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72e année. Cet auteur n’a pu ignorer l’âge de
fon maître , dont il écrivoit la vie 5 l’épitaphe
a donc fuivi un compte rond, en donnant^ 70
ans à Charlemagne au-lieu de 72. Les anciens
catalogues des papes ne donnent à Jean XIII que
fix ans onze mois & cinq jours de pontificat»
Cependant fon épitaphe porte qu’il a tenu le
faint-fiège pendant fept années. D. Mabillon cite
une charte de Raoul, évêque de Châlons, datée
de laXXVI'année du règne de Lothaire, quoique
la 27e courut depuis le mois d’oétobre. C’eft que
pour faire un compte rond , on ne mettoit point
en ligne de compte le furplus de la 26° année. «La
» plupart des hiftoriens qui ont marqué les com-
» mencemens du règne de Clovis II , le font
*> régner les uns 17 ans & les autres 18 ; &
» apparemment ces hiftoriens s’accordent en
» ce que ceux qui lui donnent 18 ans de règne,
» comptent la 18 ' qu’il commença, & les autres
» ne la comptent point. » Cette obfervation fur
les années caves ou incomplettes,. fert fouvent à
concilier les dates. Il eft donc effentiel de bien
examiner fi les anciens parlent d’une année commencée
, ou d’une année achevée, ou d’une année,
qui ne fait que de commencer, ou d’une année
qui finit. D. Mabillon trouve quelque rapport
entre la fuppfeffîon des années caves ou incomplettes
j avec Fomiflion du millième &r des centièmes
3 lorfqu’ils font précédés d’aflez près par
les mêmes nombres. Par exemple, lorfqu’on écrit
ML 3 ou feulement L , pour fignifier l’année
MCCCCL. »
ce Quelque commode que fût l’ufage des chiffres
romains, il avoit aufli des inconvéniens. Les copif-
tes y ont fait & y font encore mille fautes. Contentons
nous de quelques exemples. Une lettre
originale qui eft dans les archives de la cathédrale
de Clermont, porte cette date : fa£ia carta ipfaI
anno III. X. régnante Henri,co rege Francorum. On a
fait fignifier à ces chiffres trois fois dix, & en
conféquence on a rapporté cette date à l’année
MXXX de Jéfus-Chrift , au-lieu de la rapporter
à la XIIIe année du règne de Henri I j & pour
qu’il n’y manquât rien, ajoute Baluze, on y a
ajouté le millième qui n’eft pas dans 1*original.
C’eft par de fembîables bévues, qu’une multitude
de chartes font déclarées fautives dans leurs
dates. Comme les deux jambages du V fe rapprochent
& fe confondent fouvént avec le nombre
II , les copiftes ont pris l’un pour l’autre.
L’u carré & FU arrondi par le bas, ont encore
donné lieu à un plus grand nombre de méprifes,
a caufe de leur reflemblance avec le chiffre II.
Pline , dans les anciennes éditions, allure que dé
fon tems on a vu deux éclipfes en XII jours j
quoiqu’il foit naturellement impoflible que cela
arrive en fi peu de tems. On croit avec beaucoup
de fondement qu’une faute fi groffière doit
être mife fur le compte des copiftes ignorans ou
peu attentifs, qui ont pris l’u ou Fv pour II » &
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au-lieu de XV ont mis XII. D’autres ayant
tranferit tout au long ce paffage, dont le chiffre
étoit peut-être déjà corrompu , ont mis duo.de-
cim diebus , au-lieu de quindecim. Dans le meme
endroit de Pline, le troifième confulat de Vef-
pafien eft joint au fécond de fon fils , en dépit
de la chronologie des faites con fula ires& de
tous les plus habiles chronologiftes. C eft encore
une faute des copiftes, qui ayant pris 1 uft ou
l’autre des cara&eres u ou v pour deux liron t
écrit III au-lieu de IV. Ce ne font pas ici de
vaines conjectures, l’autorité des médailles &
de plufieurs bons manuferits, prouve que les
nombres de Pline ont été mal rendus. » Js
« Ajoutons à ces remarques , que la reftem^
blance apparente de Fl & de l’L dans les chiffres
romains les a fait confondre plus d une fois.
Cependant l’I , ou le premier des I , lorfque plufieurs
fe fuivent, domine fur les autres caractères
en s’élevant plus haut, & en defeendant
plus bas. L’L en doit être diftinguée par l’inflec-
tion qu’elle forme dans fa hauteur & dans la
courbure de fon pied, tant dans les manuferits
que dans, les diplômes. Elle eft cependant quelquefois
tournée de façon qu’elle .approche du Z
en caraCtère italique. Il faut bien fe donner de
garde de prendre les V pour des V I , parce que
l’u carré en écriture curfive femble effectivement
offrir aux yeux le fix romain exprimé par
un feul caraCtère. On confond aufli les VI avec
les V , à moins qu’on n’y prenne garde de près.
Nous avons déjà averti que Yurlniftov GetZ «• ou q
des Grecs, perd un de fa valeur dans les bas
tems, où il eft fouvent employé pour le 5. »
c« Ajoutons ici quelques remarques fur la ponctuation
du chiffre romain. Dans la fticometrie du
beau manuferit royal de la bibliothèque vaticane,
cotté IX , où font renfermées les épîtres de S.
Paul , les points ne font pas marqués régulièrement
à la fin des lettres numérales. Elles font
fuivies d’un feul point dans l’ancien manuferit
des loix des Wifîgoths , que nous avons découvert
fous l’écriture du manuferit 1278 de l’abbaye
de Saint-Germain-des-Prés Dans les manuferits
du roi 6413 & 3836, les nombres en chif-
• fres font fuivis de points en forme de virgules.
On les plaçoît fouvent avant & après la totalité*
du chiffre renfermé dans le texte. C eft ce que
nous avons remarqué dans un diplôme original
de Charies-îe-Chauve , appartenant à la bibliothèque
du roi : le dix y eft ainfi marqué .X.
Dans le code théodofien de la même bibliothèque
3 cotté 4403 .A. il y a une écriture démion-
ciale du v n e fiècle, où les nombres font fouvent
renfermés entre deux points .1. , à moins quil
n’y ait plus de quatrechiffres de fuite. Cet ancien
ufage duroit encore au x ie fiècle , comme il
paroit par le S. Hilaire des Capucins de Tours ,
où les nombres font écrits de cette forte : »J* ju.m»
« Nous ne pouvons déterminer au jufte, quand
on a commcencé à mettre Fo & le ffmo fut ou
après le dernier chiffre. La charte originale de
Childebert I , Fan 556, offre cet exemple de Fo ;
anno XL. Vl°. Le S. Auguftin , manuferit de
Féglife de Beauvais, dont le P. Mabillon a donne
un modèle, eft daté ÀNxl fimo patris nofiri :
ce que notre favant antiquaire entend de Colum-
ban, qui vivoit fous Clotaire II. Une bulle originale
de Pafchal II pour l’abbaye de S. Pierre-
le-Vif, exprime ainfi fa date : anno MCI11I. Il
feroit fuperfiu d’accumuler ici d’autres exemples
de cette maniéré d’écrire les nombres romains.
»
C h if f r e s a r a b e s .
« Les chiffres courans, difent les auteurs de la
nouvelle Diplomatique, dont toute l’Europe fait
aujourd’hui un fi grand ufage^ l ’emportent infiniment
pour l’aifancé 8c la brièveté fur ceux des
Romains. Mais leur origine & l’époque de leur
introduction parmi nous font encore couvertes
de .ténèbres , malgré les foins que les favans ont
pris d’éclaircir cet objet de conrroverfe littéraire
& diplomatique. Eft-ce aux Grecs ou aux Latins,
aux Indiens ou aux Carthaginois, aux Celtes ou
aux Scythes , que nous fommes originairement
redevables de l’inftitution de ces cara&ères numériques
? Faut-il s’en tenir à l’opinion du vulgaire,
qui les rapporte immédiatement aux Arabes
ou Sarrafins ? Chacun de ces fentimens a fes
défenfeurs, qui font tous ou prefque tous fort
célèbres dans la république des lettres.»
« Beveregius foutient que les chiffres1 arabes
furent inventés par les Indiens, & répandus dans ■
l’Orient plufieurs fiècles avant que l’Europe en
eût connoiffance. « Les Arabes, dit le P. Coftadau
, les ont appris des Indiens , comme les
*> Maures les ont appris des Arabes, les Efpagnols
« depuis quatre cents. ans feulement ou environ.
» Ce fut vers le x c fiècle, fi Fon en croit
Kirker , que les Indiens les':.communiquèrent
aux Arabes, & vers le xn ie que ces derniers,
par le moyen de leur philofophie 8c des mathématiques
, les tranfmirent aux Efpagnols. Le
chiffre arabe, dit l’abbé de Longuerue, eft venu des
Brachmanes , très - grands arithméticiens , aux
Arabes, qui fe fervoient auparavant de chiffres
par lettres. Cette origine indienne paffe communément
pour la mieux appuyée. Rudbec, Suédois,
8c Boxhorne , Hollandois., ont fait tous
leurs efforts pour la revendiquer en faveur des
Scythes établis dans le Nord. Mais quels que puif-
fent être les fondemens de cette opinion , elle
n’a 1 plus aujourd’hui de partifans parmi les gens .
de lettres,;»
« Don Antonio Naflare conjecture que les Arabes
ont pris leurs, chiffres chez les Carthaginois
pu Africains. La raifon qu’il en donne, c’eft qu’on
jrqnve plufieurs de leufs figures dans quelques
infciiptiotis tyriennes. Mais quelle eft 1 ancienne
écriture nationale, où quelques unes de ces figures
ne paroiffent pas? Elles fe trouvent dans le
calendrier égyptien, publié par Montfaucon. «Mais
« ce n’eft que par certain hafard , dit ce lavant
» antiquaire , qu'on y voit fouvent le i , lé 3 &
„ le 4 de chiffre, & qu’en certains endroits ,
„ comme à la colonne fixième, en comptant de
». la droite à la gauche, ont lit fort clairement oc
u dilHnélement 443. l i a - & 431» "
7 « Edouard Bernard veut que les Grecs aient
donné les chiffres aux Indiens vers l’an 710 ; que
des Indiens ils aient paffé aux Arabes vers 1 an
Soo de l’ère chrétienne ; & que des Arabes
ils foierit venus aux Efpagnols vers 1 an mille.
Ifaac Voffius & Huet, éveques d Avranches,
les font aulfi fortir immédiatement des Grecs,
pères de toutes les feiences cultivées par les
Latins. •> , , . r
« Jofeph Scaliger, dans fes obfervations fur une
tnonnoie de Conftantin, publiées par M. duCange,
oppofe à cette origine grecque de nos cfofires,
\ les livres d’aftronomie & de comptes . écrits avant
& après la ruine de l'empire de Conltantinople,
dans lefquels les nombres font exprimes en caractères
grecs & non étrangers. Nous ne remarquons
en effet aucune trace de nos chiffres arabes, ni
dans les fupputations du Type d’Irene, ni- dans
les comptes d’Alexis Comnene , publies pat
Montfaucon. Toute les fommes & les évaluations
y font écrites par des abréviations & des caractères
purement grecs, mais difficiles à déchiffrer.
Huet femble avoir voulu aller au-devant d une
objeftion fl forte , lorfqu’il rejette fur l’impéri-
tie & la négligence des écrivains, le peu de ref-
femblance de nos chiffres vulgaires avec les lettres
numérales des Grecs. En confequencç il ajoute
& retranche à la figure de celles-ci. Mais maigre
ces opérations arbitraires, les rapports des uns
avec les autres paroitront toujours peu naturels.
Cela n’a pas empêché Ward , profeffeur d’éloquence
au collège de Gresham , en Angleterre,
d’embraffer le fyftême de Huet. Nos chiffres. félon
le doéteur anglois, feront venus des Grecs : de la
Grèce ils feront paffés aux nations orientales par
le canal des Maures d’Afrique, ceux-ci les auront
apportés en Efpagne ; de-là ces chiffres fe feront
communiqués de proche en proche a tous les états
d’Europe. Malgré le mérite des défenfeurs de cette
hypothèfe, Forigine indienne de nos chiffres eft
la plus accréditée parmi les favans. »
« Vachter s’eft frayé une autre route pour découvrir
l’origine de nos chiffres vulgaires. « Il
» prétend qu on doit la chercher, comme celle
» des chiffres romains, dans la diverfe combi-
» naifon des doigts ; qu’ainfi l unité ayant ete
»» trouvée dans le doigt debout, .on a répété 8c
yP varié cette figure, d’où font venus ces carac-
m tères S pour deux , S pour trois, &c. & avec
» le tems on 4 formé 2, 3 ^ qui répondent a ces
G g g g g q