
des génies tnal-faifans, pouvoient caufer du mal,.
& la mort même à d'autres hommes , fans em-
ployer immédiatement la violence, le fer où le -
poifon j mais par certaines compofitions accompagnées
de paroles, & ç’ eft ce qu’on appelle proprement
charme.
Tel étoit, fi Ton en croit Ovide, le tifon fatal,
à la durée duquel étoit attachée celle des jours
de Mcléagre. Tels étoient encore les fecrets.de
Médée, au rapport du même auteur :
Devovet abfente s , fimulac raque cerea fingit j
Et miferum tenues in jeçur'urget acus.
Horace, dans la defcription des conjurations
magiques de Sagàne & de Canidie, fait auflî
mention de deux figures, l’une de cire & l’autre
de laine > celle-ci qui repréfentoit. la forcière ,
devoir perféçuter &- faire périr la figure 4 e
cire.
Lanea & effigies erat, altéra cerea, major
fanea qu& pce ni s compefceret inferiorem.
Cerea fimp liciterfi abat, fervilib us , utque.
Jam ptritura , modis.
Tac ite , en parlant de la mort de Germani-
icus , qu’on attribuoit aux maléfices de Pifon ,
dit qu’ on trouva fous terre & dans les murs
divers charmes. Reperiçbantur fçlo & parietibus
cruels, humanorum- corporum reliques. , carmina &
devotiones' y & nom en Germànici plumbeis tabulés
infculptum , femi-ufii cineres , & tabo obliti 3 alia-
que maleficia , quels créaicur animas nurninlbus inférais
facrari.
CHARMON. Jupiter étoit adoré fous ce nom
par les Arcadiens (.Paufan. Arcadie.).%upuav>} fignt-
fie joie en grecs peut-être ce furnom en étoit-il
dérivé, ainfi que les fêtes fuivantes.
commune du nautonnier infernal, des Furies,
des Parques, de la Mort, & c . &c.
Peut-on croire que les premiers Grecs, eufîent
reçu des peuples du N il, pères de la mythologie,
ou fe fuffent formé d’eux-mêrnes une idée pré-
ci fe des divinités dont ils confondoient ainfi
l’origine ? Jupiter, Jupon , Pallas & les grands
dieux , dont le culte étoit au/fi ancien que les
fondemens de la feiehee facrée, avoient chacun
une origine fixe Sc ifolée. Nous ofons donc
aflïirer que Ckaron eft1 de création moderne, Sc
doit fon exiftencc , fes1 attributs aux Grecs contemporains
CHARMOSYNE. Hefychius dit qu’il y .avoir
à Athènes des fêtes de ce nom ; c’étoient fans
doute des jours confacrés à la joie, que les Grecs
appeloient xhpyw-
CH ARON. L ’obfcunté qüi couvre l’origine de
Ckaron, fa naiflance , St le Cens caché dont il
eft l’emblème , félon les allégoriftes y eft auffi
épailTeque les ténèbres mêmesduTartare. Héfiôde,
qui étoit placé avec Orphée &; Homère fur la
ligne la plus rapprochée des Egyptiens , a pu
conferver la mémoire de leurs traditions. 11 nç
raconte cependant aucune des fables que Diodore
de Sicile leur a prêtées fur ce prétendu roi de
h Baffe-Egypte. Le chantre de la théogonie lui
donne pour père l’Erèbe, &: la Nuit pour mère. |
Mais cette origine n’eft pas un attribut exélufiF l
de Ckaron ; Héfiode l’a donnée à tous les monf- J
très des enfers, & il fuit de là- Nuit,la- mère ‘
, ou de quelques générations plus
anciennes qu’Héfipde. C’eft peut-être la caufe pour
laquelle M. Dupuis ne s’eft point occupé de
Ckaron,dans fon origine des conftellations & des
fables 3 quoiqu’il eût trouvé dans l’hémifphère
auftral, près de l’équateur, un fleuve , une barque
ou un navire , &c. &p.
Fulgenee-Planciade qui, travaillant à éclaircir
les fables chantées par Virgile, les a obfcurcies
par le \ mélange des anciennes traditions , & des
fixions les plus récentes & les plus abfurdes ,
a voulu ajouter aux idées d’Héfiode. 11 donne
à Ckaron y fans autre preuve qu’un vague ouï-
dire, Polygdemon pour père. Voici fes paroles,
qui étant traduites, ne formeroient aucun fens
raifonnable ( Virgiliana continentia ) ce Ckaron vero
y> quaji cronon , id efi tempus : uij.de & Polydegnio-
» nis filius dicitur. Polydegmon enim mules feientis
33 dicitur. Ergo dion ad tempus mults feientis quis
?3 pervenerit, in temporales gurgitis coenofitates
» morumque foeculentias tranfit Quel galimatias
j i .4
D’autre étymoîogifles ont vu dans le mot de
Ckaron un rapport avec celui d’Achéron, qui
fignifie trifte. Leur conjecture eft plus heureufe
que celle à laquelle l’antiphrafe a donné lieu dans
Ckaron, venant de %*/p«7v, fe réjouir. La trifteflè
& la férocité ont toujours formé le caraCtère du
nocher redoutable.
Sa perfonne n’a pas moins exercé les interprètes
des fables. Les amateurs des allégories physiques
paroiflent avoir mieux ré'ufïi que leurs
rivaux. Reconnpiffant Pluton pour le fouverain
des ténèbres, ils ont dit que Ckaron repréfentoit
l’ air de ces contrées obfcures, & que par fon
moyen les âmes y alloient faire leur dernier
féjour. La nature aérienne des âmes demandoit
un véhicule aérien ; & , comme dit R. Etienne
dans fon dictionnaire (T h e f ling. latin. Charon) !
Ideo confettum a poetis portitorem animarum. Noël
le Comte, à la tête des moraliftes, s’eft donné
la torture pour trouver dans Ckaron une allégorie
morale. Ce fera la réfuter que de la rapporter.
Après avôir explique l.es angoiftes & les remords
d’une ame criminelle, par les eaux noires & bour-
beufes des trois fleuve's deftinés à fervir de barrière
tàhare, il entrevoit l’efpérançe. Cette douçf
lllufion tranquillife l’ame troublée, la fait pafter
hardiment au travers desanxiétés, c’eft-à-dire, dans
fon langage, au travers du Styx, du Cocyte & de
l’Achéron, pour la conduire auprès dé fes Juges.
C’eft-là que des peines effrayantes, ou des jouif-
fances confôla'ntes & flatteufes l’attendent après
le jugement. Qui peurroit, félon le mythologue,
méconnoître ici la barque de Ckaron, fon
emploi & fon inflexibilité. Quant à l’obole dont
on payoit fes peines, il n’en veut pas faire honneur
aux inftituteurs des fables, mais il l’attribue
à l’imagination exaltée des femmes & des nourrices
, fans en chercher aucune explication.
Les écrivains à la fuite defquels s’eft placé
l’abbé Banier , ont donné à la fable de Ckaron
une • origine hiftorique. Quoique Diodore de
Sicile n’ait vécu que du tems de Céfar & d'Au-
gufte , il paroît être cependant le premier qui
l’ait cherchée dans les ufages des Egyptiens. Il dit
(DiodoriySicul. lik i. ) que les habitans de la
bafle Egypte faifoient porter leur cadavre au-delà
du lac Moeris, fit lié dans la province appelée de
nos jours Fioumé ( Banier, expLic. des fables ,
tom. 2. page 9$. Mémo.deslnfcrip. 6 ’c.). Là , plus de
quarante juges aflis en demi-cercle décidoient,
fur le récit des actions du défunt, fi fon corps
étoit digne des honneurs de la fépulture, ou s’il
devoit fervir de proie aux vautours. Un batelier,
dont l’emploi s’exprimoit par le mot de Ckaron y
falloir faire à ces cadavres Je trajet du lac. « De-
39 là. v ien t, ajoute Diodore, qu Orphée ayant
M vu cet uCage confacré dans l’Egypte où. il
» voyageoit, le prit pour bafe de fa defcription
39 des enfers ». Les poèmes qui portent le nom
d ’Orphée , quoique très-anciens , ne paroiflent
pas lui appartenir, ils n’ont donc pu fo-urnir aucune
preuve à Diodore. Celui-ci la devoit fans
doute aux prêtres égyptiens , qui, vivant depuis
deux fiècles avec les Grecs , fujets comme eux
des Ptolémées ,* ne s’étoient pas entièrement
défendu des fuperftitions grecques. Hérodote, qui
les avoit fréquentés dans les fiècles antérieurs o,ù
ce mélange., n avoir pas altéré, leurs traditions ,
me dit pas un mot du tranfport des cadavres,, de
Ckaron & de ce prétendu jugement. Aucun hif-
toïien ne s’eft cependant étendu autant que lui
fur les ufages des. Egyptiens, Sc en particulier fur
leurs fépultures.
Qui pourra croire d’ ailleurs que cet ancien
peuple confiât à un batelier, même autorifé,& à
des juges éloignés de fon habitation, les relies,
précieux de fes père' ? . o-ut le monde connoic
le refpeét avec lequel les Egyptiens cônfervoient
les cotps de leurs ayeux. L ne dette chez eux
étoit privilégiée & facrée , lèrfqu’üs en avoient
donné ponr gage ces triltes relique-.. La perte de:
l’honneur étoit la -punition- de ceu-x qui ne s’em-
prefloient pas à ies retirer. Ces réflexions fervi
lent à apprécier une tradition qui règne encore
chefc les Arabes de Fioumé. Ils font perfuadés que
le célèbre labyrinthe eft l’ouvrage de Ckaron
c Paul Lucas: ). Ce Prince, après avoir gagné ,
félon eux, des fommes immenfes en exigeant un
tribut pour le tranfport des cadavres au-delà du lac
Moeris, le fit conftruire & y renferma fes tréibrs.
De puiflans talifmans en défendoient l’approche.
On attribue à ce conte populaire la répugnance
que montrent les Arabes à conduire les étrangers
au labyrinthe, qu’ils appellent quellay Ckaron.
Ils prennent toutes les précautions imaginables
pour qu’ori n’enlève pas ces riche fies chimériques.
.C’eft ainfi qu’une fable ridicule femble
détruire l’origine vraifemblable & naturelle
qu’Hérodote a donnée à ce palais. Rapporterai-
je férieufement que l’Arabe Murtadi fait de
Ckaron (dans fon Egypte) un oncle ou un coufin-
germainde Moïfe? Après avoir obfervé long-tems
les. ordonnances du legiflateur hébreu, il en rue
recompenfé par la connoiilance de la chimie,
& par le fecret du grand-oeuvre que lui communiqua
fon pàrent. Par ce moyen. Ckaron, plus
heureux que les alohimiftes modernes, fut amaf-
fer de grands biens. Mais il en fut enfuite privé
à- la priere de Moïfe, qui fit entr’ouvrir un abîme
fous les pas de cet adepte devenu murmurateur
( Coran, ckap. 20. ). Ç’eft ainfi que Murtadi Sd
Mahomet ont confondu Coré. avec Ckaron.
Après avoir vengé la' mythologie égyptienne
des abfurdités que lui ont prêtées les Grecs &r
les Romains, cherchons tout ce que cés derniers
peuples nous ont biffé fur Choron. Paufanias
déqrit un ancien tableau de Polygnote ( Phocica,
page 66i. ) y que les Gordiens avoient placé dans
un édifice appelé Lefçhé, près de Delphes. On y
voyoit l’Achéron & une barque conduite à la rame
par le batelier. Polygnote, fuivant Paufanias, avoit
fuivi dans ce deflfm une ancienne poéfie appelée
Minyas, dans laquelle, en parlant de Théfée &
de Pirrhoiis, on avoit dit qu’un batelier très-
âgé paffoit les ombres dans cette large barque.
L ’artifte, d'après cetté tradition ^voit peint
Ckaron fous les traits d’un vieillard. Depuis ce
tems une vieil'leffe forte & robufte a- etc fon
caraétêie prôpre, & les Latins le lui ont confervé
religieufement , i comme il paroît par ces vers de
Virgile (Æneid. lib» vs.
99 Portitorhas korrendusaquas3 & flumina fervat
so Terribili fqualore Ckaron : cui plurima rnento-
99’ Canities inculta jacet : fiant luraina fia mm â :
99 Sordidus' ex kumeris tiodo dépendit ami II us :
33 Jpfe ratem conto fubigit, velifque miniflrat,.
» Et ferruginea fubvettat corpora cymbâ
33 Jam fenior : fed cruda Dco viridisque fc ne II us.
Les monumens ont copié fidèlement cette peinture
, aux voiles près. Sur un tombeau écruiqua