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tion de ces catara&es ou cafcades dont il eft i
qucilion , eft due à Nitocris , reine- d’Affyrie ,
quifurpaffa Sémiramis., & fe rendit faméufe par
les travaux considérables qui fe firent fous fon
règne. Mais perfonne n'exécuta de ii grandes
chpfes dans la Babylonie , que Nabuchodonofor,
fuivant Bérofe 3 cité par Jofeph, ( a. x . c. i i . )
Il fit de Babylone une des merveilles du monde 5
c’eft à lui que l’on attribue les digues de l’Euphrate
, les canaux & le lac artificiel deftinés à
le décharger d’une partie de fes eaux dans le
tems de fes crues. ([Eusebe,Proep. Evang. ïx. 41.)
C a n a l r o y a l , n a h a r -m a l c h a . Nabucho-
donofor voulant garantir des inondations la Babylonie
> .qui en fouffroit de grands dommages A
fit tirer au-defifus de Babylone.., au côté oriental
du fleuve, deux canaux artificiels , pour détourner
dans le Tigre ces eaux débordées, avant
qu’elles arrivaient à Babylone. ( Abyden. apud
Eufeb. L. ïx. )
Le plus confidérable de ces canaux étoit celui
qui alloit fe rendre dans le Tigre , affez
près de Ctéfiphon } il étoit fort vafte, & pouvoit
porter les plus grands vaille aux j c’eft pourquoi
il fut appelé dans la langue du pays Nakar-Mal-
c/ia, c’ell-à-dire, le fleuve royal. II eft nommé
Armalchar dans Pline , qui l’interprète flumen
regium. Ce fut Gobaris , gouverneur de la province
, fous Nabuchodonofor, qui exécuta ce
grand ouvrage.
Tillemont, qui dit d’après Dion , que Trajan
avoit voulu tirer un canal de l’Euphrate au
Tigre, femble en parler comme d’un nouveau
canal, dont il n’y auroit point eu de veftiges auparavant.
M. le Blond ne les croit pas bien fondés
à cet égard. Il paroît que Trajan avoit voulu
Amplement déboucher le Nahar-Malcka} mais on
a lieu d’être furpris de ce qu’il fut arrêté par
des repréfentations qu’on lui. fit, & par l’avis
qu’on lui donna, que le lit de l’Euphrate étroit
plus élevé que celui du Tigre. Ce prince inftruit,
ne devoit pas ignorer qu’il avoit e.xi.fté dans cet
endroit un canal navigable , & fa _confiance
devoit encore augmenter, fi c’étoit précifément
le N char-Ma Icka qu’il voulait ouvrir.
L’empereur Sévère acheva dans fon expédition
de Perfe, l’ouvrage que. Trajan n’avoit fait
que commencer j & fans tomber dans l’inconvénient
qu’on avoit appréhendé, il réuffit à faire
pjifer fes vaiffeaux de, L’Euphrate dans le Tigre.
Ce canal étoit depuis long-tems à fec , & égal
au relie du terrein, lprfque l’empereur Julien le
fit rouvrir. 11 ne. vouloir point abandonner fa
flotte à l’ennemi, en la lailfant fur l'Euphrate ,
il regardok f.i perte comme aflTurée s’il la fai-
foit defcendre dans le Tigre par l’endroit où les
deux fleuves fe réunifient audeffus de Ctéfiphon ;
il fit qfage des connoifiances qu’il avoit des antiquités
du pays. Il favpit tout pe qui concernoit
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le Nahar-Malcha j mais il s’agiftbit d’en' recoa-
noitre les traces. ( M. le Beau , Hiftoire du Bas-
Empire. t. m . p. 352. ) Julien, à force de
queftions, tira d’ un habitant de ces contrées,
fort avancé en âg e , des indications qui le guidèrent
j il fit nétbyer ce canal. On retira les
grolfes malfes de pierre avec lefquelles les Per fes
en avoit comblé l’ouverture j & les eaux du
Nahar-Malcka reprenant avec rapidité leur ancienne
route , y portèrent les vaiffeaux, qui ,
après avoir traverfé cet efpace long de trente
ftades , débouchèrent fans péril dans lè' Tigre.
Hacque val le -purgatâ avulfis caraélis undarum
magnitudirie clajjis fecura ftadiis x x x . decurfis ,
alveum ejecla eft Tigridis. - ( Amm. Marc. l . v i.)
Il fa ur ob fer ver que ce canal de trente ftades
n’étoit qu’un canal de communication avec le
Nahar-Malcka , qui étoit le grand canal. Les
habitans de Ctéfiphon furent avertis de ce.travail
par l’épouvante que leur caufa la crue fu-
bite des eaux de leur fleuve, qui ébranla leurs
murailles. C’eft. ce canal de Nahar-Malcka que
Grotius prend pour un des trois fleuves du paradis
terreftre , dans fes notes fur la Genèfe. Il
feroit fort difficile d’indiquer avec exactitude les
dérivations qui furent faites de l’Euphrate ou du
Tigre > dans la Babylonie ; mais on dit que les
Turcs ont fait plufieurs autres canaux du Tigre
à l’Euphrate, tel eft le canal de Kerbel, fait
par Soliman, & ceux d’Akerkufi 8c Nehri-
Scahj.
J o n c t i o n d u T ig r e ë t d é l ’E ux'ô e ü s . Il
nous refte à parler du canal par lequel Arrien
dit que l’on avoit joint le fleuve Euloeus au Tigre,
( de exped. Alex. z . v in . e. 7. ) Cet auteur rapporte
qu’Alexandre s’étant embarqué fur le
fleuve Euloeus , pour fe rendre par mer aux embouchures
du Tigre , une partie de fa flotte qu’il
laiflfa derrière lu i, fe rendit dans le Tigre par. un
canal tiré de ce fleuve jufques dans l’Euloeus ,
environ à 30 milles de l’embouchure du Tigre :
c’eft probablement de ce canal dont Pline a voulu
parler, en difant d’un lieu nommé Charax , qu’il
étoit inter confluentes dexterâ Tigrim , loeva Eu-
loeum, ( l . ' v i n . c. ■ 2cj. ) Arrien ne dit ni par
qui, ni quand ce canal fut ouvert.
L ’Euloeus eft le Karum des modernes, comme
on le voit par la carte de M.d’Ànville. Thévenot,
dans la fuite du voyage au Levant, (/. n i . c. ïx.
p. c y 1. ) nous apprend qu’il fubfiftoit encore de
fiçfn tems un canal nommé Haffar , qui joignoit
le fleuve Karum , ou le Tufter, -au Schat-el-Arab,
ou Schat-ul-Areb, & qu’il avoit employé environ
cinq heures à parcourir ce canal tortueux & profond
j récit qui convient très-bien à ce qu’on dit
de la jonétion du fleuve Euloeus avec le Tigre-.
Canal de NicoMÉDiE.Trajan,qui.avoit entre*
pris de joindre l’Euphrate au Tigre, ou plutôt
(de nétoyej; le NahanMalcha, favoic former de
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Vallès projets & les combiner avec utm haute
prudence. Nous en avons un exemple bien remarquable
dans fes réponfes à Pline, qui lui pro-
pofoit de faire communiquer avec la mer un lac
voifin de Nicomédie , 43 milles au fud - eft de
Conftantinople > ce lac, dont il s’agiftbit de faire
communiquer les eaux avec la mer , n’eft point
nommé par Pline , i l n’ eft qu’ indiqué par cet
auteur : eft in Nicomedenfiam firtibus ' amplijfimus
lacus. Nous verrons bientôt que c’eft le lac
Baana. Quoi qu’jl en fo it , on peut confulter
les lettres de Pline , { l . x . Epift. 50, & fuiv. ) &
les réponfes de Trajan fur ce projet 5 on y admire
la vigilance & l’aCtivité du magiftrat , la
prudence & la bonté du prince : il ne paroît pas
cependant que ce projet ait eu pour lors d’exécution,
j v •
Nous voyons, plus de cinq cens ans apres, de
nouvelles tentatives faites par Anaftafe, fur-
nommé*Dic.ore , {Ann. Comnen. Alexiad. I. vi.)
mais elles reftèrenc encore fans effet.^ Alexis Co-
mnèney fit aufli travailler dans la fuite pour op-
pofer des barrières aux Turcs qui ne ceffoient
d’înfefter la Bithinie, & fur-tout la ville <" de
Nicomédie. Cette province étoit peu fortifiée 5
il ne falloit, pour y entrer, que pafler le San-
gar, ce qui n’étoit pas fort difficile. L ’empereur
réfolut de s’oppofer à leurs incurfions, 8c de
pburvoir à la fureté de Nicomédie & à celle de
la province. En vifitant les lieux, il remarqua
les traces d’ un long canal qui étoit tiré du Ja-c
de Baana ; il l’examina avec foin , & il vit bien
qu’il n’ étoit point l’ouvrage de la nature, mais
celui des hommes. 11 apprit des anciens du pays,
que , fuivant une tradition affez confufe, Anaftafe
Dicore avoit ordonné cet .ouvrage > il ne put
découvrir ni dans quelle occafion, ni à quel deffein
il avoit été entrepris 5 mais il en profita. 11 fit
nétoyer le canal j on lui donna même plus de
profondeur en le creufant de nouveau. Il craignit
auflî que le flux 8c reflux n’y porraflent du limon
8c des fables , q u i, par la fuite , y formeroient
des guets par lefquels les Barbares pôuvoient pénétrer
dans le pays 5 il choifit un lieu convenable
pour y conftruire une tour qui fut fi folrdement
bâtie, qu’on l’appela tour de fer, nom qu’elle po-r-
toit encore du tems d’Anne Comnène ( Alexiâd.
E. v i). Cette prince.fte, qui rapporte ce trait de la
vie de fon père , ne nous apprend point fi le canal
fut en effet tiré du lac Baana au golfe Aftacénus,
ou dans un autre endroit, pour le faire communiquer
à la mer j mais la nature du pays & la fitua-
tion des lieux y invrtoient tellement, que fous le
fultan Bajazet II , l ’on propofa de joindre le San-
gar au lac de Baana , & de faire enfuite communiquer
ce lac à la mer par un canal, fuivant le
géographe Turc cité pJus.haut d’après les manuf-
crits de la bibliothèque du roi. Cet auteur dit que
le lac dè Sabadjeah ( c’eft le îae de Baana d’Anne
.Comnène) a quinze milles de tour i fa forme eft.
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oblongue j les environs de ce lac font remplis de
bois, qu’on appelle bois de mer : on pafle fur le
bord dé ce lac lorfqu’on va de Conftantinople i
Boty, & quelquefois on eft obligé de pafler dans
l’eau jufqu’à la fangle du cheval. Il y a une demi-
journée de chemin entre ce lac & le golfe d If-
nikmid, Aftacénus finus, & trois journées du coté
de l’Orient jufqu’à la rivière de Sakariah, ou le
Sangar. On avoit autrefois projette de joindre
cette rivière au lac de Sabandjeah, 8c ce lac au
golfe d’Ifnikmid. Sur le rapport des experts qu'on
y avoit envoyés l’an 9O9 de l’hégire (c ’eft lait
11°3 ) , qui avoient afluré. la poffibilité de cette
jonétion, l’empereur en avoit ordonné l’exécution
5 mais ceux â qui elle ne convenoit pas furent
l’en détourner. Voilà donc un ouvrage commencé
avant Trajan, que ce prince avoit deffein de continuer
& de conduire à fa fin, auquel Anaftafe
mit encore la main, pour lequel Alexis Comnène
fit de grandes dépenfes, & qui fut propofé de
nouveau au fultan Bajazet j cependant on ne
trouve dans aucun hiftorien que les eaux du
Sangar ayent jamais été unies à celles du lac de
Baana, ou que celles de ce lac l’ayent été à la
mer} on ignore également les obftacles qui empêchèrent
la perfe&ion de cet important ouvrage.
Canal de' Cnide. Les Cnidiens coupèrent
leur ifthme, & fe réparèrent du continent de
l’Àfie-mineure pour la défenfe de leur ville. Ilar-
pagus, général de Cyrus, roi de Perfe , faifant de
grands dégâts dans l'Ionie, 8c les Cnidiens voyant
. qu’il approchoit de leur pays, & qu’ils avoient à
craindre pour eux le même traitement q 11’éprouvaient
leurs voifins, ils cherchèrent à fie mettre
en fureté, comme on le voit dans Paufanias &
dans Hérodote (E . 1. c. 174.). Leur contrée
forme une péninfule refferrée au nord par le golfe
Céramique, & au midi par la mer Egée; l’ifthme
qui joignoît leur ville au continent de la Carie ou
de la Doride , étoit fort étroit, n’ayant pas plus
de cinq ftades (500 toifes). C’eft cet ifthme qu ils
entreprirent de creufer pour fe mettre à couvert
de la violence de l’ennemi. Les ouvriers ne furent
point épargnés pour un ouvrage auffi preffé ; mais
dans le fort du travail une maîn invifible,. dit Hérodote
, fembloit les frapper > ils fe fentoient
bleffés dans différentes parties du corps, & fis
fe trouvoient tout-à-coup privés de la vue. C’é-
toieftt probablement les maladies que des fouilles
de terres occafionnent quelquefois 5 mais ces peuples
fuperftitieux crurent y appercevoir une puif-
’ fiance à laquelle il n’étpi’t pas poffible de réfiiler ;
ils envoyèrent confulter l’oracle de Delphes pour
apprendre la caufè de ce malheur > & la Pythie
leur répondit par deux vers dont îe fiens eft : Ne-
‘ vous tourmente^ point a percer Vifthme ; car ft c’eut
été la volonté des dieux de faire une ifle de votre
pays, ils vous en aur oient épargné la peine. Après
cette réponfè „ les Cnidiens céffèrent leurs an.-