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Plufieurs écrivains romains fe font récriés
contre la licence 8c l'impudicité de ces myftères,
appelés par excellence les myjtêres romains, 8c
qui fe célébraient le 4 décembre, tandis que ceux
de Cybèle fe célébroient au premier de mai. Le
myrthe ne fe trouvoit jamais dans les facrifices
de la bonne déejfe, à caufe du fupplice que lui
avoit fait fouffrir ion mari Faunus} & le vin y
portoit le nom de miel par la même raifom
{Macrob. Sat.)
Tout étoit myftérieux dans ces cérémonies.
Le facrifice etoit appelé Damium , la bouteille
mellarium y la bonne déejfe étoit nommée tantôt
Tanna 3 tantôr Ops , 8c quelquefois enfin Fatua'.
Malgré la licence de fes orgies , cette déefle eft
appelée fainte dans une infcription rapportée par
Gruter (pag. 8i s n. 1.) : b o n a e d e a e s a n ç t a e
SACRUM, &C.
Lucrèce ( il. J98. ) dépeint la bonne déejfe
portant une couronne murale 8c traînée dans un
char par des lions. On la trouve ainfi repréfentée
fur des médailles de l’empereur Philippe.
Les Grecs avoient leur bonne déefe , qu’ils
appeloient la déejfe des femmes y & les Carthaginois
rendoient auflî un culte à une bonne déejfe
célejle, que l’on croit être Junon.
Bo n n e jfpérance , bona fpes. line infcription
antique (Gruter. pag. 1075. n. 1 .) porte:
BONAE SPEI
AUG. VOT.
PP. TR
On ne fait fi c’étoit la même divinité queTEf-
pérance, à laquelle les Romains donnoient divers
noms, ou une divinité particulière.
Bo n n e fortune. On invoquoit la bonne fortune
comme une divinité tutélaire, à la tête des pfé-
phifmes ou des décrets, .& lorfqu’on érigeoit
quelque monument, par la formule a t a g h t ïx h ,
que les Romains ont rendue par une formule
prefque femblable, q u o d b o n u m f e l ix f a u s -
TUMQUE SIT.
Paufanias décrivant les cérémonies ufîtées pour
defcendre dans l’antre de Trophonius, dit que
Ton faifoit pafler un certain nombre de jours à
l’initié dans les temples du bon génie & de la
bonne fortune avant la defcente ? & qu’on l’y
apportait après qu’il étoit revenu de cet antre
facré.
BONNET 8c C h a p e a u . La diftin&ion établie
entre ces deux mots, qui défignent un habillement
de tête, ne porte pas fur des cara&ères
afie7. fortement prononcés, pour que nous puif-
fions en faire une application exaété aux habil-
lemens dont les anciens couvroient leur tête.
C ’eft pourquoi nous renfermerons dans cet article
tout ce que nous avons à en dire (fi l’on excepte
le C a s q u e . Voyeç ce m ot.), & nous emploierons
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I indiftinélement les mots de bonnet ou de chapeau.
La forme originaire & fpécifique du bonnet eft
circulaire, & femblable à la partie fupérieure de
la tête i parce qu’il eft deftiné à l’envelopper en
la couvrant pour la garantir du froid ou des autres
injures du tems. Anciennement la plupart des
diverfes fortes de coëffures ( s’ il eft permis pour
abréger d’employer ce mot en parlant des hommes)
avoient, comme aujourd’hui, pour fond 11 bonnet.
Ce font les accefîdires ou ornemens qu’on y
ajouta, qui leur firent donner diverfes dénominations
relatives, Toit à la forme différente que ces
ornemens produifirent à l’extérieur, foit à la qualité
de la matière dont chaque forte de bonnet fut
fait, foit à leur deftination pour les différentes
faifons, & pour les autres circonftances où l’on
en changeait, foit enfin aux autres variétés qui
faifoient diftinguer la dignité, l’état, la condition,
la profeflîon, 8c même le pays de ceux par
qui ils étoient portés. Malgré les noms particuliers
qu’avoient les différentes coëffures, celui de
bonnet relia encore à plufieurs. On appela bonnet
phrygien,4a coëffure exhauffee & recourbée par-
devant , qui étoit d’un ufage commun en Phrygie ;
& -bonnet royal, la tiare qui étoit la coëffure
propre 8c diftinétive des rois de Perfe, d’Arménie,
d’Ofrhoëne &desParthes. Voye^T i a r e ,
C id a r i s & Mi t r e .
Les Egyptiens avoient ordinairement la tête
nue, félon Hérodote, & fuivoient en cela une
coutume oppofée à celle des Perfes. Cet hifto-
rien obferve^ que long- tems après une bataille ,
on diftinguoit les crânes des Egyptiens de ceux
des Perfes, par leur extrême dureté] Quoi qu’il
en foit de cette aflertion, les figures d’Egyptiens
qui nous font parvenues ont la tête couverte, ou
d un chaperon ou d’un bonnet y & ces,/figures
repréfentent des dieux, des rois ou des prêtres.
A quelques-unes, le chaperon fe termine en deux
larges bandes, tantôt plates, tantôt arrondies-en
dehors? & il flotte fur les épaules, fur le dos,
& quelquefois fur la poitrine. Le bonnet égyptien
reflemble par fois à une mître, & d’autres fois il
eft applati par le haut, dans le goût des coëf-
flores que l’on portoit il y a deux cents ans , &
comme le bonnet que porte Alde-Manuce le père,
dans les portraits que nous avons de ce favant
imprimeur. Ce bonnet eft attaché fous le menton
par deux rubans, comme on peut le voir à Rome
au cabinet de Rolandi, aune figure aflîfede granit
noir, 8c haute d’environ trente pouces françois.
Il s’élargit par le haut, à-peu-près comme le
boifleau qui couvre la tête de Sérapis. Cette forme
a donné lieu aux Arabes d’appeler kankal, boif-
feau, les bonnets des anciens rois de Perfe. De
femblables bonnets couvrent les figures aflîfes
placées vers la pointe des obélifques, 8c celles
que Ton voit dans les ruines de Perfépolis. Sur
Je devant du bonnet s’élève un ferpent : c ’eft ainfi
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que les médailles de Malte nous montrent ce
reptile placée fur le front des divinités phéniciennes.
Les figures des obélifques, celles de la table
du jardin Barberini 8c du cabinet Rolandi-, ont
leurs bonnets furmontés de l’efpèce d’ornement
que Warburton croit être le perféa, & qui étoit
le caractère diftinélif de la coëffure dès rois d’E •
gypte. Cependant comme cet ornement a encore
plus de reffemblance avec des plumes, & comme
Cneph, dieu créateur de l’univers chez les Egyptiens,
portoit des plumes royales , c’ell-à-dire,
telles que les rois avoient coutume d’en porter,
il y a grande apparence que c’étoit une aigrette de
plumes. Le dieu Cneph eft très-peu connu par les
monumens j 8c les figures dont nous décrivons la
coëffure, fe trouvant répétées fur rous les obélifques
, il en réfulte naturellement quelles repréfentent
des rois.
Quelques figures devfemmes égyptiennes, ou
pour mieux dire, quelques ïfis, portent un bonnet
ou une parure qui reflemble à un tour de cheveux
poftiches ? mais le plus fouvent, & fur-tout
à la grande Ifis du capitole, ce tour paroît com-
pofé de plumes. On voit même dans les Monu-
menti inediti de Winkelmann , que nous tranfcri-
vons ici, une Ifis portant fur fa coëffure une
poule de Numidie , dont les ailes fe rabattent
fur les côtés, 8c dont la queue defcend fur le
col.L
es anciens Perfes, & probablement auffi les
Orientaux leurs voifins, attachoient en guife de
bonnet (Strab. I. 1 $.p. 734.) une toile fine autour
de leur tête , comme les Orientaux le pratiquent
encore aujourd’hui pour leurs turbans. A la guerre
ils portoient ordinairement un chapeau taillé en
forme de cylindre ou de tour {ibidem). On leur
voit auflî fur les marbres de Perfépolis 8c fur
des pierres gravées, des bonnets garnis d’un bord
retrouflé comme celui de nos bonnets fourrés.
Quant aux Mèdes, aux Aflyriens, aux Armér
niens, aux Parthes, voyeç Mît r e / T i a r e &
Cid a r is .
Le chapeau, petafus, large & plat, du milieu
duquel fort quelquefois une pointe, fervoit aux
voyageurs , & aux chafleurs grecs & romains 5
ils l’attachoient avec des courroies fous le menton
j 8c lorfqu’ ils vouloient fe découvrir, ils le
jetaient derrière leurs épaules , fans détacher
les courroies. C’eft ainfi qu’on le voit à Zéthus
fur deux bas-reliefs de la villa Albani & de la
villa Borghèfe , à un héraut fur un vafe étrufque,
à plufieurs ftatues de Mercure, d’Apollon , & à
Méléagre fur plufieurs monumens. Ce chafteur
célèbre le porte fur la tê te , fur les médailles des
Etoliens.
Un chapeau fufpendu & confacré à Hécate ,
exprimoit le voeu d’un voyageur ou d’un mefla-
ger. Les maîtres de Gymnafe mettoient le chapeau
au nombre de leurs attributs particuliers.
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Les Macédoniens s'en fervoient auffi, & les
appeloient **«my, en latin caufia.
Les Lacédémoniens portoient toujours des
chapeaux de feûtre, afin de fe diftinguer des ilotes,
leurs efclaves.
Les Athéniens, dans les tems les plus reculés,
portoient à la ville, ainfi qu’à la campagne, des
chapeaux ou bonnets. Au moyen des rubans dont
ils étoient garnis, on pouvoit les attacher fous le
menton, comme nous le voyons à la figure de
Théfée deflinée fur un vafe de terre cuite de la
bibliothèque du Vatican.
Héfiode (Epy. v. 5 4 t.) lait entendre que ces
chapeaux grecs étoient ae laine. On les portoit aux
fpeélacles dans la Grèce ; car on fait que les Egi-
nètes accablèrent fous le poids de leurs chapeaux,
l’ancien légiflateur d’Athènes, Dracon, au moment
que placé fur le théâtre, il lifoit a haute
voix les loix qu’il leur deftinoit.
Denys d’Halicarnafle dit que les députés du
fénat trouvèrent Cincinnarus, qu ils alloient revêtir
de la puiflance de dictateur, labourant avec
fa charrue & ayant la tête couverte d’un chapeau.
Augufte ne fortoit jamais de fon palais,
félon Suétone, pour traverfer quelqu’endroit ex-
pofé au foleil, qu’il ne portât un chapeau. Sous
les empereurs, les Romains fe couvrirent avec des
chapeaux dans les fpeétacles , à l’exemple des
Grecs.
Le plüs fouvent ils fe couvroient la tête avec
un pan de leur toge, que les antiquaires du fiècle
dernier avoient pris pour un voile ou chaperon.
Mais ils étoient dans l’ ufage'-'de paroître avec la
tête découverte devant les perfonnes auxquelles
ils vouloient témoigner du refpeét. De-là vint
qu’ils regardèrent comme une grande incivilité
de garder fur la tê te , dans ces occafions,
l ’habillement dont on la couvroit ordinairement.
( Plutarch. Pomp. p. 1169). Plutarque nous dit
encore pofitivement (Qu&Jt. Roman. 10.) que les
Romains rencontrant des perfonnes pour lesquelles
ils avoient du refpeél & de la confidéiation , fe
découvraient la tê te , lorfqu’elle étoit par hafard
couverte avec une partie de leur habillement extérieur.
D’après ce texte de Plutarque, d’après celui
d’Euftathe {Odyjf. I .) , que les Romains avoient
pris des Grecs Vufage d'avoir la tête nue , & d’après
les marbres & les médailles, on peut afliirer
qu’ordinairement lès- Romains ne fe couvroient
point la tête. Il eft cependant queftion dans les
auteurs latins du pileus, du galerus 8c du petafus y
8c nous devons faire mention de ces exceptions de
la règle générale.
Le bonnet appelé petafus étoit le chapeau à
large bord dont nous avons dit plus haut que fé
fervoient les voyageurs pour fe garantir du foleil,
& qu’ils rejetoient fur leurs épaules, lorfqu’ils
vouloient découvrir leur tê te , ainfi que le pratiquent
les payfannes du Languedoc & de la