun de fes
ouvrages.
Alcméon, difciple de Pythagore, palfe pouf
avoir anatomifé le premier ' des animaux , parce
que fes écrits ont eu un fort plus heureux que
ceux de Démocrite. Mais Ce qui nous en refte >
ne valoit güères la peine d’être confervé 5 car il
prétendoit que les chèvres refpirent par l’oreille.
Tous ces elfais furent éclipfés par les découvertes
de celui qu’on peut à bon droit nommer
le créateur de Y Anatomie comparée. C’eft d’Ariftote
que nous voulons parler j & nous ne pouvons
le faire dignement, fans payer à Alexandre un
jufte tribut de louanges. Un fait qui l’honore
autant que toutes fes vi&oires, c’eft: d’avoir donné
à Ariftote huit cents talens, près de cinq millions"
de nôtre monnoie, & d’avoir confié à les ordres
plufieurs milliers d’hommes, pour perféébionner
la fcience de la nature & des ..propriétés des
animaux. Ces puilfans fecours n’étoient pas reftés
inutiles entre les mains du philofophe, s’il eft
vrai, comme le difoit un habile anatomifte, que
celui-là auroit bien employé Ton tems, qui, en dix
ans de travail, parviendrôit à fa voir ce qu’Ariftote
a renfermé dans fes deux petits volumes des
animaux.
Ariftote dilféqua des quadrupèdes, des poîlfons,
des oifeaux Si des infe&es. Sa fagacité lui a fait
remarquer avec précifion , ce qu'il y avoit de
commun dans leurs ftruélures ; & une induéHoix
ltlfnïneufe, lui a fourni des règles, qui font
fondées fur un grand nombre de faits. T elle eft
celle-ci : tous les animaux qui n’ont que des dents
încifives, ont quatre eftomachs. Mais c ’eft vers
l ’homme qu’il a dirigé conftamment fes travaux»
On diroît qu’il n’a immolé tant d’animaux que
pour en rapporter la ftruéture à celle de l ’homme»
Aufli tout ce qu’fl a écrit fur les animaux mérite
d’être lu avec attention , & les erreurs répandues-
dans fes écrits ne doivent pas diminuer notre
eftime & notre reconnoiffance»