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rement être entraînées à de grandes distances de leur
patrie, et réduites à la nécessité de fonder de nou-'
velles colonies sur les îles où le hasard leur permettait
de se réfugier.
La brise a beaucoup molli. Dans l’après-midi elle
a varié au S. S. O., au S., et même a soufflé un instant
au S. S. E. Notre espoir un instant ranimé s’est
encore évanoui, en voyant, à dix heures du soir, le
vent se relever au S. O ., et même à l’O. S. O.
Il y a encore eu vingt-quatre milles de courant à
l’E. N. E. dans les vingt-quatre heures dernières. Au
lieu d’avancer, nous reculons; un temps précieux
s’écoule, et rien n’est cruel comme l’inactivité à laquelle
nous sommes condamnés. Tout cela prouve
combien, dans les entreprises de cette nature, toute
la bonne volonlé est insuffisante, si l’on n’est pas secondé
par la fortune. Je récapitulais aujourd’hui que
depuis un an environ que nous étions à la mer, nous
avions eu plus de soixante jours de tempêtes véritables,
et plus de cinquante jours de calmes ou de vents
directement contraires. A peine avons-nous joui de
soixante journées d’un mouillage paisible.
Nous avons du moins profité de ces retards forcés
pour exercer nos matelots au maniement des armes à
feu. Le caporal Richard est secondé dans ces fonctions
par deux de ses militaires, Delanoy et Coulomb.
Delanoy se distingue par une conduite exemplaire,
un zèle à toute épreuve et beaucoup d’intelligence.
A l’aide d’une faible brise du S. S. O ., j ’ai prolongé
ma bordée dans le nord, et, à midi quarante minutes.
la vigie a signalé la terre. Cette terre était une des
iles basses situées dans l’est de Namouka, et connues
sous le nom de Mango. A une heure et demie, la
vigie a annoncé des brisans à trois ou quatre milles
de distance et à deux quarts sous le vent. J’ai gouverné
droit dessus, prêt à envoyer une baleinière
pour les reconnaître, afin de tirer quelqüe parti du
temps que nous devons perdre dans ces parages. Mais
il a été bientôt constaté que ce prétendu banc n’était
qu’un effet de lumière produit par le reflet d’un
nuage sur la surface des eaux, et quarante-cinq brasses
de ligne ont été filées sans trouver de fond. Alors
j ’ai remis le cap au plus près du vent.
A cinq heures et demie du soir, on distinguait facilement
du nord à l’ouest cinq ou six petites îles couvertes
d’arbres, dont la plus grande, éloignée de huit
ou dix milles dans le nord, pouvait avoir trois milles
d’étendue. Un piton conique et fort éloigné se montrait
dans le N. O., et j'ai pensé que ce devait être
le volcan de Toufoa. A quelque distance sur l’avant
du navire, la mer prenait une teinte blanchâtre.
Comme il eût été imprudent de m’engager au travers
de ce labyrinthe pendant la nuit, j ’ai pris les
amures à bâbord pour me tenir au large. Mais si les
vents persistent au sud , je suis décidé à gagner le
mouillage de Namouka, et à y attendre de bons vents
pour me rendre à Tonga-Tabou; convaincu que je
perdrais mon temps fort inutilement à battre la mer
et qu une relâche sera à tous égards beaucoup plus
intéressante pour nous. Il est fâcheux que la station
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Avril,