
argile rougeâtre. Mais les femmes de Syrie croyant
qu Adonis avoit reçu fa bleffure furie mont Liban,
s’imaginoiept que cette bleffure fe renouveloit
tous les ans , & produifoit cette couleur fangtiino-
1 ante, qui étoit le lignai pour la célébration des
adonies. /.lors toute la ville commençoità prendre
le deuil , & à donner des marques publiques
cTaffiiction. On n’entendqit de tous côtés que
pleurs & gémifiemens : les femmes , qui étoient
les minillres de ce culte , couroient les rites la tête
rafée, & eh fe frappant la poitrine-
A Alexandrie j la reine ou la dame la plus qualifiée
de la ville , portoit la ftatue & Adonis, accompagnée
dçs femmes les plus çonfidérables , qui
t en oient à la main des corbeilles pleines de gâteaux ,
des boëtes dç parfums , des fleurs 3 des branches •
d’arbres & toutes fortes de fruits. La pompe étoit
fermée par d’ autres darnes qui pprtoient de riçhes
tapis 3 fur lefquels étoient placés deux lits ornés
dé broderies d’or & d’argent; l’un pour Vénus
& l’autre pour Adonis. On yovoit fur ces lits la
ftatue du jeune prince. La pâleur de la mort répandue
fur fon vifage 3 n’effaçoit pas les charmes
qui l’avoient rendu fi aimable. Cette proceflion
marchoit au bruit des trompettes & de toutes
fories d’inftrumeqs , qui accompagnoient les voix
des muficiens.
A Athènes, quand le tems de la fête d’Adonis
étoit arrivé , on avoit foin de placer dans plusieurs
quartiers de la ville, des ltatues qui repré-
fentoient un jeune homme mort à la fleur de fon
qge. Les femmes, vêtues d’habits de deuil, ve-
noient bientôt les enlever pour en -célébrer les
funérailles, pleurant & chantant des cantiques
qui exprimoient leur affliction. Ces jours de deuil
étoient réputés malheureux; on prit pour un mauvais
augure & le départ de la flôtte des Athéniens,
qui mit à la voile à cette époque pour aller en
Sicile, & l’entrée que fit l’empereur Julien dans
Antiochp pendant les adonies. Au dernier jour de
la fête, le deuil fe changeoit en joie, &: chacun
fe réjouiffoit de la réfurreCtion d’Adonis ou de
fon apothéofe. •
Entre les autres cérémonies propres à çettç
. fê te , il faut remarquer' la fuivante. On portoit \
dans des vâfes de terre du bled qu’on y avoit femé,
des fleurs, de l’herbe naiffante, des fruits, des
arbrifîeaux des laitues ; & à la fin des fêtes,
on jetoit ces jardins portatifs dans la mer ou dans
quelques fontaines. C’étoit une efpèce de façrifice
qu’on faifoit à Adonis. Tous ces ufages avoient un
rapport manifefte aux prétendues circonftances de
fa vie & de fa mort. Les Babyloniens donnoient
à ces fêtes le nom de falambon, & Lampride dit
qu’Elagabale célébra falambon à la manière des
Syriens, avec de grands cris & des lamentations.
La première Idylle de Bion paroît être une de ces
lamentations que l’on chantoit & répétoit en
pltoeur pendant les fêtes d‘Adonis..
Vue allégorie aftronomique fait la bafe de toutes
ces fictions. Ce prétendu Adonis eft un emblème
du foleil, qui parcourt pendant fix mois la partie
fupérieure de la fphère, c’eft-à-dire , en langage
rnytho-aftronomique, le ciel, & pendant le refte
de l’année là partie inférieure, c ’eft-à-dire , le
tartare ou les enfers. Martianus Capella dit à cet
aftre, père de la nature, (Nupt. Pkilol. lib,_i.) ;
Te Serapim Ni lus , Memphis veneratur Ofirim 3
Dijfona Jacra Mitram , Ditemque , ferumque
Typkonem.'
Atys pulcker, item curvi ô* puer almus aratri:
Ammon & arentis Lybies, aç B i b l iu s A dost,
Sic yariq çunctus te nomine convacqt orbis.
Biblius Adon nous fait connoître en même-*
tems l’origine d’Adonis. Les Phéniciens altérèrent
les dogmes aftrqnamiques des premiers Egyptiens ;
& cette nouvelle divinité, inconnue aux habitans
de Memphis, fut imaginée par ceux de l’Aflyrie
& de Biblqs. L ’hymne d’Adonis-., qui porte le
nom d’Orphée, lui donne des attributs qui appartiennent
évidemment au foleil. « Vous fpurniffez,
» y eft-il dit, la nourriture à tout ce qui refpire. » .
« Vous vous éteignez & brillez enfuite de nou-
» veaux feux à des périqdes réglées.... Vous faites
» naître la verdure.. .. Tantôt vous habitez le tar-
» tare obiçur, tantôt vous montez vers l’olympe,
» & vous faites alors mûrir les fruits ». Cet hymne
appelle Adonis Aetlpav , nom que le prétendu
Orphée donnq feulement aux grands dieux, &
qu’il avoir appris fans doute dans les myftères
émanés de la doctrine des génies.
Macrobe s’exprime d’une manière beaucoup
plus claire dans le chapitre 21 du premier livre
des Saturnales. « On ne peut douter qu’Adonis ne
» foit la même chofe que le foleil, fi l’on examine
» la mythologie des Affyriens. Ils ont eu autrefois
» une profonde vénération pour Vénus-Architis
» & pour Adonis ; & c’eft d’eux que les Phéni-
» ciens ont reçu ce culte : car lçs phyfiçiens donnent
».le nom de Vénus à l’hçmiiplière fupérieur du
» globe que nous habitons, &: celui de Proferr
» pine à l’autre hémifphère. Les Affyriens & les
p Phéniciens repréfentént leur déelfe dans le deuil
» & dans l’affliction ; parce que le foleil, en par-
» courant la carrière annuelle du zodiaque, def-
» cend dans» l’hémifphère inférieur, ç’eft-à-dire,
» dans les fix lignes inférieurs. Pendant cette faifon
» les jours font très-courts; c’eft pourquoi on dit
» que la déelfe pleure la perte du foleil qui lui
» eft enlevé par Proferpine, c’eft-à-dire, par les,
» Antipodes. Ces peuples croyent encore qu* Adonis
» eft rendu à Vénus, lorfque le foleil quittant les
» lignes inférieurs, vient éclairer notre hémif-
» phère, & faire croître ia lumière & les jours.
» Ils difent que la mort iïAdonis eft vende par
» la morfure d’un fanglier, qui eft l’emblème de
» l ’hiver........ Cette faifon eft envifagée comme
» une bleffure du folçij, qui diminue fa lumière
. & fa chaleur ; effets que la mort produit fut les
ê& L e S principes que les Grecs & les
rapport néceffake aux coutumes des nations, oc
aux arts du deflin qui les font revivre. .
’ Tous ceux qui, chez les G r e c s n'avoient pom
d’enfans légitimes, pouvoient adopter leurs
naturels ou des enfans etrangers, avec le con-
fentement de leurs peres & meres. On n excluoit
de cette loi que les perfonnes qui n etoient pas
maîtreffes d'elles-mêmes, telles que les efclaves,
les femmes, les infenfés & les jeunes gens mi-
defîous de vingt-ans, qui ne pouvoient pas meme
faire de teftament. .
Celui qui étoit adopte par un athénien, etoit
revêtu du droit de bourgeoifie, qui donno.t leul
le droit d'hériter. Son nom étoit enfuite mfcrit
dans les regiftres de la tribu du pere qui. 1 avoir
adopté, comme ceux de tous les enfans des
citoyens. 11 n'v avoit dans cette infcnption d autre
différence que pour le tems. Les enfans adoptifs
n'écoient enregiftrés qu'aux fetes appelées tnar-
gélies, dans le mois thargélioii. ' ,
Les Lacédémoniens avoient multiplie les difficultés
dans l'aéte S adoption, afin d'eviter la précipitation
dans une affaire aufli importante. On
ne pouvoit à Sparte adopter quelqu un qu en
préfence du roi. Les enfans adoptifs jouifloient
de tous les droits, privilèges 8r immunités de
leur nouveau père ; mais ils etoient en meme-
tems chargés de remplir toutes fes obligations ac
tous fes engagemens. Vouloient-ils rentrer dans
leur première famille, ils ne pouvoient le mire
à Athènes qu'après avoir eu des enfans qui fifient
revivre le nom du père par adoption,* & fans cela,
ils perdoient tous leurs droits a 1 héritage. Lorfque
le père pat adoption avoit des enfans nés aptes
cet aéte, fon héritage étoit partagé entre fes
enfans & fes fils adoptifs. Ces-derniers ne pouvoient
aufli, de leur cote, réclamer ni partager
les biens de leur père naturel.
' On diftinguoit chez les Romains deux fortes
d1 adoptions, qui fe faifoient l’une devant le préteur
feul, l'autre devant le peuple affemble du
tems dé la république, & depuis par un fimple
reicrit des empereurs. La première forte S adoption
regardoit les fils de famille, dont le père
naturel déclarait devant le préteur qu’il renon-
çoit à fes droits & les tranfmettoit au père par
adoption. On appeloit adrogation, adrogatio, la
fécondé forte d’ adoption qui fe pratiquoit envers
les perfonnes libres. Dans les deux cas, celui qui
étoit adopté quittoit fes noms propres, & prenoit
le prénom, le nom & le furnom de fon nouveau
père, en y ajoutant quelquefois un des liens,
qu’il allongeoit par une nouvelle terminaifon,
Antiquités , Tome I .
en anus ï par exemple, T. Pomponius Atticus,
adopté par Q. Cæcilius, s'appela Q. Cæcilius
Pompomanus Atticus. ^ .
Les empereurs grecs pratiquèrent 1 adoption
d’une maniéré bien différente. Conftantin Pogonat
envoya à Rome les cheveux de fes deux fils ,
Juftinien & Héraclius, qui furent reçus en grande
pompe par le pape Benoît I I , le clergé & 1 armee.
G’étoit une adoption ufitee dans ce tems ; celui
qui recevoit les cheveux d un jeune homme, etoit
regardé.comme fon père.
Les anciens Gaulois avoient une adoption militaire
, qu’ils appeloient adoption par les armes.
Elle leur venoit des peuples du nord ou des Germains,
& elle paffa dans l’empire romain, comme
on le voit fréquemment dans 1 hiftoire des Goths
& des Lombards.T’étoit dans une afTemblee publique
que, chez les peuples du nord, le pere, un
parent ou un des chefs armoit de pied en cap
l’enfant parvenu à l’âge de puberté. Cette adoption.
étoit une permiffion de porter les armes ; mais
elle devint chez les Romains des derniers tems ,
la récompenfe de ceux qui les avoient portées
avec gloire. , . . . . . „
Les adoptions militaires fe faifoient par la tradition
des armes, en donnant ou envoyant a celui
qu’on adoptoit , différentes fortes d armes ou
d’inftrumens de guerre, & quelquefois en le revêtant
ou le faifant revêtir par des ambaffadeurs d une
armure complette ; car ces adoptions n’étoient en
ufage que chez les fouverains. Elles étoient ordinairement
accompagnées de préfens plus ou moins
confidérables. Elles donnoient les noms de pere
& de fils, comme l’ancienne adoption romaine,
& l’on fe faifoit un honneur de prendre ces noms
dans les fuferiptions des lettres & dans les actes
publics. Telle étoit l’idée qu’on avoit chez les
-Goths & chez les Lombards de cette adoption :
elle étoit regardée comme le premier degré d’hon*
neur de la milice. Les rois de ces peuples n’admet-
toient point leurs fils à leur table, qu’ ils n’euftent
été adoptés par quelque prince étranger; & ceux-
ci alloient chercher cét honneur jufques chez les
princes ennemis. N
L ’an 1096, l’empereur Alexis Comnene voulant
attacher à fes intérêts Godefroi, duc de la
Baffe-Lorraine , qui conduifoit à la Terre-Sainte
une armée de croifés, l’adopta pour fon fils, en
le faifant revêtir des habits impériaux avec toute
la folemnité & félon la coutume du pays. Le
prince d’Edeffe, adoptant de cette manière Baudouin
, frère du même Godefroi, le fit entrer nud
fous fa chemife, & le ferra fortement entre fes
bras, pour fignifier qu’il le regarderoit déformais
comme un fils forti de lui-même.
A l’égard des adoptions faites par les rois de
France, les hiftoriens en décrivent deux fortes;
Y adoption par les cheveux dont nous avons
parlé plus haut, & l’autre par la barbe. Dans un
traité de paix conclu entre Clovis & Alaric, u