
aux projets inconfidérés ( Suérc/ze , Pline, Tacite 3
2 illemont dans Néron 3 t. 1. p. 207.).
Canaux d’Espagne. On ne fait rien de bien
pofitit fur les canaux d’Efpagne j mais 011 voit
dans Strabon que la navigation intérieure y étoit
floriffante, & même par des canaux. Le commerce
illuftra beaucoup les Ty tiens, les Carthaginois
, les Phéniciens & les Efpagnols. Ceux-ci
étoient invités à s’y adonner par la nature de leur
pays. Il n’y avoit guères de province en' Efpagne
qui n'eût des mines d’o r , d’argent, ou d’autres
métaux ; ce qui attira fur leurs côtes d’abord les
Phéniciens, enfuite les Grecs, puis les Romains.
L ’Efpagne fourniffoit encore beaucoup d’autres
marchandifes} des vins, des laines, du lin , des
étoffes, des toiles fines dont on leur attribuoit
l ’invention , le miel, la cire , la poix, le borax,
le vermillon , l’écarlate , le fel foffile, des poif-
fons falés, des faumures excellentes, 8c une infinité
d’autres productions utiles pour les ufages
de la vie. Tout cela avoit en quelque forte rendu
ce pays néceffaire aux autres nations. Et ce qui
mettoit le comble à de fi grands avantages, c’étoit
le nombre des ports commodes qui étoient fur
les côtes, & dt£ rivières portant bateaux. Mais
on voit de plus que, pour la navigation, les Efpagnols
ne faiforent pas feulement ufage des
neuves, ils mettoient encore à profit des efpèces
de lagunes, ou plutôt des courans d’eau fembla-
bles à des fleuves, lefquels étoient formés par
le reflux dé la mer. On pouvoit, dit Strabon
( 1’ zil- p- 142.) , naviguer même avec de grands
bateaux jufqu’aux villes fituées dans l’intérieur des
terres, par le moyen de ces courans d’eau. La
mer formoit d’autant plus aifément ces lagunes,
fur-tout depuis le promontoire facré jufqu’aux
colonnes d'Hercule, que toute cette plage .maritime
eft un terrein plat & uni. D’ailleurs la mer,
qui, un peu au-de-là, eft étendue fur un bien
plus grand efpàçe, fe trouve tout d’un coup
refferrée 5 8c la répercuffion qui fe fait fentir des
côtes de Mauritanie fur celles d’Efpagne', fait
qu’ elle s’y porte avec violence, & quelle s’ouvre
un paflagé façîle dans les terres , quelquefois
jufqu’à huit ftades, 8c rend pour ainfi dire toute
cette contrée navigable.
Ces débordemens de la mer -, fi l’on peut fe
fervir de ce terme , avoient leurs avantages. Les
habitans du pays voyant que les lagunes pouvoient
être auffi utiles que des fleuves, même pour la
navigation, çonftruifirent aux environs de ces
lagunes des villes où ils s’établirent. Parmi ces
villes , Strabon nomme Afta , Nebriffa, Onoba,
Moenoba, & il y en avoit plufieurs autres qu’il
ne cite point. Ils avoient de plus creufé des ca*
■ naux dans les terres pour letranfport des marchandifes,
& la facilité du commerce intérieur & extérieur.
On ne connoît point d’auteur qui indique
le nom de ces' canaux 3 ni qui fixe leur étendue &
leur pofirion 5 il Atffit d'en avoir fait mention,
C a n a u x d a n s le s G a u l e s . Les Gaules
occupèrent auffi l’aéHvité des Romains : il n’y a
pas de pays qui ait plus à fe louer des bienfaits
de la nature : c ’eft la remarque de Strabon, au
commencement du Livre iv . Il admiroit dès-lors
combien il étoit facile, dans la partie des Gaules
que nous habitons , de tranfporter des marchandifes
par la voie des rivières 8c des grands fleuves
qui la traverfent. Il faifoit l’éloge de Theureufe
difpofîtion du terrein, qui fembloit inviter les
peuples à vaincre les obftacles qui les féparoient,
& à s’affurer, foit en montant, foit en defeeu-
dant, des chemins toujours praticables ( ibid.
p. 188.). Il fembloit indiquer auffi des projets de
communication que les Romains n’auroient pas
négligés , fi les fecouffes violentes dont leur empire
fut prefque toujours agité , ne les avoient
pas détournés des' entreprifes utiles.
L e c a n a l de M a r iu s fut occafionné par
la difficulté des embouchures du Rhône, remplies
dès-lors de limon , 8c qui n’étoient guères
praticables pour la navigation ( Strabon, p. 183.).
C’eft: ce qui détermina ce général à creufer un
canal pour faciliter le tranfport des vivres qu’oa
lui apportoit par mer pour fon armée>( Plut, in
Mario. ). Mêla le place entre Marfeille 8c le
Rhône (/. /. c. y. ) j 8c Pline, entre le Rhône
& le lieu nommé Maritima ( /. n i . c. 4. ). Pto-
lémée le met au couchant des bouches du Rhône y
mais il paroîtque c’ eft fans fondement. Il eft affez
difficile , d’après les témoignages différens de ces
auteurs, de fixer la véritable pofition du canal de
Marius j il faut avoir recours à l’ Itinéraire maritime,
qui marque 16 milles de diftance depuis
les Fojfa Mariant jufqu’au Rhône, en fuivânt
la côte d’orient en occident. O r , en revenant
d’orient en occident, cette diftance conduit pré-
cifément fur la côte vis-à-vis du lieu qui con-
ferve.le nom de F o s , qm, n’ étant pas fort défiguré
, repréfente a fiez celui de Fojfa Mariana
qu’il portoit anciennement ( WeJfeling. in Anto-
nin. hiner. p. 507..). C’eft le fentiment de d’Àn-
villc, dans fa notice de la Gaule ancienne, qui re-
connoït à ce caractère l ’entrée du canal de Marius.
Il préfume , d’après un examen très-cîr-
conftancié du lo ca l, que la navigation du canal
de Marius , depuis fa féparatian d’ avec le Rhône,
pouvoit être d’environ 12 milles} 8c il paroît
auffi par le même auteur , que cette féparation
fe faifoit à-peu-près à 10 milles au-deftbus de
YQfl ium MaJfalioticum.
Marius , pour reconnoître le fervice important
que les Marfeiïlois lui avoient rendu contre les
Ambrons , leur abandonna ce »anal, qui les enrichit
par les droits qu’ils levèrent fur les marchandifes
qui entroient <Jans le Rhône, & qui
en fortoient. Au-lieu d’un canal 3 il pouvoit .bien
y en avoir deux} car le plus, grand nombre de$r
auteurs difent au pluriel, Fojfa Mariant 8c FoJJis
Mariants. Cependant on a déjà vu ci-deflus que
co
es mot étoit indifféremment au fingulier ou au
pluriel. Hardouin (Nota in P lin. t. 1 .) 8c Weffe-
fing penferit qu’il y en avoit deux. Le dernier
cite Honoré Bouche , auteur de l’Hiftoire de Provence
( p. 163.) , qui parle d’une dérivation du
Rhône qui avoit encore lieu il n’y a pas plus d’un
fiècle, & qu’on nomme aujourd’hui le Bras mort.
Ce n’eft qu’une efpèce d’étang qui reçoit par en
haut la robine du Radeau, 8c q ui, par en bas,
communique avec l’étang du Galajon. Ce bras
du Rhône tendoit d’ un côté vers l’étang du Galajon
, 8c s’étendoit de l’autre jufqu’au rivage de
Fos : on en trouve les véftiges marqués fur une
grande carte manuferite, dreflee en 1750, à l’oc-
cafion du canal de Boue, fur une longueur d’environ
mille toifes. Cette double direction eft
encore une bonne raifon, fuivant d’Ànville, pour
que l’on ait écrit Fojfa au pluriel.
C a n a l e n t r e l a Saô n e e t l a Mo se l l e .
Un des plus grands projets'qui aient jamais été
conçus pour la navigation & le commerce de la
France , étoit fans doute celui de la jonétion de la
Méditerranée à l’Océan.- Un général romain,
campé fur les frontières de Germanie, la quatrième
année de l’empire de Néron, le projetta par un
moyen qui n’étoit pas bien difficile dans la p r a t ique,
Voici comme ce fait eft rapporté dans Tacite.
Deux généraux employés dans la Germanie,
ne voulant point laîfïer amollir leurs* foldats par
l’oifiveté , les occupèrent à différens travaux.
L’un, nommé Paulirius , acheva une digue commencée
63'ans auparavant parDrufus, pour empêcher
le Rhin de fe répandre dans les Gaules}
L. Vêtus, l’autre général, forma le louable projet
d’unir la Mofelle à la Saône, par conféquentle
Rhône au Rhin. Si ce deffein eût été exécuté, il
auroit illuftré l'empiré de Néron. Mais le confeil
plein d’envie & de malignité qui fut donné à
Vêtus par un gouverneur de la Gaule Belgique,
lui fit appréhender la jaloufie de l’empereur, &
anéantit cette grande entreprife. Vêtus Mofellam
atque Ararim ffalla inter utrumque fojfa , conneftere
par abat , ut copia per mare , dein Rhodano & A rare
fubvelia, per eam fojfam , mox fluvio Mofella in
Rhenum , exin Oççeanum decurrerent y fublatifque
itinerum dijficultatibus, navigabilia inter fe Oc-
cidentis feptentridnifque littora fièrent. Invidit
operi Ælius Gracilis Belgica légat us deterrendo
Veterem ne legiones aliéna provinçia inferret ,
ftudiaque Galliarum affectaret y formidolofum id
Imperatori diBitans , quo plerumque prokibentur
conatus honefti (Ann. x n i. 53.}. Peut-être que
Vêtus n’envifageoit en cela que l’utilité qui pouvoit
en réfulter relativement aux circonftances
dans lefquelles il fe trouyoit, 8c *à fon expédition
militaire. Mais le commerce en auroit retiré
un avantage confidérable.
Le confluent du Rhône 8c de la Saône, dit
Antiquités, Tome 1.
Huet ( Com. & Navig. des anciens. ) , rendit
Lyon , quoique fituée au milieu des Gaules , une
ville de très-grand commerce} il s’étendoit, pour
ainfi dire, de la Méditerranée à l’Océan} car la
fource de la Saône étoit fi voifine de celle de la
Mofelle 8c de la Seine , qu’il étoit aifé de voi-
turer par terre-les marchandifes qu on avoit tait
remonter par ces rivières. Le Rhône en recevoir
beaucoup par les fleuves navigables qui s’y joignent,
8c il les commuriiquoit non-feulement a la
Saône , mais encore à la L o ire , par les chariots
qui les alloient prendre à quelque diftance au-
deffus de fon embouchure , fa rapidité le rendant
difficile à remonter. La Saône , après avoir reçu
le Doubs, portoit fes marchandifes près de la
Mofelle , où , ayant été voiturées, elles paffoient*
à Trêves, qui étoit alors une ville puiffante *
de-là dans le Rhin , 8c enfuite dans l’Océan.
Par-là on peut juger de quelle importance il eut
été de joindre la Saône à la Mofelle, puifqu une
pareille jonétion non-feulement eut épargné tous
fes charrois, mais auroit encore établi une bien
plus étroite correfpondance entre les differens
peuples qui auroient eu à naviguer fur toutes ces
rivières, & parce que l’on auroit pu faire le commerce
des deux mers;
L e c a n a l de D r u su s fut fait pareillement
dans des vues toutes guerrières.: Drufus, pere
de. Germanicus 8c frère de Tibere , .f i t creufer
ce canal 12 ans avant l’ère vulgaire, pour joindre
le Rhin à la rivière d’Iffel, 8c la rendre navigable
jufqu’ à l’Océan feptentrional. Drufus n’avoit en
vue que de tranfporter plus aifément des troupes
ou des vivres pour fon armée. M. le Blond croit-
que ce canal commençoit à Arnheim, pafloit à
Leyde, & de-là tomboit dans POcéan : mais le
fentiment le plus accrédité , eft £ju’il alloit depuis
Arnheim jufqu’à Doesbourg, ou depuis le Rhin
jufqu’ à lTflfel. L’ifle des Bataves étoit formée par
les deux bras du Rhin , l’un qu’on nomrnoit le
Vahal qui va fe joindre à la Meufe, 8c 1 autre
qu'on appeloit Amplement le Rhin} c’eft de ce
bras du Rhin que Drufus fit tirer un canal dans
la longueur d’environ onze mille pas, qui faifoit
lajon&ion du Rhin avec la rivière de Sala, maintenant
l’HTel. Tacite (Annal, ir. 8 .) nomme ce
canal, Fojfa Drufiana , ou le canal de Drufus} 8c
dans le cinquième livre de fon hiftoire il l’appelle
F lumen Nabalia, c’eft-à-dire, le nouveau Vahal
(Hifi. v. 16. ).- Ce canal fubfifte encore j il conduit
les eaux du Rhin dans le Zuyderzée.
L e c a n a l d e C o r b u l o n , Fojfa Corbulonis^
fut creufé l’an 47 de l’ère vulgaire-, pour empêcher
les inondations que la violence de' la mer
caufoit fouvent fur les “bords de la Meufe & du
Rhin. Domitius Corbulon, un des plus habiles
généraux de l’empire romain, ne pouvoit manquer
d’occuper fes foldats à des chofes utiles :
ut miles otium exueret , inter Mofam Rkenumque
trium & viginti militant fpatio fojfam perduxit
N n n n