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Virgile peint fous les mêmes traits le deuil des
Troyennes ( Æneid. n i . 65.)
Et circurn Iliadcs crinem de more Joints:.
On trouve de femblables exemples dans les
écrivains de Rome. Tite-Live dit qu'à la nour
velle de la mort des Curiaces , on vit la
foeur des Horaces délier & biffer flotter fes
cheveux , en appelant à grands cris répoux qui
lui avoit été deftiné : Solvit cri nés 3 & fiebiliter
nomine fponfum mortuum appellat. C'eft ainfi que
témoigne fa douleur une femme dans les Faftes
d’Ovide ( i l . 813.) .*
..................... Puffis fedet ilia capillis,
Ut folet ad nati mater itura rogum.
Les hommes donnoient aufli les mêmes témoignages
de leur douleur, témoin Néron-Drufus-, dans
l'élégie d’Albinovanus, fur la mort de fon frère
Drufus («. 85.) ;
Vidimus attonitum fratemâ morte Neronem
Pallida projefta fiere per ora coma,
Caligula ayant appris la mort de Drufîlle , fa
foeur chérie, accourut à Rome avec une Longue
barbe 8c les cheveux épars ( Suée. c. 24. n. 6 .) :
Moeroris impatiens. . .. . . . propere rediit barba_
capibloque promijjo. Chez les Romains , ceux qui
étoient accufés de quelque grand crime, 8c ceux
qui demandoient juftice au peuple contre des
eppreffeurs puiffans , laiffoient croître leur barbe
8c leurs cheveux en figne de douleur, 8c les fai-
foient couper le jour qu'ils étoient abfous, ou
qu'ils avoient obtenu juftice.
Ceux qui portoient dans les tems d'affli&ion de
longues chevelures , les couvroient fouvent de
cendre 8c de pouffière. Voye\ C endres..
Nous n'avons rapporté un fi grand nombre
d’ exemples des deux ufages contraires, pratiqués
dans les deuils relativement aux cheveux, qu'afin
de pouvoir combattre avec avantage l’opinion de
Plutarque (in qusfi. Rom.y fur cet objet. Il dit
que les hommes laiffoient croître leurs cheveux
dans les deuils, parce qu’ils les portoient ordinairement
courts, 8c que les femmes , dont les-
f hevelures étoient toujours longues, lés coupoient
dans les mêmes circonftanees. Mais nous avons
japporté plufieurs exemples qui appartiennent aux
deux fexes, 8c qui détruifent cette aflërtion. On
trouve la véritable raifon de cette contradi&îon
apparente dans les morales (~lîb. 2. c. 1 7 .) de S.
Grégoire. Il l’a placée dans la différence des ufa-
gés des peuples divers relativement ait cheveux.
« Ceux, dit-il, qui les laiffoient croître ordinairement,
les coupoient dans le deuil & l’affliction
$ tandis que les peuples dont les cheveux
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étoient toujours rafés, les laiffoient croître dans
les tems, de deuil 8c de calamité. « Mos veterum
fu i t , ut quifque fpeciem corporis fui capillos nu-
triendo férvaret, eos tempor e afilUlionis abfcinde-
ret y & rurfum qui tranquillitatis tempore capillos
abfeinder e t, eos in ofienjione affliBionis nutriret.
Les anciens fe fervoient d'un fer chaud appelé
calamiftrum , pour frifer leurs cheveux 8c en faire
des boucles ou anneaux. Ovide parle de cet artifice
(/. i. AmoTt E l. 14. v. 25. ) :
Quam fe prsbuerant ferro patienter , & ignit
Ut fier es torto nexilis orbe finus.
Les femmes feules 8c les jeunes filles frifoient
ainfi leurscheveux chez les Grecs 8c les Romains ;
mais cét ufage étoit commun aux deux fexes
chez les Phrygiens, chez les Sybarites 8c chez
les autres peuples célèbres par leurs moeurs
efféminées. C’eft des Phrygiens que Virgile
dit. . . . . . . . comas . . . . . . . .
Vibratas calido ferro murraque madentes.
Les Sicambres 8c les Germains formoient un
feul noeud de leurs longues chevelures y ce qui
formoit, félon Tacite (Germ. c. 38. ) un de leurs
attributs caraftériftiques : Infignç gentis obüquare
crinem , nodoque fubfiringere. Cette manière de
nouer les cheveux palfa en proverbe, 8c Martial
la défigrie par les mots nodus rheni.
C'étoitavec des bandelettes que les Arméniens-,
les Sarrafins 8c quelques autres peuples d'Afier
lioient leurs cheveux entortillés en forme de
mitre , d'où leur vînt le furnonv grec piTfocpôçot.
Les Parthes 8c les Perfes portoient de longues
chevelures flottantes 8c bouclées ; comme on le
voit fur leurs médailles. Celles des Scythes 8c
des Goths , leurs defeendans , étoient éparfes 8c
hériffées.
Les Arabes, les Abantes 8c les Mifîens cou-
poîent leurs cheveux fur le haut de la tê te , pour
ôter à- leurs ennemis ce moyen de les faifir. Levers
fuivant de l’Iliade (,b. 5.41. ) fait ail ufion *
cet ufage. :■
T» P « ft *AÇuVTIS tTTOfTO 5-001 OXtS-if Kop.oa'ütç-.
Les Curètes- 8c les Etoliens eoupoient leurs cheveux
de la même manière-
Les Gaulois , au rapport de Diodore de Sicile
(/. c. p. 212.) , portoient une longue chevelure ,
qu’ils lavoient fouvent avec de l’eau de chaux.
Les Athéniens qui fervoient dans la cavalerie,
laiffoient croître leurs cheveux (Arifioph.Nub. 14.
Equit. 577.). Tous les Lacédémoniens, foldats
8c autres ,, en ufoient de même (Arifi. RJiet. L 1*
p. 34. I. Edit Sylburg;
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Ce n’étoit pas affez de frifer les cheveux avec 1
Un ferd chaud, les anciens les poudroient quelquefois
avec de l’or pulvérifé ( Solin, ) , afin de
joindre à la couleur fa vorite des cheveux lé mérite
de l ’opulence. Souvent ils les lioient avec des fils
ou des lames d’or. Ovide dit (Her. x v . 7$.) •
Vzfte tegor v ili, ' nullum efi in crinibus aurum.
Ibidem x x i. 89 ,*
Ipfa dédit gemmas digitis, U crinibus aurum•
Et Kal. Flaccus. i l . 103 ;
» . . . Tereti crinem fubneftitur aura. - ■
Les Athéniens entremêloient dans leurs chevelures
des cigales d'or. Les hommes ne le cédèrent
pas aux femmes fous le bas-empire pour le luxe
des coëffures j car on les vit charger aufli leurs
chevelures d'or 8c de pierreries. Nous l'apprenons
de ces paroles de Luitprand à Nicéphore-Phocas
(p . 8y,) : il n'y avoit perfonne dont les cheveux
fuffent ornés d’or 8c de pierreries : nemo ïbi auro,
nemo gemmis ornatus erdt.
Les Bacchantes feules entre les femmes grecques,
portoient les cheveux flottans 8c fans liens j
les jeunes filles les. nouoient fur le front ou fur
le derrière de la tête ; mais les femmes les lioient
ordinairement fur la nuque en une feule treffe,
qui flottoit fur les épaulesi
Les chevelures fauffes des anciens, n’étoient
pas toujours des perruques, c’ eft-à-dire, la ré- .
préfentation de tous les cheveux y mais elles re-
préfentoient tantôt le toupet 8c tantôt les faces.
C ’eft ce que nous apprenons d’un paffage de
Pétrone ( c. 70. ) , où il dit que l’efclave de Try-
phæne emmena Giton dans la cale du navire, 8c
qu’elle attacha fur la tête de1 ce jeune homme le
corymbion de fa maîtreffe, c’.eft-à-dire, une touffe
• de cheveux poftiches , qui lui tenoit lieu des cheveux
noués fur le front des vierges, 8c appelés
de ce nom : Ancilla Tryphsns, Gitona in partem
navis inferiorem ducit 3 corymbioque domina pueri
ado mat cap ut.
Les chevelures entières poftiches, ou perruques
, étoient appelées galericulus 8c galerus par
les Romains. On en faifoit de fi délicates, qu’ il
étoitimpoffible de les reçonnoxtre. Telle étoit,
félon Suétone ( c . 13. n. 3 -)? celle d’Othon ,
.que l’on voit cfur les médailles de cet empereur
efféminé : Galericulo capiti propter varitatem car-
pillorum adaptato & annexo , ut nemo dignofeeret.
Çes perruques étoient faites avec des peaux -de
chevreaux , qui fervoient aufli aux chauffons des
perfonnes délicates. De-la vient ce jeu de mots
de Martial, qui appeloit une tête chauffée, caput
çq.lceatum , celle que couvroit une femblable per -
fuque«
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Ce n’étoît pas feulement pour fuppléer au
défaut de cheveux que les Romains portoient des
chevelures fauffes, c’étoit encore pour paroître
avec des cheveux d'une couleur différente de celle
qu’ils avoient naturellement, ou pour le déguifer.
Le chevalier, dont parle Avicenus Rufus (c. x .) ,
•étoit dans le premier cas ; 8c l’on ne peut s'empêcher
de rixe en voyant l’embarras 8c la honte
de .cet officier efféminé, à qui le vent détacha fa.
fauffe chevelure :
. . . Mox dejecîo nituit frons nuda galero M
Difcolor appofita que fuit ante coma.
Mais Caligula prenoit une perruque (c. xr. n. 1.’
Suetonii ) 8c une longue tunique, pour fréquenter
les mauvais lieux à la faveur de ce déguife-
ment : Quin ganeas , atque adulteria capillamento
celât us , & vefie longa noclibus obiret. De meme
l’infâmè époufe de Claude, Meflaline, cachoit
fous une chevelure blonde fes cheveux noirs, lorsqu'elle
paffoit les nuits dans les lieux de débau-,
che (Juvénal, Sot. vi. v. 120.) .*
Sed nigrum fiavo caput abfcondente galero
Intravit calidum veteri centone lupanar.
Les écrivains latins font fouvent mention des
fauffes chevelures des dames Romaines. Ovide dit
(A r t, Amand. n i . ié y .) :
Femina proced.it denfijfima crinibus emptis y
P roque fuis alios ejficit sre fuos.
Et Martial ( n . 12 ) •*
Jurât capillos , quos émit, ejfe fuos
Fabulla , nunquid ilia , Paulle , pejerat f
Ovide nous apprend que ces perruques blondes
fi recherchées à Rome, veîioient de la Germa-
„.nié 8c des contrées feptentrionales de l'Europe
(Amor. 1. 14. 4 5 .) ;
Nunc tibi captivos mittet Germania crines :
.. Cuira triumphats munere gentis eris.
O quam fspe , comas aliquo mirante , rubebis r
Et dices ; empta nunc ego merce probor !
Tertullien s’eft élevé avec fon zèle amer contre
les valles perruques dont les femmes de fon tems
chargeoient leurs têtes , en les couvrant entièrement
de ces Inormes chevelures , ou en les laif-
fant flotter fur le col 8c les épaules (de cultu
femin. c. 7. ) : Affigitis nefeio quas enormitates futi-
Hum capillamentorum , nunc in galçri modum, quafi
in vaginam capitis , & opèreulum véniels3 nunc
l in cerviççm rétro fuggefium,
E e e e e i j