
Les acclamations fe faifoient entendre düns les
mariages. C’étoit un heureux préfage pour la def-
tinée des époux. Les Romains fouhaitèrent à Néron
& à fa nouvelle époufe Poppée , toute forte de
profpérité, Uta omràa. On confuîtoit les augures
pour accomplir les noces, & leur réponfe étoit
ordinairement, féliciter, les aufpices font favorables
, ou que res recie vertat, ou dii bene ver tant 3
que les dieux vous foient propices. C’eft ainfi que
Plaute a dit dans YAulularia3 ( 1 1 , 2 , 4 1 ) :
Qua res relie vertat3 miki tibique, tuaquefilial
Filiam tuam tnihi uxoretn pofco .-promîtes hoc fore.
Et plus bas ( 1 1 , 3 , 4 ) :
Filiam defpondi hodie : ego nuptum haie Mgadoro
dabo.
Sx. D ii bene venant J
Lorfque les empereurs diftribuoient un .con-
giaire, le peuple faifoit retentir des acclamations^
& lui' fouhaitoit de longues années : ce qui a été
imité par Ovide {faft. L 613 ) :
Aureal imperium nofiri ducis, augeat annos.
Parmi les foldats, les acclamations étoient fort
ufitées. Premièrement, lorfqu ils élifoient un commandant
, ils crioient : D ii te fervent imperator.
Probus fut élu par le fuffrage univerfel des foldats,
qui répétoient a haute voix : F robe augufte dii te
fervent, Secondement, au moment ouïes armées
s’ébranloient pour combattre, ils crioient : Vifto-.
ria. Csefar {de Bello gall. v. 3 6 ). T uni vero fuo
more victoriam conclamant, atque ululatum tolliint.
- Troilîèmement, après la vifèoire , ils nommoient
leur chef imperator par acclamation. Quatrièmement
, lorfqu’ ils accompagnoient un triomphateur
au capitole, ils crioient : lo triümphe , io triümphe ,
o u , félonTertullien:
De noftris annis tibi Jupiter augeat annos.
Les acclamations redoubloient quand les princes
faifoient leur entrée dans Rome. Le Code Théo-
clofien, lib. 7 , fait mention de celles qui avoient
été employées aux entrées des empereurs Augufte
& Conitantin. Les hiftoriens nous en ont confervé
cueiques-unes. Que les dieux vous confervent
pour nous, votre lalut, notre falut : D ii te nobis
fervent, vefira falus , nofira falus. — Eli vous ,
ô Antonin, 8c par vous, nous avons tous les biens :
In te omnia , per te bmnia habentur, Antonine.
_Lorfqu Agrippine entra dans Rome, le peuple
crioit qu’elle~ étoit l’honneur de la patrie-, le feul
rejeton d’Augufte, le feul modèle de l’antiquité ;
& il faifoit des voeux pour fes enfans. — La fauffe
nouvelle de la convalefcence de Germanicus s étant
répandue à Rome, le peuple courut en foule au
capitole avec des flambeaux 8c des viftimes, en
chantant : Salva Roma , falya patria, falvus efi
Çennanicus. Rome 5c la patrie font fauvées, Ger-
maaiçus'çft rétabli. — Laropridius raconte quà
l’entrée d’Alexandre-Sé vère, le peuple cfioit : Salya
Roma 3 quia falvus Alexander. Rome eft fauves-,
puifqu’Alexandre eft en bonne fanté.
On louoit avec des acclamations répétées les
auteurs qui lifoient leurs ouvrages dans les écoles,
dans des filles de le dure publiques ou particulières.
Les écrivains avoient foin d’ inviter des audL
teurs 6c des acclaniateurs pour les entendre lire
ou déclamer leurs compofitions. Largius-Licinius
fut le premier, à Rome qui fe compofa par des
invitations un auditoire nombreux. {Plin.epift. 1 1 ,
14 j 9 ). Primas hune audiendi morem induxit
Largius-Licinius 3 haUenus tamen 3 ut auditores cor-
ro°aret. Il y avoit des - acclamations convenues
pour applaudir les ledeurs. En voici quelques-
unes : Bene 3 & preclare ,* belle , & fefiive p - non
potefl meliiis. C’eft bien, très-bien 5 c’ eft agréable
& délicieux : on ne peut mieux faire. Cicéron
{de orat. 3, 26) -nous apprend le cas particulier
qu’il faifoit de chacune de ces acclamations. Bene,
6* pr&claré quamvis nobis f&pe dicatur, belle , - d?
fefiive nimium fspe nolo ,* quamquam ilia ip'fa excla-
matio 3 non pot efi meliiis , fit velim^ crebra. On les
trouve réunies dans ce vers de Martial ( 1 1 ,2 7 , 3 ) •
Effecie 3 graviter, cito , nequiter, euge , beaté.
Necquiter fe difoit par antiphrafe : c’ étoit une flatterie
recherchée.
Les Grecs, que la férvitude rendit adulateurs 8c
rampans, compofèrent des acclamations encore
plus exagérées i telles quWe^uSÿ , ori ne peut rien
dire qui foit au-deffus de ce difeours 5 8c que a-oepaç,
ou fophos 3 ce que nous venons d’entendre, eft
très-favant ou très-fage. è
Les -acclamations du fénat etoient plus ferieufes >
elles avoient pour but d’honorer 1 empereur ou de
le flatter. Les fénateurs exprimoient leur confen-
tement à fés volontés par les formules fuivantes :
Omnes, omnes , &quum eft 3 juftum eft. Nous fommes
tous de cet avis, du même avis ; ce qui vient d etre
propofé eft jufte, très-jufte. L ufage frequent des
acclamations étoit pafle du théâtre dans le fénat.
On n’en faifoit point mention dans les ades publics
avant le régné de Trajan : ce grand prince
I fut le premier objet de- cette nouvelle adulation.
Il y eut des règles preferites pour les acclamations
des fénateurs, comme il y en avoit pour les fpeda-
teurs des jeux. L ’un d’eux prônonçoit une formule
d'acclamations, 8c tous les fenateurs la -repetoient
à l’envi. Ces .formules avoient même une prononciation
accentuée 3 qui approchoit du chant, &
elles étoient renouvelées plufîeurs fois comme
un refrein. Eriffon 8c Ferrari en ont recueilli un
grand nombre. Trebellius {in Claudio) nous allure
que ces acclamations avoient ete répétées jufqu a
foixante-dix 8c même quatre-vingt fois.
L’amphithéâtre retentit des premières acclama*
dons, Ce ne furent d’abord que des cris 8c des
applaudiftemens confus, expreflion Ample 8c naïve
de l’admiration publique \plaufus tune arte carebat,
dit
Ht Ovide. Mais fous les empereurs . & d'Augufte. ce mouvement impétueux auqueHe
peupfe s'abandonnoit comme .
devint un art, un concert étudie. Un ^ulicien
donnoit le ton', 8c le peuple faifant deux choeun>,
répétoit alternativement, la formule: df cclaf at ™:
Le dernier adeur qui occupoit la feene, donnoit
le lignai des applaudiftemens par fes dernieres paroles,
valete Üplaudite : foyez heureux 8c applau-
Néron étoit fi paflionné pour la mufique, 8c
croyoit tellement exceller dans cet ar t, quu
iouoit de la lyre fur le théâtre a la vue de tout
le peuple romain. Sénèque 8c Burrhus etoient
alors les coryphées ou premiers acclamateurs} de
jeunes chevaliers fe plaçoient dans differens endroits
de l’amphithéâtre pour répéter les acclame1-
dons des foldats gagés à cet effet fe meloient
parmi le peuple, afin que le prince entendit un
concert unanime d’applaudiftèmens. Ce s acclamations
chantées ou plutôt accentuées, dureremt jui-
qu’au règne de Théodoric. Les applaudiftemens
qui les accompagnoient, avoient aufli leur rhithme
ou cadence j de manière que tous les fpedateurs
devénoient au même inftant des pantomimes &
des chanteurs accordés tous à l uniflon. C eft ainfi
que les peint Sénèque, {epijl. 29) : Caterum, fi te
videro celebrem fecundis vocibus vulgi, fi , intrante
te 3 clàmor 3 plaufus Ô* pantomimica ornamenta obf-
trepuerint ,* f i tota te civitate ferriinA puerique lau-
daverint.. .. , .
L’entrée des princes dans l’amphitheâtre etoit
accompagnée de longues 8c nomoreufes acclama-
' dons. Des hommes recommandables par leurs fer-
vices ou leurs talens, partagèrent quelquefois avec
les empereurs cet hommage public. Plutarque raconté
que le peuple romain voulant reconnoitre
les fervices de Sertorius, lejreçut dans 1 amphithéâtre
avec de nombreux applaudifle-mens 8c de
grandes acclamations, honneur, ajoute-t-il, qui
a été rarement accordé, même à des perfonnages
illuftres ou remarquables par une vieillefle honorable
: les poèmes de Virgile firent rendre le meme
hommage à ce chantre immortel. Le peuple romain
les entendant réçiter fur la fcène, fut fi touche de
leur beauté', qu’il fe leva, d’un commun accord,
fe tourna du côté de Virgile 8c le falua, comme
il faifoit à l’arrivée d’Augufte.. ( Quint, de orat. ,
c . 1 3 , nQ. 3 ). ■; - .
On n’employa pas toujours les acclamations pour .
exprimer la joie ou le refpeét. Elles furent encore
chez les fénateurs un témoignage public de la
haine ou du mépris. L’époque la plus ordinaire ou
on les employa dans le dernier fens, fut 1 inftant
oïi l’on ordonnoit de brifer les ftatues dés mauvais
princes. C’eft ainfi qu’après la mort de Domicien,
le fénat entier fe répandit en inveétives contre ce
tyran, 8c répéta à l’envi les acclamations les plus
injurieufes ; contumeliofijfimo, atque acerbijfimo accla-
madonum genere laceravit3 dit Suétone. Lamptidé
Antiquités 3 Tome I,
en a confervé des formules dans la vie de Commode,
C. 18. Acclamadones poft morterrl Commodi
graves fuerunt. Ut autem feiretur 3 qaod judiemm
fenatûs de Corrlmodo fuerit, ipfas acclamadones de
Mario Maximo indidi, Ô* fentendam fenatufeon-
ftuld : hofti patrie honores detrahantur : parricide
honores detrahantur : hoftis ftatuas undique, parricide
fiatuas undique » gladiatoris ftatuas undique :
gladiatoris & parricide ftatue detrahantur.^
» Les acclamations des fenateurs, apres la mort
de Commode, furent les plus fortes qu’on eût entendues.
Je les ai extraites de Manus-Maximus ,
avec le feiiatus confulte qui les fuivit, afin de faire
connoître la manière dont le fénat étoit affedte
contre ce prince : que l’on arrache les marques
d’honneur dont étoit décoré cet ennemi de la
patrie, ce parricide : que l’on abatte toutes les
ftatues de cet ennemi , de ce parricide, de ce vil
gladiateur : que l’onbrife les images du gladiateur,
du parricide. »» ’ f . .
Les médailles nous ont-conferve une partie des
acclamations ufitées pour les princes 8c les pnn-
cefîes. 11 paroït, d’après ces monumens, que le
peuple faifoit par acclamation des voeux folemnels
pour leur confervation., 8c les renouveloit tous
les cinq, les d ix , les vingt ans, 8cc. r . V o t a *
Ces formules font très-fréquentes dans le Bas-
Empire ; mais on en connoît peu d exemples fur
les médailles du Haut-Empire. L’abbé de Rothelin
avoit une médaille d’argent de Commode avec ce
revers : V otis x x . cos. v i . , dans une couronne
de chêne} une de Sévère-Âlexandre, avec v o t i s
v îc en n a l ibus . L’infcription v o t is decenna-
l ibu s , renfermée dans une couronne, fe trouve
fur les médailles de Maximin, de Balbin, de
Pupien, de Trébonien G a lle , dÆmilien , de
Valérien 8c de Gallien. \
U acclamation ordinaire des Grecs etoit A y**»»
tvx*> , c’eft-à-dire, bonne fortime.
Les Chrétiens confervèrent l’ufage des acclamations
dans les églifes & dans les conciles. On en
voit des exemples dans les affemblees ecclefiaf-
tiques , 8c même . dans le concile de Trente.
Quant aux premières , la vie 8c les oeuvres de
S. Auguftin nous en fourniflent un grand nombre,
que l’on répétoit après les inftrudions des évêques
ou au commencement de la liturgie. L’ufage des
litanies 8c des répétitions du Kyrie 3 eft un refte
frappaht de ce goût des anciens pour les acclamations
redoublées.
•Acclamation. Cette minière d exprimer fon
confentement étoit en ufage a Athènes pour 1 élection
de quelques magiftrats. On les nommoit par
acclamation ; mais on ne manifeftoit fon choix
qu’en élevant les mains, fans proférer de paroles.
Les fénateurs romains acceptoient une propo-
fition par acclamation, lorfqu ils fe rangeoient tous
du côté du propofant. ,
Vacclamation des nations barbares fe reiientoit
de leur rudefîe; ils l'exprimoient par un bruit
F