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Aussi, à dater de ce jour, l’équipage reçut, au lieu
de pain pour son diner et son souper, des ignames à
discrétion ; il eut deux fois par jour du porc frais en
abondance, et les poules ne leur coûtant presque
rien, les matelots en mangeaient à peu près autant
qu’ils voulaient prendre le soin d’en plumer et d’en
faire cuire. On conçoit qu’avec une pareille abondance
de vivres nos gens n’eurent guère l’occasion de tomber
malades, si ce n’est quelquefois d’indigestion.
Je vis avec satisfaction que les femmes étaient ici
beaucoup plus réservées qu’à la Nouvelle-Zélande. Il
en vint cependant en assez grand nombre dans les
pirogues, mais elles rejetaient pour la plupart avec
dédain les avances des Français, et le petit nombre
de celles qui consentaient à vendre leurs faveurs en
exigeaient un prix fort élevé et l’approbation de leurs
chefs. Ces femmes sont généralement propres, décentes
et d’une figure agréable : quelques-unes ont
des traits nobles et gracieux et des formes parfaites.
Quand je demandai à Singleton le motif de leur
grande réserve à l’égard des Français, il me répondit
que les femmes de Tonga craignaient de gagner les
mauvaises maladies des blancs, et qu’en outre elles
avaient pour les étrangers une répugnance qui provenait
de ce que ceux-ci n’étaient point circoncis. La
première de ces raisons me parut plus plausible que
l’autre.
Les enfans ont particulièrement excité mon attention
pour leur propreté, leur gentillesse et leur douceur.
Tahofa nous a amené ses deux petits garçons
qui sont fort éveillés : le plus jeune a été adopté par
la Reine douairière, ce qui lui confère de grandes prérogatives.
On croit que son ambitieux père voudrait
profiter de cette circonstance pour lui donner un jour
la souveraineté de l’ile. A fin d’accoutumer peu à peu
les autres chefs à regarder cet enfant comme leur supérieur,
cet egui rusé ne s’en approche jamais sans se
soumettre à l’humdiante cérémonie du moe-moe, c’est-
à-dire sans se prosterner devant lui et faire le simulacre
de poser sa tête sous les pieds de l’enfant, cérémonie
naguère imposée à tout chef de Tonga en présence
du Touï-Tonga.
On s occupe avec activité à réparer les avaries 28,
t o m e IV.