On vit fouvent les fages & les ph'ilofophes
s’élever à Athènes & à Rome contre Tufage de
frifer les cheveux , & blâmer avec courage les
hommes qui fe déshonoraient par ce luxe .effér
miné. Phocylide même (n. 201.) ne vouloit pas
que les petits garçons fiffent boucler leur chev.e- .
lurc 3 ni qu’ils la relevaffent fur le front en noeuds
ou corymbes , comme le pratiquoient les jeunes
filles &, les vierges*, Dans les .Catiîin aires.- pn
entend Porcius Latrb déclamer -fortement contre j
les jeunes Romains qui paroiffoienten public avec
des cheveux Trifés, çalamijlrati;. Dans la harangue
prononcée par Cicéron après fori retour au fénat
( Red. in Sen. c. y. ) s il défigna Pifon comme un
homme perdu de débauche par, ces, motsy cm-
cihnatum garîeonem , -let libertin aux cheveux bo\\- j
'clés ; il reprocha le même vice aù .c on fui Gâbi- ï
nias j en l’appelant le' dànfcùr frife, calamifiratum j
faltatorem , & en fai Tant remarquer fur foh front !
les traces du fer chaud qui avoit fervi à former !
les boucles de fa 'chevelure , fronieni èàla'mifiri
veftigiis notatam. Suétone décrivant tous,les.vices
de Néron , n’oublie pas fon amour pour fa che- ■
yelure qu’il frifoit ordinairement, & qu’il'laiffa ,
même flotter fur les épaules, comme les femmes, :
dans Ton voyage de Grèce ' ( c. y 1. n. Circa i
cultum habitumque adcè pudendtcs , ut corham'fem- ;
per in gradus formacam, peregrinat'iojve Achaica
ctiam pone vérticem fummiferit. '
Les Philologues ont différé d’opinion fur Ta
coëffure des efclaves. Quelques-uns ont cru que
les efclaves coupoient tous leurs cheveux 3 parce !
qu’ils avoient lu dans Suidas cê proverbe grec,
èvXoç av y Kïfittjv i%ei? 3 tu es.eCclàve y & tu as une •
chevelure. Ceux qui étoient d’ une opinion contraire
, fe fondoient fur cette autre expréflion du
même Léxicographe, , cheveux•
mal-peignés des efclaves. Pour ôter l’ambiguité
de ces deux exprefiions, il faut obferver que £/><£
défigne proprement des cheveux courts &_hérif-
les.j mais que hau.*) défigne une chevelure affez
longue, peignée oufrifée avec foin. Cette fécondé
efpèce de coëffure étoit .affeéfée aux hommes
libres, & les diftinguoit des efclaves , dont les
cheveux étoient coupés très-court &■ taillés grof-
fièrement. De cette différence de chevelure établie
par Tufage confiant entre les gens libres & les efclaves
, vint la coutume dé couper aux efclaves que
l’on afiranchiiToit, la chevelure négligée de leur
état d’abjeCtion, & de les rafer entièrement avant
que de leur donner le bonnet de la liberté (pi le us).
C’eft. ainiï. que i’on. vit Je dernier roi de ' Macédoine
, Perfée*, fait prifonnier par les Romains
dans, la guerre dé.Mithridate, paroître en public
avec la tête rafée & couverte du pileus pour
témoigner ( Appian. de B silo Mitkrid. p. iyi.\J \
qu’il savouoit /’affranchi.du,peuple romain. ;u:
Nomus-Marceîlus a donné une autre.origine à
l’ufage de rafer la tête des efclaves que-, l’on
affranchiffoït, il l’a cherchée dans l’offrande religietife
que faifoient de leur chevelure ceux qui
avoient, échappés à quelque naufrage*
La chevelure, d’une figure d’efclave, publiée
dans le recueil d’arttiqutés {v. 5. pi. 82. n°. y . )
du comte de Caylus, eft ce qui lui en a parti
l’objet le plus intéreffant-y c’eft-à-dire , le plus
digne de remarque. Les cheveux font coupés autour
de la tête , qui eft ceinte par une bande, ou-par
un cordon , pour former line efpèce de bourlet ,
beaucoup plus marqué fur les mafqlies ; de Ja
comédie romaine , qui repréfentent des efclaves.
Cet arrangement pourrait être pris mal-à-propos
pour un bonnet, quoiqu’il différât elfentielle-
ment de celui qui étoit le fymbole dé la liberté,
& dont le Pétafe de Mercure nous a'confervé la
figure, it
« Plus le front eft bas, dit Winckelmann, dans
.Ton hiftoire.de l’art-, pi us des cheveux qui lé couronnent
font courts. Les pointes dexes cheveux
fe recourbent par-deffus le poil qui borde le
front : c’eft ainfi que Pétrone deci.it lés cheveux^
de fa Circé , defcription qui n’a été entendue ni
,par fes.copiftes, ni par fes commentateurs- Car
le paffage fuivant :frôtis minima , & que,, radiées
capillorum retroflexerat., eft, félon toutes les apparences
, altéré, & il fautry lire apte e s au-lîeu du
. mot radicts 3 c’eft-à-dire, le s-pointes des cheveux
•ou quelque mot femblable ; attendu. cpaapex
fignifie la pointe de chaque chofe. Comment, en
- effet, les racines des cheveux peuvent-elles fe
. recourber en avant ? Le traducteur françois de
Pétrone -a prétendu trouver ici une coëffure de
cheveux-. poftiches fous laquelle on découvre
. les .racines dés cheveux, naturels : quelle abfur-
.dité |-|f ...
c< Pour donner au vïfage la forme ovale- & le
complément de la beauté, il faut que les ckeveitx
.qui couronnent le front, faffent le tour des tempes
en s’arrondiffant : conformation qui fe.tro'iive
• à toutes les belles., iperfonnes. . Cette forme du
front eft tellement appropriée à toutes les têtes
idéales & aux figures antiques dès jeunes perfon-
n e s q u ’on n’en rencontre -point avec des: angles
enfoncés3 & fans cheveux, au-deffiis des tempes.
Parmi les ftatuaires modernes > ii. y en a bien peu
qui aient fait cette remarque } car toutes les ref-
taurations. modernes, où I on-a placé .des têtes-
jeunes fur des ftatues antiques, offrent dés ch.s-
■ vi?ux, qui. s’avancent en échancrures fur je- front..
Sur ’ cet article , comme fu?j bien d’autres j le
. Bernin. a cherché la. beauté dans des .procédés
diamétralement oppofes à ceux-) des anciens j Bal-
dinueci, fon panégyrifte, nous , apprend que cet
artifte ayant modelé la figure de Louis XIV dans
fa jeunèfte , avok relevé les. cheveux de ce jeune
roi par-deffus le front. Ce Florentin diffus, qur
croit rapporter; en cela une. preuve merverlleufe
de la déliqatèffe du goût de fon héros, ne fait que
nous dévoiler; fon propre défaut de ta-él & fa-
propre ignorance. »
*« Cette forme du -front, & fur-tout ces cheveux
courts rabattus fur le devant, font des caractères
çonfians qui fe trouvent à toutes les belles
têtes d’Hercuie de tous âges-; elles nous offrent
outré la grofîeur du c o l , des marques fymboli-
ques de fa force , & paroiffent faire allufion aux
poils frifés qui fe trouvent entre les. cornes des
taureaux. Ces cheveux font donc des traies carac-
ténftjques d’Hercuie, qui nous font dftingiier
les têtes de ce héros de celles d'iole, fa maitreffe,
oui font y«uffi .couvertes fouvent d’une peau de
lio n , & garnies d’une chevelure qui defeend en .
boucles fur le front. On la voit ainfi eoeffée fur
une pierre gravée du cabinet Royal-Farnèlë de
.Naples , repréfentant une tête de cette jeune
beauté , travaillée de grand relief Ce même
.caractère fut une des raifons qui m’aidèrent autrefois
à donner la vraie dénomination à une tête
d’Hercuie gravée en creux, de l’ancien cabinet
de- Stofçh, qui . étoit connue de tous les antiquaires
fous le nom d’ iole. On trouve ces mêmes
traits caraëtéi iftiqués à une tête jeune couronnée
de laurier, 6c gravée fur une cornaline par Alion,
artifte grec, placée dans le cabinet clù grand-duc
de Florence, qui repréfente aufli un Hercule,
& non un Apollon , pour lequel on a voulu la
faire pafîer ( Stofch, pierres,gr. pl. 8. ). Une autre
. tête d’Hercuie du même cabinet, gravée par
Onéas , eft de même couronnée de laurier j mais
comme le haut de la tête eft défectueux, le front
a été reftauré fur la gravure en. cuivre par des gens
qui n’ont pas fait toutes ces obfervations. Il eft
certain que fi les médaillifies avoient obfervé ces
caractères, nous trouverions le portrait d’Hercuie
fur plufieurs médailles qui portent d’autres
noms ,.. tel que celui d’Alexandre ou de quelque
autre roi. Combien n’y a-t-il pas en effet de
médailles qui repréfentent une tête jeune couronnée
de laurier, & que l’on attribue à Alexan-
dre-le-grand , tandis qu’elles appartiennent à
Hercule?,» ;• ; ; .C' 7
ce II en eft de même des têtes d’Alexandre : les
. cheveux -qui couronnent le front de ce conquérant
de l’Afie, font des, caractères conftans qui
. doivent le faire reconnoitre. Ses cheveux qui ont
de la relfemblance avec ceux de Jupiter , pour
le fils duquel il vouloit paffer, font relevés par
deffus le front, & retombent par ondes en diffé-
reps étages des deux côtés. Plutarque, qui nomme
ces fortes de cheveux relevés par-deffus la tête i
twuioMv tjjV hop.îis, d it, dans la vie de Pompée
que ce. capitaine portoit fes cheveux comme
Alexandre ( Plutarch. Pompej. p. 1132. /. 4.}.» ;
« U faut remarquer fur les mon umens antiques
3a. coëffure particulière à Diane. Ses cheveux font
ordinairement liés enfembîeTur le fommet de la
tête > cette mode étoit celle des.jeunes filles, &
s’appeloit Paufanias nous le donne à entendre
quand il rapporte de quelle manière Leu-
cippe > amoureux de paphné 5 fille d’Alphée >
vint à bout de fatisfaire fa paflion : il prit un
habit de femme, & fe (Hb. vus. p. 638. /• 22.)
lia tes cheveux fur le fommet de la tête comme
faifoient les vierges. Polyxène étoit coëffte ainfi
(Jib. x . p. 661. L. 3. ) à la manière des vierges,
félon le même auteur. Diane feule, & quelquefois
la Viétoile, font de toutes les divinités celles
qui portent leurs.cheveux ainfi relevés, comme
un figne de leur virginité. Aufli voyons-nous
Diane coëffée de cette manière fur ies pierres grar
vées & fur les (Beger. tom. I. p.r^iG, p médailles.
Les nouvelles mariées porteient encore pendant
quelques jours leurs cheveux liés de la même
manière , comme on peut le remarquer fur plu-
fieurs bas-reliefs (Bartoli Admirand.tab. jcj. 6z.).p
Winckelmann ( i l . ciaf: n°. 417. ) a cru recon-
noître fur une pâte antique du baron' de Stofch
la tête de Neptune, quoiqu’elle ne foit accompagnée
d’aucun attribut. Il n’a eu d’autre fondement
pour ranger cette'tête, qui eft fort belle,
parmi celles de Neptune , que la manière donc
les cheveux y font.agencés. Us tombent fur le cou
en boucles perpendiculaires & parallèles, ce qui
parôît avoir été particulier à Neptune 5 car I01T-
, qu’on lui a fait des cheveux flottans, on a dif-
pofé ( G o l tM a g . Grâce, tab. n i . n. 8. x ix .
n. 4. x x x iv . n, 8. Beger. Thef. Br. t. i l. p. 574.
Vaillant. Num. lmp. t. n i . n. 6. Maria, n. z.
Pofih. n. i . n. y.J fa barbe de la même manière
que les cheveux font, traités fur cette pâte ; quelquefois
aufli fa barbe & fes cheveux ( Vaillant.
Num. Fam. Cscil. n. 7. Fulv. n. 6. Mucia. n. i.J
font arrangés de la même façon.
« Les cheveux, dit Winckelmann dans I’hif-
toire de l’art, font des traits caraétériftiques pour
diftinguer le moderne de l’antique, en ce que les
artiftes modernes diffèrent beaucoup de ceux des
anciens , foit par le jet des chepeux , foit par
l’exécution générale de leurs détails. J'ai déjà
parlé ci-devant de la chevelure rabattue fur le
front, & j’ai fait voir que cette façon de traiter
les cheveux_3 ainfi que leur jet particulier , dif-
tinguoit un Jupiter & un Hercule des autres
Dieux. »
«c La manière, de traiter les cheveux différait
aufli félon la n-ature de la pierre. Les cheveux
exécutés fur l’efpèçe la plus dure , font, coutts,
& paroiffent avoir été peignés avec un peigne
fin,-parce que cette forte de pierre n’a pas.affez.'
de m-olleffe pour que l’on- puiffe. en tirer une
chevelure flottante & bouclée y tandis que dans
les figures-, d’hommes , exécutées en marbre &
Tculptées dans le bon tems de l’art,. les cheveux-
font bouclés & flottans-, hors le cas où ces têtes
font des portraits , car alors l’artifie s’eft trouvé’
aftreint à rendre fidèlement les cheveux courts o-ia
droits-du perfonnage. Quant aux têtes de femmes,
& particulièrement à celles des vierges, donc.les
cheveux font toujours relevés & nouésfur Li tè te ,
00 voit toute la chevelure traitée par çndës 8c