
fs4 C A N
convient pas également bien à ce qu’il appelle le
véritable Moeris. Son ufage étoît de recevoir les
eaux du Nil dans les crues ; le canal nommé Ba-
then , pourroit bien avoir rempli une partie de
cet objet ; cependant toutes les difficultés ne
feroient pas encore levées. Mais à quelque dif-
tance du Bathen, il y avoit un autre canal nommé
Bahar-Jufef, mer ou lac de Jofeph, qui étoit
plus long , parallèle au premier , 8c au cours du
Nil , qui peut donner lieu à cette difcuffion ,
avant que de prononcer lequel des deux eft le
véritable lac de Moeris.
C a n a l d e J o s e p h . Giberta examiné la même
queftion , & il croit trouver dans le Bahar-Jufef,
tous les rapports néceffaires avec le lac de Moeris,
décrit par les anciens. ( Mém. de VAcad, des
Infcrip. t. 28- P’ 231. ) Son cours eft de 80
milles parallèlement au Nil.Il entre dans le Feium,
& il a encore 20 milles jufqu au lac de Kern ,
auquel il fe termine. M. le Blond trouve en effet
qu’ayant befoin d’une grande étendue pour les
dimenfions & les mefures d’Hérodote & d’autres
auteurs , celle qu’on trouve dans le Bahar-Jufef
eft plus fatisfaifante que celle du Bathen ; mais
l'autorité du P. Sicard & de d'Anville, paroiffent
devoir fuffire pour nous décider en faveur du
Bathen. Ce canal de Jofeph, dont il eft parlé
dans Pococke, avoit 300 pieds de large 3 8c il
étoit bordé par des chauffées de 40 pieds. Said-
ebn-Batrik & les auteurs arabes attribuent ce
canal au patriarche Jofeph > d’autres à quelque
gouverneur de l’Egypte , qui aura porté le même
nom. ' ,
C a n a u x d e l a basse-Égyptf.. Dans la ville
d’Alexandrie bâtie par Alexandre-le-Grand , &
dont on voit encore les reftes y il y avoit deux
canaux navigables creufés de mains d’hommes.
Le premier, tiré du port nommé Kibotosy traver-
foit Alexandrie, pour fe rendre dans le lac Ma-
réotide $ l’autre , nommé Fojfa-Canopica, 8c qu’il
ne faut pas confondre avec le lit du Nil , qui
tiroit fon nom de la ville de Canope. St r a b o n ,
jag. 79 c , ne nous apprend point fi ces canaux
a voient été creufés avant la fondation de la ville :
d’Alexandrie 5 ou fi Alexandre ,. pour rendre fa
nouvelle- ville plus florissante & plus commerçante
y avoit ordonné cet ouvrage. Ce qu’il y a
de plus certain , eft que cette ville en devoit
xetirer de grands avantages. Le voifînage de-la
mer, du lac Mareotide .8c du Nil , les deux
canaux dont l’un traverfoit la ville pour fe rendre
par le lae Maréotide dans l’autre qui en étoit
voifin , concouroient à la grandeur de fon commerce,
& lui ont acquis le titre de chef des
cirés que lui donne Ammien-Marcellin.
C a n a l d e l a m e r -R o u g e . Si Pon em-
pïoyoir tant de refldurées: pour le commerce &
futilité d’une feule ville, il eft aîfé de penfer
que les Egyptiens formèrent le projet de, réunir
les deux rsersv ils étaient'capables des plus grands ]
C A N
tfavaux, comme le prouve la conftruélion des
pyramides , & exerces à remuer la terre, comme
il paroit par les canaux d’Egypte : ils durent donc
penfer à joindre la Méditerranée à la Mer-Rouge.
Ils étoient d’ailleurs trop cîair-voyans fur leurs
intérêts, pour avoir négligé un moyen dont ils
dévoient retirer tant de profit. Auffi fit-on en
différens tems plufieurs efforts pour exécuter ce
grand deffein.
Jof. Scaliger en parle ainfi dans fon difcours
de la jon&ion des mers, du defsèchement des
marais & de la réparation des rivières , à là fuite
du Livre intitulé : Jof. Jufti Scalîgeri Juin Ce-
faris a Burden filii opufcula ante hac non édita ,
( Parifiis 1610, in-40. p. 541. ) «Un ifthmos
» ou détroit de terre, large, de 32 lieues, ou
33 12y milles, fépare la mer d’Egypte d’avec
33 l’Arabique , depuis la ville de Damiète , fituée
33 fur la frontière d’Egypte,jufquesau Sués, port
30 de la mer-rouge 5 ce détroit coupé , toute
33 l’Afrique feroit une ifle , là où aujourd’hui
33 elle eft péninfuie, liée avec l’Afie par ce di-
33 troit ; mais cela eft plus aîfé en théorique
33 qu’en pratique ; car ce détroit eft dans le dé-
33 fert d’Egypte , tout couvert de fable , volant
33 tantôt plus , tantôt moins , félon les vents qui
53 l’entaffent & le remuent. Et pofez le cas que
33 la tranchée fe put tirer d’une mer à l’autre ,
33 malgré tous les fables, fi eft-ce que la foffe
33 étant faite, en peu de tems elle feroit comblée
33 de fable > l’entreprife donc en eft vaine, St le
33 premier moyen n’a point lieu pour l’accident,
33 à favoir à caufe des fables. Ce que confidé-
» rant un des plus anciens rois d’Egypte, nommé
33 Séfoftris,. lorfqu’il fut confeillé de joindre les
33 deux mers, il fe déporta du premier moyen,.
33 8c eut recours au fécond , le pratiquant à l’en-
. 33 droit où le Nil n’eft diftant de la nier Arabique
33 que de 61 milles, revenant à ié lieues corn-
33 mîmes. Ariftotelès, en la fin- du premier Livre
33 des Météores, après lui Strabon, purs Pline,
33 difentque ce fut Séfoflris comme nous avons
" dit. Hérodote , plus ancien auteur , le nomme.
33 Pfammiiiehtis ,, qui régna long-temps aprè®
»> Séfoftris. Soit Séfoftris ou Pfammitichus, i4 ne
33 fit qu’entamer la befogne , & ne la pour-
33 fuivit point : comme long-temps après le grand
33 Darius, fils d’Hÿcfcafpes, roid’Afie & d’Egypte,.
33 peurfuivant l’oeuvre abandonné par Pfammr-
33 tichus, n’en vint pas à bout. «
En effet, fuivant Hérodote y (/. 11J) il y avoit
d a n s la plaine d’Egypte un canal tiré du Nil
au-deflus de la ville de Bubafte , & a u - d e f f o u s
d’une montagne qui alloit du côté de Memphis.
Ce canal s’étendoit fort loin d’ o c c i d e n t e n orient,
enfuite il rabattoit au midr 8c fe rendoit d a n s l'a-
Mer-rouge. Nécus, Nécos, ou Néchas , fils de
Pfammitichus, qui r é g n o i t 6 1 6 ans avant J é f u s -
Chrift, avoit le premier entrepris cet o u v r a g e ,
dans l e q u e l périrent 1.20,000 mille ko aunes *
C A N
*r il l’avoit abandonné fur la réponfe d’imnracle;
niais Darius i fils d’Hylhfpe, roi de Perfe , j n
ans avant Jéfus-Chrift , 1 avoit achevé> il etoit de
quatre journées de navigation , 8c deux galeres
pouvoient y paffer de front.
Diodore attribue àuffi à Nécus l’entreprife du
canal ; < /. i. ) mais il ajoute qu’il communiquoit
à l’embouchure Pélufienne s c’eft-à-dire, à la branche
la plus orientale du Nil ; que Darius le laiiTa
imparfait, parce que des ingénieurs lui rèpréfe livrent
que la »mer - rouge étant plus haute que
l’Egypte, elle l’inonderoit ; & félon cet auteur,
l’ouvrage ne fut achevé que par Ptolémée- Philadelphie
( 280 ans avant Jéfus - Chrift ). Il, dit
que ce fut pour cette raifon que ce canal fut
appelé canal ou rivière de Ptolémée, 8c que ce
prince avoit fait bâtir .à fon embouchure dans
la mer-rouge , une ville qu’il nomma Arfinoé ,
du nom d’une foeur qu’il aimoit, 8c que l’on
pouvoit ouvrir ou fermer le canal, félon que cela
étoit néceffaire pour la navigation*
Strabon , en s’accordant pour le refte avec Hérodote
8c Diodore, diffère cependant du premier,
en ce qu'il fait commencer au bourg de Phacufa
le canal qu’Hérodote fait partir de Bubafte : Strabon
dit qu’il avoir 100’ coudées de largeur, &
que fa profondeur fuffifoit pour de grands vaif-
feaùx ( Strabon , l. xvu. p. 8oy.).
Pline, çn parlant de ce canal qui devoir joindre
les deux mers, dit qu’il fut commencé par Séfoftris
ou Séfac, qui régnoit en Egypte 970 ans avant
Jéfus-Chrift, près de Buba'fte (/.Vr, c. 29. 33.) >
il devoit, félon lu i, entrer dans la Mer-rouge,
ad DaneUm portum. 11 dit enfuite que Darius y
travailla après Séfoftris, de même que Ptolémée II
après Darius, & il ajoute que ce dernier fit conduire
ce canal jufqu’aux fontaines-amères ; mais
qu’il ceffa d’y faire travailler, ayant reconnu que
la Mer-rouge étoit plus haute de trois coudées
que le fol d,e l’Égypte. Ariftote dit de même ,
qu’un roi d’Égypte avoit effayé de tirer un canal
delà Mer-rouge au Nil, lequel auroit été d’une
grande utilité ( Météor. I. 1. c. 14.) > que Se-
fofti is paffoit pour le premier qui l’eût tenté ; &
que la Mer-rouge étant plus haute que l’Egypte,
c’étoit la raifon pour laquelle Séfoftris & Darius
avoient abandonné cet ouvrage.
Que le canal ait été conduit jufqu’à la Mer-
rouge , c’eft ce dont l’autorité de Strabon (/. r 6’
xvu) ne nous permet pas de douter ; cet auteur
même feroit croire que d’ouvrage avoir été achevé
avant Séfoftris. Quelques-uns ont cru que Mé-
nélas, après la mine de Troye, étoit entré dans 1 Ethiopie , en traverfant un canal creufé dans
fifihme qui fépare là mer Méditerranée de la
Mer-rauge j mais quel que foit le prince qui ait
conduit l’ouvrage à fa fin, il eft bien fur qu’il a
été terminé.. Strabon, en parlant du canal qui
comraençoit, félon lui, à Phacufa, ajoute qu’il
C A N 6} s
fe terminoit au golfe Arabique. De plus, du tems
de Strabon, les marchands d’Alexandrie trouvèrent
une iflue du Nil dans le golfe Arabique,
pour aller de-là dans l’Inde (Strab. pag. 804 &
.Boy.). Quand il raconte l’expédition que fit dans
l’Arabie Æhus Gallus, le premier gouverneur de
l’Egypte pour les Romains, il dit qu’il fit conf-
truire des vaiffeaux à Cléopatris, proche d’un
ancien canal dérivé du Nil. Or, cette ville de
Cléopatris eft la même qu’Arfinoé. Si donc ce
canal avoit été conduit jufau’à Arfinoé, il devoit.
fe rendre néceffairement dans la Mer-rouge. Il n’y
a de difficulté que fur le point où commençait
1 ouverture de ce canal ; les uns l’ont mife à l’embouchure
Pélufiaque > les autres à Phacufa ou à
Bubafte. Il eft conftant, fuivant M. l’abbé Broder,
qu’il ne parloit pas de Pélufe, mais du canal
Pélufiaque à la hauteur de Phacufa, comme
le P. Sicard l’a reconnu fur les lieux. C’eft d’après
lui que d’Anville a très-bien marqué le commencement
& le cours de ce canal dans fa carte.
d’Egypte.
Ceux qui font cités pour avoir mis la main à
ce grand ouvrage, font Séfoftris, Pfammiticus,
Necus & Darius. Mais foit que Ptolémée-Phila-
delphe, étant venu le dernier, ait effacé la gloire
de fes prédéceffeurs, fort en effet qu’il y ait plus
travaillé qu’aucun autre, c’eft lui principalement
qui paffe pour être l’auteur du canal de la Mer-
rouge. .
En des obftacles que l’on trouvoic à la jon&ioa
des deux mers, étoit la crainte que l’eau de la
mer u e fois mêlée avec celle du Nil, qui étoit
la feule en ufage pour la boiffon , ne vînt à la
corrompre ( Pline vi. 29.). Quant à l’inondation
qui pouvoit être caufée par la hauteur de la Mer-
rouge , Strabon affure qu’elle ne pouvoit avoir
lieu ( l. xvu. ) 3 8c que cette crainte étoit chimérique,
parce que la Mer-rouge n’étoit point
élevée au-deffus de l’Egypte, comme on le pré-
tendoit. Quelques phyficiens modernes ont même
voulu le prouver par des argumens phyfiques- Tel
j eft le P. Fournier (dans fon Hydrographie , 1643.
p a g .yy.) , qui obferve que les eaux de toutes
les mers qui communiquent enrr’elies font de
niveau; 8c Riccipli ( dans fon A Image fie , l 1.
pag. 728 '). Archimède l’avoit déjà prouvé ; &
cela feroit vrai fans exception , fi d’ailleurs la
nature des eaux étoit la même , & fi les vents ,
les courans & les marées n’y apportoient pas
une différence. Eraftothène nioit aue l’on pût
comprendre les mers dans la propofîtion générale
d’Archimède , fur le niveau de toutes les eaux
du globe , 8c il foutenoit que les eaux du golfe
de Corinthe avoient,plus d’élévation que celles
du port de Cenchrée à l’oppofite. On a cru que
I vers l’ifthme de Panama , il y avoit une grande
I différence de niveau entre la mer Pacifique & le
l »golfe du Mexique , 8c l’on voit d<ms le détroit
de Gibraltar des courans perpétuels oui anaon-
L l l î i f