formant des cavités considérables, qui y répan*,
dent de la variété 8c y forment un claiivobfcur-
C'eft ainfi que font travaillés les cheveux de toutes
les Amazones > qui pourroient fervir de modèle
à, nos artiftes pour les ftatuçs de vierges & de
martyres. »
« Différens des ftatuaires anciens, les Sculpteurs
modernes ont adopté pour leurs figures
d'hommes une certaine forme de cheveux t qui
eft propre aux Satyres ou aux Faunes, comme
je le ferai voir ci-après ; fans douté parce que
l'exécution de cette efpèce de chevelure leur coûte
moins de peine ; tandis que dans les figures de
femmes ils ont rendu les cheveux fans aucune
cavité , ou avec un petit nombre de cavités, ce
qui leur ôte la variété & qui les prive du clair-
obfcur. .
« Les cheveux des Satyres 8c des Faunes font
hérifles 8c peu crêpés à leur pointe , parce qu'on
a voulfl leur imprimer le caractère des poils de
chèvres, de même que l'on a donné des pieds
de chèvres aux Satyres & à quelques figures de
Pan. C'eft-là ce qui a fait appeler le dieu Pan
<Pftxoxofws 3 aux cheveux hérilres ( Antkol. I. 4. c,
36. p. 364. I. ï j . J. Ces cheveux s’appeloient en
grec tuôuôpcx 3 & Suétone les défigne par ces mots
çapillis lenite'r inflexis ( Suet. Aug.'ç. 7 9 * )• S i,
dans le cantique des cantiques (c. 4. v. 1. ) les
cheveux de l’époufe font comparés aux poils de
chèvres, il faut l’entendre fans doute des chèvres
d'Angora 8c de Syrie, qu'on a coutume de tondre
à caufe de la longueur de leurs poils ( Bochart
Hieroi. t. 1. I. 2. c. j i . p. 6z5. ”
« Apollon & Bacchus portent des cheveux qui
defeendent fur les épaules. II n'y a que ces deux
divinités qui les portent de cette manière > ce
qu'il faut bien remarquer, parce que ce cara&èrç
de la chevelure les fait reconnoître dans leurs
figures mutilées. »
« Les enfans porcoient en général des cheveux
Jongs jufqu'aux années de l’adolefcence ,. comme
nous le voyons dans le récit de Suétone, qui
dit que Néron, pendant fon féjour à Naples,
avoit raflemblé cinq mille enfans portant de longs
cheveux ( Suet. Nero. c. 2. ) . Mais les jeunes
gens avpient coutume de porter les cheveux plus
courts, fur-tout par derrière , excepté ceux de
l'ille d’Eubée, qu’Homère nomme à caufe de cela
4x1601 y.afzcm. »
« A çette occafîon je dois parler de la couleur
des cheveux , d'autant plus que quelques paflàgés
des anciens auteurs ont fait naître de finguliçres
méprifes fur cet objet. La couleur blonde, £«u8«,
a toujours été regardée comme'la plus belle,
gi la blonde chevelure a été donnée également
aux plus beaux des dieux, Apollon , Bacçhus ,
& aux plus illuftres des héros. Elien nous apprend
qu‘Alexandre avoit les cheveux blonds ( Ælian.
Var. Hifi. I. i l . C. 14. ). En conféquence de
gçtfe potion, j'aj fétjblj ailleurs ÇMçifiirn, 4h(,
y. l . e. 46 .) le fens de ce partage d’Athénée
( Athen. Deipn. I. 13. p. 604. A.) : 3<^' 0 xot>ithç
( rcuovt£'y,s ) o(pl Xoyav %piiro*o/uetv A?r«XAa'y«4? Paflage
qu'on avoit appliqué jufqu'alors aux cheveux noirs
d’Apollon , & qui avoit été entendu de même
par François Junius ( Jun. de Pict. vet. /. 3, c. 9.
p. 231.). Au moyen du ligne d’ interrogation ,ce paflage reçoit un fens tout oppofé. Cette couleur
blonde des cheveux eft aufli nommée pitXixpo>°s
( Philoft. I. 1. lcon. 4. p. 768. ) } 8c lorfque Lucrèce
( /. 4. v. I l 54- ) dit nigra , p&t%pa>os eft,
ilcônfirmele fens de notre paflage} car ce poète,
en parlant des flatteries impertinentes qu’on prodigue
au beau fexe , cite entr'autres celle-ci, de
nommer une jeune fille qui a des cheveux noirs
fAtXtxpaoç 3 pour lui donner une beauté qu’elle n'a
pas. De la manière dont on avoit interprété juf-
qu’ici Simonide, cité par Athénée, il réfulteroit
qu'il auroit contredit le chantre d'Achille, qui ne
cartf&érife aucun de fes perfonnages par des cheveux
noirs. »
Apollon eft célèbre pour fa chevelure blonde. Cette
couleur étoit chez les Grecs l'attribut de la
beauté même pour les jeunes hommes. Homere
la donne à Achille 8c à Ménélas. Théfée eft blond
dans Ovide 8c dans Catulle. Philoftrate dépeint
Jafon de la même couleur. (Edipe paroît avec
descheveux blondsdansEuripide, & Hippolite dans
Sénèque. Les poètes ont chanté aufli la blonde
chevelure de Mercure & celle de Bacchus. Les
mafques des jeunes gens fur les théâtres étoient
garnis d'une chevelure blonde, afin de les faire
reconnoître j ou plutôt, comme dit Pollux , afin
de les faire reflembler au beau dieu , •npvxai Bt'3
Kottâ, à Apollon.
Les cheveux noirs, au contraire , annonçoient
çhez les poçtes grecs la laidçur. Euripide appelle
Pluton MiAotyxttiTcti 3 divinité a la noire chevelure.
Chez les Grecs , les cheveux droits & épars
annonçoient la douleur. Les mafques des femmes
qui dans les tragédies apportoient la nouvelle de
quelque malheur, étoient garnis de longs cheveux
épars & flottans fur les épaules.
Cette couleur blonde qui caraélérife les peuples
feptentrionaux, & que la nature brûlante
des contrées méridionales fémble refuferà leurs
habitans , faifoit l'ambition des Grecques 8c des
Romaines. Pour l'imiter elles répandirent fur leurs
chevelures des poudres jaunes 8c rouflesj elles les
teignirent avec du faffran, 8c plus fouyçnt avec
du brout-de-noix. Pline dit des fruits du noyer
( xv. 22.) .* Tinguntur cortiçe earum lan&, & rufai
tur çapillus primiim prodeuntibus nuculis. Une
teinture plus forte de ce brout teignoit en brun ^
& les femmes âgées l’etpployoiçnt pour déguifeç
leurs cheveux blancs ( Tibul. J. 9- 43*):
Tum ftudium forma, cçma tune mutatur , ut annçf
piftim^Up, viridi ç^ntiee tintta tiuci$ ?
Quelques Philologues ont conclu de certains
pafîages d'auteurs latins mal-entendus » que les
dames romaines, matrona, affettoient de faire
paroitre noirs leurs cheveux, pour fe diftinguer
des courtifannes , chez qui la couleur blonde
étoit la plus recherchée. Ces paflages font pris dans
deux Scholiaftes. Celui de Juvénal expliquant les
deux vers fur Meffaline vi. 120.) :
Sed nigrum flavo caput abfcondente galero
Intravit calidum veteri centone lupanar.
dit que les dames portoient une faufle chevelure
brune, tandis que celle des courtifannes étoit
noire î tegumento. . . . . . quo utebantur mérétrices
flavo ,* nigro nam crine matrone, utebantur.
Servius cite les mêmes vers de Juvénal, en expliquant
le 698e vers du 1 Ve livre de l'Enéide i & il
ajoute que l'on ne repréfentoit jamais les dames
romaines avec une chevelure blonde , mais qu’on
leur endonnoit toujours une noire : Matronis num-
çuam flava coma dabatur , fedn igra.
Il eft facile de détruire l'opinion de ces Philologues.
D’abord les vers de Juvénal expriment
Amplement les efforts que faifoit pour fe déguifer
la femme de Claude j & le plus utile fans doute
étoit de cacher fa chevelure noire fous une blonde.
D'ailleurs Servius doit être expliqué par lui-même j
or il cite Caton, un des plus anciens écrivains
de Rome , qui dit que les dames frottoient avec
une pommade jaune leurs cheveux, pour les faire
paroitre blonds : matronas crines flavo cinere une-
titajfe , ut rutile ejfent.
Ne voyons-nous pas ordinairement les poètes
latins chanter les cheveux blonds des dames les
plus diftinguées par leur naiflance ou par leur
beauté ? ce qu’ils n’auroient pas fait s’ils euflent
été l’attribut diftin&if des courtifannes. Ovide dit
de Lucrèce (Poft. i l . 7 6 } .) :
Forma p lacet 3 niveuflque color , flavique capilli.
Virgile dit aufli de Lavinie ( Æneid. x i i . 60j . ) :
Filia prima manu flavos Lavinia crines. . .
Properce enfin de fa chère Cynthie ( i l . 1. J7. ) :
. Fulva coma eft, longeque manus , &c.
« J’a i , dit Winckelman, dans fon biftoire de
l’art, peu de chofe à faire obferver fur les chevelures
des figures grecquesde l'ancien ftyle relies
offrent rarement des cheveux bouclés j & eh général
les cheveux font toujours plus négligés aux têces
de femmes qu’à celles des hommes. Aux figures
du haut ftyle, les cheveux font peignés Amplement
par-deflusla tê te , & forment des filions
©ndoyans 3 ceux des jeunes filles font relevés 8c
noués fur le fommet de la tê te , ou attachés en
un feul noeud, & afliijettis par une aiguille fur
le derrière de la tête ( Paufan. I. 8- p• 638. /. 22.
/. 10. p. 862. /. 4. /. 1. p. 5. /. 26 .). Une médaille
d’argent très-rare de la ville de Tarente, repréfente
Taras, fils de Neptune, à cheval comme il l'ell
fur la plupart des médailles de Tarente / mais
avec cette particularité qu’il a les cheyeux noués
fur la tê te , comme ceux des jeunes filles j de
.forte qu'il feroit douter de fon fexe, fi l’artifte
n'avoit pas eu foin de l’ indiquer très-diftinéte-
ment. On voit de plus fous le cheval un mafque
tragique. C’eft. avec cette fimplicité de coèffure
que paroifloit toujours fur le théâtre le principal
perfonnage de femme dans les tragédies grecques
( Scalig. Poet. I. 1. c. 14. p. 23. d .). Quant à l’aiguille
de tête, propre à afliijettir les cheveux des
jeunes filles, elle eft rarement vifible dans les
figures qui nous relient. Montfaucon rapporte
une feule figure romaine , fur la tête de laquelle
on la remarque > mais cette aiguille 11'eft pas
Yacus difcriminalis, qui fervoit à féparer ou à
former les cheveux en boucles, comme le çroyoit
ce favant ( Montfaucon , Ane. expliq. fuppl. t. 3.
p. 4. »
« Quelquefois les cheveux des femmes font
noués par derrière à une certaine diftance de la
tê te , & defeendent en groflès touffes fous la
bandelette qui les l ie , comme on le voit aux
figures étrufques de l ’un & de l’autre fexe. C’eft
ainfi que font arrangés les cheveux de la Pallas
de la Villar.Albani, ceux d’une petite PailaS qui a
été tranfportée de Rome en Angleterre, des Caryatides
de la Villa-Négroni, ceux enfin de la
Diane du cabinet d’Herculanum, & de plufieurs
autres figures. Il réfulte de ces faits que Gori s*eft
trompé en difant que les cheveux traités de cette
maniéré , font des caraéières du ftyle étrufque
(Muf. Etr. t. 1. p. 101.). Quant aux trefles
attachées autour de la tê te , telles que Michel-
Ange en a donné aux deux ftatues de femmes du
tombeau du pape Jules I I , on n'en a jamais vu
à aucune ftatue antique, quoique plufieurs têtes
de dames romaines offrent des coëffures de cheveux
poftiches. C'eft ainfi que Lucille , femme
de l’empereur Lucius-Vérus (ftatue confervée au
Capitole) , a des cheveux de marbre noir, qui
font adaptés de façon qu’on peut les enlever à
volonté. »
« Plufieurs ftatues antiques noüs offrent des
cheveux colorés en rouge. On en voit de pareils
à la Diane du cabinet d’Herculanum, à une petite
Vénus du même cabinet, qui prefle des deux
mains fes cheveux m o u i l lé s& à une ftatue de
femme drapée, ayant une tête idéale, ftatue pla*
cée dans la cour du château de Portici. Les cheveux
de la Vénus-de Médicis étoient dorés, ainfi
que ceux d’une tête d'Apollon du cabinet du
Capitole. *>
« Il étoit quelquefois d’ ufage de fe couper