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trouvons que l’on érigeoit encore des ftatues de
la même matière aux vainqueurs des jeux publics
de la Grèce dans la foixante-unième olympiade,
au fiecle de* Pififtrate, & que même le célèbre
Myron fit une Hécate de bois pour les Eginètes.
Le philofophe Diagoras, fi fameux parmi les
Athees de l’antiquité, manquant un jour de bois,
apprêta fon dîner avec une ftatue de bois qui re-
préfentoit Hercule. Dans la fuite, on introduit
1 ufage de dorer ces ftatues chez les Egyptiens &
chez les Grecs. Gori pofledoit deux figures égypr
tiennes qui avoient été dorées. Quoique le bois
fut par la fuite profcrit, pour ainfi dire, par la
fculpture, ce fut toujours une matière dans laquelle
d’habiles ouvriers cherchèrent à montrer
leur talent. Nous trouvons, par exemple, que
Quintus, frère de Cicéron, s’étoit fait faire un
lychnuchum ou candélabre à Samos, par un habile
artifte dans ce genre d’ouvrage *>.
Plufieurs cabinets de curiofité confervent des
figures de bois égyptiennes, terminées dans le
goût des momies 5 celui de Sainte-Géneviève en
renferme trois.
B o i s facré, lucus. Les bois ont été les premiers
lieux deftinés au culte des dieux. Dans les
premiers tems où les hommes ne connoiffoient
ni villes ni maifons, & lorfqu’ils habitoient les
bois ou les cavernes, ils choifirent les lieux les
plus écartés, les plus fombres, les forêts impénétrables
aux rayons du foleil, pour offrir des
facrifices ; ils y élevèrent des autels & des temples.
Pour retracer depuis cette ancienne coutume
, on plantoit toujours, lorfqu’on lepouvoit,
des bois autour des temples, & les bois étoient
auffi refpe&és que les temples mêmes. Ces bois
facrés furent très-fréquentés ; on s’y aflembloit
aux jours de fêtes : après la célébration des myf-
tères, on y faifoit des repas publics , accompagnés
de danfes, & de toutes les autres marques
de la plus grande joie ; & o n y fufpendoit les
offrandes avec profufion. Couper des bois facrés,
étoit un facrifége énorme; il étoit cependant
permis de les élaguer, de les éclaircir, & cf abattre
les efpèces d’arbres que l’on eroyoit attirer le tonnerre.
Elien dit qu’il y avoit dans Pille de Claros un
bois facré d’Apollon , dans lequel il n’éntroit
jamais de bêtes venimeufes ; il ajoute qu’aux envi
rons on voyoit beaucoup de cerfs 5 quand les
chaffeurs les vouloient prendre , ils s’enfuyoient
dans le bois facré d’ Apollon : les chiens cou-
roient après eux 5 mais repouffés par la vertu
puifTante du dieu, ils n ofoient y entrer, &
aboyoient toujours, tandis que les cerfs tranquilles
broutoient l’herbe dans le bois, fans
aucune appréhenfion Efculape avoit un bois facré
près d’Epidaure, dans lequel il étoit défendu de
iaifter naître ou mourir perfonne. On préfume
bien que le but de la Médecine étant d’empêcher,
autant qu’elle peut, les hommes de mourir, il J
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étoit de Phönneur du dieu de la Médecine que
perfonne ne mourût dans fon bois facré ; mais
pourquoi ce dieu s’oppofoit-il à la naifTance des
hommes dans Ton bois} C’eft ce que l’on ne fau-
roit deviner, à moins que Ton ne recoure à Pim-
mortalité promife par les médecins, & figurée
par Pabfence de la naifTance & de la mort.
Les écrivains de l’antiquité parlent fouvent du
refpeât dont les peuples étoient pénétrés pour
les bois facrés. Ovide (Faß. lib. n i .) :
Lucus Avendno fuberat niger ilicis umbrâ,
Quo pojjis vifo, dicere y numen ineft.
Ils croyoient que le filence des bois, & leur obf-
curité, annonçoient la préfence des divinités.
Sénèque le dit exprefîement (lib. 5. epift. 4. ) :
Si tibi occurrit vetujiis arboribus , & folitam alti-
tudinem .egreffts , frequens lucus , ilia proceritas
filva, 6? fecretum loci, & admiratio umbr& fidem
Numinis facit. On trouve les mêmes'idées dans
Pline 1 ancien (xri. I.) : Hac fuêre numinum tem-
p la , prifeoque ritu fimplicia rura ctiam nunc deo
pracellentem arborent dicant. Nec mugis auro fu i-
gentia atque ebore Jimulacra , quam lucos , & in iis
filenda ipfa adoramus. De-là vint cette terreur
fuperftitieufe dont les anciens étoient fâifis, lorfqu’ils
étoient forcés' de couper les bois facrés ;
ils s’attendoient à voir les haches rebondir contre
eux-mêmes, ainfi que la hache du roi Lycurgue.
Ce roi, difoit la fable, ayant eu la témérité fkeri-
lege de couper lui-même les vignes confacrées à
Bacchus, fut puni de cet attentat en fe coupant
les cuifles, que fon aveuglement lui fit prendre
pour des troncs de vigne. Lucain a fait de ces
traditions fabuleufes une application heureufe aux
efclaves de Céfar (Pharfal. n i .) :
Sed fortes tremuêre manus, motique verendâ
Majefate loci, f i robora facra férirent,
In f ia credebant redituras membra fecures.
Il y avoit à Rome & dans fes environs des
bois facrés dont on appeloît luci les plus refpeétés,
& nemora ceux pour lefquels on avoit une moindre
vénération. Voici les principaux.
Le bois d‘Anna Perenna étoit hors de Rome,
près du mont facré, entre le confluent de l’Anio
& le pont Milvius.
Le bois de Caïus & de Lucius étoit fur la colline
des Efquilies. !
Le bois des Camène s , des Mufies, étoit fitué
à quinze milles de Rome, hors de la porte Ca-
pène, fur la voie Appienne, près de la fontaine
d’Egérie. Les Juifs du tems de. Juvénal (Sat. n i*
1 1 .) y faifoient leur demeure :
Subfiitit ad veteres arcus , madidamque Capenam :
Hic , ubi nofturna Numa conftituebat amies :
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Hune facri fonds nemus , & delubra locahtur
Judais, quorum cophinus , foenumque fupellex.
Omnis enim populo mercedem pendere jujfa ejl
Arbor, & ejeftis mendicat fylva Camoenis.
Le bois de Diane étoit fur le chemin d’Aricie.
Manius Egerius le lui avoit dédié, félon Feftus.
Caton, cité par Prifcien ( i r . ) , appelle ce prêtre
Egérius Bæbius, & il ajoute que le dictateur
Latinus fit la confécration de ce bois.
Le bois confacré par Augufte aux dieux Mânes
s’étendoit fur les collines voifines des murs de
Rome, depuis la place où eft Sainte-Marie-du-
Peuple , jufqu’à celle de la Trinité-du-Mont.
Le bois d’Egérie étoit fitué fur la voie Appienne ;
il fut confacré par Numa aux Camènes. Voyez
plus haut fon article.
Le bois des Efquilies étoit fitué fur la colline
de ce nom.
Le bois Fagutalis n’étoit pas éloigné de la
place qu’occupe Saint-Pierre-aux-Liens.
Le bois des Furies , lucus Furinarum , dans
lequel périt Ç. Gracchus , étoit fitué, félon
Vi&or, au-delà du Tybre.
Le bois lier nus. Voyez Hy l e r n a .
Le bois de Junon-Lucine oceupoit, à ce que
l’on croit, le terrein fur lequel eft bâtie Sainte-
Marie-Majeure. Ovide dit qu’il étoit fur le penchant
, ou au bas de la colline des Efquilies
{Faft. i l. 43 j.) :
Monte fub Efquilio multis incsduus annis
Junonis magna nomine lucus erat.
Et ( ibidem. 449.) :
Gratia Luc in a : dédit kac tibi nomina lucus•
Le bois des Lares étoit fitué entre les monts
Coelius & Palatin; quoiqu’on pourroit conclure
du paflage fuîvant de Varron (de Ling. Lat. iv . 8.)
qu’il étoit plus près des Efquilies (luci Mephids
& Luçinà) : Item lucus Larum, & Querquetulanum
facellum.
Le bois de Laverne étoit fitué près de la voie
Salaria. Il étoit touffu & très-obfcur ; ce qui le
fit choifir par les voleurs pour y partager leur
butin.
Le bois de Mars, dont Rufus feu! a parlé,
ombragepit fans doute l’autel que ce dieu avoit
dans le champ appelé de fon nom.
Le bois co.qfacré à Mephids., la puanteur,
étoit au bas des Efquilies, auprès du quartier
Patricien.
Le bois Poetilinus étoit fitué hors & près de
h porte Numentane, fur le mont Viminal. Nar
ûini, qui le d i t , fait une légère correction dans le
texte de Tite-Live , où il en eft parlé (vi. 10.’J:
Produitkâ die in Pxtii'inum lucum extra portam
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Flumentanam (il lit ici avec beaucoup de vrai-
femblance Numentanam) , undè confpecius in Ca-
pitolium non effet, concilium populi indillum eft.
Le bois Querquetulanus étoit fitué fur le penchant
des Efquilies, auprès de la porte de fou
nom, & de la place qu’occupe Sainte-Croix-de-
Jérufalem.
Le bois de Rémus couronnoit le mont Àventin.
Le bois de la déeffe Rubigo étoit hors de la
porte Viminale. C’étoit dans ce bois que l’on
immoloit chaque année, à la fin d’avril, un chien
à la Canicule, afin qu’elle ne brûlât pas lesmoiflons,
& une brebis à la déefte Rubigo (rouille des bleds),
afin qu elle ne verfât pas fur elles fts funeftes
influences.
L4 bois de Vefta étoit fitué au pied du mont
Palatin, du côté de la rue Neuve. Cicéron en
parle (de Divin. 1. 41.) ; A luco Vefta, qui a Pa-
la d ï radice in novam viam , euftodiamque facrorum
devexus eft.
BOISSEAU, mefure de capacité des anciens.
Voye[ Modios & Modius.
Boisseau. On voit fouvent fur les médailles,
les marbres & le s autres monumens antiques, des
boiffeaux. Sérapis en porte ordinairement un fur
fa tête , comme un fymbole de la fertilité que le
Nil ou fon iinage , Sérapis-du-Nil, procuroit à
l’Egypte. Le boijfeau paroît aufli fur les médailles
tantôt rempli d’épis, tantôt fans épis. Il défigne
alors la fertilité d’un pays ou les fecours de bleds
que les empereurs y avoient envoyés. Le boijfeau
de Sérapis & celui du revers des médailles,
préfentent dans leur forme une différence que
nous devons faire obferver.
Sur la tête des dieux il eft évafé par le haut,
& fans pieds.
Sur les médailles, lorfqu’ il repréfente l’abondance,
& lorfqu’il renferme des pavots, il a des
pieds carrés faits comme des créneaux; il eft;
d’ailleurs généralement conique. Cependant M. de
Non en a apporté un de la grande G rèce,
qui eft cylindrique, de bronze, avec deux petits
cercles ou moulures vers le haut, & des pieds
carrés, de la hauteur de fept à huit pouces.
BOISSON. Les anciens buvoient ordinairement
chaud, dans les repas fomptueux ou recherc-hés.
On y fervoit à la vérité de l’eau froide & de l’eau
chaude. Athénée prouve que les Grecs faifoient
fouvent ufage de la fécondé, fur-tout pendant
Thiver & le printems ( i l . p. 45. 6? n i . p. 123).
Les témoignages de Juvénal, de Martial & de
Sénèque, nous apprennent la même chofe des
Romains voluptueux. Le premier dit (Sat. v. 60.) :
Quandb vocatus adejt calida gelidaque mini fe r ?
Martial (*rn n 67. 6.) :
Caldam pofeis aquam ,fed nondum frigida venin
Alget adhuc nudo claufa. culina foco.
O o o ij