*> comme à Rome, en Italie & en Allemagne >
“ dès la nativité de" N. S. & non comme en
»* France, où Tannée commençoit feulement à
M Pâques. Ce n’eft que par fuccefllon d'années ,
» & depuis que le pays rut fournis à des Princes
*» françois, que le ftyle de France y fut introduit »».
Mais il n’y rut point univerfellement établi.
A Befançon, Vannée commençoit à l’Annonciation
dans les tribunaux civils j &: à l’officialité,
du moins pendant le quinzième fiècle., à lacircon-
. cifion. Eéi d’autres endroits de cette province ,
le 2 ƒ décembre continua d’être regardé comme
jour initial de Vannée. A Montbelliard, les uns
commençoient Vannée au premier Janvier , & les
autres au 25 mars.
Années de la Pajfion de J. C.
Ce n’eft pas feulement fur les années de l’incarnation
qu’il eft aifé de fe tromper j on peut également
prendre le change fur les années de la Pal-
fion. Nous trouvons plufieurs chartes où les années
de la paflion du Sauveur font ajoutées à celles
de l’incarnation. M. Du Cange en rapporte trois
exemples dans fon Gloifaire, ail mot Annus. Pour
accorder ces deux dates Tune avec l’autre, il ne
fuffit pas de favoir comment nos anciens comp-
toient les années de l’incarnation j il faut encore
favoir comment ils comptoient celles de la paf-
lîo n , ou à quelle année de l’âge de N. S. ils
ont rapporté fa mort. Les uns ont cru qu’il étoit
mort 332 ans} les autres à 3 3 , & d’autres enfin
à 34. C'eft ce que dit expreffément Gervais de
Cantorbéry, dans Tavant-propos de fa chronique.
où il fe plaint encore de cette diverfité de fenti-
mens, qu’il dit, avec raifon, être une nouvelle oc-
cafîon d’erreur. Pour ne point s’y méprendre , il
faut continuellement fe rappeler ces trois différentes
opinions touchant Vannée delà paflion, &
ne jamais oublier ce qui vient d’en être dit, d’après
le moine Gervais. On doit encore y ajouter
une remarque importante, favoir, que Vannée de
■ ^Ja paflion eft quelquefois confondue avec celle de
l’incarnation. Nous en avons une preuve bien fen-
fîble dans une charte de Thibault, comte de Champagne
, que D. Mabillon a fait imprimer fur l’original,
au fixième livre de fa diplomatique. Voici
la date de cette pièce : Data V. idus Janaarii ,
indùllione I V 3 anno a pajfione Domini m lxx xi ii 3
regni autem Pkilippi X X I l I , fcripta manu Ingel-
rani Carnotenfis ecclefis decani & cancellarii. On
ne peut fuppofer qu’Ingelran fe foit trompé dans
cette charte, en écrivant, fans y penfer, a pajfione3
au lieu de ab incarnatione ; car il n’eft pas le feul
de fon tems qui ait écrit de la forte. Nous avons
un auteur du même fiècle, qui, dans fon premier
livre des miracles de faint Aile , abbé de Rebais ,
prend auffi le mot de pajjîon pour celui & incarnation.
Voici les paroles de cet écrivain, (Acla SS.
Bened. fcét. II , p. 326 : ) Roberto apud Me-
rovingiam’i que alio no,mine dicitur Francia , tcnente
ju s regium, pofi mille a pajjione Domini volumins
annorum, ipfo millenarii impleti anno 3 &c. Ce texte
dit bien expreffément que Robert, roi de France
régnoit Tan mil depuis la paflion , poft mille à paf
fione Domini volumina annorum , ipfo millenarii
impleti anno : or , le roi Robert ne régnoit point
Tan mil de la paffion , proprement dite *puifqu’il
eft mort Tan 1031, & que Tan mil de la paflion,
proprement dite, de quelque manière qu’on 1^
compte, ne peut répondre à aucune année du roi
Robert, mais feulement au x. années 1032, 1035,
1034. Ainfi Tannée de la paflion, dans le paflage
dont il s’agit, fe prend pour celle de l’incarnation,
comme dans la charte du comte Thibault.
Différent noms des années de VIncarnation.
Un autre nom qu’on a donné à Vannée de Tin-
carnation , eft celui de Tan de grâce, annus. gratis..
Le premier exemple que nous ayons remarqué - de
cet ufage fi commun dans les derniers tems , eft
de l’an 1132. Il fe rencontre dans, une charte de
Hugues, feigneur de Château-Neuf, imprimée au
T. IV. du Spicilège, p. 261. Gervais de Cantorbéry
, qui yivoit au commencemeut du treizième
fiècle, a fuivi cet ufage dans fa chronique, qu’il
commence ainfi : Anno igitur gratis , fecundiim
Dionyfium m c , fecundiim evangelium ver b M cx x ti,
fufcepit Henricus primas monarchiam totius Anglis,
&c. Voilà l’an de grâce bien marqué pour celui de
l’incarnation. Mais ce qu’il y a de plus remarquable
dans ce début de la chronique ae Gervais, c’eft
la diftin&ion que cet auteur met entre les années
de l’incarnation, félon Denis-Ie-Petit, & les mêmes
années, félon l’évangile. Il fuppofe donc que De»
nis, en comptant les années de J. C. s’eft trompé,
& que félon la vérité de l'évangile, il faut ajouter
ving-deux ans complets à fon calcul, pour trouver
la véritable année de l’incarnation. Marianus Sco-
tus , qui mourut fur la fin du onzième fiècle, &
quelques autres chroniqueurs, mais en petit nombre
, du fuivant, ont fait la même fuppofition.
On la trouve auffi dans un refcrit du pape Urbain
I I , pour l’abbaye de Saint-Mihel, imprimé dans la
diplomatique de D. Mabillon , p. ƒ 90. Voici la
date de ce diplôme : Data Laterani V I I kalendas
april. anno ab incarnatione Domini fecundiim Dio*
nyfium 3 millefimo nonagefimo octavo; fecundiim vero
certiorem evangelii probationem millefimo centefimo
x x i3 indiéi. vi 3 epacla v i , concurrente iv . Le pape
Urbain & le moine Gervais s’accordent, comme
on le voit, fur ce qu’ils difent du calcul de Denis«!
le-Petit, qui n’eft point diftingué du nôtre > mais
il y a une année de différence entre leur manière
de compter les années , qu’ils appellent, félon la
vérité de Iévangile. Suivant la chronique de Ger-r
vais, pour trouver la véritable année de l’incarnation
, il ne faut ajouter que 22 ans à notre
ère chrétienne, ou au calcul de Denis-le-Petit ;
fuivant la date d’Urbain I ï , il faut en ajouter
23. Marianus Scotus dit comme Gervais, qu’ il
BQ
pe faut en ajouter que 22. Florent, Btavonius ,
moine de Vorceftre, adopte le même fenument
dans fa .chronique, compofée au commencement
du douzième fiècle. U range les faits hiftoriques
qu’il rappôrre, fous les.deux ères, celle de févan-
gile, qu’il exprime par ces deux lettres S. E .c eit-
à-dire , fecundiim evangelium ; & l’ere de Denis-
le-Petit, qu’il défigae par les lettres S. D. qui lignifient
fecundiim Dionyfium. Par exemple, il place
un voyage de Guillaume I I , duc de Normandie ,
en Angleterre, fous l’an io y i de Tère introduite
par Denis-le-Petit, & fous l’an 1073 del’èreevan-
gélique» par où l’on voit qu’il fait marcher la première
ces deux époques 22 ans avant la fécondé.
D’autres, tels qu’Hélinand, moine de Fontfroide,
écrivain de la fin du douzième fiècle, n’antici-
poient que de 21 ans Tère de Denis-le-Petit : Hoc
anno , dit-il fur l’an 979 , complentur mille anni a
nativitate Chrifti , fecundiim veritatem evangelii ,
qui fecundiim cyclum Dionyfii anno ab kinc vicefi-
mo primo finiuntur. Nous ne rapporterons point ici
les raifons fur lefquelles ces auteurs appuyoient
cette diftin&ion des années de J. C. félon Denis-
le-Petit , & des mêmes années félon l'évangile.
On peut les voir dans l’ouvrage du P. Pétau , de
docirina temporum, 1. x i l , ch. V. Parlons maintenant
d’une autre date plus ufitée, pour marquer
les années de l’incarnation.
C’eft Tannée de la trabéation , annus trabeatio-
nis Chrifii, qui fe trouve dans plufieurs chartes du
onzième fiècle. M. du Cange, dans fon Gloffaire,,
l'explique par annus quo Chriftus trabi ajfixus eft ,
Vannée que J, C. a été attaché à la croix. Mais ce
favant homme s’eft mépris en donnant cette explication.
On Ta reétifiee dans la nouvelle édition
de ce Gloffaire, au mot trabéation, où Ton a démontré
qu’annus trabeationis eft la meme chofe
qu’annus incarnationis. Dans la multitude des
chartes qu’on a citées à ce fujet ; fe trouve le décret
d’éleétion de Borel, évêque de Rhoda en Catalogne,
rapporté au 2* tome des Capitulaires de
Baluze, col. 6$o'. Il commence ainfi : Anno trabeationis
D. N. J. C. millefimo^xv 1 1 , sr a mi liefi-
ma quiaquagefima quinta, indiftione xv , çoneurrente
1 , epacla xx. Toutes ces dates conviennent à l'anr
née 1017 de l'incarnation , de même que celle-ci
qui eft à la fin du décret : anno x x i régnante Ro~
berto rege. Il n’ eft donc pas douteux qu[annus trabeationis
& annus incarnationis ne foient la meme
chofe. La fource de Terreur de M. du Cange eft
dans le mot trabs , dont il faifoit dériver trabea.-
tio, aulieu qu’il vient de trabea, forte de robe à
i’ufage des anciens rois, & dont les Payens or-
noient les ftatues de leurs dieux. S. Fulgence,
dans un fermon prononcé le jour de S. Etienne,
dont la fête , comme'perfonne ne l’ignore , fe célèbre
le lendemain de Noël , dit : Heri rex nofter
t abeâ carnis indptus , &c. 11 eft très^robable que
le mot trabeatio a ete tiré de .ce paflage de S. FuL
gence , par les notaires qui i’euteDdoiejit lire aux
n Antiquités Dôme I ,
leçons de matines le jour de S. Etienne. Du moins
eft-il certain que trabeatio- & trabea curais marquent
l’incarnation du Verbe ; & c’eft tout ce qu.il
eft néceffaire de favoir, pour n’y être pas trompe.
La dernière' remarque que nous ferons fur U
manière de dater par les années de 1 incarnation ,
fera fur Pomillion d’un nombre de ces années pour
en abréger la date , fur-tout quand elle eft repe-
I tée. Dans l’hiftoire des évêques d’Auxerre, nous
trouvons que l’évêque Afdoin fut transféré fur ce
fiége, in principio anni millefimi trecentefimi quin-
quagefimi in nativitate Dominiy Se 12 lignes apres,
qu’ilpaffa de-là’ à l'évêché de Maguelone, aujourd’hui
Montpellier, anno quinquagefimo tertio curie
romans , ( c’e.ll-à-dire , en commençant Vannée 4
Noël )} more autem gallicàno , ( qui etoit de commencer
Vannée à Pâques , ) anno quinquagefimo fe-
cujido 3 in fefio purificationis B. Maris. L hiftorien
I a omis deux fois cette dernière date,<z/m> millefimo
trecentefimo. Il eft vrai qu’elle eft facile à fuppléer,
parce qu’elle fe trouve à la tête du récit. Mais on
voit de femblables omiflions dans des dates qui ne
font point répétées, ou qui n’ontpoint été précédées
de dates entières. La première édition de
Martial, z/z-40. eft ainfi datée : imprefium Ferrari s
diefecUndâ Julii MLXXI, pour MCCCCLXXI (Mâit-
taire). De même, la première édition de Guil-
laume-de-Paris eft datée de Tan m lv , au lieu de
l’an m d l v . La lettre d’Erafme , qui eft à la tête
des oeuvres de S. Cyprien, eft datée de Tan m x ix ,
pour mdxix. (1 ). Il y a des dates où Ton ne-
voit que Vannée du fiècle courant, par exemp
le , x x i pour M c - c c c x x i , x x x i v pour
m c c c cx x x iv . On Rt dans un manuferit de l’Imitation,
appartenant à l’abbaye de Molk, qu’il a
été achevé die Kiliani 34 , c’eft-à-dire , le jour de
S. Kilien (8Juillet) 1434, & dans un autre, anno 2 ^
ce qui lignifie 14H . D. Mabillon, (dipl. 1. 2, c.25,
n. 17,) & d'autres remarquent que dans les chartes
mêmes, il fe trouve des exemples de femblables
omiflions. Telle eft la date d’une charte d’Efpagne:
Æra difçurrente LXii, c’eft-à-dire, dans T ère (d’ET-
pagne ) c e c c L x n , fous le règne du roi Alfonfe
çe qui revient à Tan de J. C. S3 «4- Les éditeurs du
Gloffaire de du Gange citent un aéfe, daté feulement
de Van de N. S. foixante-quatre , quoiqu’ il
foit certainement de l’an 1364. Dans le regiftre
A du parlement de Paris, fol. 1 refto3\t privilège
accordé par Charles V aux écoliers de Tuniverfité,
porte la date de l ’an trois cens foixante &f ix , ce
qui veut dire l’an 13 6 6 .
■ (1) Une antre, observation qu’il eft à propos de faire ici’
fur la date qui fe lit à la’ fin d=s anciens livres imprimés,1
c’eft qu’elle n’eft pas toujours celle de l’impreflîon, mais
quelquefois colle de la composition de l'ouvrage. Car le*
premiers impriinéiirs avoienc coutume de copier, ainfi quo.
I les côpiftes à la main , tout ce qu’ils trou voient dans le«'
l manuferits. Quand on lit à la fan de l’édition de Johannes
! de Tambaco, d e Co n so L/ITJOXe T h e o l q g iÆ k qu’il
! a été achevé l’an j ^ <S<?, cela doit s'entendre de la compofition ,
1 & non de l’impreffîon. fDoni Légipont, Dijfert. Philologie^
l Bibliographie*, pp. 19