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^ auteur convient de bonne foi que fon
habillement-, fon air, le tour de fon vifage, que
tout enfin, convient moins à ce dieu qu'à une
femme > mais il ajoute que cela ne devoit point
empêcher les interprètes de ce marbre d'y recon-
roitre Apollon, puifqu'ils ne pouvoient pas ignorer
que ce dieu ne foit reprefenté dé même en
,n V,es en,droits. Il en donne pour preuve quatre
médailles du cabinet royal de Pruffe j & il trouve
cette preuve d autant plus décifive, que les noms
qui fe trouvent joints aux figures, ne lailfent abrog
e n t aucun lieu de douter là-deffus. A cette
occafion, il rapporte quelques méprifes de divers
antiquaires, touchant Apollon en femme, & entre
autres une de Cuper, fur une médaille de Domi-
ticn, & une de Sperling, fur une médaille de
i ranquilline, femme de Gordien. Il ne néglige
point les autorités des anciens qui peuvent fervir
a appuyer fon fentiment touchant l’habillement
qu il attribue à Apollon, & pour réfuter l’ôbjec-
tion fui vante : que quoiqu Apollon fu t jeune, beau
o* habillé en fille , i l ne laiffbit pas d'être homme au
fondy au lieu que cette figure avoit un fein rempli,
& une gorge élevée comme une fille ; il répond trois
choies : i° . quil faudrait bien examiner fur le
marbre fi la figure y a la gorge auffi élevée que
dans le deffin j 2°. que cela peut s'exeufer fur ce
que les anciens ont donné les deux fexes à leurs
divinités j & j° . que les figures d’Apollon en
femme fur les médailles, n'ont pas moins de
gorge que la figure du monument.
2°. Le fécond roule fur la eortîne qui eft au
miheu de Fantre, & que Cuper, Gronovius &
vvetitein prennent pour un chapeau, & même
pour le chapeau d'ülyffe. M. Schott ne faurok le
croire, & il fe fonde particulièrement fur ce qu’il
n’y a nulle proportion entre ce prétendu chapeau
& les têtes de ce monument, & fur ce qu’Arche-
laus , 'de l’habileté duquel^ce marbre eft une fi
bonne preuve, n’auroit pas pu commettre un<
bevue fi greffière. Il ne veut pas non plus que et
fon: une figure mife là par hafard, ou pour fervi:
fimpfement de foutien à l’arc & au carquois. I
▼ eut que ce foit quelque chofe qui ait rapport i
Apollon , & il ne trouve rien qui y convienn«
mieux que ee^ que les Latins appeloient cortina.
& les Grecs O Cétoity dit l’auteur, une ejpêct
de vaîfieau. creux ou concave en dedans & convexe
en dehors , femlrlable a une coquille d'oeuf coupée
par le milieu en travers , ou comme un chauderon
renverfé , qui Jervoit ordinairement de couvercle au
trépied d'Apollon, d’ou ce dieu a été appelé Cor-
tinipotens. Peu de favans ont fu ce que c’étoit,
& on Fa affez feuvent confondu avec ce trépied,
dont elle n’étok qu’une partie : on donne ici divers
exemples de ces méprifes.
Pour faire concevoir nettement ce que c’étoit
qae cette cortine, & pour éclaircir ce qu’on dira
dans la fuite du trepied 8c de fon ufage, nous
ïv©üs cm que nous ferions, bien, d’en donner ici
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une petite deferiprion prife de ce que fauteur eft
a répandu en difrérçns endroits, de fon ouvrage.
Le trépied étoît une machine à trois pieds ou
colonnes, accompagnées chacune de fon anneau
ou an fe ,/& liées enfemble par des bandçs ou
traverfes qui les foutenoient. Cet infiniment, qui
a donné fe nom à toute la machine, n’en étoit
proprement que le foutien. On metroit deffus deux
baffins d’une matière fort déliée & fort fonore,
S: de figure demi-fphérique. Ces badins fe met-
toient l’un fur l’autre par leur ouverture, & for-
moient par conféquent une concavité fphérique.
Celui de deffus s’appeloit cortina, celui de défïous
crater, & la concavité qu’ils fôrmoient ycurpq ou
yéc-pu, le ventre j celui de defïous étoit percé
dans le milieu, & le trou s’appeloit umbiliais,
nombril. On verra ci-deffoys quel étoit l’ ufage
de cette machine.
3°. Le troifîème éclaircififement concerne ce
qui eft repréfenté derrière le philofophe Bias :
1 auteur ne fauroit affez s’étonner comment tant
d’autres célèbres antiquaires s’y font mépris, &
particulièrement le P. Kireher & M. Fabrettj,
qui ont pu examiner ce marbre tout à loifîr à
Rome. Il ne doute point que l’autorité du premier,
qui avoit l’efprit fi rempli de figures hiéroglyphiques,
qu’il en trouvoit dans tout ce qui
avoit du rapport, n’ait entraîné les autres, & ne
leur ait fait prendre cette machine pour la lettre
tautique, ou une croix à anfe, accompagnée de
flambeaux. Pour lu i, il n’y voit rien autre chofe
qu’ un trépied ; 8c pour peu qu’on examine les
figures du trépied fur les médailles qu’il rapporte,
il croit qu’on trouvera la chofe tout-à-fait hors
de doute.
Ce qu’on a pris jufqu’à préfent pour des flambeaux,
n’eft autre chofe , félon lu i, que les deux
pieds du devant du trépied qu’il y trouve j ce qu’on
prenoit pour le pied de la lettre tautique, n’eft que
le troifîème pied du trépied j ce qu’on prenoit pour
le trait fupérieur de cette lettre, n’eft que la bordure
du badin fupérieur ou crater y le demi rond
qu’on voit au-deffus eft le baffi-n fupérieur .ou- la
■ cortine j ce qu’on a pris pour l’anfe de la croix,
n’eft qu’une des anfes du trépied $ 8 c la grande
figure ronde qui eft au-deffus de la tête du philosophé
, eft le crater ou le baffm inférieur du
trépied, couvert de la cortine. A l’occafîon de la
hauteur de ce trépied, qui s’élève jufqu au-deffus
dq la tête de Bias, l’auteur remarque qu’il étoit
■ bien plus haut qu’on ne le dépeint ordinairement ;
qu’il falloir, monter pour fe mettre deffus,. 8c qu’on
en a la véritable hauteur dans celui du marbre
d’Archelaüs. 11 n’oferoit affurer la même chofe
de fa largeur , qui.iurparaît affez mal repréfentée ÿ
& c’eft une faute qu’il ne manque pas de rejeter
fur le peu d’exa&itude du copifte ; mais c’eft un»
defaut qu’il lui reproche un peu trop Couvent „
puifque M. Fabretti, qui a pris foin de conférer le
deffin de ce copifte avec l'çriginaIA&; d e k s eû ite .1
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dans fa lettre à M. Maggliabecchi 5 n’a rien trouvé |
à retoucher à la plupart des endroits que l'auteur
ne croit pas affei exa&ement deflinés.
IV. Les obfervations particulières roulent fur
les fujets fuivans :
Le premier eftl’ ufage du trépied, dont on n’a eu,
jufqu’ à préfent, qu’une çonnoiffance fort imparfaite.
Pour le bien concevoir, il faut fe fouvenir
de la defeription que nous avons donnée ci-deffus
de cette machine. On la plaçoit fur l’ouverture de
l’antre d’Apollon, dans le temple de Delphes, 8c
elle fervoit non - feulement de fiége à la pythie
qui s’affeyoit fur là cortine ou baffin fupérieur,
mais encore de bouche à Apollon pour prononcer
fes oracles : car c’étoit Apollon lui-même, 8c
non la pythie qui les prononçoit. Un vent qui
fortoiç de la caverne miraculeufe, & qu’on pou-
yoit appeler l’haleine ou la voix d’Apollon, s in-
trôduifeit dans le creux de cette machine, & ne
manquoit pas d’y exciter un murmure femblable
à la voix humaine ou au mugiffement d’un boe u f,
ou au bruit du tonnerre, félon la force du vent,
qui étoit quelquefois fi violent, qu’il^ ébranloit
le temple & la montagne j 8c ce bruit étoit apparemment
augmenté ou diminué par quelque ref-
fort caché dans la concavité du trépied , & que
la pythie favoit gouverner comme elle vouloit.
' Quoi qu’il en foit, il eft probable que la pythie
étoît affife fur la cortine , non-feulement pour
empêcher que la violence.du vent ne l’enlevât &
ne la jetât par terre, mais afin de modifier 8c ménager
comme elle v oudr a i t le bruit qu on for-
moit dans le vuide du trépied , 8c le faire relfem-
bler, autant que cela fe pouvoit, aux mots qu on
vouloit qu’Apollon prononçât. A ce fujet, i auteur
pente qu’il n’ eft pas poffible de refîfter de
bonne foi aux raifons par.lefquelles M. Vandale
a prouvé que tout le manège des oracles, netoit
qu’une fourberie des prêtres pour profiter de la
crédulité des peuples j & il allure qu il fe trouve
fortifié dans ce fentiment depuis qu’il a compris
le véritable ufage du trépied de Delphes.
Nous reconnoilTons avec Fauteur, que le manège
des oracles n’étoit, au moins le. plus fouvent,
qu’une fourberie dont les prêtres payens favoient
fort bien fe fervir pour entretenir la forte crédulité
de leurs peuples , mais nous ne concevons
pas comment un vent introduit dans le ventre
d’une machine de cuivre, pouvoit non-feulement
imiter le mugiffement d’un boe u f & le bruit du
tonnerre,. mais, auffi articuler des paroles que l’on-
prit pour des oracles d'Apollon :. nous n’ignorons
pas que la pythie ou des prêtres prépofés pour
cela, repéraient, enfuite ces oracles5 8c c eft ce
qui fait notre difficulté. D’ailleurs, s il eft vrai ,,
comme le prétend l’auteur, que ce foit là le véritable
ufage que Fon faifoît du trepied , il faut
F avouer de bonne f o i , c’étoit un artifice affez
groffièrement invente. Le tuyau de plomb avec
lequel S. Luc épouvanta fi fort Henri III, ou
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même, fi l’on veut, la tête parlante queD. Quixottô
confulta à Barcelone , font incomparablement
mieux imaginés. Les paroles qui en ferraient s’en-
tendoient au moins fort diitinébement, & Ion
n’avoit befoin de perfonne pour les répéter une
fécondé fois 8c les interpréter.
2. Le fécond regarde les engaftrimythés, touchant
lefquels l’auteur a une nouvelle conje&ure ,
par le moyen de laquelle il efpere pouvoir débrouiller
les difputes & les embarras des^ favans
fur ce fujet. On convient en général que c’étoienc
des parleurs du ventre qui fe mêioient de prédire
l’avenir ; mais on ne fait ni quelles perfonnes fai-
foient ce métier, ni comment elles le faifoient :
la plupart croient que ces gens avoient la faculté
de parler du ventre, ou de former des paroles qui
fembloient fortir de leur ventre, ou même de
quelqu’endroit éloigné 5 ce que l ’on confirme par
quelques exemples modernes rapportes par Bro-
deau, Dickinfen, Allatius 8c quelques autres.
L ’auteur rejette cette opinion, fur ce qu’on ne
lit point que les anciens eulfent de méthode pour
enfeigner cet arrivée à d’autres. Mais cette raifon
ne nous paraît pas -convaincante. A-t-on tenu re-
giftre de-toutes les fubtilités 8c de tpus les artifices
dont fe font fervis les anciens? Y avoit-il
chez eux des écoles' publiques pour tes y aller
apprendre ? Et combien pratique-t-on de chofes
aujourd’hui, dont on n’écrit rien, & dont par
conféquent on ne trouve aucun veftige dans les
écrits publics ? D’ailleurs, il ne nous paraît pas-
que le p.affage de Plutarque , qu’on rapporte ici ,
faffe rien à la chofe. Il dit qu’ z/ eft puérile & ridicule
de croire que Dieu entre dans le corps des engaf-
trimythes & parle par leur bouche. Il n’eft poinc
queftion ici de gens qui cruflent cela, mais de
gens qui croyoient qu’on pouvoit parler du ventre 5.
& que quelques perfonnes qui avoient ce fecret,
faifoient accroire fubtilement aux autres que c’étoit
quelque dieu qui parloit intérieurement en
eux. Hermolaüs Barbarus & Gérard-Jean Voffius
ont cru. que les engaftrimy thés étoient des gens
qui prédifeient l’avenir par le moyen de certains
vers nommés rcarpai 5. & en cela,. ils ont approche
de la vérité , dont ils n’ont cependant donné aucune
preuve. L’auteur efpère être plus heureux.
Comme le creux du trépied s’appeloit r « ^ , 8c
qutftoûoç lignifie quelquefois difeours, il croit que
par engaftrimythes, on doit, entendre des interprètes
d’Apollon, ou des hommes qui récitoient
ou expïiqnoient plus clairement ce qui avoit été
dit par le ventre du trépied- d’une manière con-
fufe; C’étoîent, au commencement, des femmes,
& la pythie étoit engaftrimythe née , fi l’ on peut
parler ainfi. Vandale a nié quelle ait pu remplir
cette fon&ion , à caufe des cris affreux qu’elle
faifoit étant affife fur le trépied j 8c il eft ici réfuté.
On lui répond que cette fureur étoit feinte ,.
& que, fuppofé qu’elle ne le fût pas, la pythie
' u'interprétoit L’oracle qu après que fen. agitation*