
marais Pontins, jufques près de Terracine j il
avoit le double avantage de deffécher ces marais,
& de fervir en même-tems à la navigation. Le
nom des marais Pontins ou Pomptins yenoit de
la ville Pometia félon Pline, ou de celle de Pontina
fuivant Feftus. Le terrein occupé depuis par ces
marais contenoit autrefois plufieurs villes, depuis
le fleuve Aftura jufqu’à Terracine j ils étoient
formés principalement par l’Ufens 8c 1* Amafenus >
les vapçurs meurtrières qu’ ils éxhàloient 8c les
autres incommodités de leur voifinage, dûrent
néceffairement occafionner la ruine de fes villes,
& faire déferter toute cette contrée. En les
defféchant, on rendoit à l’air fa première falu-
hrité î on méttoit en valeur un grand efpace de
terrein inutile, & le canal qu’il falloit creufer à
ce deffein , devoit fervir à tranfporter des mar-
chandifes 8c des voyageurs. 11 n’eft pas bien fur
qu’Appius ait travaillé à deffécher ces marais ,
quand il fit conilruire ce beau chemin qui porte
fon nom, 8c dont il fubfifte de nos jours des
reftes précieux. Mais ce pays étant très-fujet à des
inondations, il a pu arriver que les marais foient
revenus depuis dans le premier état. En effet,
la République connoifiant les grands avantages qui
réfultoient de leur defféchement, chargea le
conful Céthégus, à qui cette province étoit échue,
de les deffécher, 8c il en fit un territoire fertile
{P lin e , l. iv . c. 4 . ) : ce fut 161 ans avant
Jéfus-Chrift, fous le corffulat de M. Cornélius Céthégus
& de L. Anicius G al lus. Ce travail devint
inutile , foit par la négligence 8c le défaut d'entretien
, foit par la nature du lieu î car Céfar
fe propofoit d’en faire de nouveau une campagne
qui fût propre à l'agriculture , 8c qui fût en état
de nourrir plufieurs milliers d’habitans. Plutarque
& Suétone, dans la vie de ce prince, difent la
même ch o fe , & Dion fait entendre qu’il avoit
envie d’y conftruire une chauffée ; mais les affaffins
de ce grand homme arrêtèrent les projets utiles
qu’il méditoit. Enfin, fous Augufte, on tira un
long canal à-peu-près parallèle à la voie Ap-
pienne, & peu éloigné de cette route {Strabon,
/. v. ) : ce canal étoit rempli des eaux des marais
8c des rivières voifines. On s’y embarquoit
le fo ir , on en fortoit le matin pour continuer
fon chemin par la voie Appienne ; & les bateaux
qui fervoient au tranfport, étoient tirés le jour
par des mulets, Lucain en parle dans fon troisième
livre :
E t q u a P o m p t in a s v ia d i v i d i t u d a p a lu d e s .
Et Horace a décrit fa navigation fur ce canal dans
fon . voyage de Brindifî :
E g r e j fum ijta g n â m e e x c e p i t A r i ç i a R om a , 8c C. .
L . 1. Sat. 5.
En faifant creufer ce canal 3 Augufte eut encore
l’avantage de procurer le defféchement des marais
Pontins, qui produifirent d’abondantes récoltes.
C’eft ce qu’Horace a exprimé dans Ces vers d*
l’Art Poétique, vers 6 j :
Sterilijve diu palus , aptaq'Se remis ,
Vici.zas urbes alit 3 & grave, fentit aratrum.
Trajan, qui porta la gloire de L’empire romain
plus loin qu’Augufte, fit faire de nouveaux tra-
vaux pour affurer le defféchement des marais Pontins.
Il y rétablit la voie publique , & la décora
de divers monumens -( Dion. L L x v iu .p . -p j . } .
M. l’abbé Brottier en a parlé dans fa fécondé
édition de Tacite {t. v. p. 387. ) , 8c il. a rapporté
plufieurs inferiptions antiques qui y font
relatives.
Mais ces travaux eurent befoin d’une grande
réparation dans la fuite y car environ 400 ans
après Trajan , Théodoric, roi des Goths, voulut
mettre à profit ce terrein , qui étoit encore devenu
inutile : e’eff à cette occafion qu’il écrivit au
fénat de Rome, une belle lettre qui fe trouve dans
Cafliodore {Var. Epifti i l . 32.). On y voit la
peinture des dommages que caufoient ces marais,
& les moyens que ce prince employoit pour
le defféchement. Cette entreprife fut réellement
exécutée, comme il paroît par une infeription
trouvée à Terracine ( Gruter, p. c l u . Corra-
dinm). Ce canal avoit 19 milles, & fut appelé
en-latin Decennovium■ ( Procopi. Gotkic. rer. I. /.) ;
mais il fut négligé depuis.
C a n a l d u l a c F u c in ou C e l a n o , De
même que Céfar s’étoit'propofé de deffécher les
marais Pontins, il avoit auffi formé le projet
de donner une iffue au lac Fucin, qui eft dans
l’Abruzze ultérieure, 8c qui porte aujourd’hui le
nom de lac Celano , pour mettre en valeur un
terrein occupé par. les eaux ; mais nous avons
déjà vu que fa mort fit échouer fes grandes en-
treprifes ( Suet. in C&f. c. 4 4.). Les habitans voi-
fins de ce lac follicitèrent fortement Augufte pour
exécuter ce projet j mais il ne leur accorda point
leur demande.Pline ( lib. 36. c. 15. ) nous apprend
que l ’empereur Claude entreprit cet ouvrage , &
y employa trente mille hommes qu’il fit travailler
pendant onze années confécutîves ( Tac. ann.
x i i . <j.). Il fe rencontra en effet beaucoup d’obf-
tacîes, 8c il fallut percer, des montagnes fefpace
d’une grande lieue. Claude avoit donné l’infpec-
tion de cet ouvrage à Narciffe, fon affranchi.
Si. nous en croyons Dion ( l. x. ) , fon: projet
étoit non-feulement de rendre le pays propre a
l'agriculture , mais auffi 'de faciliter la navigation
du Tibre en y faifant . entrer les eaux du lac
Fucin î Cluvier ( Italia antiq.') qui rapporte ce
paffage de Dion , dit qu’il ne corxçpitpas où l’empereur
aura pu conduire, les eaux du Jac à travers
tant de montagnes jufqu’au Tibre- C’eft pourquoi
fi croît que l’hiftorien a pris le change, 8c qu’ au I
lieu dti Liris dont la fource étoit voifme , il
aura écrit le Tibre. Les raifons fur lefquelles il
s’appuie , font que Dion ajoute que les efforts de
l’empereur 8c fes grandes dépenfes furent inutiles ;
qu’il étoit cependant vrai que l’ouvrage avoit été
achevé , comme il eft prouve par le témoignage
de Suétone ( in Claud. c. 20. ) , & par Dion ,
qui à dans le même livre , entre dans de grands
détails fur un lac que Claude avoit conduit à la
mer, mais qu’ il ne nomme pas. Si cependant on
avoit voulu àbfolument conduire dans le Tibre
les eaux du lac Fucin , il y auroit eu un moyen,
en creufant un canal du-lac à la fource de 1 Anio, 1
qui fe rend dans le Tibre au-deffus de Rome , 8c
qui n’eft pas beaucoup plus éloigné du lac que
le Liris. Mais Tacite ne permet pas de douter de
l’endroit où Ton creufa le canal, ni du fleuve
dans lequel il fe rendoit î voici fes paroles:
Sud idem tempus inter lacum Fucinumamnemque
lirimperrupto monte , quo magnificentia operis a plu-
ribus viferetur , lacu in ipfo , navale pro&lium ador- ■
natur. Ann. x i i . 56.
L’ouvrage fut réellement achevé en Tan 52 >
& avant qu’on ' ouvrît Tembouchure du canal
pour donner paffage aux eaux du lac, l’empereur
y fit donner un combat naval par dix-neuf mille
hommes condamnés à mort,-lefquels montoient
cent vaiffeaux {Tac. ib. Suet. Claud. ç. 32. Dion.
I. l x . ) . Pour rehauffer l’éclat de cette^ fêté , ;
Claude y affifta lui-même avec Néron, l’un & ,
l’autre en habit militaire. Agrippine s’y trouva
aulïi î elle étoit placée auprès de l’empereur, &
parée avec beaucoup de magnificence. On fit en-
fuite combattre des gladiateurs fur des ponts conf-
truits fur le canal, & l’on avoit prépare un grand
feftin près de l’endroit où on devoit T°uvrir.
Mais quand on vint à donner i’iffue aux eaux,
elles s'écoulèrent d’abord avec tant de rapidité,
qu’elles firent écrouler une partie des bords, &
qu’elles ébranlèrent la terre beaucoup plus loin.
Les afliftans en furent fort effrayés, & Claude
courut rifque d’y être noyé'. Agrippine reprocha
à Narciffe d’avoir épargné la dépenfe 5 Narciffe ,
dç fon c ô té , dit des chofes fort dures à l’impératrice.
11 eft probable que l’affranchi avoir des
torts î car Dion dit qu’on Taccufa d’avoir laiffé
tomber exprès les eaux avec tant d’impétuofité,
afin de couvrir une faute qu’il avoit faite j mais
Dion ne dit. point quelle étoit cette faute. Nous
apprenons feulement de Tacite que l ’ouvrage fut
mal conduit , que le lit du canal n’étoit pas
affëz profond pour que les eaux du milieu de ce
lac puffent s’ y écouler , & il fallut recommencer
de nouveaux ouvrages. Ces travaux furent abandonnés
fous l’empire de Néron ( P lin. , /. x x x v i.
c- 15. ). Un prince , qui n’avoit que les idées
d’une folle vanité , porta envie à la gloire que
fon prédéceffeur avoit acquife pat des travaux
utiles. . '
Trajan fit travailler aux terres voifines de ce
lac. Spartien nous apprend qu’Hadnen le defle-
cha. Malgré tous ces travaux , 1 ancien lac Fucin
fubfifte encore aujourd’hui. . . . J
C a n a l du l a c A v e r n e . Si ce fut la jaloufie
qui porta Néron à biffer périr l’ouvrage de fon
prédéceffeur, on peut dire que ,fa vanité feule
lui en fit entreprendre un autre a-peu-pres fem-
blable par rapport au lac d’Averne, environ
Tan 6 a. Ce la c , dont Homère (dans le IT Livre
de TOdyffée.) & Virgile nous racontent tant de
prodiges, étoit fitué à T extrémité de la Campanie,
dans le pays qu Homère dit avoir appartenu
aux Cimmériens, pays qui, par les feux fouterrems
qu’il contenoit, a donné lieu a toutes les notions
des anciens fur les prétendus oracles qui s y ren-
doient, & fur Tenter qu’ils difoient etre placé
dans fes environs. Le lac d’Averne etoit de toute
part environné de hautes montagnes , excepte
dans l’endroit où il fe rendoit d ms la mer par
le lac Lucrin. Néron , qui avoit fa it, il n y avoir
pas long-tems, des tentatives inutiles pour couper
Fifthme de Corinthe, entreprit de tirer de ce
lac un canal navigable , de 160 milles romains ,
lequel devoit être allez large pour que deux trirèmes,,
puffent y paffer de front. La longueur du
; chemin auroit été confiderable, 8c auroit exige
des travaux immenfes : la nature du pays ne s op-
pofoit pas moins à ce deffeiu, que les rochers
de l’Achaïe n’avoient mis d obftacles dans 1 îlrhme
de Corinthe. Si cette entreprife eût réuffi 3 elle
auroit fervi à éviter les frequens naufrages du
cap Mifène. Il en étoit arrivé cette année là un
aflez confidérable , parce que les pilotes avoicnt
mieux aimé s’expofer aux vents contraires , que
de ne pas arriver au jour que Néron leur a voie
preferit. D’ailleurs le pays ou le lac d Averne eft
fitué, eft un des plus rians de 1 Italie 5 les jardins s
les maifons de campagne, les châteaux , les villes,
les-p.orts, les bains, 8cc. y reuniffoient tout le
luxe & la magnificence des Romains 8c en
avoient fait un féjo.ur de délices : Pompee avoit
bâti un port près du meme lac d Averne > Cefar
avoit confttuit fur une montagne voifine une
maifon qui avoit vue d’un cote fur le golfe de
Baies, 8c de l’autre fur celui de Mifène 5 Augufte
avoit fait , près de Mifene , un port qui
paffoit pour une merveille j Agrippa avoit netoyé
le pays en abattant les forêts , 8c les lauriers
que Ton y planta y croiffoient mieux que dans
aucune autre contrée. Enfin c’étoit la que les
empereurs, après s’être raffafiés de plaifîrs a la
v ille, venoient chercher de nouvelles efpeces de
voluptés : Néron vouloit renchérir fur tout cela ,
par un canal qui l’auroittranfporté de Rome jufques
dans ce féjour enchanté. Il fit donc venir
des ingénieurs , 8c raffembla de tous cotés des
ouvriers j il fit même fortir de leurs pnfons tous
les criminels pour fervir fa vanité y mais il e“ ^Ta
encoie la honte qui eft ordinairement attache^