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*vec les Pélafges ou anciens Grecs: c’eft pourquoi
nous allons décrire leurs ouvrages de bronze avant
ceux des Grecs proprement dits. Faifons obferver
d'abord deux caractères ordinaires des bronzes
étrufques : le premier efc d'être fondus maflifs , &
le fécond d’avoir les pieds percés. Le fécond caractère
tenoit à une fuperftition particulière (voyez
P ieds) , & le premier à l'enfance de l'art. On
connoît deux ftatues de bronze qui font de fabrique
étrufque, & une troifième que l'on affure en
etre auiïi ; mais les deux premières en ont feules
des caraétères évidens. L 'u n e , qui eft haute d'environ
trente pouces, paroît repréfenter un Génie j
ce qui lui a fait donner pour attribut une corne
d’abondance par 4e reftaurateur moderne : on la
voit à Rome au palais Barberini. L’autre eft à la
galerie de Florence j c’eft un prétendu Arufpice
vêtu en fénateur romain , & couvert d’un manteau,
fu r ie repli duquel font gravés des carac-_
tères étrufques. Il faut rapporter la première de
ces ftatues aux premiers tems de la fculpture dans
l ’Etrurie. Quant à la fécondé, elle appartient
à des tems poftérieurs, comme fon travail &
io n menton fans barbe le font conjeClurer. S i,
en effet, cette ftatue, qui paroît être faite d’après
la nature, & repréfenter un portrait, appartenoit
aux premiers tems, elle auroit de la barbe, puif-
que les anciens Etrufques la portoient ; en quoi
ils furent imités par les premiers Romains.- .
Gori a publié dans fon Mufeum Etrufcum, tab.
1 15 s la troifième ftatue de bronze -, qu’il dit repréfenter
un Génie > c’eft le portrait d’un jeune
homme de grandeur naturelle. Elle a été trouvée
en i y8o àPéfaro, fur les côtes de la mer Adriatique
j d'ou l’on peut conclure déjà contre l’opinion
de G or i, que cette ftatue eft un ouvrage
grec, & non étrufque : Péfaro ayant été 'habite
autrefois par une colonie grecque. Ce favant croit
reconnoître le goût des Etrufques, à la manière
dont les cheveux font travaillés j c’eft-à-dire, en
boucles applaties, qu’il compare aflez improprement
à des écailles de p’oiffon. Mais on peut lui
objefter quelques têtes de Rome en pierre dure
6 en bronze, & quelques buftes d’Herculanum,
qui font travaillés de même , quoiqu’ils foient un
ouvrage grec. Au refte, cette ftatue de bronze eft,
félon Winkelmann, un des plus beaux reftes de
l ’antiquité.
Nous avons déjà cité Pâufanias, dans les écrits
•duquel on lit que les habitans de l’Italie eurent
■ des ftatues de bronze avant les Grecs. Cet écrivain
-nomme c'omme les premiers fh. maires grecs dans
ce genre de fculpture, Phoecus & Théodore de
Samos. La fameufe pierre gravée de Polycrate,
tyran de Samo£, étoit l’ouvrage de ce Théodore ,
qui avoit aufïi cifelé la grande coupe d’argent
de la capacité de fix cens mefures, envoyée en
préfent a Delphes par Créfus, roi de Lydie. A
la même époque, les Spartiates firent fondre un
Vjfç de la capacité de trois cens mefures, orné •
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de toute forte de figures d’animaux, pour en faire
préfent au même Créfus. Antérieurement à cette
époque, & avant, la fondation de Cyrène en Afrique
, il y avoit déjà à Samos trois figures de
faonrie, chacune de la hauteur de neuf piedsgrecs,
qui étoient agenouillées &: qui tenoient un grand
baffin. Les Samiens àvoient employé à la fonte
de ce monument, la dixième partie du profit que
leur apportoit le commerce de mer qu’ils faifoient
avec Tartefle. Enfin, les Athéniens firent ériger,
après la mort de Pififtrate, c’eft-à-dire , après
la 63eolympiade, & placer devant le temple de
Pallas, le premier char à quatre chevaux de bronze
dont les anciens écrivains faflent mention. (Pau-
faniqs, lib. 5).
Denis d’Haliearnafle (Antiq. Roman. 1.2.) affure
cependant que Romulus avoit déjà fait placer fa
ftatue couronnée par la Vi&oire fur un char attelé
de quatre chevaux. Le monument entier étoit de
bronze, & le char & les chevaux avoient été enlevés
de la ville de Camérinum. Les hiftoriens
fixent cette époque à la huitième olympiade, à
la feptième année du règne de Romulus, & après
fon triomphe fur lés Fidénates. Plutarque (i/z
Romulo) ajoute que l’infeription de ce monument
étoit compofée de lettres grecques5 mais comme
les caractères romains de ce tems reffembloient,
félon Denis d’Halÿcarnaffe, aux anciens caractères
grecs, on peut conclure que le monument de Romulus
étoit l’ouvrage d’un artifte étrufque. Denis
fait encore mention d’une ftatue de bronze d’Ho-
ratius C o d e s , & d’une ftatue équeftre érigée à
la çourageiife Clélie, au commencement de la
république. Le fénat ayant puni de mort Spurius
Caflius, qui afpiroit à la royauté, au troifième
fiècle de Rome, employa fes biens qu’il avoit
confifqués à faire fondre des ftatues de bronze en
l’honneur de Cérès.
Avant de parler des grandes & moyennes fta»
tues antiques de bronze, qui font aujourd’hui
l’ornement des muféum & des palais, nous ferons
connoître l’ ufage auquel étoient deftinées
les petites ftatues du même métal que l’cui trouve
fi fouvent dans les fouilles des anciennes villes.
La plupart fervoient à remplir les larairesou oratoires
particuliers. Quant à celles dont la hauteur
n’excède pas deux pouces, on fait que les anciens
les portoient avec eux dans les voyages, fouvent
fur eux-mêmes, & quelquefois appliquées immédiatement
fur leurs corps. C’eft ainfî que Sylla
avoit une petite ftatue d’or d’Apollon-Pythien,
qu’il portoit fur fon fein dans toutes fes expé-»
dirions, & qu’il baifoit fouvent. ( Plutarch.
Sylla).
On fait qu’entre tous les monumens antiques,
ç.eux de bronze font les plus rares 5 on ne croit
pas faire une chofe fuperflue en donnant une
notice des morceaux les plus curieux de ce métal
qui fe foient confervés. Le nombre en auroit
toujours, été peu eondérable , fans les déçois
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« vertes qu’on a faites dans les endroits enfevelis
fous les laves du Véfuve. Notre deffein n’eft pas,
& ne peut pas être d'indiquer toutes les découvertes
curieufes dans ce genre , du cabinet d’Herculanum.
C’eft ce que comprendront aifjément ceux
qui ont une idée de cet amas d'antiquités, dont
les monumens de bronze forment la principale
) richefle. Nous nous bornerons à en taire con-
! noitre quelques - unes des principales ftatues de
1 grandeur naturelle. Mais comme on fait qu’à
Rome, & encore plus dans les autres contrées ,
les antiques de bronze font d’une plus grande
rareté , on citera auffi toutes les têtes & toutes
les ftatues qui font un peu connues 5 de forte que
toutes les petites figures dont nous ne parlerons
1 pas, font celles qui n’excèdent pas la hauteur de
[ dix pouces françois : pour ce qui eft de ces petites
figures, & fur-tout de celles qui font étrufques ,
il s'en trouve une grande quantité. Cependant
[ on fera unes exception en faveur de quelques
I petites figures qui ne paftent pas dix pouces ,
[ parce qu'elles font de fabrique grecque, & d'une
grande beauté.
•Entre les ftatues grandes comme nature , du
cabinet d'Hèrculanum, les plus remarquables
font un jeune fatyre aflis & endormi, qui a le
bras droit pofé fur la tê te , & le bras gauche
| pendant 5 un vieux fatyre* iv re , couché fur une
outre, fous laquelle on voit étendue une peau
de lion: appuyé fur fon bras gauche , il a la
main droite levée , & en ligne- d’alégrefle , il fait
claquer l'index avec le pouce. C’eft ainfî qu’étoit
figurée la ftatue de Sardanapale d'Anchiale en
| Cilicie ( Strabon , l. 140. 672. A . Plutarch. de
| fortit. Alex. n . p. 699, /. 19.. ) , & c’eft ainfî
[ qu’on fait encore claquer les doigts dans quelques
danfes. Mais la figure qui réunit le plus de l'uf-
frages, eft un Mercure afiis, le corps incliné en
, avant, & la jambe gauche tirée en arrière > il
s’appuie fur fa main droite, & tient dans fa
main gauche un bout de fon caducée. Indepen-
! damment de fa beauté , cette ftatue eft rèmar-
[ quable par une agraffe en formé d’une petite rofe ,
j qui eft attachée au milieu des femelles & fous ie
pied, aux. courroies qui afîujetciffenc les talo-
njères : ce qui femble indiquer que ce Mercure
ainfî chauffé, & né pouvant appuyer le pied fans
s’incommoder, n’eft pas fait pour marcher,mais
pour voler. Quant au menton de cette figure,qui
eft creufé dans la partie inférieure, ce que nous
appelons encore une foflette, nous en parlerons
Silleurs.
La découverte de. ces trois ftatues a précédé
celle des deux jeunes lutteurs nuds, pareillement
de grandeur naturelle : ces figures , faites pour
etre placées vis-à-vis l'une de l’autre , font repré-'
feinées les bras étendus & chacune dans l’attitude
de faifir avec avantage fon adverfaire. Elles
font placées à Portici, chacune dans une chambre
féparée 3 & elles peuvent être miles à jufte
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titre ail rang des plus grandes curiofîtés de notre
fiècle. lljen eft de même des quatre ou cinq figures
de femmes, repréfentées danfantes , 8c rangées
fur l’efcalier qui conduit au cabinet 5 ainfî que
des ftatues impériales, de l’un 3c de l’autre fexe,
qui font plus grandes encore que les premières,
8c qu’on a foin de réparer infenfiblement. Entre
les ftatues de ce cabinet ; nous,.ne citons que
celles qui font de grandeur naturelle ; nous parferons
donc fous filence le prétendu Alexandre ,
& une Amazone, tous deux à cheval 8c de la
hauteur de deux pieds françois. Nous n’entrerons
pas non plus dans aucun détail fur un Hercule ,
ainfî que fur plusieurs Silènes pofé s dans diverfes
attitudes fur des outres deftinées à fervir de fon-
taines 3 & d’ une infinité d’autres figures de différente
grandeur. Nous ne dirons rien non. plus
de vingt-quatre buftes , tant de grandeur naturelle
qu’ au deffus de cette mefure , ainfî que de
pluiieurs autres plus petits, qui ont été publiés
tous çnfemble dans le cinquième volume du cabinet
d’Herculanum.
Winkelmann ri’ofoit décider fi tous les palais
& cabinets.de Rome renfermoient un tréfor auffi
riche en figures antiques de bronze, que celui
d’Herculanum feu 15 au moins eft-ilcertain que cette
collection mérite le premier rang , . quand il
n’eft aueftion que de ftatues de métal. Voici
l’ énumération des monuméns de bronze les plus
remarquables de cette fameufe capitale , en commençant
par le Capitole. Sans parler de la ftatue
équeftre prefque coloffale de Marc - Aurèle ,
fur la place même du Capitole, on voit en entrant
dans la cour intérieure j à droite , une têre
coloffale, crue fauffemeut une tête de l’empereur
Commode , avec une main qui fait croire par fa
proportion , qu’elle appartient à la ftatue donc
cette tête faifoit partie. Dans l’appartement des
Confervaceurs de ce même palais , il fe trouve un
Hercule fort connu, plus grand que nature , qui
conferve encore toute fa dorure antique , avec la
ftatue d’un jeune viétimaire, qu’on nomme un
• Camillus , vêtu de la fimple tunique retrouffee ;
il eft ajufté comme le font tous les Camillus fur
différens bas-reliefs. Dans la même chambre où
eft cette figure , on voit un jeune homme affis ,
qui fe t;re une épine du pied : ces deux ftatues
ont la grandeur de leur âge. Outre ces figures ,
on y trouve la louve étrufque , avec Rémus 8e
Romulus , & un bufte connu fous le nom de
Brutus 3 deux oies, ou , pour mieux dire , deux
canards autrefois dorés. On voit dans le cabinet
du Capitole , qui eft vis à-vis de ce palais, une
Diane triformis , autrefois dorée, qui n’ayant j pas
plus de huit pouces de hauteur, ne doit pas trouver
place ici. A ces ouvrages de bronze , j’ajouterai
deux paons jadis dorés, 8c placés,au tems où
écrivoit Winkelmann, dans le palais du Vatican,
avec la grofle pomme de pin en bronze , qui parole
avoir orné le fomniet du fépulcre q’Hadrien, 8c