
nous les comptons , félon notre ere vulgaire ,
qui nous fait compter cette année 1786 , ail lieu
que nous devrions compter 1790 , fi nous fui-
vions le fentiment des chronologiftcs dont nous
avons parié. / .. ,
L’ ufege de compter les années par celles de
Jéfus - Chrift , n’a été introduit en Italie qu au
fixièmc fiècle, par Denis-le-Petit, & qu’au feptieme
en France ( 1 ) , où il ne s’eft même bien établi
que vers le huitième 3 fous lés rois Pépin & Charlemagne.
Nous avons trois conciles, celui de
Germanie 3 affemblé l’an 742. > celui de Liptines
ou l eftines , tenu en 743 , & celui de Solfions,
célébré l’an 74 4 , qui font datés des années de
l’ incarnation. Depuis ce tems-là 3 & fur-tout
depuis Charlemagne, nos hiftôriens ont coutume
de dater les faits qu’ ils rapportent, par les années
de Jéfus-Chrift 5 mais ils ne s’accordent pas tous
dans le commencement de Vannée.
Divers commencemens de L’année che1 les Latins.
Nous trouvons huit manières différentes de
commencer l 'année chez les Latins. Les uns la
commençoient avec le mois de Mars, comme les
premiers Romains, fous Romulusj les autres avec
le mois de janvier, comme nous la commençons
aujourd’hui, & comme les Romains 1 ont commencée
depuis Numa. Plufieurs la commençoient
fept jours plus tôt que nous ,&donnoiept Dt>ur le
premier de Vannée le 25 décembre, qui eit celui
de la naiffance du Sauveur. D’autres remontoient
iufqu’au 25 mars, jour de fa conception ou de fon
incarnation dans le fein de la Vierge, communément
appelé le jour de l’annonciation. En remontant
ainfi, ils commençoient Vannée neuf mois &
fept jours avant nous, -
11 y en avoir d’autres q u i , prenant auffi le
2. ç mars pour le premier de Vannée ,] differoient
dans leur manière de compter, d’un an plein, de
ceux dont nous venons de parler. Ceux-la devan-
çoient le commencement de l‘année de neuf mois
& fept jours, Srcomptoient, parexemple, 1 an 1000
dès le i f mars de notre année 999 : ceux-ci,, .au
contraire, la retardoîent de trois mois moins fept
■ jours , & comptoient encore jufquau 14 mars
inclufivement l'an 999, torique nous comptons
l'an 1000., félon notre maniéré de commencer
Vannée avec le mois de janvier ; parce qu ils ne:
la commençoient qu'au zy mars fuivant. D autres
commençoient Vaimée à Pâques, & en avançoient
ou reculoient le premier jour, félon que celui de
fil Celte manière de dater fe rencontre dans Grégoire de
Tours «“ confond, à la vérité , Père de l’incarnation avec
.. 1’ 'i, nalpon* on la voir auffi nianifeftement exprimée
Hugues-Capes.
Pâques tomboit : ceux-ci, comme les précédent,
Commençoient auffi Vannée environ trois mois
après nous, tantôt un peu plus, tantôt un peu
moins, félon que Pâques arrivoit en mars ou eu
avril. Il y en a enfin, mais en petit nombre , qui pa-
roiffëntavoir commencé Vannée un an entier-avant
nous, en datant, par exemple, dès le mois de janvier,
Van onfe cent trois , lorfque nous ne comptons
que l ’an onze cent deux. Voilà les différens commencemens
de Vannée de l’incarnation que nous
avons remarqués dans les.anciens î il^ faut en
rapporter les preuves, au moins en abrégé.
Nous ne nous étendrons point pour prouver
que Grégoire de Tours & d autres écrivains des
fixième & feptième fiècles, ont quelquefois com-
mencé Vannée avec le mois de mars. Le P. Mabillon
l’a démontré dans fa Diplomatique, l. i i 3 c. 23,
n. 4. Nous trouvons encore le même ufage au
huitième fiècle, dans un ftatut du concile de
Vern, tenu eri France l’an 755 , par lequel il eft
ordonné, ut bis in annofynodus fiat: prima fynodus
menfe primo, quod eft kalendis martiis. Voila le
melis de mars, & même les calendes ou le premier
jour de ce mois, bien clairement marqués pour le
•premier de Vannée (1 ). Il eft affez indiffèrent a
notre fujet, d’examiner de quelle forte d année
parle ce concile, fi c’eft de l’ année fol aire- ou de
Vannée lunaire. Nous favons qu’on a fouvent dif-
tingué ces deux fortes d’années, & qu’on leur a
auffi fouvent donné différens .commencemens.
Cette diftinétion , très-bien fondée, peutfervira
lever plufieurs -difficultés ; mais pour le préfent ,
elle nous importe peu. Nous ne cherchons qu a
prouver un commencement de Vannée avec le mois
de mars , qui puiffe fervir à vérifier certaines dates.
Pour faire cette vérification, il n’eft pas neceffaire
de favoir que la date qui fait la difficulté foit'la
date d’une année, fuivant le cours du foieil, ou
la date d’une année, fuivant la date de la lune ;
il fuffit que ce foit une date qui a pu être employée,
& qui fe trouve vraie , félon l’un^ ou
l’autre cours, que les anciens fuivoient, peut-etre
affez indifféremment, comme on le voit par Grégoire
de. Tours, q u i, quelquefois, commence
Vannée avec le mois de mars, & quelquefois avec
le mois de janvier. En commençant Vannée avec
le mois de mars, il appelle le mois de juillet le
cinquième mois, menfem quintùm, aü livre 1V des
miracles de S. Martin , c. 4. En la commençant
( 0 Cet ufage des François de commencer Vannée au premier
ars, tiroit fon origine d’Allemagne. On voit en eftet dan*
s loix allemandes, que très kalcndoe martioe font employas
jur marquer trois années. Ne in mallo publcèo , eu-il dit ,
c. 17 fed. î de-ces loix , tran fallis tribus kaUndi's marias
■ ft hàc ancilia maneaçhi ptrpetuum.Le décret deThaffillon,
ic de Bavière, au huitième fîecle, dit la meme, choie, ch. i ,
d. 11. Cependant onVoit, pair ime lettre du râpe Zacharie
S. Boniface, archevêque de Mayence, que dans ce meme
“cle’& du vivant dé ce même Thaffillon, Xannée commen-
311 au premier janvier en Allemagne.: .Ubi, dit-il, ƒ ermani
edendas januar-as & bjumam ritu pasanorum colère, O aliquia
ovi facere propter novuih âniïuni ‘prohioentur.
avec
•vec le mois de janvier, il donne lé nom de
cinquième mois au mois de mai, a n s le chap. 3y
du même livre. , ,,
Nous ne trouvons quurt feul exemple dun
commencement d’année fixe' au 18 mars. Ç eft
dans la lettre du clergé de Liege au cierge de
Trêves, fur la différence des quarre-tems, de
diferentiâ quatuor - temporum, publiée par dom
Mattenne, pag. zpy du premier tome de fes Anecdotes.
Elle fut écrite au commencement du douzième
fiècle ; & Sigebert de Gemblours, qui en
ctlauteur, y attefte que ce fiècle avoit commence
au 18 mars : Menfe martio, dit-il. fecundàm pofi-
tionem gentilium mediato primus dies fsculi prsft-
gitur in x m i ejufdem menjis, qui eft x r kal: aprilis.
Sigebert parle fans doute ici du commencement
dt Vannée aftronomique, qui s’ouvre avec le prin-
tems. & non de Vannée civile des pays de Liège
& de Trêves ; car on ne voit point d'aéfe de ces
contrées, qui fuppofe Vannée commencée au 18
mars. ., , , ,
A l'égard du commencement de 1 année, tixe
au zy décembre ou au zy mars, rien n eft plus
clair que ce que nous lifons dans les ftatuts des
églifes de Cahors, de Rodez & de Tulle, dreffés
en 1x89 , & imprimés au quatrième tome des
Anecdotes de dom Martenne & de D. Durand.
On y voir cette remarque, n. 19 , col. 764 • Nota
quod numéros lunaris ( c’eft le nombre d'or) &
liftera- dominicain mutantur annuatim in fefto Cir-
cumeiftonis, anni verb Incarnationis Domini mutantur
in terra ifta in fefto Annuntiationis beats.
Maris, & in quibufdam regionibus in fefto nativi-
tatis Domini. Voilà deux commencemens de Vannée
de l'incarnation bien marqués, le jour de N o ë l,
ou le zy décembre dans certaines provinces de
France, & le jour de l'Annonciation ou le zy
mars en d'autres. Mais ce jour de l’Annonciation
précède-t-il de neuf mois & fept jours, ou fuit-il
de trois mois moips fept jours notre commencement
de Vannée avec le mois de janvier ? C eft ce
qui eft encore décidé au même nombre, par les
paroles fuivantes : Ita quod in fefto cirçumcifionis
Domini, ubi mutatur numerus lunaris, incipias'
quoad hoc compuïare numerum annorum Domini 3
qui erit in fefto Annuntiationis proximé tunefequenti.
Ces paroles ne font point équivoques î elles démontrent
clairemeut que le jour de l’Annonciation
, regardé comme le premier de Vannée de
N. S. J. C. dans les provinces de Querci, de
Rouergue & du Bas-Limoufin en 12.S9 , étoit le
2 y de mars, qui fuit ,1e mois de janvier, avec
lequel nous commençons Vannée aujourd’hui, &
qu’ainfi dans ces provinces, on la commènçoit
trois mois moins fept jours après nous.
Il faut maintenant prouver que le jour dé l’Annonciation
, qui précède de neuf mois celui de la
naiffance du Sauveur, & de neuf mois fept jours
le commencement de notre année julienne avec le
mois de janvier, a été auffi regardé comme le
Antiquités, Tome I .
1 premier de Vannée de l’incarnation. La chofe eft
certaine, par rapport à l’Italie. Tous les favans
conviennent que Denis-le-Petit y avoit établi cet
.ufage, en introduifant la maniéré de compter par
les années de Notre Seigneur. On fait que les
Pifans ont fuivi jufqu’en 174 5 .* *.e memc ufaSc
dans leurs dates, fondés originairement fur ce
motif, qu’ il eft plus naturel de mettre le jour de
la conception du Sauveur avant celui de fa naiffance
, que de placer celui de fa naiffance avant
celui de fa conception, comme faifoient ceux qut
commençoient Vannée au jour de Noël. Dans la
chronologie des papes, on doit obferver foigneu-
fement ceux d’entre ces pontifes qui. ont employé
dans leurs bulles cette manière de dater, nommée
aujourd’hui le calcul Pifan. 11 ne s’agit donc plus
que de montrer cet ufage établi en F rance > car
pour l’Efpagne, l’Angleterre & l’Allemagne, il
eft confiant qu’elles ne l’ont jamais connu. Quelque
probable au refte qu’il foit, que d’Italie il ait paffe
chez nous, comme tant d’autres lëmblables qui
nous font venus de Rome, nous ne croyons point
ici pouvoir nous contenter de probabilités î nous
demandons des preuves qui foient propres à la
France, & tirées de nos anciens^ monumens. En
voici plufieurs que nos rois mêmes nous four-
niflènt.
Dans le Cartulaire de S. Maur-des-Foffes, il f
a une charte du roi Robert qui eft ainfi datee :
Data v u kalend. novembris, indiél. x i i 3 anno xrr ,
régnante Roberto rege...• anno incarnati V erbi mil-
lefimo. La première année du règne clu roi Robert
avec Hugues-Capet, fon père, eft l’an 988 î ainfi ,
la douzième1 année de ce roi répond a la 9 9 9 ^
l’incarnation, félon notre manière pyéfente de
compter. L’indi&ion xii marque auffi Vannée 999.
Pourquoi donc le notaire qui a écrit cette charte *
lie-t-il la douzième année du roi Robert , & l in-
diétion xit avec l’an 1000 de l’incarnation , fi ce
n’eft parce qu’il commence celle-ci le 2y mars,
neuf mois & fept jours avant nous ? C’eft pour
la même raifon qu’une charte originale du mêm«
ro i, pour l’abbaye de S. Pierre de Châlons-fur-
Marne , eft ainfi datée : A Hum Pariftus anno Dominiez,
incarnationis m x x v i u , régnante Roberto
rege x l . Et une autre encore pour l’abbaye de
Coulombs, rapportée par Duchefne, parmi les
preuves de l’Hiftoire de la maifon de Montmorency,
pag. 14 , dont voici la date : Aüum publick
Pariftus anno incarnati verbi m x x v i u , régnante
Roberto rege x l . Si le chancelier ou le notaire
qui a écrit ces deux chartes, n’avoit point commencé
Vannée neuf mois & fept jours avant nous,
il auroit mis l’an x l ï du roi Robert, puifque
l’an xl ne répond qu’ à Vannée m Xx v i i , feloa
notre manière de commencer Vannée aujourd’hui
avec le mois de'janvier, neuf mois & fept jours
après l’Annonciation. Le calcul d’Helgaud, dans
la vie du roi Robert, eft conforme à celui des
L a&es que nous venons de citer. Cet hiftoriem
Bb