
Virgin cas libare comas , primofque folebant
E Xi. ufar c toros.
Les jeunes Grecs confacroient ordinairement
leur première chevelure à Apollon , ou à Efcu-
lape , ou à Bacchus. Théfée offrit le premier la
ilenne au dieu des Delphiens , & fo-n exemple
fut fuivi depuis par les jeunes Athéniens d’une
naiffance diltinguée. Les Athéniens pauvres confacroient
la leur à Hercule , ou à quelque dieu
révéré à Athènes. Cet ufage n’étoit pas général
dans les premiers tems j & nous voyons plu- •
fleurs héros confacrer, par un voeu particulier,
leur première chevelure aux divinités qui avoient
pris un foin particulier de leur enfance , & même
aux dieux des fleuves. C’eft ainfî qu’ Achille avoit
promis la fîenne au fleuve Sperchius , s’il reve-
noit fain & fauf de la guerre de Troye j mais ayant
appris depuis qu’il devoit périr dans ce liège ,
il coupa fes cheveux 3 8c les jeta fur le corps
& fur le bûcher de fou ami Patrocle ( Iliad.
I4 °- )• , 8m m
Cet ufage des Grecs fut imite par les jeunes
Romains, qui offroient à quelque divinité leur
première barbe & leur première chevelure. Dion
le raconte d’Augufte (lib. 48. p. 377.) 5 &■ Suétone
reproche à Caligula ( c. 10. n. 4. ) d’avoir
omis cette cérémonie relfgieufe. Juvénal parle
des fêtes & des repas qu'aeçompagnoient cette
cérémonie ( n i . 186. ) :
Ille metit barbant 3 crincm hic depon.it amati.
Stace {lib. 3. fylv. 4. 1 .) chante la chevelure
d’Earinus, affranchi de Germanicus, qui l’envoya
à Pergame pour être offerte à Efculape 3
renfermée dans une boîte ornée de pierreries ,
avec un miroir. Martial ( 1 .3 %. ) a célébré celle
du jeune Encolpus 3 confaçrée à Apollon :
Hos tibi 3 Pkoebe , vovet totos a vertite çrines
Encolpus 3 domini centurionis amor.
Grata pudens meriti tulerit cùm prsmia pili 3
Qudm prirr.iim longas 3 Phoebe 3 recide comas.
On fe contentoit fouvent d’attacher les premiers
cheveux à la ftatue de la divinité à laquelle
on les confacroit 5 & Paufanias ( Çorinth. p. 45.)
parle d’ une ftatue d’Hygie, couverte prefqu en
entier par les chevelures qu’y avoient appendues
les femmes de Siçyone.
Ceux qui avoient fait naufrage & qui avoient
perdu tous leurs biens, offroient aux dieux de la
mer leur chevelure 3 comme la feule offrande qui
fût encore en leur pouvoir. Nous voyons dans
l’anthologie (lib. vi. cap. 21. epig. i.^Lucillius
offrir après un naufrage fes cheveux aux divinités
de l’Océan , parce qu’il ne lui étoic_ refié
aucune autre chofe dont i l put faire une offrande :
* . . . . . • • • a a t muet puai
Tas Tpt%eis 6* KtÇciX^s j «AAo-yap
C c ft pourquoi Fétrone appeloit l’aétion de
couper fes cheveux , le dernier voeu de ceux qui
font près de faire naufrage ou qui l’ont déjà fait
(cap. 63. ) : Naufragorum ultirnum votum. .Le
même motif, la reconnoiflance envers les dieux ,
faifoit couper leur chevelure à ceux qui étoient
échappés d’une maladie grave, ou d’un péril
imminent ( Oneirocr. Artemid. I. l. c. 2.3. ). Ils
laiftoient croître à cet effet leurs cheveux3 jufqu a
ce qu’ils enflent atteint une certaine longueur.
C’eft pourquoi on demande dans Pétrone (c. 67.)
à un homme remarquable par fa longue ^chevelure
3 à quel dieu il avoit fait voeu de l’offrir :
Cui deo crinem vovijli ? Cenforin ( D. N. c. I .)
dit aufli que plufieurs de fes contemporains laif-
foient croître leurs cheveux en l’honneur «je quelque
divinité, pour obtenir d’elle une bonne faute :
Quidam etiam pro cetera bona çorporis valetudine
crinem deo façrum pafeebant.
L’ufage de couper fes cheveux & de les offrir
aux divinités de la mer, en les jetant dans les
flots lorfque la tempête étoit violente, avoir
fait naître parmi les marins une opinion fuperf-
titieufe. Ils croyoient que c’étoit une aélion de
mauvaife augure , que de couper fes cheveux ou
fes ongles dans un vailfeau, à moins que l’on ne
fût dans un péril imminent. Pétrone eft garant
de cette crainte ridicule (c . 104. ) . . . . . Non
licuife cuiquam mortaliUm in nave neque ungÉes ,
neque çapillos deponere 3 nifi quum pelago ventus
irafeitur. :
Les Grecs croyoient que les divinités infernales
CQÛpoient un cheveu aux mortels, lorfque les
Parques étaient fur le point de trancher le fil de
• leur vie. C’eft ainfî que dans Euripide ( Alceft.
| v. 74. ) la Mort paraît armée d’ un glaive prête à
çoupçr le fatal cheveu de la généré ufe Alcefte ,
pour en faire une victime confacréç aux -divinités,
infernales..
Macrobe ( Saturn. v. c, 19,) reconnoît une
imitation de cet endroit d’Euripide, dans les
vers où Virgile peint la malheureufe Didon luttant
contre la mort 3 parce que Proferpine n’a-
voit pas encore coupé fon fatal cheveu ( Æneid.
iv , 693.) :
Nondum ille fiavum Proferpina yertice crinem
Abftulcrat 3 ftygioque caput damnayerat orco.
Mais bientôt Junqn, touchée des longues angoif-
fes de cette amante infortunée , envoie Iris lui
rendrexe dernier office. Cette divinité plane fur
la tête de Didon, & en lui coupant un cheveu ,
elle dit : je te confacre à Pluton, & je te delivre
de ce çorps mortel ; _ 1
J'iunç
; . . . . . . Hune ego cLiti ’
Sacrum jujfa fero, teque ifio corpore folvo :
Sic ait 3 & dextra crinem fecat. . . . . .
Ces vers des deux poètes font peut-être allùfion,
comme le dit Iè Scholiafte d’Euripide (ibid. ) ,
à l’ufage où étoient les Grecs de couper la chevelure
des mourans.
■ Les Grecs avoient coutume de couper leurs
cheveux dans le deuil, pour les jeter fur les corps
des personnes qui leur avoient été chères, & fur
leurs bûchers. C’eft ainfî qu’Achille 8c les Grecs
(Iliad. 4 '- 1 3 f.) couvrirent de leurs cheveux le
corps de Patrocle. Stace rappelle cet ufage antique
dans fa Thébajide,( lib. vi. ) C :
« . . . . Tergoque & pectore fufam
C&fariem ferro minuit , feétifque jacentis
Q'bnubüit tenuia ora comis.
Lorfqu’on ri’ avoit pas àffifté aux funérailles, on
.dépofoit fa chevelure fur le tombeau de ceux que
l’on avoit aimés. La fille d’Agamemnon, la mal- .
heureufe. Ele&re, reconnoît dans les Choéphores
( Æfçhyl.) les cheveux que fon frère Orefte avoit
dépofés fur le tombeau de leur père :
Oiio Toftciïdy roi at fiôfpu%ov ru(peo.
Canacée fe plaint dans Ovide (Heroid. Epift. x i . ) t
de n’avoir pas rendu à fon frère Macarée ces derniers
devoirs :
Non mihi te licuit lacrymis perfundere ju ftis ,
In tua nûn tonfas ferre fepulcra comas.
Archelaüs, qui monta fur le trône de Macédoine
après Amyntas , voulant témoigner la
grande eftime qu’il avoit pour le tragique Euri-
\ pi d e , fe fit couper les cheveuy à fa. mort, Sc
parut en public avec ces marques de deuil &
d’affliélion (S olin . c. 9. ) . On lit dans Théocrite
que les Amours coupèrent leurs chevelures à la
mort d’Àdonis, »t/pûfitvoi xAraç. On difoit meme
que Bacchus coupa, après la mort de fonépoufe,
cette longue chevelure, qui eft un de.fes attributs
diltin&ifs.
Les parens & les amis des morts ne furent
pas les feuls chez les Grecs qui coupèrent leurs
cheveux en ligne de douleur : un peuple entier
donnoit quelquefois cette marque d’attachement.
C ’eft ainfî que fe comportèrent les Theffaliens
à la' mort dé Pélopidas ( Plutar. in Pelopid.) , &:
les .Perfes à celle de Mafîftius (idem in Arifiidc.).
Ces deux peuples firent plus, ils coupèrent les
crins de leurs chevaux , afin que ces animaux
euflènt •l’ air de partager leur doule\ir. Alexandre
ne fe contenta pas de faire porter aux Macédo-
Antiquitls, Tome I.
•mens & a leurs chevaux le deuil'de fon ami
Epheftion , il voulut leur joindre même les êtres
inanimés , & l’on rafa par fon ordre les créneaux
des tours & des murailles ( idem in Pelyo-
pida. L
Les Romains adoptèrent cet ufage des Grecs;
& Properce dit de fon amante ( i. 17. 21. ) :
„ Ilia meo car os donajfet funere crines.
Denis d’Halycarnafle raconte que les filles &
les femmes romaines qui affilièrent aux funérailles
de la fille de Virginius, jetèrent fur fon lit
funèbre leurs chevelures & les bandelettes qui
fervoient à les lier. C’eft ainfî que la Matrone
d’Ephèfe témoigne dans Pétrone fa douleur 8c
fes regrets. De-là vient que Maxime de Tyr
appelle ( Dijfert. S, ) une chevelure, le dernier
préfent que l’on peut offrir aux mânes des personnes
chéries.
L ’ufage de couper fa- chevelure dans le deuil
ne fut jamais exclufif 5 car nous voyons dans
plufieurs écrivains grecs & latins, que certains
peuples, tels que les Egyptiens en particulier ,
laiftoient’ croître leurs cheveux 8c l e u r barbe dans
les tems d’affliélion. C’eft ainfî que les Argiens
( Herodot. l. c. 82. & Plutar. in Lyfandro. )
confternés de la prife de Thyrée par les Lacédémoniens
, firent une loi qui les obligeoit de
' c o u p e r leur chevelure, j u f q u ’à ce qu’ils eufifent
repris cètte ville. Mais les Lacédémoniens qui
àvoient porté jufqu’alors les cheveux très-courts,
jurèrent de les laifler toujours croître afin d’éter-
nifer la défaite 8e la douleur des Argiens.
Lycophron ( C a fendra çjrj$. ) voulant peindre
un deuil, décrit les chevelures éparfes & flottantes
:
Kpecrof o*- KKupoç icorct KctXXum ,
Ariadne dit d’elle - même à T h é fé e , dans fon
hcroïtîè (.Epift. i . ) :
Adfpice demifos lugentis more çapillos
Et tunicaslacrymis fie ut ab imbre graves.
Dans Ta comédie de Térence , intitulée Heau-
tontimorumenos , dont la f e e n e eft en Grèce y
on dit d’une femme plongée dans la douleur 8c
i’affli&ion :
. . . . . . . Ipfam offendimus
Mediocriter veftitam vcfic lugubri ,
Ejus anus caufa , opinor, qu& erat mortua B
Capillus pafus , prolixus, circum caput
Rejectus negligenter,
E e e e e