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Mars.
dant le temps nécessaire pour ramener l’instrument à
bord.
Nous nous occupâmes ensuite de vérifier dans quel
état pouvaient être les soixante-huit boëtes de poules
braisées , regardées comme douteuses lors de l’examen
du 1*"' novembre 1826. Cinquante-six ont été
trouvées dans un état complet de putréfaction et jetées
à la mer; deux commençaient à se gâter, et les dix
autres ont été réunies à celles qui avaient été jugées
bonnes, quoiqu’il y eut fort à craindre que même
parmi ces dernières un grand nombre ne dût être déjà
condamné. De nouveau nous regrettâmes vivement
que cette importante portion de nos conserves eût été
aussi mal préparée ou transportée avec aussi peu de
soin.
Une petite brise de N. E. s’élève dans la soirée et
continue, durant trente-six heures , avec un très-beau
temps. Ce vent nous est directement contraire, et
nous sommes réduits à courir de lentes bordées.
Kokako, le jeune Zélandais qui a voulu nous accompagner,
ne parait point se repentir du parti qu’il
a pris. Sa conduite est régulière, il a de la bonne volonté,
et fait son service de matelot mieux que plusieurs
de nos hommes. Ses grimaces et sa bonne humeur
amusent souvent l’équipage. Comme mon inten^
tion est de revenir l’année prochaine sur les côtes de
la Nouvelle-Zélande, il me sera facile de le remettre
dans son pays, si a cette époque il en a assez du
voyage, et s’il a renoncé à visiter la France. Comme
il n appartient pas a la classe distinguée, et qu’en eonséquence
il n’aura jamais d’influence parmi ses compatriotes
, je tiens fort peu à le ramener avec moi sur
l ’Astrolabe.
Ce matin, nous avons reçu quelques grains de pluie
du N. au N. N= O . , puis le ciel s’est éclairci. Quoique
la latitude soit encore de 33° 30’ S . , un phaéton à
brins blancs s’est promené quelque temps autour du
navire. Ainsi ces oiseaux peuvent s’écarter à une grande
distance de la zòne intertropicale. 11 est vrai que la
température habituelle est maintenant de 21 à 22°.
Malgré le vent du N. N. O . , nous faisons peu de
chemin, à cause de la houle du nord qui est très-
forte. La pluie tombe par intervalle. Après treize
jours de navigation , nous ne sommes qu’à soixante-
dix lieues de notre point de départ. On peut juger
combien je suis contrarié !...
Dans la matinée, la brise passe au N. N. E. et fraîchit,
le ciel se charge. A midi, le vent souffle bon
frais d’est, avec une pluie continuelle; dès quatre
heures il vente grand frais avec de violentes rafales,
une mer très-grosse et des torrens de pluie. Heureusement
sa direction continue de varier, à minuit il
souffle du S. S. E . , et nous pouvons mettre le cap en
route au N. N. E. Nonobstant une houle énorme et
très-dure, nous filons jusqu’à six noeuds.
Ainsi, malgré l’espoir dont je me berçais, l’Astrolabe
n’a pu rallier les régions paisibles de la zòne torride
, sans essuyer encore un de ces coups de vent
qui ne nous sont devenus que trop familiers depuis
notre départ de France.
1827.
Riais.
■il.