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 à  l’irrégularité  et  à  l’incertitude  des  courans.  Enfin  
 mon  malaise  redouble,  et  je  crains  de  ne  pouvoir  
 résister  aux  fatigues  d’une  navigation  aussi  pénible. 
   Ensevelis  sous  des  flots  de  pluie,  et  dans  
 une  atmosphère  étouffante  ,  il  nous  faut  une  volonté  
 bien  opiniâtre  pour  surmonter  de  pareils  obstacles, 
   et  ne  pas  quitter  sur-le-champ  d’aussi  tristes  
 parages. 
 Enfin,  à  six  heures  et  demie  du  matin,  la  pluie  
 ayant cessé de  tomber, je  profitai de la  brise du  S.  S.  
 E. pour  laisser  porter  successivement  à  l’O.  S.  O . ,  à  
 l’O . ,  et même  à l’O.  N.  O . ,  dans le dessein  de rallier  
 la  côte dont je ne m’estimais qu’à quatre ou cinq lieues  
 à  l’E.  Sur  notre  route nous  trouvâmes  une  foule  de  
 troncs d’arbres  et  de  paquets  d’herbes  entraînés  des  
 côtes par  le  courant. A midi,  après  avoir  couru  plus  
 de sept  lieues  à  l’O . ,  aucune  terre  ne  s’était  encore  
 montrée  à  nos  regards,  el je  ne  savais  à  quel motif  
 attribuer  celte  singulière  circonstance.  La  hauteur  
 méridienne du  soleil que M.  Jacquinot put  saisir dans  
 une  courte  apparition  de  cet  astre,  nous  donna  le  
 mot  de  l’énigme,  en prouvant  que  depuis deux jours  
 les  courans  nous  avaient  portés de plus  de  soixante  
 milles  au  sud  et  de  trente milles  à  l’ouest,  fait  bien  
 extraordinaire,  quand on fait  attention aux vents violens  
 du  S.  et  du S.  S.  O.  que nous  avions  constamment  
 éprouvés.  Probablement  les  terres  du  cap Or-  
 fort  divisent  la masse  des  eaux  de  la mer,  généralement  
 transportée  du  S.  E.  au N.  O . ,  en  deux  branches  
 ,  dont  l’une  file  directement  an  N.  par  le  canal 
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 Saint-Georgês  ,  et  l’autre  au S.  O.  le  long  de  la  côte  
 de la Nouvelle-Bretagne. 
 Dans  la crainte de dépasser le cap Orford,  sans  en  
 avoir  repris  connaissance,  je  m’empressai  de  gouverner  
 au nord,  en  forçant  de voiles ,  et à six heures  
 du  soir  ce  promontoire  se  montra  à  nous  dans  le  
 N.  5»  E.  à  trente-six  milles  de  distance;  une  autre  
 terre  se montrait  à la même  distance  environ dans le  
 N. O. ;  tout  cela  confusément et au  travers  d’un  horizon  
 chargé d’une brume très-épaisse. 
 Comme à l’ordinaire,  la nuit fut une suite de grains  
 et de  rafales  qu’il  fallut  essuyer en courant de petites  
 bordées  sous  les  huniers  au  ris  de  chasse et le petit  
 foc. Au point du jour, nous revîmes le  cap Orford au  
 N.  18°  O . ,  et  je  laissai  porter  sur  ce  point  de  manière  
 à  me  trouver  précisément  sur  son méridien  à  
 l’instant des angles horaires. Après une longue attente  
 el  de  grandes  difficultés  ,  M.  Jacquinot  réussit  enfin  
 à s’en procurer à huit heures  et  demie  et  à neuf heures  
 et demie du matin. Nous n’étions alors qu’à quinze  
 milles  au sud du cap  Orford ,  dont nous reconnûmes  
 aisément  la partie la plus  saillante au bord de la mer.  
 La  côte court  ensuite  au  S.  0 .  ; je  mis  le cap  à  l’O.  
 S.  O.  pour  la  prolonger.  Je me  dirigeais  alors  vers  
 une  pointe  peu  éloignée  et  voisine  d’un  pic  énorme  
 (pic  Quoy),  très-remarquable par sa position  isolée.  
 Entre le pic Quoy et le cap Orford, dans une étendue  
 de vingt-cinq milles,  la côte est uniformément haute,  
 escarpée  et  couverte  de  forêts  épaisses.  La  pointe  
 Owen  se trouve dans  cette  portion  de côte. 
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 Juillet. 
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