
le remarque judicieufement Buonaroti, que l'ufage
en fut établi au te ms de Romulus ; mais comme
ce diptyque n’a été fait que dans les bas-Iiècles,
on aura mis par ignorance dans Yapotkéofe de Ro-
mulus j ce qui fe pratiquoit dans celle des empereurs.
Lorfqu’on allumoit ces grands bûchers,
on en faifoit fortir un aigle qui repréfentoit
I ame du prince s’envolant au ciel. Ici deux aigles
s’échappent du catafalque, 8c prennent leur vol
vers les aftres. On ne fait pourquoi elles font au
nombre de deux. Ce catafalque eft furmonté d’un
quadrige de chevaux qui traînent un jeune homme.
II étend un grand voile au-deffus de fa tête , pareil
a ceux de la Nuit, de l’Aurore, du Matin & de
Vefper ou le foir. L’air dejeuneffe de cette figure
feroit croire que c’eft le génie de Romulus. '
Auprès du catafalque eft un grand char qui a
la forme d’un petit temple loutenu par des colonnes
d’ordre corinthien, & qui eft tiré par
quatre éléphans. Xiphilin, dans la vie de Sévère,
dit que cet empereur voulant célébrer les funérailles
8c Yapotkéofe de Pertinax, fon prédécef-
feur, ordonna que fa. ftatue d'or fût promenée
dans le cirque fur un char femblablement attelé.
Romulus eft a (fis fur le char, tenant d’une main
la hafie pure, 8c de l’autre un rameau de laurier.
Les éléphans font enharnachés d’une manière
extraordinaire : ils paroiftent couverts de la tête
jufqu’ aux pieds, de bandes ou raies qui fe croifent
& forment des lozanges. Quatre hommes les con-
duifent, montés à l’ordinaire fur leurs cols. Les
deux conducteurs du milieu font des hommes
faits, ayant de la barbe j & ceux dés extrémités
font de jeunes garçons fans barbe. Ces derniers
tiennent des inftrumens plats 8c ronds, qu’ils fem-
blent faire réfonner. Les conducteurs, placés au
milieu, portent des crocs femblables à la harpe
de Perfée, ou au croc dont Pluton eft armé fur
quelques médailles.
Apothéose de Jules- Céfar. On la voit fur une
pierre gravée du tréfor de Brandebourg. Ce héros,
aflis fur le globe célefte, tient un gouvernail &
une très-grande couronne de laurier. II femble,
dit Julien dans les Céfars, difputer à Jupiter
monarchie célefte.
I. Apothéose d'Augufie. C’eft ici la plus belle
gravure antique refpeCtée par le tems. Cette agate
a un pied moins quelques lignes dans fa plus
grande hauteur, & dix pouces dans fa plus grande
'largeur j car elle eft ovale & plus large par le
bas que par le haut. On affure que l’empereur
Baudouin II venant demander, en 1244, du fer
cours aux princes chrétiens, & à S. Louis en particulier
, la vendit à ce pieux monarque, qui la
dépofa dans le tréfor de la-Sainte-Chapelle de
Paris, où elle eft encore. L’ignorance profonde
de ces rems la fit prendre pour une repréferotation
de quelaue trait de l’hiftoire des Juifs, &
on l’appela le Triomphe de Jofeph.
f e lavant. Feîrefe diffipa facilement une erreur
auflî ridicule, 8c admira la beauté d’un morceau
aufil précieux. Il ne fe laffoit pas de le faire
voir aux curieux, 8c entr’autres à Triftan de Saint-
Amand. Celui-ci, qui étoit très-verfé dans l’étude
de l’antiquité, fit dans fes Commentaires hifto-
riques, une allez longue diifertation fur cette
agate , dans laquelle il paroît avoir bien expliqué
certaines parties, mais quelques-unes avec moins
de vraifemblance. Dès que fon ouvrage parut,
il l’envoya à Peirefc, qui lui témoigna,, dit
Saint-Amand dans plufieurs lettres, la grande
eftime qu’il en faifoit. Cependant , Galfendi affure
dans fa [vie de Peirefc, que le féntiment de ce
favant fur l’agate de la Sainte-Chapelle, différoit
ep beaucoup de çhofes de celui de Saint-Amand.
Ce dernier a réfuté ce paffage de Galfendi, dans
la dernière édition de fon ouvrage , & a de nouveau
revendiqué en fa faveur le témoignage de
Peirefc.
Albert Rubens, fils du célèbre peintre de ce
nom, qui a compofé une diifertation fur la même
antique , confirme la vérité des fendmens que
Galfendi difoit être ceux de Peirefc. Il ajoute que
Ce favant les avoit développés dans plufieurs lettres
écrites à Paul Rubens, fon père : fa diifertation
fe_ rapproche en plufieurs points de .l’une 8c de
l’autre explication j mais elle diffère des deux fur
beaucoup d'objets.
En 1683 , Jacques le Roy publia à Amfterdam
une. nouvelle diifertation fur le même fujet-, réimprimée
depuis dans le Recueil de Poléni. Dans
cet ouvrage , le Roy adopte quelques parties des
explications données par les trois écrivains dont
nous venons de parler, 8c les rejette le plus fou-
vent, pour y fubftituer les fiennes.
Le P. de Montfaucon publia en 17 19 , dans
fon Antiq. expliquée, un nouveau defîin de l’agate
de la Sainte-Chapelle, & y joignit une explication
qui paroît la plus vraifemblable de toutes celles
que l’on avoit données jufques à lu i, de même
que fon deflîn eft le moins incorrect. La voici :
La gravure de cette belle agate eft divifée en trois
plans. Sur le plus haut eft repréfentée Yapothêofe
d‘Augufie ; fur le fécond, on voit Tibère recevant
Germanieus, qui arrive couvert des lauriers de la
Germanie ; des captifs occupent le troifième.
Des cinq figures qui font fur le premier plan,
aucune ne porte le même nom dans les quatre
explications mentionnées ci-deffus. Le Roy prend
pour le fils de Germanieus peint en Amour, le
petit Cupidon ailé, qui mène par la bride le cheval
Pégafe.
On eft encore moins d’aecord fur la figure du
milieu, qui porte une couronné radiale, furmon-
tée d’un voile defcendant fur les épaules, & qui
tient un fceptre de la main gauche. Triftan dit
que c’eft Jupiter j ce que nient avec raifon les trois
autres. On ri’a jamais vu en effet de Jupiter ainfi figuré
j & quoiqu’il y ait eu desjupiters fans barbe, les
exemples en font rares. C’étoient quelques Jupiters
particuliers
particuliers ou locaux : en un mot, l’on ne trouve
ici aucun des fymboles propres à Jupiter. Les trois
.auteurs' qui ont rejeté l’explication de Triftan,
prétendent que c’eft Augufte. Le P. de Montfau-
fon n’y voit rien qui puiffe le faire croire. Cette
figure n’a aucun trait d’Àugufte, qui, d ailleurs,
ne porte jamais la couronne radiale. De plus,
cette figure a une robe de femme, comme il eft
aifé de le voir en la comparant avec toutes les
femmes qui font au-delfous fur le fecond plan,
excepté Agrippine, qui eft vêtue, d’ une ehlarriyde,
comme nous le verrons plus bas., Il croit que c eft
Vénus-Reine ou Vénus-Génitrice 3 avec fon fils
Enée, qui paroît être fur fon fein, 8c au coté
gauche Jules-Céfar> .defcendant prétendu du fils
d’Anchife. - # •
Au côté droit .de la déefîe eft gravé Cupidon,
jfon autre fils, conduifant Pégafe, qui porte Augufte
couronné de laurier. Ce jeune dieu préfente
Augufte à fa mère, pour l’alfocier à toute fa famille
déifiée. Enée offre au même empereur un
globe, peut-être le globe célefte, pour lui marquer
qu’il va régner dans le ciel comme il a régné
fur la terre. Vénus paroît couronnée, 8c tient un
fceptre qui déligne le rang qu’elle occupe fur
l’Olympe avec fes enfans 8c les defcendans. On
ÿoit fourent de femblables couronnes radiales fur
la tête des autres divinités, telles que Jupiter,
.Junon,Vefta, Hercule, Scc.
Le P. de Montfaucon eft d’accord avec plufieurs
4 e ceux qui ont expliqué cette agate, fur toutes
Jes autres ligures du premier plan. Enée porte
l’habit de fon pays, le bonnet 8c les chaufles
phrygiennes. Ce ne peut être Rome | comme 1 a
.cru Peirefc : jamais elle n’a été reprefentee dans
ce coftume barbare. Triftan 8c Rubens ont reconnu,
fans héfiter, le fils d’Ànchife. Peirefc 8c
je Roy prennent, avec raifon, pour Jules-Cefar,
la figure placée derrière Enée, qui tient un bouclier
8c porte une couronne de laurier. Cependant,
malgré la conformité de fes traits avec ceux qui
diftinguent Céfar fur lès - médailles, Triftan 1 a
prife mal-à-propos pour Nero Claudius Drufusj
d’autres .ont voulu trouver dans la perfonne de
.celui-ci, qui monte au ciel porté fur Pégafe, Nero
Drufiis ou Marcellus, difant que fes traits font
trop délicats 8c trop jeunes pour reprçfenter Au-
1 gufte. Mais les médailles font contraires a cette
affertion, 8c elles nous offrent Couvent Augufte
auflî jeune.
Les figures du fécond plan, qui forment un
autre tableau, font plus aifé es à expliquer que
les premières. L’empereur Tibère couronne de
laurier, tenant un fceptre de la main droite, 8c
le bâton augurai de l’autre main, eft aflis fur un
trône. JJ eft nud jufqu’à la ce in tu re8 c couvert
de la ceinture jufqu’aux pieds, d’une égide d ou
pendent des ferpens. Triftan feula méconnu cette
égide. A la droite de Tibère eft aflîfe Livie, que
Je même Triftan a cru feul être Antonij. L.ivje eft
Âtitlimités 3 Tome Î?
couronnée de laurier , & tient des pavots. Cet
attribut de Cérès fe voit fréquemment fur les médaillés
dans la main des impératrices.
Tibère parie à Germanieus, qui fe tient debout
devant lui. Il eft armé de pied-en-cap, 8c porte
la main fur fon cafque. Antonia, fa mère, couronnée
de laurier, . paffe fon bras autour du coL
de ce fils victorieux pour Pembraffer. Triftan fubf-
titue ic i , fans aucun fondement, Livie a Antonia.
.
Germanieus fe préfente à l’empereur apres fon
expédition de Germanie> félon Triftan, dont la
conjecture eft très-vraifemblable. De-la vient fans
doute.que Tibère, qui devoit avoir 1 honneur de
fes victoires, que Livie 8c qu’Antonia font couronnés
de laurier. Antonia embraffant le vainqueur
des Germains, vient à l’appui de cer^e conjecture.
Les trois autres antiquaires croient, au.
contraire, que Germanieus reçoit les ordres de
Tibère pour l’expédition en Orient. Derrière ce
héros, paroît fa femme Agrippine aflîfe, portant
la chlamyde 8c tenant un rouleau. On voit devant
elle Caligula, fon jeune fils, arme d une cuiraffe 3
d’un bouclier, 8c revêtu de la chlamyde, Germa-
1 nicus 8c lui portent des bottines, qui ne reliem-
blent ni à la caliga ni au campagus, mais à celles
que porte Trajan fur fa colonne. ,
Au côté droit de Livie eft aflis atterre , fur des
armes, un captif, coëffé d’ une mitre 8c chauffe
comme les Barbares. 11 repréfente l'Arménie re->
duite par Tibère en la puilfance des Romains. Le
P. de Montfaucon a pris un des boucliers fut.
lequel eft aflis le captif, pour un gouvernail de
vaiffeau ; & il en donne une raifon bien extraordinaire
: 11 eft placé là , dit-il, pour marquer que.
■ c’ eft une région erahfmarine, , . - :
Quant à l'homme armé, qui, debout derrière
Livie, tenant uif trophée., regarde les figures
du premier plan, & élève une main vers Enée, le
favant Bénédiftin croit qu'il préfeme aux perfon-
nages déifiés les trophées _.d’Augufte. Triftan le
reconnoît pour Numerius Atticus, ce courtîfan
qui aflura avec ferment qu’il avoit vu Augufte
élevé au c iel, & fut richement récompenfé par
Livie de cette baffe adulation. Mais cette opinion
eft rejetée par les autres favans, qui le prennent
pour Drufus, fils de Tibère, portant fes propres
trophées.
La femme aflîfe fur un fiege orne de fphinx,
eft,.félon le P. de Montfaucon, Liville, foeur
de Germanieus, femme de Drufus, fils de Tibère*.
Triftan l'a prife pour Julie, femme de Tibère;
: mais outre que cette dernière princeffe avoit été
‘ depuis long-tems çhaffée & bannie de la cour ,
elle mourut allez long-tems avant que Germanieus
revînt de la Germanie,
Les figures du troifième & dernier plan, qu’un
bord aflez large & (aillant fépare des plans fripe-
rieurs, repréfentent des captifs & des provinces
conquifes.Rubens les reconnoît pour les prifonniers