
aubergifte. On érigea dans Pille de Naxos, des
ftatues à un a r t i f a n , qui donna Je premier la
forme de tuile au marbre Pentélicien, pour en
couvrir les maifons.
Pour aflurer davantage la gloire des a r t i fa n s
célébrés, les Grecs donnèrent à plufieurs chofes
le nom du maître qui les avoit faites , & fous
lequel elles relièrent connues. Celt ainfi que les
vafes femblables par la forme à ceux que fabriqua
en terre cuite Thériclès, du tems de Péri-
clès, furent appelés Théricléens.
ARTISTES. Nous ne comprenons ici, fous
cette dénomination, que les peintres, les fculp-
teurs, les architectes, tous ceux, en un mot,
qui s’appliquoient aux arts relatifs au Defïïn j &
c’ell PHiftoire de PArt de Winkelmann qui nous
fournira la plus grande partie de cet article.
A r t i s t e s égyptiens. Une' des raifons qui empêchèrent
les arts relatifs au Deffm de s’élever
en Egypte au - delfus de la médiocrité, fut le
défaut d’ eflimé pour les artifies. Confondus avec
Ja lie du peuple, ceux-ci n’étoient que des artifans.
Dans cette cla fte, comme dans toutes les
autres, le fils fuivoit la profeffion de fon père,
fans aller au-delà &-fans Ce détourner : chacun
étoit obligé, par les leux, à marcher fur les traces
de fon prédéceffeur, & perfonne n’ofoit faire
un pas de foi-même. Avec de tels principes, il
n’a pu fe former en Egypte différentes écoles
de_ Part, comme il s’en forma dans la Grèce.
.Privés par cette routine d’une éducation convenable,
les artifies ne fe trouvèrent jamais dans
ces heureufes circonftances qui élèvent Pâme &
font tenter les grandes entreprifes. Auroient-ils
exécuté quelqu’ouvrage extraordinaires ils n’a-
voient à efpérer ni honneur ni récompenfe.
Leurs noms font prefque tous reftés dans l’oubli ;
& les Grecs ne nous ont confervé que celui
du fculpteur Memnon. 11 avoit fait trois ftatues,
qui furent placées à l’entrée d’un temple de Thpbes :
l’une des trois étoit la plus grande qiT on eût vue
en Egypte.
On peut ajouter à cette caufe principale de
la médiocrité des * artifies égyptiens, l’ignorance
de l’Anatomie, feience qui ne fut ni mieux cultivée
, ni mieux connue en Egypte avant les
Ptolomées, qu’elle ne l’eft à la Chine. Quoique
cette caufe foit très-évidente, M. Paw a cependant
combattu vivement fon influence fur les arts; &
l’impartialité dont nous faifons profeffion, nous
oblige à expofer fes faifons dans les mêmes termes
qu’il a employés lui-même. Les voici, telles qu’il
les a données à la page J99 du tome I de fes
Recherches fu r les Egyptiens & les Chinois'.
« M. Winkelmann & l’abbé de Guafco ont
fait chacun un fyftême fur les caufes qui doivent,
avoir empêché, félon eux, les Egyptiens de deve:
nir de grands peintres, & de devenir encore de
grands fçulpteurs. Mais il me femble que ces deux
écrivains ont plutôt imaginé les obftacles, qu’ils
n’ont été les découvrir dans les monumens authentiques
de l’Egypte, où l’ignorance de l’Anatomie
n’a pas été aüffi profonde qu’ils le fup-
pofent. On fait même que des fouverains de ce
pays avoient fait difféquer des corps humains
pour connoître l’origine de certaines maladies
dont on ignore encore aujourd’hui le véritable
remède. D’ailleurs, Manéthon étoit trop inftruit
pour avoir voulu choquer toutes les traditions &
toutes les idées reçues, en rapportant dans fon
Hiftoire, qu’un ancien roi d'Egypte avoit. lui-
même écrit un livre fur l’Anajomie, ou plus
probablement fur l’art d’embaumer, q ui, étant-
exerce fur des corps humains des deux fexes,
& de tous les âges, & fur vingt à trente différentes
efpèces de bêtes, avoit prouvé, àcet égard,
plus de connoiffances aux Egyptiens que n’en
pofledent de nos jours les nations de l’Afie, qui
vivent fous des climats fort chauds, où la corruption
rapide des cadavres infpire de l’horreur'pour
de telles recherches, qu’on fait même n’avoir
pas été portées fort loin en Efpagne. »
« Au refte, quand on accorderoit que l’ignorance
des Egyptiens dans l’Anatomie a été aufli
réelle qu’on le prétend, cela n’auroit pu engager
leurs ftatuaires à n’exprimer Couvent ni les muf-
cles, ni les nerfs, ni les veines, ni les os, puisque
ces parties font affez fenfibles aux yeux de
ceux mçmes qui n’ont jamais vu difféquer des
corps. La vérité eft que ce peuple imprima à
tous fes ouvrages un caraCtère de dureté,& qu’en
rendant un culte à tant d’objets, il n’en rendit
jamais aux Grâces. Il faut convenir néanmoins *
que les individus vivans qui dévoient fervir de
modèles aux a r t i f i e s , étoient conformés d’une
manière très-éloignée de la beauté.....Et comme
la nature n’.y avo.it pas accordé fes charmes à ce
fexe, qui ne lui demande autre chofé par tous fe$
voeux, on croira aifément que les hommes 5$
avoient encore été beaucoup moins favorifés.
Leur démarche paroît être dans les monumens,
comme celle des Cophtes modernes, c’eft-à-dire ,
pefante & gênée. Je ne fais comment on a-pu
s’imaginer qu’il y a eu de véritables Egyptiens
affez prévenus en leur faveur pour aller difputer
le prix de la lutte & du pugilat aux jeux olym-*
piques5 car ces athlètes qui vinrent des bords du
Nil à Olympîe, étoient des Grecs d’Alexandrie
& d’Arfinoé ; encore furent-ils tous mis à l’amende
par les directeurs des jeux, pour avoir joint la
fubtilité à l’adreffe. Il faut en dire autant de ces
enfans dont il eft parlé dans les poéfîes de Stace &
de Martial, & que les Romains, recherchoienc
fingulièrement à caufe de leur vivacité & de leurs
faillies. Ils n’étoient pas nés de parens égyptiens,
mais iffus de quelques malheureufes familles grecques
établies à Naucrate ou dans les environs du
lac Maréotis, & qui commerçoient de leur propre
ppftérité _j çe que jamais les vrais habitans de
l’Egyptç
l’Egypte n’ont fait, & ils ne le font point encore
; aufli Louis XIV ne put-il parvenir à attirer
à Paris les enfans de quelques pauvret Cophtes,
malgré toutes les promeffes que leur fit le conful
de France -au Caire. „
« Quoique les Egyptiens, dit Schweigger,
n’époufent plus leurs Coeurs, ils. n’en font pas
moins un peuple très-laid, & qui reffemble,
ajoute-t-il, à ces brigands hideux qui ont parcouru
l’Europe fous le nom de Bohémiens (1).
Mais on n’ a contra&é des mariages inceftueux
en Egypte, que depuis la conquête d’Alexandrie;
& il y a treize ou. quatorze cens ans qu*on
n’en contracte plus, fans que les facultés corporelles
fe foient perfectionnées dans les deux fexes ;
d’où il réfulte que ces unions n’ont eu aucune
influence en tout ,ceci, finon peut-être #de diminuer
un peu la population 5 car il me paroît
que les Ptolémées eurent conftamment un petit
nombre d’enfans de leurs mariages avec leurs 1
foeurs, & Philadelphe n’en eut point du tout
d’Arfinoé ; ce qui a pu néanmoins provenir de
quelque caufe purement morale. ~
» Nous ne faifons pas un crime aux fçulpteurs
égyptiens, parce qu’ils n’ont connu d’autre beauté
que celle de leur pays ; mais on leur imputera
toujours de n’avoir point copié la nature comme
elle s’offroit à eux. Car enfin l’efpèce humaine
n’y eft pas fi difforme qu’ils l’ont' quelquefois
jepréfentée, en plaçant les oreilles beaucoup plus
haut que le nez, comme on le voit par un Harpo-
•crate qui doit fe trouver actuellement en Angleterre;
& plufieurs ftatues égyptiennes qu’on connoît
à Rome & dans fes environs, font monftrueufes
par le même défaut, & fur-tout une tête de la
vigne Altieri. Que veulent donc dire ceux qui
affurent que les artifies de ce pays ont été fi
févères fur l’article des proportions qui concernent
aufli-bien la diftance exaCte d’un membre à l’autre,
que la grandeur refpeCtive de chaque partie ?
Je crois que c’eft Diodore de Sicile qui a donné
lieu à tout cela, en attribuant aux Egyptiens la
méthode de faire des ftatues par morceaux rapprochés,
& qu’on tailloit d’avance avec beaucoup
de jufteffe ; mais c’eft vraifemblablement
une fable qu’il a inventée , ou qu’on lui a fait accroire;..
car il n’exifte rien de tel dans cette pro-
digieufe quantité d’antiques égyptiens qu’on a
recueillis de.nos jours en Europe. Une ftatue en
gaïne, achetée au Caire par M. de Maillet, &
qu’on foupçonne avoir paffé enfuitè dans le cabinet
de M. ’i de Caylus, e ft, à la vérité > de trois
pièces de marbres différentes en couleurs, mais
cela n’a abfdlument aucun rapport au procédé
dont parle Diodore (2). L ’un des coloffes qu’on
(1) Rcis-Befchreibunt, lib, 3 , cap. 18.
(ï) Bibliot. lib. ?..
Léon Alberçi n’a point du faire de grands efforts de génie
pour découvrir la méthode d’exécuter une ftatue ch deux
endroits différens, comme l’ifle de Paros 5c Carrara,
Antiquités t Tome I.
voit dans laThébaïde en avant de Medinet-Habu ,
n’a pas non plus été travaillé par pièces rapprochées
dans le fens de cet auteur; car les
pierres y font rangées par affifes, dont on en
compte di&inCtement cinq (3)- Et c’eft malgré
eux que les Egyptiens ont exécuté cette figure
de la forte; car celle qui n’eft qu’à trente pas plus
au fud, n’a jamais été faite que d’une feule pierre ;
d’aù il fuit qu’ils n’ont jamais pu fe procurer à
la fois deux blocs affez énormes pour cette en-
treprife; & c’eft déjà beaucoup qu’ils en ayent
trouvé & tranfporté un feul de cette dimen-
fîqn. ”
A r t is t e s g r e c s . Ce n’eft que dans la Grece
que les arts furent accueillis, recherchés & re-
compenfés ; & c’eft la principale caufe de la perfection
où ils s’y élevèrent. Les a r t i f ie s participèrent
à cette confédération , & elle échauffa
leur génie. Socrate difoit que les a r t i f ie s etoient
les feuls fages, parce qu’ils fe contenaient d’etr©
tels, fans chercher à le paroître. Efope fréquen-
toit affiduement, félon Plutarque, { c ô n y iv . y f t p . )
les atteliers des fçulpteurs & des architectes. On
vit le peintre Diognète donner des leçons de
philofophie à Marc-Aurèle, & cet empereur
avouer qu’il avoit appris de lui à diftiligner
le vrai du faux, à ne pas adopter des chimères
pour des réalités.
Un a r t if te grec pouvoit être légiflateur ; car
tous les légiflateurs étoient, félon le témoignage.
d’Ariftote, de fimples citoyens : il pouvoit parvenir
au commandement des armées , comme
Lamachus,un des plus pauvres citoyens d’Athènes :
il pouvoit efpérer de voir élever fa ftatue auprès
de celles des Miltiade,. des Thémiftocle, & à.
côté de celles des dieux mêmes. C'eft ainfi que
Xénophile & Strabon placèrent à Argos leurs”
ftatues affifes auprès de celles d’Efculape & de
la déeffe Hygiée. Chirifophus, le fculpteur de
l’Apollon de Tégée, étoit fculpté lui-même à
côté de fon ouvrage. On voyoit au tronton du
temple d’Eleufis, Alcamène fur un bas-relief.
Phidias grava fon nom. au bas de fon Jupiter
Olympien. On lifoit fur plufieurs ftatues des vainqueurs
aux jeux éléens, les noms des a r t i f ie s
qui les avoient faites. Enfin, le char attele de
quatre chevaux de bronze, que Dinomène fit
conftruire comme un monument de la gloire de
fon père Hiéron, roi de Syracufe, portoit pour
infeription deux vers, qui apprenoient le nom
de Y a r t if te Onatas.
La gloire & la fortune d’un a r t i f t e , continue
Winkelmann, ne dépendoient pas des caprice«
de l’orgueil ou de l’ignorance. Les productions
de î’a rt, loin d’être affervies au goût mefquin
& aux vues étroites d’un homme que l’adulation
& la fervitude érigent en juges,.étoient appréciées
& récompenfées par les plus fages de U
, (3) Poçocke, Deftript. of de Eaft. B* - • c- 3*