
du grand cirque romain. On »auffi découvert la
même manière de chiffrer X X C V dans un très-
beau manufcrit de la bibliothèque du R o i, cotté
6797. Ces deux manufcms,' l’ un du ix & l'autre
du xiic fiècle > ne préfentent donc point pour
l'obélifque les CX X V pieds, qu'on- lit dans les
éditions de Pline. Telle eft en général la manière
dont les anciens fe fervoient de leurs lettres numérales.
Dans la fuite toutes les lettres de l'alphabet
latin ont été prifes pour des chiffres. 11
entre dans notre deffein d'examiner quel ufage
on en a fait depuis eux dans les principales contrées
de l'Europe. ”
ce Dans les anciens manufcrits on écrit quatre
par 1111, 8c non par IV. On lit dans Virgile^de
Florence, à la tête du quatrième livre de l'Enéide
: Incipit lib. IIII. féliciter ; & à la tête du
neuvième Inc. lib. y 1111 féliciter. Le-manufcrit du
Roi 4884, du VIIIe fiècle, offre le nombre quatre
écrit de la même manière ; & le nombre neuf
eft rendu par V 11I I , à moins qu’il n'ufe du fix
q avec trois I I I , ce qui n’eft pas rare. Ce manufcrit
, ainfi que les autres plus anciens, fe fert
de l’X avant l'L pour marquer quarante. Dans
le beau S. Hilaire de la même bibliothèque ,
on commence au 28e cahier à marquer les figna-
tures de cette forte XX^LII. Ainfi l’épifème des
Grecs étoit en ufage dès le V e fiècle dans les
manufcrits latins. Celui de Saint-Germain-des-
Près, n°. 1311 , écrit au VIIe fiècle, préfente
une manière fingulière de compter les mois &
les jours de l'année. On lit_à_la page deuxième :
D 7c. d X X X I .K d e c . I I I I. non. V l l l . id X V lU I .
K janua.rias. feb. in Ka X X X I I . in id. X L II I I .
Ce qui fignifie que le mois de décembre a 31
jours j que des calendes- de décembre aux no.nes
il y en a quatre , des noues aux ides 8 , des ides
aux" calend«s de janvier 195 l'année^ au jour
des calendes de février 32 jours, 36 aux nones,
& aux ides 44. Tous les mois 8c les jours de
l'année font ainfi calculés. »
« Les manufcrits emploient quelquefois 1’/ long
parmi les chiffres. Lorfqu'il eft furmonté d’une
ligne J , il fignifie mille. Dans le manufcrit du roi
107 , le nombre des verfets du livre de Judith
eft défigné par JCGC , c eft-à-dire , mille trois
cent i & celui du livre de Tobie par J. Les
chiffres , & fur-tout les I , font de differente hauteur
par caprice. Le mahuferit royal 3836, &
plufieurs autres en fournilfent des exemples. Au-
fieu du V , on marquoit quelquefois cinq I. Ainfi
écrit-on le nombre cinquante-cinq LIII1I , dans
le manufcrit de l’abbaye de Saint-Germain 758 ,
du VIIIe fiècle. On y voit plufieurs fois une partie
de ces I écrits en deffous. Le demi, ferais, eft
exprimé par une S placée à la fin des autres
chiffres XCÏIS, c’eft-à-dire, quatre-vingt-douze
U demi. Cette S prend la figure de notre $ dans
c h 1
l'ancien Polyptique de l ’abbaye de S. ftemi de
Reims. Elle fe montre jufqu'à quatre fois dans
le modèle de ce manufcrit, publié par D. Ma-
billon. Raban, dans fon livre du eomput, fait
lignifier à ce chiffre , femis ou fix onces-. Il eft
difficile de faire quadrer cette fignifie ationavec cet
endroit du polyptique de S. Rend , ova 11CVIIS,
deux millecent fept oeufs ïk demi -, à moins qu'on
ne l'entende du prix auquel la redevance de ces
oeufs étoit évaluée. »
«« L'ancien manufcrit des loix des Wifigoths,
raclé pour écrire les hommes ill offres de S. Jerome
, laiffe ap.percevoir une fingularité, en
marquant auffi deux cent quatre-vingt dix c c l x ï ,
au-lieu que nous écrivons CCXC. Dans le manufcrit
936 de la bibliothèque de Saint-Germatn-
des-Prés, les canons, du concile de Carthage,
depuis le 8 9 , font auffi chiffrés de la forte ,
î x i 90 , I x l i. 9 1 , Ix lii. 92, Ix lin . 93 , I x l im .
94, I x lv . 95 , Ixiq. . 96'. Les chiffres des canon«
; font accompagnés d’ornemens noirs , rouges &
verts, 8c cela quelquefois à l’alternative. Us
font fouvent entrelaffés les uns dans les autres ,
& fur-tout les X 5 c'ett ce que nous avons obfervé
particulièrement dans le manufcrit 1278 de la
même abbaye. *> |
- « L'abbé Dubos neconnoifloit aucun manufcrit
de l’hiftoire de Grégoire de Tou r s, copié du
tems des rois de la première race, où le nombre
des années fût écrit tout an long. Il y eft toujours
repréfenté en chiffres' romains. Sous la fécondé
race, on avoit coutume , tant en 1;rance
qu'en Allemagne, de dater en ces mêmes chiffres.
Le même ufage perfévéra conftàmment fous la
troifîème , au moins jufqu’au x Ve fiècle. Alors
on commença en France à mêler les ckiffres romain
avec les chiffres arabes. »
ee Les anciens chronographes ou emblèmes
n'admettent point le D au nombre des lettres
numérales. Outre les preuves que nous^n donnons
à l’article D , on en trouvera d'autres dans
le tome fécond des variétés hiftoriques , phyfiques
& littéraires. »»
« Les anciens Efpagnols fe fervoient des mêmes
chiffres romains que nous ; mais ils firent est
même-tems ufage de plufieurs nombres fingu-
liers. Remarquons feulement ici en général que
l’X de forme ordinaire, qui fignifie dix , défigne
le nombre de quarante., lorfqu'on ajoute au
haut du jambage droit un demi-cercle. Plufieurs
favans , pour n’avoir pas fait attention à ce trait
ajouté à l'X , ont lu fimplement d ix , où ils
dévoient lire quarante. Cette méprife a produit
des anachronifmes , qui ont donné lieu d'accu-
fer divers-diplômes de fuppofition. Dans les
monumens efpagnols le T vaut mille. Morales
en donne des preuves folides. En ajoutant deux
points fur-cette lettre* elle ne fignifie plus que
90©«
C H I
*00. Néanmoins D. Mabillon n'y irait que l’ i des
Romains , qui défigne mille. On trouve 1 X
fous cette forme + dans un aéte de la Polygra-
phie cfpagnole , daté fub era DCCCC L+VIIII,
c ’eft à-dire , de l’ère neuf cent foixante-neiif.
C e ft à tort que dom Jofeph Peres foucient qu eu
Efpagne on n’ écrivoit jamais cinq par II1II. La
Polygraphie efpagnole fournit des preuves de
cette11 manière de chiffrer. Mais ce favant bénédictin,
profeffeur des langues dans l'académie
de Salamanque , a raifond'aflurer que les cinq I
ayant quelquefois leurs pieds tournés les uns vers
les autres & entrelaffés, peuvent fignifier VIII.
Morales dit que les caraûères connus dans les
titres de fa nation font l’L 8c 1 X L , d une figure
un peu gothique. Du relie , le chiffre romain s'y
eft maintenu jüfques dans le XVe fiecle. ”
et Les Allemands ont long-tems uÇé de chiffres
romains,,à-peu-près comme on faifoit en France.
Dans ces chiffres les V en . pointe font beaucoup
plus fréquens que-les U arrondis, ou plutôt les
u obtus par le bas. Raban réduit à fept les lettres
numérales, qui ch e t les Latins, dit-il, ne
fe multiplient pas par elles-mêmes plus de quatre
fois. D. Mabillon fournit des exemples du contraire.
Walther a .recueilli , dans fon Lexicon
diplomatique d'abréviations, les figures des ckiffres
ufités en Allemagne depuis le VIIIe fiècle
juqu’au XVe. »
« Les dates; en chiffres romains furent autrefois
d'un ulage prefque univerfel, 8c elles n’ont
jamais été entièrement abolies. Les .lettres numérales
dans les manufcrits font les mêmes que dans
les chartes. Les quatre a:nfi figurés IIII font d un
ufage ordinaire. Les C & les M font prefque
autant multipliés. L 'X eft répété , quoique rarement
, jufqu'à fix fois pour foixante. Mais les
quatre X font affez communément employés
pour quarante 8c pour quatre vingt-dix, quand
fis font précédés .de L. On trace fouvent une
efpèce de huit arabe OO pofé horifontalement
au-lieu de.l’M. Dans quelques anciens titres les
ckiffres font marqués à rebours, comme VIX ,
qu'on a pris pour cinquante-neuf, au-lieu qu'il
fignifie XVI- Cette manière de chiffrer revient
à celle-ci : fexto decimo, au-lieu de decimo fexto.
La date de l'an de l'incarnation mille douze eft-
ainfi exprimée I. X I I ., dahs une ancienne notice
des archives de Jumièges. Dans une autre l’année
jo f4 eft rendue par ces ckiffres ILIV. «
■ « Le millième eft fouvent omis, fur-tout dans
les chartes & les autres monumens de France &
d'Efpagne. Dans un diplôme original 4 e Philippe
I , roi de France , on lit artno dominiez incarna-
tlonis LX .I ;° Le milléftme qu’on a écrit au-deflus
eft d'une main poftérieure. Le. cartulaire de Sou-
càlange offre une charte ainfi datée : Imperante
. domino nojîro Jefu- Ckrifto , anno ah Inçarnatione
ipftus CXI. & Ludovico Rege francorum régnante
Antiquités. Tonte l .
C H I 7S5
anno I IIÏ. c’ eft-à-dire, l’an MCXI, la quatrième
année du règne de Louis-le-Gros. »
ce Pour abréger les dates, on omettoit encore
plufieurs autres nombres d'années, & fur-tout
les centaines. D. Mabillon le prouve par une
charred’Efpagne ainfi datée: ara difearrente LA II.
c’eft-à-dire, dans l’ère DCCCLX1I , fous le rogne
du roi Alphonfe, ce qui revient a 1 an de Jefus-
Chrift-834. La première édition du livre de Guillaume
de Paris eft datée de l'an M L V , quot-
qu’elle ait paru en MDLV. Par une femb ablo
omiffion des centaines, la lettre d Erafme, placée
à la tête de l’ édition des oeuvres de S. Cyprien,
n'eft datée que de MX1X , au-lieu de MDX1X.
On ne manque point d’exemples pour montrer
qu’on datoit quelquefois feulemeftt de lannee
du fiècle courant. Les éditions du gloffaire latin
de M. du Cange , produifent un aéte date teule-
ment de l ’an de grâce de notre Seigneur foixante-
quatre, quoiqu’il foit cettamement de 1364. Dans
le regiftre A du parlement de Paris , fo l. 1 reSo.
le privilège accordé aux écoliers de 1 univerlite,
porte la date de l’an trois cent foixante & iix.
Ce privilège néanmoins fut accorde pat Charles
V en 1366. Dans un arrêt du parlement de Tou-
loufe , U eft fait mention d’un priviUge accorde
aux habîtans du Languedoc, 1 an C C C C LX X X lll
avant pâques-, ce qui fignifie lan 1^83. On lit
dans un manufcrit de l’imitation de Jelus-Cnrnt,
appartenant à l’abbaye de Melk,qu il acte achevé
die Kiliani 34, c’ eft-à-dire , le )our de S. Kilien,
l’an 1434 i & dans un autre anno 1 1 , ce qui
fignifie 1411. Rymer a publié les conventions
faites entre Jean, duc de Normandie, fils de Philippe
de Valois, & Ie s Normands, dans lefquelles
ceux-ci s’obligent à fuivre le duc en Angleterre
avec quarante mille hommes, pour faire_unc
fécondé fois la conquête de ce royaume. L ad e
eft daté du bois de Vincertnes, le 13 mars, 1 an
38 : il eft vifible que non-feulement le millième,
mais encore les centièmes ont été omis, 8r que
les conventions ne font datées que de 1 aivnec
courante, c’ eft-à-dire, de 1 an 1338.M
■ « Il eft important d'obferver que les anciens
exprimoient fouyent les nombres par des comptes
ronds, & qu’ils paflbient fous filence les
nombres imparfaits. Cette maniéré de compter
n’eft pas rare dans les livres facrés. On la trouve
auffi dans les monumens,.II.eft certain, 8 c per-
fonne ne l’ignore, que les peres du troifieme concile
d’Ephèfe étoient au nombre de 174. Néanmoins
la fécondé profeffion de foi , rapportée-
dans le Diurnum Romanum, l’appelle feulement
un concile de deux cents pères, ducentorum fane-
torum patrum. Selon cette manière de compter .
l’épitaphe gravée fur le tombeau de Charlemagne,
porte que ce prince mourut feptuagénaire,ç eft-
à-dire, âgé de foixante-dix ans. Eginard, fort fecré-
taire 8c fon confident, qui rapporte cette inferip