
-& nous en avons même cité quelques-uns. D’ailleurs,
quels font les rochers en état de réfifter au
courage & au nombre des travailleurs ? La réponfe
de l’oracle pouvoit bien être un prétexte, mais
elle n’étoit pas une raifon folide 5 il falloir qu.il y
eût quelqu’autre caufe.
Le premier qui en forma le projet fut Përian-
dre, 570 ans avant Tère-chrétienne (Diog.-Laerce,
l. 1. c. .7. n°. .6.). Dcmétrius Faliorcète , roi de
Macédoine , trois fîècles après , effaya de faire
véritablement une ifle du Péloponèfe. Il etoit bien
capable de réuflîr dans cette entreprife j mais il
éprouva ides revers, & d’ailleurs il trouva dans
la volupté un obftacle plus invincible que la dureté
des rochers ( Plutar. in Demetr. S'trzèo? I.
i.p. 54.). Plutarque nous apprend la foibleffe
qu’il eut pour Lamia, fa maîtreffe , qui fut (ur-
nommée Héiépoli-s » du nom d’une machine qui
fervoità renverfer des murailles. Cette coürtifane
avoit fi bien fçu captiver Tefprrt de Démétrius,
qu’il fut détourné par fon amour de Inexécution
des grands projets qu’il airroit pu former.
Jules-Céfar eut le même projet, comme le dit
Suétone ( in Ccejar. c. 44. ) j mais il eut toujours
tiop d’occupations pour réalifer cette entreprife,
& peut-être n’en avoit-il eu que l'idce. Caïus
Caligula y penfa également 5 mais il fe piopofoit
Couvent de grands ouvrages, fans qu’il paffât
jufqu’à l’exécution , & il fe contenta feulement
d’envoyer lever le plan de Tifthme(Suet. in Catig.
c . a i. P lin. iv. 4.). Néron ayant fait un voyage
en Achaïe pour difputer les prix, ne vouloit
point revenir en Italie fans avoir paffé Tifthme
de Corinthe. Il en témoigna une fi grande envie,
qu’il y employa toute fon armée , & particulièrement
les foldats de la garde Prétorienne, qu’il
excita vivement par un dite ours fcju il leur fit a
ce fujet (Suet. in Ner. c. xix.)>, & même par
fon exemple. Suive2-moi, leur dit-il, camarades }
s’étant faifi lui-même d’une bêche* il chargea de
la terre fur fes épaules pour déblayer ; ce qui fit
une telle imprelnon fur les foldats, que chacun
s’empreffa de fuivre l’exemple de l’empereur/Mais
bientôt la-peur s’empara des efprits5 parce que ,
difoic-on, l’on entendoit fous terre des gémiffe-
mens & des cris horribles ': Néronaceourué pour
reprocher a fes gens leur pufillanimité il reprit
la bêche pour creufer encore lut-même. Au
bout de deux mois & demi il y avoit déjà plus dë
400 toifes de creufées d’un côté , & quelque
ehofe de l’autre ; mais il y aVoit 3400 toifes à-
percer, & Néron finît par abandonner fon pro--
je t, fo.it qu’il fût rappelé par d’autres affaires,
comme le dit l’hiftorîen Dion foît qu’on lui eût
fait craindre de fubmerger toute Tille d’ Egine.;
comme le rappotre Philoftrate (Pkilofirvit.
Apollon. L rv. c. 8. & 24. vît. Her. Sophifti.').
Enfin Hérodes Atticus voulut auffi entreprendre
ce grand ouvrage ; mais il n’en retira que les
louanges dûes à fa bonne volonté, & cette
cuîté irifurmontable donna lieu au proverbe fî
connu : ifihmum fodere ( Lucian. Jofephus, de Bell,
Jud. L 3. c. 36. Cluverius , introd. ad Geog. p,
4Ô9..). - <• _ : ^
Près de Corinthe eft un village appelé Hexmil-
lia y parce que Tifthme a fix milles de largeur en
ce lieu. C’eft là que Wheler dit avoir remarqué la
place où Ton avoit autrefois commencé à creufer
ce canal ( Voyuges, r. 11. p. 243: ).
C a n a l de L eucade. Là préfqu’ifle de Leu-
cade, fitiiée dans la mer d’ Ionie , fur la côte
d’Acarnanie, avoit, félon Pline, 87 milles de
circuit. Elle étoit célèbre par te rocher d’où fe
préerpitoient dans la mer les amans malheureux,
pour recouvrer, en cédant d’aimer , la tranquillité
qu’ils avoient perdue. Cette- prefqu’ifle de
Leucade etoit jointe au continent, comme 011
Te voit dans Homère (Odyjjee £2. 376.) i mais
elle devînt une ifle après qu’une Colonie de Corinthiens
, envoyée par Cypfelus & Gargafus,
tyrans de Corinthe, fut venue s’établir fur la
côte d’Acarnanie , & eût coupé Tifthme qui joi*
gnoit le territoire de Leucade au continent (Sera-
bon3 lîb. x. p. 3 II. de VAcad, des
Infcript. t: vn.p. 2 jo.j. Cependant ‘Pline femble
faire entendre qu’elle avoit été fëparée de la terre
ferme par un coup de mer (/. it. c. 92.). Mais
ailleurs il adopte le fentiment général des hifto-
riens 8e des géographes, qui attribuent cette fe-
parationau travail des hommes,( /. iv. c. 1. ).
Thucydide (/. nr.) nous apprend-qu’elle étoit
encore une prefqu’ifie de fon teins. On infère
d’un autre paffage du même auteur , que la ville-
appel ée Leucas étoit fituée dans Tifthme. Tite*
Live eft un dés écrivains qui ait donné le plus
grand détail fur Leucade , & le canal qu’on y
ayoitcréufé. Leucadia nunc infula , & vadofofreto ,
qupd perfojjum manu, eft , ab Àcamania divifartum
peninfula erat , occidentis régione arebis fauçibus
cokoerens ÂcarnanU. Quingentos ferme pajfus longe.
fautes erant j lata, and ampli us, centum & vi-
ginti. In kis angujlîis Leucas pofita efi , collï ad-
plicata verfp in ofièn-tem & Acarnaniam. Ima
urbis plana funt y . jacentia ad mare, quo Leuca-
bia ab Acarnania dividitur. L. XXXIII. c. 17*
Scymnus de Chro , dans la defeription qu’il en
donne (in Perregef ) en parlant de 1 Acarnanie
& de la ville de Leucas bâtie par les Corinthiens,
; la met déjà au nombre des iflesi
Ce furent eux en effet qui firent une ifle dé
ce pays, en coupant ITfthme qui forgaoit la prefqu’ifle
, dit Strabotî ( t. v. 'p- 511 • ) Il s trapportèrent
près du canal qu’ils creufèrent, Ta ville dé
Néricos, qui. étoit à TaUtre bout de l’ifle fur le
bord de Ta mer, donnèrent à cette nouvelle
ville le nom de Leucade , nui étoit Celui de la
petite contrée , & qui lui fut conferv-é lorfquort
en fit une ifle. Dodwël (V< Aeript. Scylac. State,
p. 53.) crok que cct ifthme fut coupé loriq««
C A M
les Romains féqueftrèrent de la jufifdiâio-n de
TAcarnanie , le pays de Leucade , l’an de Rome,
félon Varron, 587. Perfée fut vaincu par les
Romains, malgré les Acarnaniens qui foutenoient
ce prince j il convenoit alors aux habitans; de la
prefqu’iflè qui venoient d’être détachés des Acar-
éaniens, de fe retrancher par ce foffé contre leurs
anciens maîtres. Mais il eft plus naturel de croire
ce que dit Strabon , que ce furent les Corinthiens
envoyés par Cypfelus qui en firent une ifle. Quoiqu’il
en foit, Ovide dit. aüflî qu’après avoir été
jointe au continent, elle étoit de fon teins baignée
de la mer.
Leucada continuam veteres kabuere colom ,
Nunc fréta cireumeunt.
Métam. x v . 289.
Florus, en parlant de Leucade, dit Leucas
infula que. ali is erat Leucadia (L. iv.c. i l . ) . Selon
Pline, elle fut détachée du continent par les habitans,
& il y avoit un lieu fur le bord àu canal
qu’on avoit creufé , qui en avoit été appelé
Diory&os : Excipit- Leucadium lit tus pr&monto-
rium Leucates , dein finus de Leucadia- ipfa peninfula
quondam Neritis appellata, opéré accolarum
abfcïfd a continenti, ac reddita ventorum flatu
congeriem arena. dccumulantium, qui locus v oc a-
tur Diory&os fiadiorum longitudine trium ( Pline
iv. i.)_. Les fables que le vent portoît dans ce
canal, en rendirent la navigation difficile, & 1 on
fut obligé, au rapport d’Artian, d’y enfoncer
des pieux pour diriger la,route des vaifleaux.
Quoique le canal fût devenu plus étroit par
les fab’es, cependant il ne fût pîs comblé, comme
le dit Pline, ou bien il a été recreufé dans la fuite\
car il eft encore navigable, comme nous 1 apprenons
de Wheler ( t. i.p• 62. ) . Les Grecs, dit-il,
appellent*encore Leucada l’ancienne ifle de Leucade
, car ils n’appellent proprement Sainte-Maure
que la fortereffe , à caufe d’un couvent de ce nom
qui étoit là dix. tems des Vénitiens. Nous fûmes
obligés, à caufe du mauvais tems-, de toucher
à un port de cette ifle appelé Climeno , qui eft ie
meilleur de tous ayant bon fond. De-là il nous
prit envie d’aller voir la fortereffe , & nous prîmes
pour cet effet une barque appelée Monoxylon.
Nous voyageâmes quatre ou cinq heures dans un
canal étroit qui la fépare de la terre ferme. Stra^
bon dit qu’elle y a été autrefois attachée, & que
Ton ereufa ce détroit-pour la feparer' > ce- qui
eft affez vraifèmblable, car à l’endroit lê plus
étroit il n’y a pas plus de cinquante pas de trajet,
& trois ou quatre pieds d’eau feulement-parfont.
C’étok en cet endroit le plus étroit qu etoit la-ville
de Leucade, fituée fur une éminence à unedemi-
‘lieue de la mer, & dont on v-oit encore quelques
reftës : le port étoit prefque tout le canal 3 fur-
tout dans les .lieux où il y avoit affez d’eau. Or-
C A N U ï
teli us & Ferrari fe trompent, continue Wheler,
quand ils croyent que Sainte-Maure eft encore-
dans la même place que cette ville 3 ils n ont pas
été fur les lieux pour voir que Sainte-Maure eft
trois milles au-dela dans le milieu du canal, large-
d’une lieue en cet endroit. La fortereffe eft bonne
ôc flanquée de quelques baftions ; mais ce qui
la rend çonfidérable, c’eft qu’on ne peut y aller
ni par terre ni par mer , que-dans ces raonoxyles*
ou petits bateaux qui ne prennent pas plus d un.
pied d’eau. Elle eft féparée, par un foffé de trente
ou quarante pieds, de deux autres petites ifles
s qui font comme les fauxbourgs de la fortereffe,
& qui font habitées par des Turcs & par des
I Grecs/ »
Si ce canal fut jamais navigable pour de grands
vaifleaux, ce ne fut que peu de tems aptes qu’il
eut été creufé ; car il paroît ,'par le témoignage
de Pline, qu’il 'étoit éxpofé à être rempli par les-
fables que le vent y appbrtoitj 8c Wheler nous
| apprend que de fon tems, il n’y avoit pas plus
de trois ou quatre pieds d'eau.
C a n a u x du Pô. Quoique l’Italie fût coupée
en tout feus par Un grand nombre de fleuves &
de rivières, ce pays nous fournit néanmoins
beaucoup de canaux artificiels ; ceux que 1 on
creùfà, par exemple, aux environs du Pô, avoient.
la plupart le même objet que ceux qui étoietit tirés
dans la partie du Delta en Egypte.
Le Pô prend fa fource au mont Véfule, une
des plus hautes montagnes des Alpes. Suivant la
defeription de Pline , fes eaux s’augmentent con-
fidérablement vers la canicule par la fonte des
neiges 5 & après avoir reçu dans Tefpa.ee de fon,
cours environ trente rivières , il fe rend dans la
mer Adriatique. Il étoit profond & rapide à caufe
de la force de fes eaux, quoiqu’on l’eût affoibli
par plufieurs dérivations entre Ravenne & Alti-
num ; 8c comme à l’endroit de fon embouchure
il fe répand oit fort au large par fept bouches
différentes , on appeloit cet endroit les Sept-
Mers.
XI paroît qu originairement 1e. Pô ne fe rendoic
dans la mer que par deux branches, qui, au
rapport de Polybe ,. étoîent celles que l’on appeloit
Padua 8e Glana.. Le fleuve couloit dans un
feul l i t , jufqu’aux pays des peuples nommés
Trigaboli. Il fejféparoit là en deux branches. Les
vaiffeaux: remontoient le fleuve par la branche
nommée Olana.y jufqu’à deux cens cinquante
milles ( Polybe, L 11.) des autres branches ; plufieurs
ont pu fe former naturellement, & quelques
unes-ont été formées de mains d’hommes:
Pline nous en donne le nombre (/. ut. c. 16. ).
Après le canal qui oonduifoit à Ravenne, il place
T embouchure -nommée Vatrenus, qui, dit-il,
avoit la.capacité ff un port, & par laquelle l’empereur
Glande entra dans la ville d’Adria après
- fon expédition dans la Grande-Bretagne. Proxi-
M m m m ij