
mairement les opinions de plufîeurs auteurs fur
ce point hiftorique. Excités par ce programme ,
les favans firent des recherches, envoyèrent à
Meerman des mémoires en forme de lettres , où
chacun difoic fon avis , citoit les monumens >
& le recueil de toutes ces pièces fut imprimé
à la Haie , chez Van-Daalen , en 1767 , in-8°.
Aucun des mémoires du recueil ne détermine préci-
fément quel elt le monument connu le plus ancien
qui foit écrit fur du papier de chiffon j mais ii eft
démontré que l’on a fait ufage de cette efpèce de
papier avant' Tannée x jo o . Nous renvoyons au
recueil de Meerman, 8c nous ne mettrons fous les
yeux de nos lecteurs , qu’ un précis de ce que dit
là-defliis M. Tabbé Andrès x tom. I. pag. 202 &
fuivantes, de fon excellent ouvrage , imprimé à
l’imprimerie royale de Parme , en 1782, in-8 ° .,
fous ce titre : de l'origine , progreffi e jlato aliuale
d'ogni litteratura.
Après avoir indiqué les plus anciens monumens
écrits fur papier, qui exiftent foir en France,
foit en Efpagne , M. Tabbé Andrès allure que le
papier de foie fut fabriqué très-anciennement en
Chine 8c dans les parties orientales de l ’ A i l e 5
que de la Chine Tufage en a pafle en Perfe en
6 3 2 , & à la Mecque en 706. Les Arabes fubfti-
tuèrent à la foie le coton, plus commun dans
leur pays. Le papier de coton fe répandit en
Afrique & en Efpagne par les Arabes, qui s’ en
fervirent jufqu’à ce que les Efpagnols, reçpnnoif-
fant qu’ ils pouvoiept fe fervir du lin , fort commun
dans le royaume de Valence, imaginèrent
de l’employer pour le papier , au-lieu du coton
qu’il falloit tirer de l’étranger. Anfli le plus ancien
papier de lin fe trouve-t-il être celui de Xativa ,
de Valence & de la Catalogne. Les provinces '
méridionales de TEfpagne s’en fervirent plus tard.
De TEfpagne le papier de lin pafla en France,
où nous voyons une lettre de Joinville à S. Louis,
mort en 1270, & une pièce d’un duc de Bom>
gogne, datée de 1302, toutes deux écrites fur
ce papier. De France il pafîa en Allemagne , où
on le trouve en 1312 & en 1322 > de-là en Angleterre
en 1320, ou en 1324. A l’égard de l’ Italie
, comme par fon commerce avec le Levant
çlle avoit en abondance du papier de coton ,
elle fit bien plus tard que TEfpagne & la France
ufage de celui de lin , dont la fabrique en cette
contrée ne s ’ in t r o d u i s i t à Padoue & à Trévife ,
que vers le milieu du quatorzième liècle. De
manière que Tabbé Tirabofphi 8c d’autres écrivains
italiens ont été aveuglés p a r l’amour de la
patrie , quand ils ont avancé que l’Italie étoit la
p r e m i è r e contrée de l’Europe où Ton avoit employé
le p a p i e r de lin.
Tel eft en fubftance le récit de M. Andrès 5 il en
réfulte, comme Ton v o it , que Ton a fait ufage
d u papier de lin ou de chiffon avant Tan 1 3 0 0 5 mais
ij faut convenir que cet ufage ne remonte guères
plus haut que Tan 1230. L ’almanach de Gotha ,
pour Tannée 17 7 7 , d it, à l’article des découvertes
faites en Europe, que la plus ancienne feuille
de papier de chiffon eft de 1319 > 8c que M. Mure
Ta trouvée, d’ans les archives-de Nuremberg.
Cette feuille de 1319 eft peut-être la plus ancienne
dont on ait fait ufage en Allemagne} mais il eft
confiant que TEfpagne à employé cette efpèce de
papier avant 1319.
CHIFFRES GRECS.
ce Les caractères, difent les auteurs de la nouvelle
Diplomatique ( t. 3. p. 31 r. ) , dont les
-anciens fe fervoient pour compter & pour abréger
les noms des nombres, font de véritables
figles. A l’exemple des Hébreux, les Grecs 8c
les Romains donnèrent à leurs lettres une. valeur,
en fuivant Tordre que chacune tenoit dans l’alphabet
, ou en rendant les termes numériques
par leur élément initial. Chez les Grecs, par
exemple J TI eft la lettre initiale de 'U pourries,
qui lignifie*un y le % du mot we»7e, cinq ; le A
du mot Mx.a-3~dix. L’h vaut cent, parce qu’il
commence le mot H*««», 8c Tx lignifie mille,
du. mot Mais en quel tems s’eft-on avifé
d’afligner un nombre à chacune des lettres de
l ’alphabet ? Quel eft le premier des Grecs qui
s’en eft fervi pour compter ? En général les uns
attribuent la fcience des nombres à Mercure, les
autres à la déelfe Numéria } les uns à Abraham,
les autres à Theutdemon , & la plupart aux Phéniciens.
Mais on ne croit pas que l’invention des
chiffres remonte à ces premiers tems. L ’on employa
d’abord les différentes inflexions 8c polirions
des<ioigts, pour lignifier les différent nombres.
L ’on compta encore avec de petits cailloux,
calculi, 8c de-là les termes de calcul 8c de calculer.
Vint enfuite l’invention des chiffres, dont
Tite-Live fait ( /. 7. c. 3. ) honneur à Minerve 5
"ce qui lignifie à proprement parler que cet hif-
torien n’en- connoifîoit point le premier auteur.
Platon (D e Rep. I. .7. p. 697. S. Athanafç
( Adverf. Ç eut e s.) les donnent à Palamède. Ili-
dore de Séville, 8c le vénérable Bede en font
auteurs Pythagore 8c Nicomaque. O r , le plus
ancien de ces inventeurs vivoit long-tems après
que Cadmus eut apporté les lettres en Grèce.
Cependant le Préfident Bouhier ( De Prifcis Lit-
ter. Differt. ad calçem PaUo.gr. Gr&c& , p. 367. )
fuppofe qu’ elles étoient déjà numériques lorf-
qu’elles y furent apportées. Mais il eft beaucoup
plus probable qu’elles ne le devinrent qu après
que l’alphabet grec fut complet. »
et Dans les lettres formées , dont Tufage dura
jufqu’au x ie'liè c le , les évêques de France 8c
d’Allemagne employèrent un certain nombre de
lettres numérales grecques. Ôn peut voir dans la
collection (Labbe3 tom. 8. p- 1893. ^ des
conciles, la valeur, les diverfes lignifications 8c lé
myftère de ces caractères , au moyen defquelsks
prélats fe précautionnoient contre les artifices des
impofteurs. » ,
Chiffres Étrusques.
A l’exemple des Grecs, dit Gori ( difefa dell'
alphaôeto etrufc. pr&f. pag. clxi i . 1 1 2 . ) , les
Etrufques fe fervoient de lettres pour marquer
les nombres. Ils écrivoierit les chiffres de droite à
gauche, i i iax. ii ivxx. ii iaxxx. , c’eft-à-dire,
x v i i i , xxviii , x x x v i i i . Dans le premier
8c le dernier nombre T v renverfé a la valeur
de cinq, comme chez les Romains.
Chiffres Romains.
« Seroit-il polfible , difent les auteurs de la
nouvelle Diplomatique, que les Romains , qui
ont emprunté'des Grecs les arts 8c les fciences,
n eufîènt point appris d’eux à fe fervir des éîé—
mens de l’alphabet pour compter ? Si Ton en
croît quelques modernes, les anciens Latins ne
firent pas ufage des lettres numérales, comme
on le penfe communément. Pour étayer cette
opinion fîngulière , contre laquelle dépofent
beaucoup d’anciens monuméns, on allègue ces
paroles de S. Ifîdore de Séville, qui vivoit au
VIIe fîecle : Latini autem numéros ad litteras non
computant. Mais i ° . il en excepte expreflfément
T I , qui vaut un, 8c T X , dont la figure , dit-il,
marque la croix 8c le nombre dix. 29. Prifcien,
qui vivoit en 323, parlant des nombres 8c de la
manière de compter des Grecs, dit que les Latins
les ont imités d’afîez près. Il trouve l ’origine 8c
la valeur des chiffres romains dans les nombres
grecs. La lettre L , par exemple, défîgne le nombre
de cinquante chez les Latins, parce que chez
les anciens Grecs elle fe mettoit pour TN ,.qu i
vaut pareillement cinquante félon leur manière
de compter. 30. Les nombres romains fe montrent
dans les infcriptions du premier âge , 8c
dans les plus anciens maniifcrits. On S’en fert pour
«iiftinguer les livres dans le fameux Virgile de
Florence, écrit au Ve fiècle. Jufqu’au i v e on
employa le caractère grec C , qui eft le C carré,
pour marquer Je nombre centenaire. L’ ufage des
chiffres romains ne fut donc point introduit dans
les tems d’ ignorance, comme on le dit dans TEm
cyclopédie , d’après quelques modernes. II fe
peut faire néanmoins que ces chiffres ne remontent
pas à la plus haute antiquité 5 car ^y^fque
l ’écriture étoit encore rare chez les Romains,
ils comptoient les années avec des clous,*8c la
'manière deJ.es attacher devint dans la fuite une
cérémonie de leur religion. »
- « Quand Tufage de T écriture fut devenu commun
, T l , l‘V , TX, T L , le C , le D 8c TM furent
les feulé caractères latins deftinés à marquer les
nombres > au-lieu que dans l’hébreu, le grec 8c
les langues d’Orient, toutes les lettres font numérales.
Cette difette de chiffres chez les Romains,
les obligea à doubler , tripler , quadrupler leurs
caractères numériques, félon qu’ils ^voient befoin
de leur faire lignifier plufîeurs unités, dixaines,
centaines ou milliers.Toutefois on ne voit guères
multiplier les V 8c les L , mais les I 8c les X y
fuppléent. Ces fix lettres combinées étoient portées
jufqu’ à cent mille , au-defîus defquels on
prétend que les anciens Romains ne connoiifoient
point de nombres. Lorfqu’ils tiroient une ligne
fur quelqu’un de leurs chiffres, il valoir alors
autant de fois mille qu’il renfermoit d’ unités auparavant.
Au-lieu de mettre autant d’M que de
miile, ils fe contentèrent de les repréfenter par
autant d’I furmontés d’un barre. Ainfi ÎLX V 1III,
valoit mille foixante-neuf. Cette barre fur TI un
peu abaiiïëe forma un T , qui lignifie mille.
Cette lettre renverfée j , a quelquefois la même
lignification. La lettre X , q u id ’elle-même ne
lignifie que dix, avec une barre X vaut dix mille.
TL furmontée d’une ligne défîgne cinquante
mille, 8c le C cent mille. Ces barres ou lignes
horifontales furent placées d’abord fur les chiffres
, pour les diftinguer des lettres ; mais dans
la fuite elles ont fervi à diftinguer les millièmes.
»
ce Lorfqu’on écrivoit plufîeurs unités, le premier
8c le dernier I étoient prolongés au-defîus
des autres, comme dans l u i v i r , quatuor-yir 3
I i m l v i r , f e x - v ir . »
ce Le D feul marque cinq cent. On en détacha
la ligne perpendiculaire, d’où réfulta la figure
I D , qui çonferva la même valeur. »
L ’M tant capitale qu’ onciale m fîgnifie mille,
parce qu’elle eft la première du mot mille. Mais
comme onciale, elle s’eft infenfîblement changée
en ces quatre figures 0 3 , CD , 0 0 , m 3 fans
rien perdre de fa valeur* La figure 00 paroît plufîeurs
fois dans un a été de Ravenne de Tan 444.
Les copiftes ont quelquefois confondu tous ces
caractères avec Tm faute de connoître les rapports
qu’ils ont avec Ym onciale, d’où ils defeen-
dent. Si quelquefois on trouve TL entre les C ,
comme C L 3 , cela vient de l’ignorance des copiées
q u i, ayant vu que TI s’élève ordinairement
au-defîus de c io , ils l’ont pris pour une
L . »
ce L ’X renverfé fervoit encore de mille. Ainfî
X X X CCC. X X C V , veut dire trois mille trois
cent quatre - vingt - cinq. On marquoit quatre-
vingt-dix avec un X 8c un C , en cette forte X C ,
parce que le C fîgnifie par lui-même cen t, &
que le dix X eft Une diftraétion du cent. « Ainfî
» toutes les fois qu’il y a une figure de moindre
30 valeur devant une plus haute, elle marque qu’il
» faut autant rabattre de la grande figure, comme
« IV , quatre, X L , quarante, &c. » On peut
donc croire que les chiffres X X C V fîgnifient feulement
quatre-vingt-cinq. Un manuferit de Venife
préfente cette expreflion X X C , pour marquer le
' nombre des pieds que Pline donne à Tobélifquc