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hoc folum vcciigal fuerat. (Flin. lib. t x v i l ï , cap.
*IL )"Quos agros non colebanp propter fylvas, aut
id genus 3 ubi pecus pofiit pafci 3 & pofidebant ; ab
ufu fuo faltus nominârunt. ( Varro , de Ling. Lat.
Jib. i v . ) Les portions des citoyens n’étoient point
fujettes à dés redevances pour des feigneurs particuliers
, car on n’en coimoilîoit point 3 chacun
^toit feigneur fur Ton domaine. Les pontifes ne
recevoient point les dîmes des récoltes. Le peuple
offroit feulement aux dieux les prémices des fruits
de fon champ ; mais cette rétribution étoit diétée
par la religion & le zèle de chaque particulier. On
ne manquoit jamais à s'acquitter de ce devoir diélé
par 1 amour feul & libre de la religion : A i ne de-
guftabant quidem novas fruges 3 aut vina , antequam
Sacerdotes primitias libaffent. ( Plin. lib. x v m ,
cap. II. ) .
Romulus fixa la portion de chaque citoyen à deux
jugères , c’eft-à-dire, à un peu plus d'un de nos
arpens, de il ne fut permis à perfonne d’en pofle-
der davantage : Bina tune jugera populo romano fatis
riant , nullique majorem modum attribuit.( Romu-
lus) , quo fervos paulo ante principis Neronis c&n-
tempto 3 hujusfpatii viridariis pifeinas juv.at kabere
majores , gratumque f i non aliquem & culïnas
( ibid. ) •
«Cette petite quantité de terrein, dont les
efclaves, peu de tems avant le règne de Néron ,
fe feroientà peine contentés pour faire des viviers
& des réfervoirs dans leurs vergers , fuffifoit alors
pour un Romain , parce que fon héritage étoit
franc & exempt de toute impofition de quelque
nature qu’elle fût. De plus , il faut obferver que
les deux jugères étoient employés uniquement à
la culture du bled & .à la nourriture de quelques
beftiaux. Si la terre rendoit huit pour un , il fuffifoit
d’en mettre feulement les deux cinquièmes
en bled, le refte demeuroit en pâture , ou en
produdlions potagères ; mais alors on ne cultivoit
point de vignes , ou on en cultivoit peu. Ce ne
fut que long-tems après qu’on commença à planter
la vigne en Italie : Apud Romanos multb fierior
vitium cullùra ejfe c&pît. (Plin. lib. XVIII, c. i v ) .
Cette rareté du vin fut caufeque Romulus ordonna
qu’on feroit aux dieux des libations de lait, &
non de vin ; ce fut auffi pour cela que Numa
défendit de répandre duvvin fur le bûcher des
morts. Cette liqueur étoit interdite aux femmes.
Papyrius, fur le point de livrer un combat aux
Samnites , fit voeu d’offria à Jupiter un peu de
v in , s’il remportoit la vi&oire, (P lin . lib. x i i ,
cap. n & 13 ).
« La centurie fut ainfi appelée, non de ce qu’elle
fut d’abord compofée de cent jugères, comme
l'enfeigne Varron ( % Ling. Lat. lib. iv . ) ; Centurie
primo a centum jugeribus dicta. Pofi duolicata
rctinuit nomen,• mais [de ce quelle eontenoit cent
hérédies ou hérédités 5 & elle étoit le partage de
cent citoyens, comme l’explique Sextus Pompeius
F e i f u s Centuriapus ager in CC. jugera deficriptus ,
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quia Romulus- centenis civibus ducena jugera tri-
buit.
« L’hérédie, mefure de terre un peu plus grande
que larpent de France , étoit la portion attribuée
par tete a chaque Romain , & on lui donna ce
nom , parce qu’elle' pafloit, à titre d’héritage
aux enfans 3 c’eft ce qu’on lit dans Varron ( de | |
ruft.lib. 1 3 cap. 4 . ) : Antiquus no fier ante bellum
punicum pendebat bina jugera , quod a Romulo pri-
mum divifia dicebatur vïritim : .qu& quod h&redem
fiequerentur h&redium appellarunt. Puifque , félon
ces auteurs, ce fut Romulus, fondateur de Rome,
qui régla que la centurie de deux cens jugères
feroit le partage de cent citoyens, & que, félon
ces memes écrivains-, la centurie fut doublée, en
confervant toujours le même nom, il faut qu’alors
elle ait valu quatre cens jugères, environ deux
cens feize de nos arpensj & par conféquent l’hé-
redie, ou partage de chaque citoyen , dut être de
quatre jugères , valant deux arpens & un fixième
environ.
« N eft-ce pas a caufede cette divifion que (Plin.
J tb . x v iu . ç a p . 3. ) à vers l’an de Rome 296, ç’èft-
a-dire, cinquante ans après l’expulfion des rois,
Quintius Cincinnatus avoit pour héritage quatre
jugères qu’il étoit occupé à labourer ,- lorfqu’un
député du fenat vint lui déférer la dictature :
Aranti quatuor fiua jugera in Vaticano , qusprata
Quintia appellantur, Cincinnato viator a ttulit dicta-
turatn, & quidem ( u t tradit Norbanus) nudo pleno-
f le pulveris etiamnum ore ! oui viator , vêla corpus
mquit j ut proferam Jenatus populiste romani man-
data. •
"L ’hérédité fut encore augmentée, l’an 362 de
Rome. Le fénat accorda, félonTite-Live (/. v3 n. 30,)
fept jugères de terre aux citoyens qui voudroient
aller s'établir à Veïes , à trois lieues de Rome 3 &
ces fept jugères furent attribués non-feulemént à
chaque chef de famille, mais encore à chaque pèr-
fonne libre qui fe trouveroit dans la même maifon.
Il fut réglé que^chaque père éleveroit fes enfans
- dans 1 efpèrance d être partagés de même 5 enforte
qu’une famille compofee du mari, de la femme &
de deux enfans „ devoit avoir vingt - huit jugères
pour fon partage : Adebque ea Victoria Uta patribus
fu it 3 ut poftero die , referentibus confulibus fenatus-
confultum fier et utagri Veientani feptena jugera,divi-
derentur. Nec patribus familie tantum 3 fed ut omnium
liberorum in dotno capitum ratio haberetur 3
vellentque in eam fpem liberos tollere.
” ( x v m , cap. 3. ) Marcus Curius,
après fes triomphes, & les nombreufes provinces
qu’il avoit. conquifes & ajoutées à l’empire romain,
difoit qu il regardoit comme dafigereux pour la
republique-, un citoyen qui n’étoit pas content de
fept jugeres de terre. Cette quantité étoit, ajoute
Pline, le partage affigné au peuple aprèsl’expulfion
des rois : Marri quidem Curii , pofi triurhphos , im-
menfumque terrarum adjettum imperio nota concio
efi perniciofum intelligi civem , cui feptem jugera
j non efient fatis. Hsc autem menfura plebi pofi exac- f
pos reges afignata efi. Curius fut conful 1 an 4Û2 de
[ Rome. • , . v i . /
m ■ „ On ne tînt pas rigoureufement la main a 1 exe-
icution de ces réglemens, & ils ne furent pas feru-
[ puleufement obfervés , puifque fous le régné de ^
[Servius Tullius, il y avoit des particuliers qui
Ipolfédoient jufqu’à de_ux ou trois mille livres de
I rente , ce qui, en n’elfimant le revenu annuel d un
I jugèrequ’à cinq livres, fuppoferoit toujours quatre
[ ou fix cens jugères de terre. La diftinélion des
[ tribus, faite par ce ro i, dut porter un coup mor-
! tel aux anciennes conftitutions : auffi voyons-nous
que les fortunes s’accrûrent ■ confidérablement,
| fur-tout dans la claffe des patriciens, ce qui occa-
Ifionna dans la fuite des querelles & des fédi-
tions entre les deux corps de l’état. Licinus Stolon,
(tribun du peuple , eifaya de mettre des bornes à
l’avidité des. patriciens 5 il porta , l’an de Rome
| 379, une loi par laquelle il étoit défehdti de pof-
[ féder au-delà de cinq cents jugères ( 2^0 arpens ) 5
mais il n’étoit pas lui-même plus défintérefTe que les
f autres 5,car, à la pourfuite de M. Popilius Lenas, il
[ fut condamné à une amende de dix mille as ( 6000
[ liv. ) , parce que, contre l’efprit de fa loi, il poffié-
| doit mille jugères de terre dont il avoit mis la
f moitié fous le nom de fon fils , qu’il avoit fait
i émanciper pour frauder la loi : Quippe etiam lege
[ Stolonis Licinii inclufo modo D.jugerum 3 & ipfo
fuâ lege damnato y cum fubftitutâ filii per fond, am-
| pliics pofiideret , luxuriantis jam reipublica fuit ifia
I menfura (P lin . lib. x v m , c. 3 ) . •: j
Il paroît, par un endroit de Varron, qu’un autre
Licinius Stolon avoit fait porter la première loi qui
attribuoit fept jugères par tête 5 mais on a de la
[ peine à accorder les dates : Sed opinor 3 qui h&c
commodïîis oftendere pofiint, adfunt. Nam C. Lici-a
nium Solonem 6? Cn. Tre'mellium Scrofam , video
p venire , unum cujus majores de modo agri legem
? tulerunt. Nam Stolonis ilia lex quA vetat plus D.
i; jugera habere civem romanutn , & qui propter dili-
gentiam culturA Stolûnum confirmavit cognomen ,
qubd ' nul lus in ejus fundo reperiri poterat Stolo 3
. quod ejfodiebat circum arbores 3 e radicibus quA naf-
I cerentur e folo , quos Stoloues appellabqnt. Ejufdem
[ gentis C. Licinius , tribunus plebis cum effet 3 pofi
f reges exaltos ( l’an de Rome 6 1 0 ) , annis c c c l x v .
| primus populum ad leges accipiendas in feptem jugera
ï forehfia 3 e comitio eduxit. (Varro. de Re rufi. lib.
1 I y cap. 2 ).
I « Dans toutes ces diftributions, ceux qui lurent
| plus anciennement partagés, le furent plus mal 3
l ils n’avoienf que deux jugères. Ceux qui furent
[ partagés enfuite, le furent moins mal, ayant
quatre jugères 5 & ceux qui furent partagés les
^ derniers, le furent beaucoup mieux que les autres,
ayant fept jugères par tête. Si toutes les terres
I des Romains étoient occupées par des habitans,
comme il y a apparence, la population dut être
j bien grande , quoique les terres de la république
fufient de peu d’étendue dans les commer.ce-
mens. Pour èn. juger, prenons pour exemple la
France. On y compte préfentement vingt - deux
millions d’habitans , & ce royaume contient deux
cens millions de jugères : fi donc nous concevons
un partage de toute cette étendue , à raifon de
deux jugères par tête , nous trouverons qu’elle
pourroit contenir cent millions d’habitans, partagés
comme l’étoient les Romains fous Romulus.
Si nous donnons quatre jugères par tête , elle ne
contiendra plus,que cinquante millions de chefs
de famille , & autant d'efclaves ou ferviteurs. Si
nous donnons fept jugères par tê te , elle n’aura
plus que 28,571,428 chefs de famiile, & 71,428,
572 ferviteurs. Enfin, fi le partage de chaque
père de famille eft de cinq cens jugères , le
royaume n’en contiendra plus que quatre cents
mille, & 99,600,000 ferviteurs. Cependant ces
chofes n’ auroient pas lieu , parce que le nombre
des ferviteurs décroîtra dans une certaine proportion
avec le décroiffement du nombre des propriétaires.
D’ôà l’on doit conclure que la population
dut croître chez les Romains , dans la raifon que
les terres de l’état furent divifées entre un plus
grand nombre de familles , & qu’elle dut décroître
au contraire dans la proportion que le
nombre de ces familles libres fut diminué par les
trop vaftes pofTeffions de chacun.
« Telle rut la répartition des terres , preferite
par les loix entre les citoyens romains. Les terres
étoient partagées en. très - petites portions toutes
égales 5 chacun avoit la fienne , & en d ro it, par
fon travail, une honnête fubfîftance 3 enforte que",
fans le fecours des provinces étrangères , lTtalie
trouvoit dans fon fein toutes les chofes néceffaires
à la nourriture de fes habitans. Les vivres y étoient
à fi bas prix, que fous l’édiiité de Manius M ardus
, le modius de bled fe donnoit pour un as
( 9 liv. 6 f. le fetierde Paris). Le tribun Minutius
Augurinus le fit vendre au même prix, un as le
modius. Sous l’édilité deTrebius, le bled 11e valoir
également qu’un as : Ergo iis moribus non modo
fufiieiebant fruges nullâ provinciarum pafeente Ita-
! liam y verùm etiam annonA vilitas incredibilis erat.
Manius Martius y &dilis plebis , primus frumentum
populo in modios afiibus donavit. Minutius Augw-
rinus qui Sp.-ELelium coargueratfarris pretium in
trinis nundinis ad afiem redegit undecimus plebei
tribunus quâ de caufâ fiatua ei extra portam trigeL
minam d populo flipe collata ftatuta efi. Trebius.in
Adïlitate afiibus populo frumentum pr&fiitit , quam
ob caufam 6* e i fiatua in capitolio & palatio dicatA
funt. Ipfe fupremo die populi humeris portatus- efi
in togum. Verîim quo anna mater deûm advectk
Romam eft 3 majorem eâ sfiate factam meffem effte
quam antecedentibus annis x , tradunt. (Pim.- lib’..
x vm y cap.
■ «Quelle étoit donc l’a caufe d’une fT grandie
abondance ? C’efï qu’alors les champs étant cultivés
par les mains des généraux des, armées