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 en  avant  dans  la  yole  pour  bien  reconnaître  la  passe  
 et nous  la  signaler.  A  buit  heures  quarante-cinq  minutes  
 ,  nous  fîmes  route  sous  les  huniers.  Posté  sur  
 les barres  du petit  perroquet,  M.  Guilbert  veillait  à  
 la  nature  du  fond.  Bientôt  nous  eômes  atteint  cette  
 zone  inquiétante  de  la  rade,  large  d’un  ou  deux  
 milles,  où le fond,  qui est en général de dix ou douze  
 brasses,  est  cependant  parsemé  d’un  grand  nombre  
 de  pâtés  de  coraux,  dont  quelques-uns  s’élèvent  à  
 quatre  ou  cinq  brasses  du  niveau  des  eaux.  Ce moment  
 de  notre  navigation  fut  encore  bien  critique  :  
 s i ,  avec  la  boule  qui  régnait,  la  corvette  eût heurté  
 contre  une  de  ces masses  acérées,  elle  se  fôt  entre-  
 ouverte  en  peu  de  temps,  et  notre  situation  eôt  été  
 affreuse. 
 M.  Guilbert  nous  fit  éviter  deux  ou  trois  de  ces  
 dangers,  et  la  corvette  passa  sans  accident  sur  tous  
 les  autres;  le  fond  devint  plus  sôr,  à  mesure  que  
 nous  approchions  du  chenal ;  enfin,  nous  donnâmes  
 dans  la passe,  et  à  onze heures nous la quittions pour  
 entrer  dans  la  haute-mer.  Toutes  les  précautions  
 furent  prises,  comme  de  coutume,  pour  cette  nouvelle  
 navigation. 
 Nous  fîmes  route  assez  lentement au N.  O.  ’b O .,  
 sur une mer houleuse,  à  l’aide  d’une jolie  brise  d’E.  
 Cependant,  à deux heures  et demie, nous ne voyions  
 déjà  plus  les  terres  et  les  récifs  de  Tonga-Tabou;  
 mais  nous  conservâmes  long-temps  en  vue  les  deux  
 îlots  escarpés  de  Hounga-Hapaï  et  Hounga-Tonga. 
 Le premier se présente  sous  la  forme  d’un  coin  assez  
 aigu dont l’arête  verticale  est  tournée  vers l’E. ;  Tau-  
 t r e ,  un peu  plus  élevé et plus  étendu,  offre  un monticule  
 également  déprimé  des  deux  côtés.  A  six  
 heures,  nous mîmes  le  cap à  l’O.  f  N.  O . ,  et nous  le  
 gardâmes  toute  la nuit  sous  la misaine  et  les  huniers  •  
 au  ris de chasse. 
 L ’équipage  a  été remis  aux  grarids  quarts  :  il  m’a  
 fallu  reprendre  ce mode  de  service,  à cause des trois  
 hommes que nous  avions  laissés à  Tonga-Tabou et de  
 sept  autres  qui  se  trouvaient  présentement  hors  de  
 service.  Parmi  ces  derniers,  trois  étaient  attaqués  
 de la maladie  vénérienne,  et  les quatre autres  étaient  
 invalides par  suite  des  coupures  qu’ils  s’étaient  faites  
 aux pieds  en marchant  sur  les  coraux. 
 On  doit  se  faire  une  idée  de  la  satisfaction  que  
 j ’éprouvai  en  nous  voyant  enfin  échappés  aux  récifs  
 de Tonga  :  encore une fois  l’Astrolabe  sillonnait  avec  
 calme  la vaste étendue des flots de  l’Océan-Pacifique.  
 Malgré  les  désastres  que  nous  venions  d’éprouver,  
 pour  peu  que  la  fortune  favorisât  nos  efforts,  nous  
 pouvions  encore  conserver  l’espoir  d’exécuter  une  
 brillante  campagne.  D’honorables  travaux pouvaient  
 nous  faire  oublier  nos  revers  passés ;  enfin,  je  ne  
 songeai  plus  qu’à  mener  à  fin  la  tâche  qui  m’était  
 imposée. 
 En  quittant Tonga-Tabou  sans  revoir  les naturels,  
 je  regrettais  seulement de  n’avoir pu  découvrir d’une  
 manière positive le véritable motif qui avait pu porter  
 Tahofa  et  ses  gens  à  la  conduite  étrange  et  perfide 
 1827. 
 Mai.