
plus récente de toutes ces dates, qui eft celle de
l’an 1135. Celle de Helindon , qui eft la plus
ancienne de toutes, ne .donne , félon lu i, que
12.33. Celle de Colchefter ne remonte que jufgu’à. -
J’an 1490. Celle de Wigdel-hall ne préfente point
d’autres chiffres que la lettre M, & par conséquent
ne fert de rien pour éclaircir l’âge des
chiffres arabes en Angleterre- Enfin Ward ne voit
dans la date de Worcefter que les chiffres romains
MXV, fans y appervoir aucuns chiffres
arabes. Le plus ancien manufcrit dç la bibliothèque
Cottonienne où ils parodient, n’eft que
de l’an 1292. Cafley nous en préfente un autre
de l’année. 13 34, où ils font employés. Quelques
favans ont avancé que Jean Banngetpkes les
avoit apportés en Angleterre dès l’an 1230. Mais
Matthieu Paris qu’ils citent , ne parle que des
chiffres grecs, bien différens des arabes. On peut
voir ces figures fingulières parmi les variantes de
cet hiftorien. »
et Quoique le favant abbé de Godwie convienne
que nos chiffres arabes étoient inconnus
avant' le x n e fiècle , il prétend néanmoins trouver
des notes numériques fembl'ables dès le vm
& même dès le VIe. 11 cite la neuvième planche
de D. Mabillon j mais on n’y trouve que le
dont on a parlé plus haut. Dans le vrai , Içs chiffres
arabes ne font pas plus anciens que le xm e
fiècle en Allemagne. Ën vain a-t-on recours au
calendrier de Corbie du vm e fiècle, & à un
manufcrit de l’abbaye de Fulde , ancien 4e plus
de douze cents ans : on n’y verra jamais nos
chiffres , à moins qu’on ne les confonde avec J es
lettres numérales des Latins. Mais on peut bien
s’en rapporter à l’abbé de Godwie, lorfqu’il cite,
d’après Tenzelius , un manufcrit de l’an 1268,
gardé à Vratiflau, où l’on trouve un calendrier
en chiffres arabes. Tenzelius en a inféré feulement
qu’ils étoient en ufage parmi les Allemands
avant la publication des tables alphonfines. Ce?
pendant notre abbé porte fes prétentions au-delà
du xm e fiècle. Il lui paroît incroyable que ces
chiffres aient été inconnus jufques-là en Allemagne,*
où les livres de médecine des Arabes
furent traduits fous les règnes de Conrad III &
de Frédéric Barberouffe. Il faut ici des preuves
de fait, & non de fimples vraifemblances. Dans
les geftes de Baudouin, archevêque de Trêves,
& de fon frère Henri de Luxembourg, empereur,
un auteur contemporain rapporte, vers l’an 1306,
que ce Baudouin avoit fait ufage des chiffres
arabes, lorfqu’il faifoit fes études dans l’univer-
fité de Paris, p
« L’Italie commença plutôt que l’Allemagne
à fe fervir de ces figues numériques. C’eft ce qui
paroît par un manufcrit de la bibliothèque de
Strozzi, où ils font employés à marquer l’an
Ï24J- Il eft à remarquer que leurs premières figures
ont mfçnfiblçment Yarié , & que le 2 du
xm e fiècle a été transformé en 7. Il réfulte de
toutes ces difçuflions que les chiffres arabes n’ont
été connus en France, & dans les autres états
de l’europe, qu’au x iiie fiècle. D’abord on n’en
fit guères ufage que dans, les livres de mathématiques
, d’aftronomie , d’arithmétique & de géométrie
; enfuite on s’en fervi’t dans lés chroniques,
les calendriers, au haut des pages & dans
les dates des manufçrits. Nous en avons cité des
années 1233,.1245 , 1292, 1334> &c. On les
voit fréquemment fur des tables de pierre, fur
les portes &, les tours "des églifes, fur les reliquaires
& dans les épitaphes aux x iv & xy<? fie-
clés. On les trouve dans quelques livres imprimés
dès 1476. & 1489 j &c. Ce fut par une
ordonnancé de Henri I I , rendue à la fin de
1J49 , que l’on commença à marquer fur les
monnoies l’année de leur fabrication en chiffres
arabes, & à faire connoïtre fi le roi 4e qui elles
portent l’image , eft le I , le II, &ç. du nom.
Il paroît par les monumens d’où le P, Calmet
a tiré les chiffres qu’il a fait graver, que juf*
i qu’en 1534 leur figure n’étoit pas encore uni-
: forme. » '
c« Quoique dès le comtpeneetnent du xiVe fie-
cle, l’université de Paris s’en fervit pour enseigner
l'arithmétique & les autres fçiences prifes
, des Arabes , fufage n’en devint ordinaire que
I depuis 1500, encore les entreinêloit-on fouveiit
de chiffres romains. Ce n’eft même que depuis
le règne de Henri III, fi l’on en croit un hifto
rien moderne, que l’on commença en France c
fç fervir en écrivant des caractères 1 , 2 , 3, 4,
f , 6 , 7 , 8, 9. Ces chiffres n’ont jamais été
. admis- dans les diplômes. Néanmoins l’abbé de
Godwie ne, les exclut pas des a&es donnés depuis
le milieu du x u e jufqu’au x v i e.; Nous pouvons
aflurer que s’il exifte quelque aéte antérieur au
x iv e, où nos chiffres arabes Soient employés ,
c’eft un phénomène des plus rares. Cependant
comme les notaires ufoient d’abréviations , fur-
tout dans leurs minutes, noqs ne voudrions pas
nier qu’ils n’aient fait quelque ufage de ces chiffres
dans leurs^ écritures dès les x iv & x v e fiè-
cles. Les RufiTes enfin ne s’en fervent quç depuis
les voyages de Pierre-le-Grand. »
« En difant que nos chiffres vulgaires n’ont
été connus en France » & dans les autres etat^
de l’Europe, qu’au x in c fiècle, on n?en doit pas
conclure qu’on n’employoit point auparavant
d’autres cara&ères , qui exprimoient chacun er
une feule figure les premières unités. On a découvert
des chiffres à-peq-près comme on le.
repréfente aujourd’hui, dans un beau maniifcri«
du xie fiècle, qui contient les oeuvres de Gui
d’Arezzo, religieux bénédi&in, vers l’an 1028
Dans fon traité de l’art de compter fur la table
I couverte de poudre (abacus)‘3 nous ayons vu 1 les 1 , 2 , 3, 5 , 7 , 8, 9. Trois de ces chiffres
font contournés ou renverfés ; les feules figures
du 4 & du fi s’éloignent de la forme de nos
chiffres arabes.*Il y a plus, le célèbre Nicolas
Vignier attefte que Bernelin, difciple de Ger-
bert, moine bénédictin , qui monta fur le faint-
fiége l’an 999 ,' compofa quatre livres de abaco
e t n um e r i s , defquéls fe peut apprendre l’origine
des chiffres , dont nous ufons aujourd’hui h
comptes d’arithmétique. Vignier ajoute : lefquels
M. de Savoye Pitkou m'a affuré avoir eu en fa
bibliothèque, & reconnaître en iceux un favoir &
intelligence admirables de la fcience qu’ils traitent.
L'ouvrage de Bernelin,. que dom Rivet n’a pas
connu, fe trouve deux fois dans la bibliothèque
du Vatican, parmi les manufçrits de la reine de
Suède, & parmi ceux d’Alexandre Pétau, qui
ont originairement appartenu a l’abbaye de .S.
Benoît-fur-Loire. On peut donc aflurer que tous,
ou du moins la plupart de nos chiffres vulgaires,
étoient en ufage dans leis mathématiques, tant
en France qu’en Italie, fur le déclin du Xe fiècle
& au commencement 4u fuivant. »
Nous devons faire obferver encore à nos lecteurs,,
que l’on trouve dans plufieurs inferiptions
antiques le~cara6tère fi, mais qu’il n’y fert que de
point pour féparer les mots. Il faut en dire autant
du 7 , qui défigne quelquefois dans les in?
feriptions latines , la cohorte à laquelle apparte-
noit le défunt.
Chiffres (Ecriture en).
«c Les caractères déguifés , difent lés auteurs
de la nouvelle diplomatique (t. 3. 508.) , tranf-
pofés & variés pour écrire des lettres & des
chofes fecrettes, ont été en ufage dès les première
tems, C’eft ce qu’on appelle ftéganographie
ou cryptographie, c’elh-à-dire, écriture'en chiffres
, qui ne peuvent être entendus que par ceux
qui font convenus enfemble de' la lignification de
ces caractères myftérieux. Cette écriture en chiffres
eft ancienne de plus de deux mille ans. Nous ne
parlerons point ici de la fcytale lacédémonienne.
Selon ( Commentar. in cap. 2 y Jerem.') S* Jérôme,
le prophète Jérémie s’eft fervi quelquefois de cette
manière d’écrire, mais en tranfpofant feulement
les lettres. Enée, furnommé Ta&icus, inventa en
partie & ramafla, au rapport de Polybe, jufqu’à
vingt manières différentes d’écrire en chiffres.,
dont il falloit favoir le Secret pour y comprendre
quelque chofe. Süétone nous'apprend que
Jules-Céfar écrivoit en chiffres. Cet empereur
les' appgloit cscas litteras , lettres occultes. Il
ernploybit le quatrième élément ( Sueton. in Au-
guft. c. 88.), c’eft-à-dire, le d pour Va} & ainfî
de fuite. Mais Asgufte écrivoit b pour à, c pour
b, & tranfpofoit toutes les lettres de cette manière
, & au-lieu de l’x il marquoit deux aa.
Ces exemples prouvent que les Romains formèrent
leurs chiffres par le renverfement de l’ordre
naturel des lettres de leur alphabet. Tel eft lè
chiffre d'Augufte, qu’Aulu-Gelle (Noftes Atdca,
libi lyre. 9.) nous a confervé. Du refte, ces
renverfemens & ces tranfpofitions de lettres ,
n’abrégeoient point l'écriture occulte, puifqu’ellc
renfermoit tous les caira61ères nécelfaires pour
les mots ; mais elles la rendoient inintelligible
à ceux qui n’en avoie’nt pas la clef. Le concile
de Nicée eut recours à ces chiffres , & la manière
qu’il preferivoit pour écrire les lettres
formées, qu’on pouvoit intercepter, revient à
cette efpèce de ftéganographie, ou les mots rendus
par leurs lettres initiales. ”
^ ci Au moyen âge cet art devint à la mode.
S. Boniface , archevêque & martyr, ( Raban
Maur, t. 6. ^.-334.) palfe pour l'avoir porté
d’Angleterre en Allemagne. Raban , abbé de
Fulde & archevêque de Mayence, donne deux
exemples de cette écriture occulte , dont nous
avons découvert le myftère. Dans le.premier on
fupprime les cinq voyelles A , E , I , O , U ,
& ,on leur fubftitue un certain nombre de points
àinfi difpofés, .N C .P .T V iR S '- 'S B,::N.-
F :C . . :RCH. G L : :R . S.Q M :R T .R .S .
L’I eft repréfenté par un point, l’A^ par deuxi
l’E par trois, l’O par quatre, & l ’ V par cinq.
Ces points ont été mal rendus par les copiftes
ou les éditeurs de Raban, qui n’ont point entendu
ce chiffre , dont voici l’explication : INCIP1T
VERSUS BONIFACII ARC HL GLORIOSIQUE
MARTYRIS. Dans le fécond exemple on fubftitue
la'lettre fuivante à chaque voyelle , que le
premier chiffre remplace par des points. Les con-
fones B , F , K , P, X , tiennent la place des
voyelles, & ne lailfent pas de conferver leur
propre valeur. Voici le chiffre dont Raban fait
honneur aux anciens fans l’expliquer : KBRXS.
XPP. FPRTKS. TKPP. KNSTBR. SBFFKPP.
BRCJHKTFNENS.SCFPTRP. RFGNK.XT. DF-
CXS. BXPF. FELICITER. A. c’eft-à-dire : Carus
XPO ( Ckrijlo') 3 fortis tiro , inftar faffiro arc i te-
nens feeptro regni, ut decus auro. Féliciter. Amen.
La première lettre eft un vrai K ; le fécond mot
èft X PO, ancienne abréviation de Chrifto. L’éditeur
de Raban a oublié le T dans le cinquième
mot. Le fixième peut être lu fafeiro ou faffiro;
car il n’y a point de ph. Au dernier E du mot
fuivant on auroit dû mettre une F : nous ne
favons fi c’eft exprès ou par mëgarde qu’on a
mis un véritable E. Â l’antépénultième mot les
copiftes auront probablement mis une F pour un
P. Le chiffre ne s’étend point aux mots fuivans.
Après ces éclairciflemens, il n’eft pas difficile d’y
trouver cette efpèce de vers :
CARUS CHRISTO, FORTIS TIRO
INSTAR SAPHIRO ARC1TENENS
SEPTRO REGNI UT DECUS AURO. *
FELICITER. AMEN.