
l’entrée de cette petite prefqu’île. La Mef-pôurrie
eft inconteftablement le lac Byce de Ptolomée ,
fiÛKti , & le Bugès de Pline 3 qui eft joint au Palus
Méotide ( comme dit très-bien cet auteur ) , par
un canal ou un foffé. Cette mer avoit déjà, du
tems de Strabon, le même nom qu’elle porte
aujourd’hui : cet ancien géographe l’appelle
3 ou l’étang pourri 5 il lui donne une étendue
de 4000 ftades, qui embarraffe avec raifon Cella-
rius, & lui fait penfer que Strabon a youlu parler -
de tout le Palus-Méotide , auquel cette mer eft
jointe par un canal. , *
Par cette defcription 3 M*. Peyffonel fait
entendre que le canal a ont parle Pline a été creufé
dans quelqu’endroit de la prefqu’ïle nommée
Zenonis Cherfonefus 3 & peut - être même dans
fon ifthme 3 où eft placé maintenant le fort de
Ribat. On ne peut cependant le conclure du
palPage de Pline. Il eft plus naturel de.croire que
cette communication du lac Bugès avec la mer a
été pratiquée dans l’ifthme qui joint la Cherfonèfe
Taurique au continent. i° . Le terme Mare dont
fe fert Pline, convient beaucoup mieux âu Pont-
Euxin 3 qui en effet eft une mer, qu’au Palus-Meo
tide 3 qui n’a jamais été nommé que Palus par les
anciens. 2°. Conftantin Porphirogénete, dans la
defcription qu’il fait de la Cherfonèfe Taurique
( de adminifir. Imperii ) , après avoir commencé
par le golfe nommé dans l’antiquitéJ?««* carcinites 3
8c que l’on devroit nommer maintenant Nécropyle3
plutôt que Nigropoli, fait le tour de la prefqu’île j
& après avoir parlé des Palus-Méotides 3 il finit fa
defcription en difant que le golfe de ces Palus
s’avance jufqu’au lieu nommé ru nxponvXct, peu
éloigné du Dnieper , & que là il fe joignoit à la
ènen car, ajoüte-t i l , les anciens paflbient la
mer par un canal creufé au milieu de l’ifthme.
30. Le nom de Taphros ou Taphra qui veut dire
folié, & qui a été donné au lieu que l’on appelle
aujourd’hui Orkapi ou Precop, eft une preuve
fubfiftante que l’on avoit anciennement pratiqué
un canal dans cette partie : Quoi inter paludem &
finum eft Taphroe nominatur3 dit Mêla (/. il, c. 1).-
Il feroit difficile de marquer la véritable époque
de cetteentreprife : le mot de Taphra, qui eft dans
Pline, fait voir que le canal avoit été creufé’avant
lui ; mais Conftantin Porphirogénètê nous apprend
qu’il avoit été comblé, 8c que de fon temps il
étoit couvert d’une forêt. 40. La forme de la
Cherfonèfe Taurique, prefque femblable à celle
du Péloponèfe, fuivant Strabon (/. vu3p. 310),
fon ifthme qui étoit à-peu-près de la même largeur
que celui de Corinthe, la commçdité de la
navigation , qui réfultoît d’un canal creufé à Taphros
ou Précop , font autant de raifons qui
auront pu déterminer à entreprendre cet ouvrage ,
& qui ront croire que c’eft plutôt là que dans la
Cherfonèfe de Zénon, qu’on l’atlra en effet exécuté.
j°. Enfin l’expreffion de Pline , lacus Bugès
fojfa cmijfus in mare, paroît trop générale, & peu
propre à défigner le travail des hommes, pour
joindre aux Palus-Méotides un lac qui y communiquait
déjà naturellement à la pointe de la prefqu’île
, nommée Zenonis Cherfonefus. De plus ,
quand Pline, eh donnant la pofîtion de Carcine,
dit que du côté oppofé eft le lac Bugès que l’on a
joint à la mer par un canal, il fait allez entendre
que c’eft dans l’ifthme voifin que ce canal a été
ouvert.
C a n a l d’Hy p a n is . Le même auteur fait aulfi
mention d’un autre canal artificiel, par lequel ou
avoit conduit le fleuve Hypanisdans le lac Bugès j
tandis que , <d’un autre coté , il fe déchargeoit,
fuivartt fon cours naturel, dans un golfe des Palus
Méotides : Hypanis per Nomadas & Hylceos jluit
manufafîo alveo in Bugem , naturali in Coretum,
l. iv. pag. 217. Il ne nous apprend ni par qui
ce conduit a été fait, ni pour quelle raifon. C eft
apparemment de ce canal fait de mains d hommes
que Strabon dit : « Pharnace, après l’avoir fait
nétoyer , fit couler l’Hypanis par le pays des
peuples nommés Dandarii, 8c il arrofa leurs
terres (/. xi. p. 49y. ). » V
C an a l de T h r a c e . En continuant en Europe
la route d’orient en occident, on trouve
fur la partie feptentrionale de la carte de Grèce,
par Delifle, un canal dans la Thrace, qui peut
bien avoir été navigable ; il partoit de la rive
droite du Panifus, vers l’endroit ou ce fleuve fe
recourbe, & alloit fe rendre dans le pont Euxin,
un peu au-deffus de Meffêmbrie. On ne voit pas
trop quel étoit fon ufage , puifque le Panius fe
rendoit dans la même mer , à une diftance qui
n’étoit pas bien considérable ; peut-être étoit-ce
pour abréger de quelques lieues la navigation de
ce fleuve. M. le Blond en fait mention fur la foi
de M. Delifle , qui n’a point cité fes autorités
à cét égard.
Ca n a l .du mont Athos. On regarde comme
une entreprife d’oftentation , celle de Xerxès qui
fépara le mont Athos du continent de la Macédoine,
pour étonner la Grèce, autant que pour
faire paffer fes vaiffeaux & éviter les dangers de
la navigation autour de cette péninfule. Cette
montagne formoit,- avec le terrein des environs,
une prefqu’ifle, qui faifoit autrefois une partie de
la Chalcidique. Pline ( iv. 10. ) lui donne ip
milles de tour, & 75 milles d’avance dans la mer:
T ifthme avoit 12 ftades ou douze cens toifes.
Xerxès fe propofa de le couper, en renfermant
dans une ifle des villes qui étoient jointes au Continent.
Ces villes étoient Après, Sana, Olophixus^
Dion, Acrothoon , Thiffus & Cléones (Herod.
I. vnl c. 22.). Xerxès employa non-feulement
toutes fes troupes à ce travail, mais les habitans
même du pays, qui fe relevoient les uns les
autres, On diftribua aux étrangers le terrein qui
étoit aux environs de Sana, & on l’arpenta pour
que chacun connût la portion d’ouvrage qui lu1
feroit
feroit échue, après quoi 011 mit la main à l’oeuvre.
Le canal étant -déjà d’une certaine profondeur ,
ceux qui étoient aux bas continiioient toujours
l’excavation, tandis que d’autres déblayoient ;
une troifième clafte de travailleurs étoit difpoféè
par échelons & recevoit la terre remuée, pour
la paffer à d’autres , jufqu’à ce que de main en
main elle fût parvenue aux derniers, qui étoient
chargés de la rranfpçrter au loin. Mais la plus
grande partie ayant creufé perpendiculairement,
la terre des côtés s’écroula , lorfqu’ils eurent atteint
une certaine profondeur, ce qui les mit
dans la néceffité de recommencer. Les Phéniciens
furent les feuls qui s’épargnèrent cette peine, par
une prudence dont ils donnèrent des preuves dans
plulîeurs autres occafions. En effet, en commençant
l’excavation du'terrein qui leur-étoit échu,
ils ménagèrent un talus., de façon que l’ouverture
étoit en haut deux fois plus large que ne devoit j
être le canal, & ils allotènt toujours en rétrécif-
fant jufqu’à ce qu’ils euffent atteint la largeur,
prefcrite : par ce moyen, la terre fupérieure .n’étoit
point fujette à s’écrouler. Hérodote, à qui
nous devons ce détail, ajoute que cette dépenfe
ne fut faite, par'Xerxès que par vanité & pour
laiffer un monumènt de fa puiffance : -en effet,
quoiqu’il eût pu aifémènt faire tranfportér fes
vaiffeaux parT’ifthiiie, il aima mieux le faire couper.
Le canal commençoit à Sana, qui étoit à
l’extrémité méridionale de l’ifthme , lequel, félon
le même Hérodote, avoit 12 ftades Le canal,
au rapport de Plirîe (iv. 10.) , avoit i^oo pas ■
de long j & Hérodote dit qu’il étoit allez large
pour que deux trirèmes puffent y paffer de front :
le travail dura trois ans.
La nature du fol n’étant pas favorable à une
pareille entreprife, 8c les deux parties de la montagne
s’étant réunies par la fuite des tems, il ne
relia pas même de veftiges de la folle entreprife
de Xerxès }• & il y a des autéurs qui ont douté
du fait, quoique très-bien attelle. Si ck canal1 fut
jamais de quelque ufage, ce ne fut'que pour don-
ner p'affâge à la flotte de Xerxès, 8c lui ménager
un afyle pendant la guerre qu’il alloit entreprendre
contre la ùG.re.cè ( Diod. I. xi-, p. 243. Plutarque ,
Aeliën y Hift. a'nirn. I. ' xrn. c. 20. Solirius Poli-
hiftV c. lOf . Mêla 3 L ’ r-r. ç, 2. D‘ Anvillc 3 Ana- \
lyfe de la carte de Grèce , p. 28.).
, C a n a l de Be o t ie . Nous ne dirons qu’un mot
des canaux pratiqués pour, l’écoulement des eaux, :
& qui? abourifïbi.énfc du lac de Cppaïs en Béotie,
jufqu’à la mer Eubée. Wheler auu;re.4 dans fon
voyage de Dalrpatie & de Grèce ( u, n.,p. 294) ,
qu ils dévoient être regardés comme une des plus
gfatid.es merveilles du monde :■ 8c _quand on fup7
po(croit de la part de ce voyageur quelqu’exagé-
ration 3 on ne peut douter de l’utilité & deda difficulté
de ces canaux, d’après le témoignage de
Strabon •( /. ix ) , 8c la nature du lieu où il fallut
percqr des montagnes fur une étendue de plufieurs
Antiquités , Tome I.
lie ta es, & tailler des puits dans toute leur hauteur.
Canal de Corinthe. Dans le tems même
où les, Grecs ne s’adonnoient guères qu’au commerce
intérieur, les Corinthiens faifoient déjà
un très-grand commerce ( Thucyd. L 1. ) : leur
ville étant placée à l’entrée du Péloponèfe, deve-
noit l’entrepôt de tous ceux qui y entroient 8c qui
en fortoient. Lorfqu’ils s’appliquèrent à la navigation,
non-feulement ils tirèrent autant d’avantage
de ce commerce, qu’ils en avoient tiré auparavant
de celui de terre , mais leur ville devint
encore le lieu où fe trouva le commerce le plus
floriffant de la Grèce. Les Jeux Illhmiques qui
fe célébroient dans les environs , y attiroient une
affluence prodigieufe, & ne contribuoient pas
moins à l’embellir qu’à l’enrichir , comme l’ob-
ferve Huet ( Commerce & Navigation des Anciens').
Corinthe avoit deux ports 5 l’un , nommé Cen-
ebrée fur la mer Egee, qui lui ouvroit le commerce
de toute la partie orientale de la mer Méditerranée
j & l’autre, nommé Léchée, fur la mer
Ionienne > du côté de l’occident: ces deux ports
là rendirent fi importante 8c fi néceflàire , qu’elle
fut appelée par Philippe , la chaîne de la Grèce.
Enfin, elle étoit regardée comme le marché com-t
mun . 8c l’entrepôt, non-feulement de toute la
Grèce, mais même de l’Europe & de l’Afie.
L’ifthme .qui joint le Péloponèfe au contihent
n’a pas plus de deux lieues , fuivant Wheler, dans
fes voyages (t. u. p. 243.) : en le coupant , on
épargnoit-aux négocians étrangers & aux Corinthiens
eux-mêmes une longue navigation autour
du Péloponèfe, dont le circuit eft d’environ 160
lieues. On évitoit auffi le dangereux paffage du
cap Malêe, qui étoit fi connu par fes écueils:
auffi difoit-on qu’en cet endroit les flots pourfui-
voient les vaiffeaux pour les engloutir.
. . . . . . . . . . Promite vires
N une animos quibus in Goetulis fyrtibus uft t
lonioque Mari Male&que fequacibus undis.
Virg. Æn. 1. y . 191.
Quand on ofoit le paffer, on devoit regarder fa
perte comme; certaine , & abandonner à d’autres'
fes poffeffions (Strabon, l. vin. ) . .
Il n’en falloir pas davantage pour infpirer à
quelque prince bien intentionné l’idée de faire
communiquer les deux mers qui baignoient l’if-
t-hme. Plukeurs l’entreprirent vainement , & les
hilloriens qui rapportent leurs tentatives, en attribuent
le peu de fuccès à l’impoflîbilité de percer
les rochers dont l’ifthme étoir formé. D’autres
en donnérit Une raifon qui étoit de quelque force
pour, des peuples fuperftitieux , la réponfe d’un
oracle qui empêcha de continuer l’ouvrage. Quant
à la dureté des rochers, il y a bien d’autres exemples
de rochers, coupés dans un très-long efpace 9
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