
trat. . . . Scipion l’Africain portoit de longs cheveux
dans fon entrevue avec MafïiniflTa. De-la vint
le furnom intonfi, par lequel Ovide défigne {Fafi.
i l . 26.) les premiers Romains:
Hoc apud intonfos nomen habehat avos.
Juvénal les a peints de la même manière {Sac. i 6 .)z
Et credam dignum barbâ , dignumque capillis
Majorum.
Vers fan 454 de la fondation de Rome , c’eft-
à-dire, dans la cent-vingtième olympiade , P. Titius
Mena revenant de Sicile ,• amena à Rome les premiers
barbiers que l’on y ait vus. La mode vint
alors de le .faire rafer : Scipion l'Africain le jeune
l ’adopta fur-le-champ , 8c le fit rafer chaque jour ;
de forte qu’excepté les citoyens affligés ou ac-
cufés de grands crimes, & les jeunes gens , pèr-
fonne ne porta plus la barbe dans Rome. Les philo
fophes.feuls affectèrent de la conferver habituellement
; & les militaires la portèrent toujours
aflfez courte 8c frifce, comme nous le voyons fur
les arcs-de-triomphe 8c les autres monumens.
Ceux qui étoient plongés dans la douleur 8c
l'affliCtion, laiffoient croître leur barbe 8c leurs
cheveux. Le conful M. Livius s’étant éloigné de
Rome pour quelque fujet de mécontentement,
fe retira à la campagne, où il laiflfa croître fa
barbe 8c fes cheveux. Après la défaite, de Varus,
Augufte fut fi pénétré de douteur, qu’il imita
pendant plufieurs jours le conful M. Livius. C’elt
peut-être pour une femblable rai Ton que l'on voit
une barbe courte à une tête d’Othon de la villa
Albani.
Les fucceffeurs d’Augufte l’imitèrentlong-tems,
8c ne portèrent point de barbe. Caligula feul laif-
foit quelquefois croître la fienne, contre l’ufage
de fon tems.
Les premiers empereurs repréfentés avec une
barbe longue & épaifte, furent Hadrien, Antonin-
Pie 8c Marc-Aurèle. Spartien nous dit que le premier
laiffa croître fa barbe pour cacher des blef-
fures (peut-être des écrouelles ) qu’il avoit au
vifage : Ut vaincra , que, in facie naturalia erant,
tegeret. Les deux autres la portèrent en qualité de
philofophes. Ils furent imités par quelques-uns de
leurs fucceffeurs, qui, voyant combien les Romains
avoient .conçu d’attachement 8c de vénération
pour les Antonins, crurent apparemment
qu’en prenant leur nom 8c portant la barbe comme
eux, ils fe rendroient également refpe&ables par
ces marques de reffemblance. Caracalla prit le
nom facré d’Antonin, 8c laiflfa croître fa barbe
auffi-tôt qu’il eut été déclaré Augufte ; 8c Géta
fuivit fon exemple.
Il femble donc, difent les auteurs de l’explication
des pierres gravées du palais royal, qu’une
barbe épaifte étoit regardée alors comme un attribut
qui deypit concilier aux empereurs le refpeét
8c la vénération des peuples ; c’eft pourquoi on
peut conjecturer que les monétaires affeétoient
de les repréfenter avec une barbe plus épaifte 8c
plus touffue quelle ne l’étoit en effet. Cette autre
conjecture eft fondée fur un exemple : c’ eft la
manière dont Macrin , „fuccefieur de Caracalla,
eft repréfenté fur fes médailles, lui qui peut-être
ne portoit point de barbe avant fon avènement à
l’empire. On le voit fans barbe fur quelques-unes :
il n’en a qu’une très-courte fur la plupart des
autres, mais une longue 8c épaifte fur plufieurs
de grand bronze. Il n’eft cependant pas vraifem-
blable qu’elle ait pu prendre autant de croiffance
pendant la courte durée de fon règne, qui n’a
été que de quatorze mois entiers 5 8c il n'y a pas
lieu de douter que fon portrait n’ait été chargé
en partie par les.artiftes monétaires.
Les fucceffeurs de Juftinien recommencèrent à
porter la barbe, 8c les derniers empereurs grecs la
portèrent d’une, longueur extraordinaire.
Les Bretons du tems de Céfar {Bell. Gall. I. f .
c. 14;) fe rafoient le menton, 8C confervoient une
fîmple mouftache : Capillos ac barbant radere prêter
cap ut, & labrum fuperius.
Diodôre de Sicile 8c Tacite' affurent que les
Germains fe faifoient rafer la barbe. Les Goths
8c les Francs ne portoient qu’une mouftache,
appelée par Plutarque f,llçCtKCt , 8c crifta par les
Latins. Clodien ordonna aux Francs de laiflfer
croître leur barbe 8c leurs cheveux, pour les
diftinguer des Romains.
Le nom des Lombards, Longobardi, vint de
leurs longues barbes.
Barbes de nos rois fur les fceaux.
« On ne voit de barbe fur les fceaux des Mérovingiens
qu’à Childebert III, 8c à Chilpéric-
Daniel. Mais D. Mabilion a prouvé que les autres
rois de la même race laiffoient croître leur barbe,
à l’exemple de l’empereur Hadrien 8c des empereurs
grecs depuis Juftinien. Cependant la barbe
des princes Mérovingiens n’étoit que médiocrement
longue 5 elle couvroit tant foitpeu les lèvres
& le menton, d’où elle pendoit comme un petit
bouquet. C’eft l’idée qu’en donne Eginhart au
commencement de la vie de Charlemagne, où il
dit que les rois Mérovingiens étoienr crine pro-
fufo , barbâ fubmijfâ ».
« Charlemagne 8c fa poftérité femblent avoir
fuivi la mode des Romains 8c de l’empereur Juftinien
, qui fe faifoit rafer le menton. Du moins
eft-il certain que Charlemagne avoit tant d’horreur
des grandes barbes 3 qu’il n’accorda aux Béné-
ventins d’avoir Grimoald pour duc, qu’à condition
qu’il obligeroit les Lombards de fe faire
rafer à la françoife. Tous les fceaux de Charlemagne
cités par D. Mabilion 8c Hineccius,
excepté celui de S. Maximien de Trêves, donnent
à ce prince une barbe courte 8c très-droite. Les
empereurs , Louis-le-Débonnaire, Lothaire 8c
Charles-lé-Chauve, en portèrent de femblables f$s
les joues 8c au-deffus des lèvres. Charles-le-Simple
8c quelques autres rois de la fin de la fécondé
race, paroiffent fans barbe fur leurs iceaux, quoique
probablement ils en ayent porté ». .
ce Depuis Hugues-Capet, les rois de la troifieme
race avant Philippe-Augufte, font plus ou moins
barbus fur leurs fceaux. On croit que du tems
de Philippe I , qui fuccéda à Henri fon père 1 an
v> 1060, on ne portoit en France ni barbe ni
» mouftaches, 8c qu’en Angleterre, tous,hors les
» prêtres, avoient une mouftache *>. Cependant
Philippe 1 eft repréfenté fur fon fceau avec une
barbe plus que médiocre. Mais depuis Philippe I I ,
les rois ne portent plus de barbe, comme il pa-
roît par les fceaux, les ftatues 8c les portraits
qui nous reftent de ces tems-là. Dès le règne de
Philippe de Valois, qui monta fur le trône en
1328, revint la mode des longues barbes, avec
des habits fort courts. François I porta une barbe
affez longue, 8c en rendit l’ufage commun en
France. En voilà affez, 8c peut-être trop, fur la
barbe de nos anciens rois ». Nouvelle Diplomatique.
Barbe (Ufages relatifs à la). Nous avons vu
que les fois de Pérfe faifoient paffer des fils d’or
dans leur barbe; 8c nos rois de la première race
imitèrent ce luxe ridicule. C’étoit-là fans doute ce
que l’on appelloit alors une barbe d‘or-3 telle que
Monftrelet en donne une. au duc de Lorraine ,
lorfqu’il vint rendre les honneurs funèbres à
Charles, dernier duc de Bourgogne. Au réfte,
cet ufage a pu, dans quelqu’occafion fingulière.8c
rare, être pratique aufti par les Grecs 8c les Romains.
En effet, on voit à Portici une tête d’homme
qui a la barbe retrouffée 8c nouée fous le menton 5
bizarrerie qui fe remarque aufti à une tête placée
dans les galeries du capitole. Peut-être cette fin-
gularité n’a t-elie aucun rapport avec lestiffus d’or
dont les barbes ont été quelquefois entortillées;
elle nous rnontreroit feulement alors la manière
dont on affujettiffoit fa barbe lorfqu’on fe cou-
choit, lorfqü’on faifoit quelqü’exercice violent ,
ou enfin lorfqu’on cachoit fon vifage fous la vi-
fière d’ un cafque.
On ne fe contentoit pas de peigner 8c de laver
fa barbe ; on la parfumoit encore en la frottant
avec des huiles odoriférantes. Pollux ( x . 26 ),
Juvénal (/I. 41.) :
Hirfuto Jpirent opobalfama collo
Que, tibi ?
Et Propèrce (r. 2. 3.) :
Aut quid Oronteâ crines perfundere mirrhâ.
L’ ufage de toucher la barbe 8c le menton de celui
auquel on demandoit quelque grâce, fe retrouve
dans Homère (lliad. k . 4^4). Pline dit aufti que
les anciens Grecs avoient la coutume de toucher
le menton de celui dont ils vouloient exciter la
pitié ( i l . 4 j. ) ; Arttiquis Gr&cis in fupplicando
mentum attingere morem fuijfe. Le menton eft ici
mis pour la barbe y de même que dans le vers 29O
de YOrefte d’Euripide, 8c dans Hécube, où l’on
fupplie quelqu’un par fon menton 8c par fa barbe ,
comme on le pratique pour des objets chéris.
L’on fupplioit par la barbe y 8c lorfqu’au contraire
on vouloit infulter quelqu’un, on lui tiroit
8c arrachoit la barbe.
Les. philofophes ftoïciens 8c cyniques affec-
toient d’être infenfibles aux injures, 8c en faifoient
parade en public. Le peuple, 8c les enfans
en particulier , fe permettoient de mettre leur
patience à l’épreuve. Les uns leur difoient des
injures, d’autres leur lançoient des épigrammes;
ceux-ci les tiroient par leurs habits ; 8c le plus
grand ‘nombre leur iaififlfoit la barbe 8c en arrachoit
des poils. Socrate ne fut pas exempt de
cette perfecution, comme nous l’apprend Dio-
gène-Laërce {n. 2 1 ) . Horace dit à un ftoïcien:
Vellunt tibi barbam
Lafcivi pueri.
Et Perfe {Sat. 1. 133.) :
Si cynico barbam petulans nonaria vellat.
Le même fatyrique peint Jupiter offrant lui-même
a Denis-le-Tyran fa barbe à arracher :
Idcirco flolidam pr&bet tibi vellere barbant
Jupiter.
On ne peut fixer avec précifion l’âge où l’on
coupoit la barbe aux jeunes romains pour la première
fois. Macrobe (Somn. Scip. 1. 6 .) dit que
c’étoit après le troisième fepténaire écoulé, à
vingt-deux ans. Augufte fe fit rafer pour la première
fois à vingt-cinq ans. Jufqu’à cette époque,
les jeunes gens coupoient avec des cifeaux leur
barbe naiffante, fans fe fervir de rafoir 3 on l'ap-
peloit alors barbula3 8c ces adolefcens barbatuli ;
8c Juvénal défigne par l’expreftion barbam metere,
cette manière dé couper la barbe. Les hommes faits
fe fervoient feul s du rafoir : de-là vient cette ex-
preflion de Martial (x/. 40.) ,
Jam rnihi nigrefeunt tonfâ fudaria barbâ, .
I pour dire qu’ il n’étoit plus un jeune homme j &
la fuivante de Juvénal {v i. ic y .) : Radere garnir
cæperat j c’eft-à-dire, Sergiolus avoit atteint l’âge
viril.
Le jour où l’on coupoit la première barbe d’un
jeune homme, étoit chez lesGrecs 8c les Romains
un jour de fête pour toute fa famille; on faifoit
8c l’on recevoit des vifites de cérémonie ; on fc
donnoit réciproquement des préfens 8c des feftins.
Juvénal parle des gâteaux que l’on s’envoyoit à
cetre occafion {Sat. n i . 186.) :
llle metit barbam. , crinem hic deponic amati :
Vlena domus libis gc ni ali bus,