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Rhétée ; ce fat un des tombeaux qu’AIexandre
voulut voir & honorer. Ainfi, lorfqu’Horace a
dit (fat. m , liv. 11. ) que ce héros fut privé des
honneurs funèbres, il a fait fans doute allulion à
cet endroit de la tragédie de Sophocle , où le
poète feint qu’Agamemnon ne vouloit point qu’on
enterrât le corps à3 Ajax ; mais que cependant il
avoit cédé aux mftances de Teucer.
C’eft encore un problème pour les mythologues
^ de favoir fi le corps d'Ajax fut brûlé ; ceux
qui font pour la négative 3 prétendent que Cal-
chas déclara que la religion ne fouffroit pas que
l’on brûlât ceux qui fe tuoient eux-mçmes.
Tous les Grecs lui rendirent les honneurs divins
apres fa mort j une des tribus d’Athènes prit fon
nom y & les honneurs qu’ils décernèrent, tant à
lui qu a Eury faces, fon fils, fubfiftoient encore du
tems de Paufanias. On éleva à Ajax un temple à
Salamine, & toute la nation grecque l’invoqua
quelque tems avant la bataille de Salamine, &
lui confacra , comme une partie des prémices
deftinees aux dieux, l’un des vailfeaux que l’on
prit fur les Perles dans cette mémorable journée.
On a raconté quelques prodiges relatifs à fon
tombeau : on a dit qu’Ulylfe ayant fait naufrage
fur les cotes de Sicile, perdit entr’autres les armes
d’Achille ; & qu’après^ le naufrage , la tempête
les porta fur le tombeau d'Ajax.
Il eut pour femme Tecmeffe, dont il eut pour
fils Euryfacès. On lui donne encore un autre fils
pomme Achantide , qu’il eut d’unè concubine
nommée Glauca. V. A chantjde, Eu r y s a c ^s ,
G l a u c a , T ecmesse.
Tous les auteurs qui ont parlé de cet A jax, lui
donnent une taille gigantefque. Paufanias dit
qu’un Myfîen lui avoit raconté avoir vu près de
la mer le tombeau d'Ajax ; & que, pour lui marquer
la grandeur de la taille de ce héros, il l’a voit
alluré que la rotule de fes genoux étoit large
comme les difques dont fe fervoient les athlètes
aux jeux olympiques j o r , on fait qu’ils étoient
très-grands. Pniloftrate dit qu * Ajax avoit onze
coudées, qui font dix-fept pieds de -hauteur. Tout
çe qu’on peut conclure de ces exagérations, c’eft
qu* Ajax étoit d’une grande taille.
A jix eft toujours repréfenté fur les monumens
avec de la barbe & dans un âge mûr. On trouve ,
a la vérité, dans l’anthologie une ftatue8'A jax
jeune & fans barbe ; mais le poète nous apprend
auflî qu’il étoit repréfenté avant fon départ pour
la guerre de Troye.
Le célèbre peintre Timomachus voulant peindre
Ajax furieux, n’avoit pas choifi I’inftant où il
égorgeoit les béliers, qu’ il prenoit pour les chefs
des Grecs ; mais celui o ù , revenu à lui-même,
ayant l’affli&ion dans le coeur & le défefpoir
dans l’ame, il réfléchiffoit fur fon erreur ridicule.
(Philoft. liv. 2, c. 22). C’eft ainfi qu’il eft représenté
fur la table Iliaque du capitole & fur
différentes pierres gravées. ( Stofch. p. 384). On
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trouve cependant, une pâte de verre antique ;
moulée fur un camée, qui offre le fujet de la
tragédie de Sophocle : elle repréfente Ajax qui
tue un gros bélier. On y voit auflî deux bergers
avec UlyfTe, à qui Pallas fait obferver la fureur
de fon ennemi.
Un beaufcarabée étrufque du palais royal, offre
Ajax enlevant du milieu des combattans le corus
d Achille.
A j a x . Nom d’une danfe furîeufe chez les
Grecs : elle étoit ainfi nommée, parce qu’on imi.
toit la. fureur d‘Ajax. Lucien en parle à la fin de
fon Traité de la danfe.
Ajax de paille ou Ajax-.mannequin; ç’étoitle
titre d’une comédie de Varron. Ce nom lui venoit
d un foldat; ou d’Ajax 3 qui paroifloit: couché fur
de la paille & malade... Les Romains faifoient de
femblables mannequins qu’ils expofoient aux taureaux,
afin de les irriter.
AJÂXTIES, fêtçs qu’on eélébroit à Salamine
en l’honneur d’Ajax , fils de Télamon, & dans
lefquelles on portoit fur un cercueil un mannequin
atmé de toutes pièces. Héfychius parle de ces
fetes fous le nom d' aiturua. , ajanties , à caufe
de la tribu d Athènes appelée Ajantis , qui ayant
pris le nqm d’Ajax, en eélébroit les fêtes.
AICHEERA, un des fept dieux céleftes, que
les Arabes ,adoroient, fçlqn M. d’Herbelot.
AIDONÉ E , roi d’Epire, vivoit du tçms de
Théfee , cinquante ans environ avant la guerre
de Troye. Comme il faifoit beaucoup travailler
aux mines de fon pays, & que, pour aller des
autres contrées de la Grèce en Epire, il falloir
paffer un fleuve nommé l’Açhéron, on a fouvent
Confondu ce prince avec Pluton. L ’Epire, qui
étoit lin pays fort bas, par rapport au refte de
la Grèce a. été prife pour l’enfer même. C’eft
cet Aidojiée qui, félon quelques auteuis, enleva
Prqferpinç, parce qu’elle lui avoit été refufée
par fa mère j & comme ce prince étoit fouvent
Confondu avec Pluton, les poètes.ont mis l ’enlèvement
de Proferpine fur Iç compte de ce dieu.
Cette explication eft donnée par les mythologues-
hiftoriensj mais qu’elle eft vaine & frivole, fi on
la compare aux explications de M. Dupuis ! JC Proserpine.
A IG L E , oifeau çonfacré à Jupiter, depuis le
jour qu’ayant eonfulté les augures dans l’ifle de
Naxe , ayant d’entreprendre la guerre contre les
Titans, il parut un aigle qui lui fut d’un heureux
préfage. ^La fable a dit auflî qu’un aigle eut foin
de fournir à Jupiter du neétar pendant fon enfance ;
& pour l’en récompenfer, le pcre des dieux plaça
cet oifeau parmi les aftres. Vaigle fe voit ordinairement
dans les images de Jupiter, tantôt aux
pieds du dieu, tantôt tenant la foudre entre fes
ferres. Il y a bien de l’apparence que cette fable
eft fondée fur Je vol de l’aigle, qui aime à s’élever
dans les nuages les plus hauts A & dans la région
du.Apnnççrç,
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te s Egyptiens qui habitoient la Thebaïde, àvoient
[fine grande vénération pour Y aigle. Il entroit meme
: dans l’écriture hiéroglyphique > mais alors il etoit
dépouillé de fes plumes. A Æliopelis, dans^la
tmeme contrée, on prenoit pour fymbole une tete
i $ aigle blanc, avec le poitrail dégarni de ^plumes
' & d’ailes. On croit que c’étoit un emblème du
Nil, que l’on appeloit quelquefois du nom d aigle.
U aigle des Egyptiens fe diftinguoit toujours de
celui de l’Empire Romain, parce qu’il « o it dégarni
de plumes te lavé d’iïne couleur d eau.
Les Grecs obfervoient attentivement le vol de
Xaigle, quand ils prenoient les aufpices. Lorfque
cet oifeau paroifloit gai, qu’il battoit fréquemment
des ailes, qu’il jouoit dans les airs te qu’il
voloit de la droite à la gauche , c’étoit un bon
augure. Priam voulant alier attaquer la flotte des
Grecs pour ravoir fon fils Heétor, pria Jupiter de
lui annoncer fa prote&ion par l’apparition d’un
aigle volant à fa droite. Le devin Ariftandre ayant
vu un aigle voler de fon camp vers celui des ennemis
, prédit la victoire à Alexandre.
On droit auflî des préfages. de la manière dont
Xaigle faififloit fa proie. ( Odyjf. v. 160). Télémaque
cherchant fon père 8e fe trouvant à Sparte,
apperçut un aigle qui voloit à fa droite, 8c qui
portoit avec fon bec & fes ferres une oie domel-
tique. Hélène conclut de cette apparidon qu’Ulyflè
xetourneroit dans fon palais, 8e en chafleroit à
l’improvifte les amans de Pénélope. Pénélope, de
fon côté, tira le même préfage en voyant un aigle
déchirer vingt oies quelle avoit engraiflees. La vue
d’un aigle enlevant un faon de biche, & tombé
fur l’autel de Jupiter Panomphæus, rendit le courage
aux Grecs rebutés, & leur fit remporter une
grande vidtoire fur les Troyens.
Polydamas ayant apperçu un aigle volant à
gauche , & portant dans fon nid unfj ferpent qui
lui échappa, prédit le mauvais fuccès de l’en-
treprife qu’avoit formée Heétor contre les vaiflèaux
grecs. Amphinomus augura auflî mal des embûches
que drefloient à Télémaque les amans de Pénélope
, en voyant à fa gauche un aigle qui enlevoit
une colombe. Deux aigles fe déchirant avec leurs
becs te leurs ferres te yolant au-deflus de ces
mêmes amans de Pénélope, firent dire à Hali-
terfès, qu’Ulyfle les chafleroit bientôt. Un aigle
enfin ayant arraché la pique d’un, foldat de Denis-
lé-Tyran , & l’ayant précipitée dans la mer après
l’avoir élevée fort haut, préfagea, félon Plutarque
(in DionefXi ruine te le défaftre de ce prince.
Aigle. Les Romains adoptèrent pour enfeigne
des légions, une aigle d’or ou d’argent pofée fur
une pique, les ailes éployées, 8e tenant un foudre
dans une de fes ferres. Cette aigle étoit petite ;
car Florus ( r v . 1 2 . 38. ) parlant de la défaite
-de Varus, dît qu’un enfeigne de légion s’enfonça
dans un marais', tenant Yaigle cachée dans les
: plis de fon ceinturon : Signifer aquilam intra bal-
ihei fui latebras gerens inpalude cruenta délimita
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On voit des aigles fur les médailles, les arcs de
triomphe & les colonnes. La figure de Xaigle y
eft quelquefois furmontée de la repréfentation
d’un petit temple.
Au-deflous de Yaigle on attachoit différens orne-
mens de métal, tels que. les bulles des empereurs,
des dona militaria3 8cc. très-lourde Auflî
falloit-il beaucoup de force pour être porte-en-
feigne. Suétone ( c. 10 , n. 10 ) , remarque avec
étonnement qu’un enfeigne ayant été grièvement
blefle, Oétavien, qui fut depuis A ugufte, fe faific
de fon aigle , & la porta fort long-tems , quoiqu'il
fût très-jeune. Caracalla affeâant de vivre
avec les foldacs comme avec fes égaux, poufloit
cette vaine imitatipn jufqu’à fe charger de leurs
pefantes aigles : Aliquando etiam figna militarià ,
que. & pralonga funt, & multis donariis ornata, ut
ilia vix validijftmi geftent milites ipfe humeris
impofita ferêbat.
Les Romains rendoîent un culte aux aigles, aux
enfeignes militaires, & aux empereurs déifiés dont
elles portoient les médaillons, clypei. Us faifoient
des libations en leur honneur, les frottoient avec
des parfums, & les couronnoient de fleurs'. Marius,
dans fon fécond confulâf , répudia les différenS
animaux qui fervoient d’enfeigries aux légions pout
les attacher aux cohortes feules, & affeéta Yaigle
aux premières. C’étoit auprès de cette aigie, que fe
plaçoit quelquefois le général. Catitlina Combattit
dans cette place avec fés amis & fes cliéns.
La fjique fur laquelle on portoit Yaigle, étoit
terminée par un fer aigu, qui entroit dans la terre ,
& la tenoit debout dans le camp. On regardoic
comme un mauvais prefage de ne pouvoir les arra-
cher de terre lôrfqu’il falloit combattre, ou de les
voir enveloppées de nuages, lorfque le refte du
camp jouifibit d'un ciel pur & fereim Pour ménager
les pointes des aijjtUi, les porte-enfeignes
avoient des efpèces de gaines de métal en forme
decoins 5 que l’on fixoit dans la terre, & qui rece-
voient les pointes des aigles dans leurs cavités.
On en voit plufieurs dans le cabinet de Sainte-
Geneviève. ËHès fervoient peut-être au même
ufage pour les piquets des tentes.
Aigle. Cet oifeau étoit le fymbole dès Lagides ;
ils en mettoient deux fur leurs médailles, lorfque
la fouveratneté de l'Egypte étoit partagée. On 1*
voit pqfée fur un foudre, fur les médailles de
l’Egypte 5 de l'Epire , de Larinum , des Mamer-
tins , de Myndus, d'Orra, de Panormus, de Ga-
ziura j de Gravifcæ & de Thelïàlonique.
Vaigle vole fur les médailles d'Apamée en
Phrygie , de Cydonia en Crète, de Lyttus & des
ifles Gléïdes. Elle eft pofée fut celles de Lacédémone.,
des Locriens d’Italie , de Lyttus, deMar-
feille-, de Ptholémais, de Salapia , de T y r ,
d’Abyde , d'Aphytis, de Cnofie & d'Eufebia.
L'aigle eft pofée , & retourne la tête fur les
médailles des Bruttii Bc d’itanus.
Elle pïroît éployée ■ & pofée fui celles de