
eu quarante pieds, & quelquefois davantage,
lut une largeur proportionnée à la longueur de la
poutre.
On élevoit fur les deux côtés de cette bafe dix
gros poteaux de vingt-cinq à trente pieds de haut 5
lans les tenons , dont quatre faifoient les enco-
gnures. Ces poteaux étoient joints en haut par
quatre fablières pour recevoir les bouts des poteauxde
même quîils 1 etoient par en-bas, avec
les poutres qui .faifoient le premier châlits ou la
bafe. Sur cet aflémblage de montans3 de traverfeS
& des fablières qui alloient de chacun des po-
teaux a l'autre jrppofé , on plaçoit la poutre de
luipenuon, pofée entre deux coins de bois de
chaque-coté, traverfée de fortes chevilles de fer
& de piaffantes équerres, qui refferroient & affu-
lettifloient fortement cette poutre traverfante, à
laquelle étoit fufpendue la poucré-béliere.
Toute cette charpente, qui prenoit fouvent
le nom de tortue-béliere , tejludo arietina, étoit
couverte quelquefois d’un comble plat, le plus
fouvent d un comble aigu, fuivant les forces des
afliegés. On l'enveloppoit quelquefois d’un tiffu
dofier verd, enduit de terre graffe, & recouvert
d un rideau de peaux fraîchement écorchées, que
1 on doubloit d'autres peaux, entre lefquelles on
mettoit de Therbe marine, piquée comme nos
matelas, ou de la moufle, le tout trempé dans le
vinaigre, afin que cette couverture fut à l'épreuve
des pierres & des dards. Ces rideaux matelaffés
ou mantelets étant fufpendus à un pied de diftance
en avant de la charpente, rompoient la force des
coups des machines ennemies.. Lorfqîie ces der-
ipieres étoient--en très-grand nombre, on garnif*-
foit: auffi les cotés de la charpente avec de forts
madriers, indépendamment des mantelets du devant.
, Comme le comble fouffroit le plus des mafTes
énormes chaflées par les grofies catapultes, qui
jaifoient autant de ravage que nos bombes, on le
couvroit de madriers revêtus de claies enduites
de mortier ou d’argile, pétrie avec du crin & de
la bourré:.
« Il y a peu de favans qui n’ayènt‘traité de chimère
le bclier non fufpendu ; les méchanicièns '
1 ont regarde comme une chofe impoffible, parce
qu ils jie 1 ont pu comprendre. Cependant, pour
peu que l’on examine avec attention le bélier à
tortue, que l’on voit fur les marbres & les mo-
numens antiques, on aura de la peine à fe për-
fuader que cette machine fût fufpendue. Végèce
prétend que la tortue a pris fon nom duEéliér
dont la tête fort de cette machine, 8c y rentre
en fui te, comme la tête de la tortue fort de fon
écaillé , 8c y rentre après 5 mais ce nom convient
mieux a la tortue a bélier non fuf pendit, qu’au
belier a vibrations. II paroît que Végècê dif-
tmgue la tortue qu'il appelle d faux, de celle où
J on mettoit un bélier en- batterie. Dans la première,
il y avoit une poutre' fjifpertdue qu’on
balançoit en avant, au bout de laquelle étoit une
efpèce de faulx, ou de fer courbé en grappin,
avec lequel on tiroit à bas les pierres de la muraille
que le bélier avoit ébranlées. F'oyq- Corbeau
A GRIFFES ».
«La ftrucfcure des tortues à bélier-fufpendu s
etoit toute autre que celle du bélier non-fufpendu,
dans la Jongueur comme dans le comble. Il étoit
plat dans celles-ci, qui étoient encore très-longues,
8c en façon de galerie à comble aigu. Les
auteurs difent, à la vérité, qu’il y avoit un bélier
où les foldats qui le fervoient étoient à couvert
des traits 8c des machines des affiégés. Cela fe
conçoit affez à l’égard du bélier-fufpendu, où les
hommes qui le balançoient agiffoient au-delà de
la tortue, à l’abri des parallèles les plus proches
; du bord du foffé ? cette tortue devant être toute
I ouverte pardevant, pour donner l’efpace nécef-
faire au cable auquel la poutre étoit fufpendue.
Mais à l’égard des tortues à comble plat 8c -à
contre-fiches, je ne puis croire qu’il fût fufpendu 5:
car pour le fufpendre, il eût fallu élever le comble
de la tortue à une hauteur prodigieufe ; ce qui ne
peut s’accorder avec les proportions que les anciens
donnent à ces tortues , qui font trop bafifes
pour que le bélier pût être balance de manière
à produire quelqu'effet. Il fuit de - là que ces
tortues, outre qu’elles étoient fermées pardevant,
à la réferve de l’ouverture où pafloit la tête du
bélier3 ne fervoient que pour les poutres non fuf-
pendues ».
« Ce qui démontre plus particulièrement que
les béliers des tours 8c des tortues n’étoient pas
fufpendus., c’eft qu’elles étoient fermées pardê-
vant, 8c cela ne pouvoir être autrement ; c e i f
ce qu’on remarque fur les marbres, ou l’on ne
voit aux tortues qu’une ouverture en long, avec
un auvent par défiais pour le jeu du bélier, au-liéit
qu’il auroit fallu faire le devant tout ouvert de
bas en haut, comme p a r - d e r r i è r e , fi la poutre
avoit; été fufpendue en équilibre , pour laifier de
l’efpaçe 8c fes vibrations libres >4
« Vitruve parle d’une tortue dans laquelle,
dit-il, on plaçoit la machine à bélier, qui eft appelée
en grec criodochée, dans laquelle
on plaçoit un rouleau exactement arrondi, qui
portoit le bélier : on tiroit celui-ci avec des cables }
il a Hoir 8c venoit de cette manière, 8c produifoit
un grand effet. Cet écrivain paroît s'être mai
expliqué , 8c voici comme il faut rétablir le p a f -
fage : il y avoit dans- le milieu de la machine
fur des montans, un canal pareil à celui des catapultes
8c des baüftes. Au-travers de ce canal, on
mettoit un moulinet., 8c l’on fixoit des poulies
au-devant du bélier, à droite 8c à gauche. Ce
moulinet faifoit tendre les cordes qui, en paf-
farit dans les poulies, ramenoient le- bélier en
arrière, ou le faifoient couler en avant fur des
rouleaux , pour ^battre avec violence l’es remoarts
ennemis. On conftruifoit au-defius .de c&■ bélier
non-fufpendu, une voûte qui le couvroit, 8c qui
foutenoit les peaux crues dont la tour étoit enveloppée
».
. « Ce bélier non-fufpendu agit avec plus de force
& de violence que le bélier-fufpendu, quoiqu’avec
une puifiance très-fimple 3 parce que les coups du
dernier font obliques, au lieu.que ceux du premier
font dire 61s 8c plus fouvent redoublés : il
faut même une moindre force pour le pouffer
en avant 8c en arrière-. De plus, la preflion de
la poutre fur les cylindres, augmente fa force
8c fon mouvement} tandis que la force du 'bélier-
fufperrdu ne vient que de fon balancement 8e de
fon propre poids, qui fait plus ou moins d’effet,
félon l’étendue de fes vibrations} ce qui rend les
coups plus obliques. Ceux qui font jouer ce dernier
ne le pouffent point dans fon choc, 8c ils
n’emploient leurs forces que dans fon mouvement
de retraite} !t bélier non-fufpendu ajoute de plus
à ce poids la force des hommes} outre qu'il en
faut beaucoup moins pour le ramener ».
Vitruve n’eft pas le feul qui ait parlé des béliers
non-fufpendus y Hiéron dit formellement qu’il y
avoit des béliers pofés fur des cylindres. Le père
Daniel en fait mention dans fon Hiftoire de la
Mi hce Frànçoife. '{Cet article, pris dans le Supplément
de iEncyclopédie , eft marqué de la lettre
( V.) >* Vauteur eft inconnu)
Les affiégés employoient divers moyens pour
détruire l’effet de ces terribles machines. Tantôt
ils leur oppofoient des matelas ou des facs remplis
de paille} tantôt ils defeendoient des cordes
terminées par des noeuds coulans, avec Ufquels
ils s’efforçoient de faifir la tête du bélier & de
l’élever, pour rompre fa dirëélion j tantôt ils
tâchoient de le furprendre avec des; corbeaux à
griffes, ou de longues & fortes tenailles de fer}
tantôt enfin ils précipitaient .fur la tête du bélier
pour le fracaffer, des pierres énormes, des tronçons
de colonnes & de ffatues, comme le prati-
qùèrent les Romains dans la* défënfe du môle
d’Hadrien contre les Goths, & des maffes de
plomb.
BELIERES. Le comte de Caylus âvoit cru
long-tems que les têtes fur lefquelles on trouve
des bélier es , a voient été des offrandes ou des
ex-voto. Il penfoit auffi avec Gori (Muft Etrufc.
t. 11. p. 180.), qu’on pourroit quelquefois leur
attribuer une autre deftiriation, & les regarder
comme des ornemens que les miniftres des dieux
fufpendoient à leur cou, ou plaçoient fur leur
poitrine. «J’établis, difoit-il, cette conjecture
fur la figure gravée dans la planche lxxxîv (du
premier vol. de fon Rec. etantiq.) , que j’ai tirée
d'un Recueil de deffins qui appartient à M. Falcon-
net, de l’académie des belles-lettres, & qui a été
fait par Etienne Duperac. Il étoit peintre, avoit
demeuré long-tenis en Italie} & les amateurs
d antiquités, qui étoient pour lors en grand nombre,
l’avoient fouvent employé à defliner les
momifnens les plus curieux, à mefure qu’on en
faifoit la découverte. Son Recueil contient beaucoup
de fiatues & de bas-reiieis qui. nous font
connus; & la fidelité avec laquelle ils font défîmes,
eft un garant de l’exaClitude de tout ce
qui compofe ce même Recueil ».
« Mais pour prouver que le monument rapr
porté dans cette planche fur la foi de ce deffi-
nateur, a exifié, & que ce n’eft point un fruit de
1 imagination du peintre, c’eft qu'il fe trouvoit
auffi deffiné dans un manuferit de Bagari, que
Spon (Mifcéll. erud. antiq. p. 1 yo.) avoit con-
fulté, & d’après lequel il l'a publié avec quelques
différences qui m’ont engagé à le faire graver de
nouveau, non-feulement pour mieux établir mon
fentiment, mais parce qu’autant. que j'en puis
juger, le deffin de Duperac eft plus exaCI. Spon
dit que ce monument etoit de -marbre ; & pour 1 expliquer, il rapporte un pa/Tage de Denis a’Ha-
lycarnalle, où il (Antiq. Rom. 1. 11. c. 19.) dit que
le prêtre ou la prêtreflTe de Cybèle portoient des
fîmulacres fufpendus à leur cou. Suidas (in voce
r«AA<y.) dit la même chofe, 8c Ficoroni (A? Bolla
d Oro, p. 8.) a rapporté une bulle à laquelle eft
attachée , avec une .chaîne d’or, l’image d’une
figure Panthéë. Je crois qu’après de pareils témoignages
, ori n’héfitera pas à regarder plufieurs
de ces têtés garnies de béliéres, comme des rnô-
numens que les miniftres des dieux fufpendoient
a leur cou ». Caylus i. icq.
Mais dans un autre endroit, le même favant
reçonnoît pour des poids ces têtes ou bulles qui
ont des bélicres. Ce bufte, dit-il, a une béliére fur
la tête, parceqii’il a fervi de poids à une balance,
de r.efpècë de celle que nous connoififons fous le
nom d t romaine. 11 dit encore ailleurs {Rec. G.
pl. 84. ri. i.) : « Ce bufte de Mercure pèfe encore
aujourd’hui trois livres une once, poids de Paris,
& prouve en faveur de la dellination que je lui
fuppofe (d'avoir fe,ryi de poids) ; d’autant que le
ledléur étant convaincu, par l’exemple des mo-
numens épars dans mes Recueils, que plufieurs
büftes de divinités ou d’empereurs, (ce qui eft
fynonyme à l’égard des Romains) ont fervi à ce
même ufage ;-ceux de Mercure doivent avoir été
plus fréquemment employés par les marchands ».
Voyei Mercure 8c Balance.
On voit dans le cabinet de Sainte-Géneviève %
un bufte de bronze rempli de plomb, dont la tête
eft garnie d’une forte béliére 8c d’un crochet. La
fonction de ce crochet étoit évidemment d’em-
braffer le fléau d’une romaine.
Quelques autres petites figures de bronze ont
des béliéres fixées entre les deux épaules 3 8c alor*
on peut croire qu’elles ont fervi à les porter fuf-
pendues au cou en guife d’amulettes , ou d’attributs
particuliers des prêtres confacrés au culte de
quelque divinité. C’eft ainfî que l’Archigalle qui
eft fculpté fur un tombeau du capitole, porte le
bufte d’Atys, fufpendu fur fa poitrine.