VO Y AG E
et vous ne pourrez point aller à la grande terre de vos
frères. Comment pourriez-vous le faire avec vos mauvaises
pirogues ? Mais vos frères viendront et commerceront
à Tonga , quand cela leur fera plaisir. »
Mariner ajoute que les chefs et les mata-boulais lui
avaient souvent affirmé qu’ils tenaient ce récit de leurs
pères el de leurs grands-pères ■.
Nous sommes obligés de renvoyer au récit de ce
voyageur, à l’égard de deux autres traditions non
moins singulières, l’une qui a rapport aux premiers
habitans de Tonga, l’autre louchant l’origine divine
des tortues, pour lesquelles beaucoup d’insulaires
ont une vénération marquée 2.
Ils n’ont aucune opinion fixe sur la nature du Bo-
lotoii, qu’ils placent au-dessus des nuages, à peu
près comme toutes les nations du monde ont fait du
séjour de leurs dieux.
Ils pensent que la terre est plate et finit brusquement
aux limites de l’horizon. Le soleil et la lune,
dans leur course, passent au travers du ciel, et reviennent
chaque jour, par une route inconnue, au
point d’où ils sont partis le matin.
Les taches de la lune représentent une femme assise,
occupée à battre du Les éclipses du soleil et
de la lune sont occasionées par des nuages épais qui
passent sur leur disque 3.
L ’ame humaine est une substance déliée et presque
DE L ’ASTKOLABE. 2 9 9
I Marinier, II , p. 1 12 el suiv.
3 Mariner, I I , p. 12 1 .
— 2 Mariner, I I , p. i i 5 el suiv. —
aériforme, attachée au corps pendant la vie, el qui
l’abandonne brusquement au moment de la mort.
Celte ame est au corps à peu près ce que le parfum
d’une fleur est à sa partie matérielle. Distribuée dans
toute l’étendue du corps humain, elle réside plus spécialement
dans le coeur, et surtout dans le ventricule
droit. Ces hommes n’accordent pas au cerveau
d’autre emploi que d’ètre le siège de la mémoire; car
ils ont observé que, pour se rappeler quelque chose,
ils se frottaient la tête et portaient la main au front.
C ’est pour une raison semblable qu’ils placent le
courage dans le foie, ayant remarqué que cet organe
était plus dilaté chez les grands guerriers, toutes
les fois que cet accident n’avait pas lieu par suite de
maladie g
Cette classe d’hommes porte à Tonga le nom de
fahe-gueha, qui signifie séparé, distinct, par allusion
à la nature de leur espi it qu’on suppose différente
de celle des autres, afin de pouvoir être inspirée
par les dieux. Ln effet, c’est dans ce privilège seul
que consiste le caractère des prêtres; hors de ces
momens d’inspiration, où on leur rend les mêmes
honneurs qu’à la divinité elle-même, ces hommes ne
jouissent dans la société d’aucune autre considération
que celle qui est due à leur rang : or, ce rang s’élève
rarement au-dessus de celui de mata-boulai ou d’egui
du dernier ordre. Il peut arriver néanmoins que de
grands chefs et le roi lui-même soient inspirés par la
divinité 2.
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