contre des grains de pluie et de vent souvent répétés,
et une mer très-dure.
Quand le jour reparut, l’horizon était si obscur
que nous fûmes encore bien long-temps sans revoir
aucune terre. Enfin, à sept heures et demie du matin,
j ’eus la satisfaction de découvrir le cap Saint-Georges
sous le vent à nous dans le N. E. ’/^ E . , à quatre ou
cinq lieues de distance. Je gouvernai pour m’en rapprocher,
en forçant de voiles et laissant porter successivement
à mesure que je ralliais la côte.
Ma première intention avait été de donner dans le
canal formé entre l’île Lambom et la terre de la Nou-
velle-Irlande, pour gagner ensuite le mouillage du
port aux Anglais ; car je ne me souciais point de revoir
le port Praslin, si bien connu par les relâches de
MM. Bougainville et Duperrey. Mais lorsque j ’arrivai
près de la côte, le ciel était si menaçant, et la brise si
incertaine, que je commençai à craindre d’être surpris
par des calmes ou des rafales contraires, dans
un canal aussi profond et aussi resserré. Cela me détermina
à passer par l’ouest et le nord de l’île Lambom.
Dès onze heures et demie nous étions parvenus à
moins de deux encâblures de la pointe occidentale de
cette î le , et nous suivions paisiblement le rivage,
quand nous fûmes tout-à-coup assaillis par un grain
furieux, et tellement chargé de pluie, que nous perdîmes
de vue la terre dont nous étions si près.
Il me fallut serrer le vent bâbord amures pour
attendre une éclaircie. Mais le ciel était complètement
gâté, et les rares embellies qui eurent lieu étaient
mêlées de variations et de sautes de vent qui me jetèrent
sous le vent du port aux Anglais. Obligé de renoncer
à ce mouillage, je me décidai pour le hâvre
Carteret, qui devait nous rester à quatre ou cinq
milles sous le vent, et dont nous croyions parfois distinguer
l’entrée.
Le temps était détestable, de pesantes rafales, une
mer dure et un déluge de pluie rendaient notre navigation
extrêmement dangereuse, à cause des courans.
Cependant jusqu’alors il y avait eu des intermittences
de dix ou douze minutes, et je comptais que cela me
suffirait pour entrer dans le hâvre sans accident.
En conséquence, à une heure cinq minutes, j ’expédiai
la yole sous les ordres de M. Lottin, pour aller
reconnaître la passe, et revenir ensuite nous guider
vers le meilleur mouillage. Quelques minutes s’étaient
à peine écoulées depuis le départ de M. Lottin, lorsqu’un
grain épouvantable, et plus épais que tous les
précédens, nous fit perdre de vue le canot et les îles
de l’entrée du hâvre, alors à peine éloignées de deux
milles. Par une inconcevable fatalité, dans tout le
reste de la journée, il n’y eut plus une seule embellie.
Je fus contraint de rester aux petits bords ; cinq
fois la terre s’étant montrée confusément au travers
de la brume, cinq fois je tentai de gouverner sur l’entrée.
Mais chaque fois, au bout de deux ou trois minutes,
la pluie revenant à tomber par torrens, tout
disparaissait à mes yeux, j ’étais obligé de renoncer à
mon dessein, et de reprendre le large. Ces diverses
manoeuvres, jointes au courant qui nous portait avec
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