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mode dans les parures des femmes , il faut croire
qu’une boucle dont la forme n’a rien d’attrayant ,
& dont le poids devoit être fort incommode ,
uifqu’elle porte près d'un pouce & demi de
auteur, flattoit néanmoins la vanité de celle qui
en faifoit ufage. Les Napolitaines des environs
de-Porticife fervent encore aujourd’hui defem-
blables boucles d’oreilles.
Le comte de Caylus a donné aulïi dans le
volume ftcondde fon recueil, au numéro quatre
delà planche47e, le d e f f in d’une boucle d’oreilles.
Cette petite antiquité, chargée d’une vermeille
taillée en cabochon, très-bien fertie, paroît, dit-
il , avoir fervi de pendant d’oreilles. Le petit travail
dont elle e f t ornée, e f t de bon g o û t ; on l’a
repréfentée des deux côtés.
On voit dans les Monumenti antichi de M.
Guattani, année 1784, deux boucles d’oreilles
trouvées avec un collier & une aiguille de tête
dans un tombeau , hors de la porte S. Laurent à
Rome. Elles font ornées chacune d’un grenat
& d’un faphir.
Pour ce qui eft des boucles d’oreilles garnies de
perles, il ne nous en refte aucune, parce que les
acides attaquent cette fubftance, en partie animale
& en partie calcaire, avec la plus grande
énergie. Mais les écrivains latins nous ont con-
fervé le fouvenir des excès de prpdigalité que
ces vains ornemens 'ùnt fait commettre. Suétone
raconte ( c. 5®. n°. 3. ) que Céfar aima Servilie
mère de Brutus, & qu’il lui fit préfent d’une
perle achetée 6,000,000 fefterces 5 1,350,000 liv.
( évaluant à cette époque le fefterce avec M.
Pau&on, à'4 fols 6 deniers.) : Ante alios dilexit
M. Bruti matrem Seryiliam , cui & prpximo -fuo
confulatu féxagies feftertio margaritam mercatus
eft. De-là vinrent les plaintes de Pline & de Sénèque.
Ce dernier parle de boucles d’oreilles ornées
de plu fleurs perles d’un fi grand prix , quelles
abforboient chacune la valeur d’un riche patrimoine
:( De vit. beat. c. 17.) Quare uxor tualocu-
pletis domûs cenfurn auribus gerit ? & (de Benef
vit. 9. ) : Video uniones, non ftngulos ftngulis
auribus comparatos ,* jam enim exercitats, aures
funt oneri ferendo : junguntur inter fe, & infuper
alii binis fuperponuntur. Non fatis muliebris in-
fania viros fubjecerat, nift bina ac terna patri-
monia auribus perpendijfent. Pline eft encore plus
énergique dans fes plaintes que Sénèque, & il
nous apprend que les dames romaines appeloient
crotales, ces boucles d’oreilles garnies de perles
en pandeloques, & qu’elles leur donnoient ce
nom à caufe du bruit qu’elles faifoient par leur
choc. ( ix. 35.) : Hos, u n i o n e s »digitis fufpen-
dere , & binos ac ternos auribus 3foeminarum gloria
e(l. Subeunt luxuris. ejus nomina , & t&dia exquifita
perdito nepotatu : fiquidem ciim id fecere , crotalia
appeliant 3 ceu fono quoque gaudeant 3 & collifu
ipfo margaritarum.
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Les femmes du peuple portoient des boucles
d’oreilles de bronze, telles que nous en offre
.le cabinet de Sainte-Géneviève, & telles que
Pignorius ( de fervis p. 410. ) en décrit une garnie
de verres colorés ou de pierres faulfes.
Boucles de cheveux. Voye% Cheveux. Nous
ferons obferver feulement ici que les femmes barbares
font repréfentées ordinairement fur les mo-
numens antiques fans boucles, & avec des cheveux
unis & liftes. 11 faut y remarquer encore
que les jeunes hommes portent, comme les jeunes
filles, des cheveux courts & frifés, mais fans
boucles autour des oreilles, ainfi qu’on le voit
aux dernières.
BOUCLIER. Cette arme défenfive eft , avec le
cafque, la plus ancienne dont il foit fait mention
dans les écrivains. Elle paroît fur les marbres &
le bronze dans les fujets des temps héroïques ;
les héros mêmes n’y portent ordinairement d’autres
armes que le cafque , le bouclier & l’épée. Les
premiers boucliers, dont fe fervirent les Grecs
qui furent portés par Proetus & Acrifius , (Pau-
fan. Corinth. ) furent treffés avec de l’ofier 5 de-là
vint le nom foU que leur donne Hefychius. Virgile
parle de ces claies façonnées en boucliers :
( Æneid. lib. vu, v. 6 Z l.
FleHuntque Jalignas
Umbonum crates.
On y fubftitua des ais de bois léger, tels
que le figuier, le faule , le hêtre, le peuplier, &rc.
comme nous l’apprend Pline, ( vi. c. 40. ) Mais
la matière la plus ordinaire des boucliers., fut le
cuir de boeuf > ce qui les fit appeler boucliers de
cuir de boeufs, «e-srrhs- /3««*<. On affembloit à
cet effet plufieurs cuirs avec de lames de bronze.
Le bouclier d’Ajax ( lliad. H. 111. ) étoit fait de
fept cuirs de boeuf, couverts d’une, lame de
bronze. Celui du fils de Thétis, ( lliad. T 270. )
formé de plufieurs cuirsétoit fortifié de deux
lames d’airain, de deux lames d’étain , & d’une
cinquième d’or.
Le milieu du bouclier, (*i<rop<pu\ui,
umbo , étoit garni d’une plaque de métal, ( Polyb.
vi. 21.) capable de réfifter aux armes des ennemis.
Cette plaque, appelée par les
Grecs, & proprement umbo par les Latins, étoit
relevée en boffe, & fervoit à repouffer les com-
battans ennemis. ( Martial ) :
In turbam incideris ,* eunftos umbone repellet.
Souvent on garnifloit Y umbo dé fils de métal
tournés en cercle ou en fpirale ; c’eft pourquoi on
en trouve dans les anciens camps romains. Il eft
difficile d’affigner à ces cercles un autre ufage.
Fixés au bouclier, ils rompoient les coups des
épées & en émouffoient le tranchant.
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Le luxe s’empara bientôt de Y umbo» & lui donna
diverfes figures: nous en parlerons plus bas. en
fa i t e l'énumération des Cymbales qu elles fepre-
fencoient. La première matière AeVumbo fut le
fer ! enfuite on le fit d'argent & d'or. Virgile,
(Æneid. x . 271 ■ ). :
De-là vinrent les dénominations des troupes
qui portoient des boucliers couverts de ces menus,
Argyrufpid.es & Chryfoufpiies. I
Les boucliers avoient ordinairement deux el-
pèces d’anfes dans leur concavité: l'une, plus
grande au, milieu, fervoit a palTer le bras, &
l'autre, plus petite vers le bord An bouclier, fervoit
à paffer la main pour le retenir. Les Grecs
les appelèrent ov ou j mots qui rie
fe trouvent point dans Homère- On peut conclure
que ces anfes, ou au moins la plus grande,
étoient alors inconnues.
Les guerriers fufpendoient, avant l’invention
de ces anfes, leurs boucliers au cou , avec une
longue courroie ou une lame de bronze, appelées
n»fifoi ou Ttxctpav -y par ce moyen ils pouvoient
rejeter leurs boucliers fur le dos lorfqu ils mar-
choient, ou même les porter fous le bras , fans
délier cette courroie qui étoit fort longue, 8£
qui paroît fouvent fur les monumens étrufques.
On voit diftin&ement ces deux anfes^ fur un
tombeau du capitole, dont le bas-relief repre-
fente un fantaffin combattant une amazone a
cheval.
Lorfqu’on fufpendoit après la guerre les boucliers
aux voûtes des temples, on en detachoit
les anfes, de peur que dans une fedition, le
peuple ne s’en faisît pour s’armer & fe defendre.
V o y e^ Ans A.
On voit dans Efchyle que les guerriers atta-
choient quelquefois des fonnettes à l’anfe de
leur bouclier, afin d’effrayer les ennemis par ce
bruit imprévu. , , . , a
Les boucliers des Argiens étoient ronds : c eft
à quoi on reconnoit Diomède leur roi , fur les
pierres gravées- Virgile ( Æneid. ni. 636. ) compare
l’oeil rond de Polyphême au bouclier des
Argiens :
Telo lumen terebramus acuto
Ingens, quod torvâ folitmfub fronte latebat,
Argolici clÿpei................
Les Amazones ne portent pas toujours fur les
marbres leur pelte ou bouclier courbe en faulx.
Elles font armées d’un bouclier rond, fur un bas-
relief de hrVilla-Albani, qui repréfente un combat
de ces héroïnes.
Les Grecs portoient également le bouclier fur
l’un ou l’autre bras. Heétor étant fur le point de
combattre contre Ajax, fe vante de cette adreffe.
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Cn voyoit dans une peinture antique, dont le
cardinal Albani confervoit le deffin, un gladiateur
de I’efpèce des mirmillons, qui portoit fon bouclier
fur le bras droit. Un autre gladiateur qui
combat un ours fur une pierre gravée du baron
de Stofch , porte le bouclier de la même maniéré«
Oppofée à l’ufage ordinaire, cette manière de
s’en fervir pouvoit marquer ici l’adrefle avec
laquelle le gladiateur faifoit pafler fes armes d’une
main dans l’autre.
Les anciens avoient coutume d’orner leurs boucliers
de fymboles ou figures allégoriques , qui
indiqüoient les qualités qui leur étoient propres1,
ou qui atteftoient l’ancienneté de leur origine &
la valeur de leurs ancêtres. Hérodote dit (lib. 1. )
que cet ufage fut introduit par les Cariens.
Le bouclier étoit l’arme la plus diftinguée, &
les poètes anciens fe plurent à détailler, les de-
vifes qui ornoient le bouclier de leurs héros. On
connoît la defeription du bouclier d’Achille par
Homère, du bouclier d’Hercule par Héfiode , &
de celui d’Enée par Virgile : il eft vrai que ces
deferiptions font en grande partie l’ouvrage de
l'imagination des poètes. Le bouclier d’Achille .
offroit ailleurs un cheval marin, pour indiquer
l’origine du fils de Thétis, C’étoit une Gorgone
lançant des regards effroyables , qu’on,
voyoit fur le bouclier d’Agamemnon : celui d’E-
téocle, l’un des fept héros de l’expédition contre
Thèbes, préfentoit un homme efcaladant les murs
d’une ville j la devife du bouclier de Parthenopée,
l’un de ces fept héros, étoit un fphinx tenant un
homme entre fes pattes : un amour armé de la
foudre, ornoit le bouclier d’Alcibiade (Plut, in
Alcibiad. p. 119. ) : Ménélas avoit un dragon
( Paufan. P hoc. j fur le flen, ; Ileètor portoit un
lion , Idoménée un coq, Épaminonaas un dragon,
Amycus une écrevifle de mer, fymbole de
la prudence.
La devife du bouclier d’Ulyffe étoit un dauphin,
fymbole qui lui étoit fi particulier, que
Lycophron, fans nommer ce héros, croit le
défigner d’une manière allez cara&ériftique par
l’épithète de A C e t t e dénomination,
donnée à Ulyfle par Licophron , eft juftifiée
par le témoignage de Plutarque , qui rapporte la
raifon de ce choix. Une tradition reçue parmi les
habïtans de Tille de Zacynrhe, portoit que Télémaque
étant tombé dans, la mer & ayant été
fauvé par des dauphins, fon père avoit voulu
par reconnoiflance, qu’un de ces poiflbns fût
gravé fur fon cachet & repréfenté fur fon bouclier.
Seul entre les fept héros ennemis de Thèbes,
Amphyaraiis ne portoit point de fymbole fur
fon bouclier, parce que, difent Efchyle & Euripide
, il fe contentoit d’être courageux & brave,
fans en faire parade.
Les fujets de Romulus fe fervoient du bouclier
rond des Argiens, l’âimic proprement dit, Q q q |